40 ans de déréglementation du marché du travail

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  • @reka @fil @visionscarto Question pour les cartographes et autres concepteurs de visualisations. Ce matin je trouve près de mon clavier un tract de la CGT qui reprend une idée que j’avais eue de faire une histoire du droit du travail, ses grandes dates, comme la limitation de la journée de travail à onze heures en 1900, les congés payés en 1936, la semaine de 40 heures en 1946, les 35 heures en 1998 et puis des trucs moins folichons, la retraite à 62 ans et la future loi El Khomri, pour s’apercevoir, finalement qu’à partir de 2002 s’enclenche une régression sociale claire.

    Et donc je me demande comment on pourrait quantifier les choses pour représenter ce déclin, éventuellement le mettre en relation avec des éléments de contextes économiques, sociaux et démographiques ?

    Y aurait moyen de se représenter les choses ? Est-ce que cela aurait un sens ? Est-ce que ce n’est pas compter des carrottes avec des pommes de terre ?

    • Ce serait très intéressant de faire l’expérience. Pour travailler dans l’ordre, il faut tout d’abord constituer un tableau élémentaire avec en ordre chronologique tous les événements que l’on considère important pour le sujet. Tu en cites déjà quelques uns, in faut sans doute faire une recherche pour identifier des étapes importantes, soit pour le progrès, soit pour la dégradation. En plus des questions de droit et de lois, Il faut rechercher un peu chez certains économistes qui ont travaillé sur les salaires (entre autres) et qui ont montré que les salaires sont resté très stagnant relativement à l’évolution générale des autres élements de l’économie (ce n’est qu’un exemple) Une fois le tableau constituer, c’est la matière du tableau qui suscite ou suggère l’image que l’on peut en donner. J’ai déjà une vague idée, mais pour que ce soit moins vague, il faudrait un tableau le plus exhaustif possible. La figure mentionnée par Fil est une solution possible, j’en vois d’autres qu’il faudra tester.

      Du coup je vais consacrer une petite heure la semaine prochaine pour faire quelques recherches, je pense qu’il existe déjà des chronologie. J’ouvre un dossier droit du travail que je place dans la dropbox, et j’invite qui veut participer (uploader le résultat de vos recherches et consulter les esquisses expérimentales ... quand elles seront faites) -> écrire à reka@visionscarto.net

      Je vais aussi regrouper dans cette drop tout ce que j’ai sur le sujet dans mes archives.

    • 1900 : limitation de la journée de travail à 11 heures (10 heures tente en 1902 et 10 heures en 1904) (et à l’époque on travaillait aussi le dimanche ?, soir 77 heures par semaine)
      1906 : instauration du repos dominical, ainsi que création d’un ministère du travail et de la prévoyance sociale.
      1907 : création des conseils des prud’hommes et élection à parité de patrons et de salariés.
      1919 : création des conventions collectives et journées de 8 heures (là on sent qu’il a fallu lâcher du lest après le génécide social de la première guerre mondiale)
      1930 : adoption de la loi sur les assurances sociales couvrant maladie, maternité, chômage, invalidité, vieillesse et décès.
      1936 : signature des accords de Matignon entre le gouvernement et le Front Populaire, la patronat et la CGT. Ils instituent les contrats colelctifs, les délégués du personnel, 15 jours de congés annuels payés et la semaine de 40 heures.
      1944 : le conseil nationale de la résistance préconise la création d’une Sécurité Sociale, la sécurité de l’emploi, le droit au travail et à la retraite.
      1946 : rétablissement des semaines de 40 heures de travail qui avient été abrogées en 1941 (on note qu’il quand même fallu deux ans pour y consentir)
      1947 : instauration du salaire minimum vital
      1950 : création du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui deviendra le salaire minimum de croissance (SMIC)
      1956 : 3ème semaine de congés payés
      1962 : 4ème semaine de congés payés
      1967 : participation des salariés au bénéfice de l’entreprise.
      1972 : loi égalité hommes/femmes
      1975 : accord entre le CNPF et les syndicats ouvriers sur le pourventage des indemnités de licenciement économique (90% du salaire annuel brut). On note que c’est deux ans après la première crise pétrolière de 1973 et donc le début du chômage de masse, en 1974, il y a 100.000 chômeurs en France, en 1980, un million. (aujourd’hui c’est nettement moins, 1/7 de mois pêndant 7 ans puis 3/5 ème de mois pour toutes les autres années, il serait intéressant de savoir comment et à quel rythme s’est fait la baisse).
      1982 : semaine de 39 heures et 5ème semaine de congés payés.
      1991 : le harcèlement sexuel est un délit
      1998 : adoption de la loi des 35 heures, effective en 2000
      2000 : allègement des cotisations sociales pour les entreprises passées aux 35 heures (loi Aubry II)

      Et à mon avis c’est à partir de là que s’opère le déclin. La retraite à 62 ans et la menace qu’elle passe très prochainement à 63 ans. Voilà @reka je suis à peu près certain que des personnes comme @colporteur ou @cqfd, d’anciens collègues aussi, sans doute, bref, pour ne mentionner qu’eux, peuvent t’apporter des dates à partir de 2000.

    • @reka J’ai failli ne pas oser en parler. Je suis content de l’avoir fait. Et je suis naturellement très impatient de voir ce que cela donne, et voir comment cela sera sûrment très différent que tout ce que je peux imaginer. Je vais regarder ce que je peux trouver de chiffré par rapport aux dates, mais surtout retrouver les dates du déclin. A à un moment j’avais commis ce fichier :

      http://www.desordre.net/bloc/extreme_droite

      Il doit me rester des brouillons et des bouts de trucs, si je trouve des trucs intéressants je te les poste

    • Euh, excusez, je complique mais on ne peut se faire une idée exacte du droit du travail sans faire le lien avec le droit AU chômage, c’est à dire la protection du travailleur confronté au #chômage, phénomène qui a commencé à croître dès 1967.
      voir par exemple
      Pas de droit du travail sans #droit_au_chômage !
      http://seenthis.net/messages/467923

      Et ne pas oublier la mensualisation, acquis ouvrier contre le salaire à la tâche, aux pièces (1966 ? 67) le passage du SMIG (panier de biens préservé de l’inflation) au SMIC (indexation du salaire minimum sur la croissance, c’est à dire une mesure de la productivité sociale, en 1967), car d’une part c’est dès 1976, avec les « stages Barre », que l’on crée des emplois « jeunes » ou/et chômeurs (en plus de l’intérim) dont le salaire est inférieur au SMIC, et que dans les années 90, socialistes, l’individualisation des salaires vient à rebours de toute la logique collective antérieure.

      Pour ce qui est du chômage/précarité de l’emploi (et du travail, généralisation des stages), je ne me lance pas ici faute de connaissances suffisantes à ce stade. Quelques repères tout de même, sans oublier que ce sont parfois les pratiques plus que les textes qui modifient radicalement la donne (par ex généralisation de la sous-traitance, « externalisation des services », ou nécessité des stages en entreprises tout au long des divers cycles de formation).

      1958 création de l’Unedic
      1967 création des annexes 8 et 10 (spectacle)
      1974 création de l’allocation supplémentaire d’attente qui garantissait aux licenciés 90% de leur ancien salaire brut (soit un net supérieur au salaire nominal hors primes), celle ci est supprimée, selon moi en 1979 (sans certitude), selon louis Maurin en 1982,
      http://www.crdp-montpellier.fr/ressources/dda/exclusion/dda3_413_1.HTML
      1982 , tournant majeur, la création des « filières d’indemnisation » à l’Unedic qui saucissonne les droits en les proportionnant strictement à la durée antérieure d’affiliation (basculement de la majorité des chômeurs dans la non indemnisation), l’idée reçue selon laquelle le « tournant de la rigueur socialiste » daterait du blocage des salaires de 1983 est fausse, ce « tournant » a débuté contre les chômeurs et précaires, sur les allocations chômage.
      1988/89 création du RMI (...)
      1992 instauration de l’allocation unique dégressive (supprimée en 2001 par le Pare et son « allocation de retour à l’emploi ») et suppression de l’allocation formation reclassement (AFR) qui permettait de disposer d’un revenu pour se former, au départ y compris pour des formations sans lien étroit avec les emplois disponibles, les professions, et dont les critères avaient été progressivement durcis (aujourd’hui un chômeur ne peut espérer une alloc que pour une formation brève vers des « métiers en tension »)
      Rabotages successifs des droits des saisonniers et intérimaires, du chômage en activité à temps réduit (chrono et détail à établir
      2007 instauration du RSA (...)
      2014 : 1 jour cotisé un jour indemnisé devient le principe de base avec une durée plafond réduite.

      ...

      Il ya bien des événements de ce genre qui demandent à être caractérisés, analysés, qui peuvent pas apparaître dans une chronologie sans phrases, qui sont des déplacements plus que des progrès ou régression. Ainsi la RTT (35 H) est aussi ne mesure de flexibilisation/ annualisation du temps de travail qui ne peut être décrite en terme d’"accord gagnant/gagnant comme on aime à le faire ces dernières années dans la logique de défense d’un supposé contrat social.