L’habitat du futur sera partagé

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  • L’habitat du futur sera partagé - Le Temps
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    Espaces partagés entre les locataires d’un immeuble, pièce supplémentaire à louer pour une courte durée : face au défi de la densification et à l’évolution des structures familiales, de nouvelles formes de logement font leur apparition en Suisse

    La grande terrasse commune du huitième étage, équipée de grills, offre une vue imprenable sur les collines qui entourent Zurich. Et si la météo ne se prête pas à un barbecue entre voisins, les habitants peuvent toujours se rabattre sur le sauna ouvert à tous, accessible depuis le même palier. Bien loin des cafés bobos du centre-ville, c’est à Schwamendingen, une banlieue que les citadins se plaisent à regarder de haut, qu’a été inauguré cet été l’un des projets d’habitation les plus novateurs du pays. Promoteurs immobiliers, collectivités publiques et étudiants en architecture de Suisse et de l’étranger se pressent pour visiter cette immense coopérative de 380 appartements et 1200 habitants, répartis dans treize immeubles.

    « Nous avons voulu créer un laboratoire d’innovations en matière de logement durable, qui favorise les interactions sociales et offre des loyers raisonnables », indique Claudia Thiesen, membre du comité directeur de la coopérative, baptisée « Mehr als wohnen ». Chaque personne dispose de 35 m2, alors que la moyenne suisse se situe autour de 50 m2, une manière d’atteindre les objectifs écologiques et économiques. Cette réduction des surfaces privées est compensée par la présence de nombreux espaces partagés. La coopérative comprend, par exemple, dix salles communes dont les habitants peuvent choisir l’affectation. L’une s’est vue transformée en lieu de méditation, une autre en atelier de réparation, une troisième en salle de projection de films. Autre illustration : un des immeubles, qui ne possède pas de balcon, offre un grand jardin d’hiver et une cour intérieure pour tous.

    Agrandir son appartement en fonction de ses besoins

    Mehr als wohnen propose aussi aux résidents de louer des pièces supplémentaires, une manière d’agrandir son appartement en fonction de ses besoins. Certains bâtiments disposent ainsi de bureaux qui peuvent être associés à un bail pour une durée déterminée. Le même principe existe pour des chambres avec salle de bains.

    « Nous les avons envisagées comme une solution intéressante pour les familles qui veulent accueillir un parent âgé pour quelque temps, explique Claudia Thiesen. A l’heure actuelle, la plupart sont occupées par des jeunes adultes qui souhaitaient être indépendants de leur famille sans quitter totalement la maison. » Les habitants ont également la possibilité de réserver à l’heure quatre salles dédiées à la pratique d’un instrument de musique. Et vingt-deux chambres d’amis sont disponibles à la location dans le bâtiment situé à l’entrée du complexe, une structure qui fonctionne aussi comme un hôtel ouvert au public.

    Ces nouvelles frontières entre commun et privé trouvent leur illustration la plus poussée dans une quinzaine d’appartements construits selon le principe de « cluster » : des unités d’habitation privatives (composées de deux pièces, d’une salle de bains et d’une kitchenette) reliées par un espace qui comprend un grand salon et une cuisine. « Nous proposons un large éventail de logements, du studio au « cluster », en passant par des appartements plus conventionnels de toutes tailles. Cela donne la possibilité aux coopérateurs de changer en fonction de l’évolution de leur situation personnelle et familiale », précise Claudia Thiesen.

    A une échelle moins importante, d’autres coopératives zurichoises (Kalkbreite, Kraftwerk, Giesserei à Winterthour) ont adopté des approches similaires ces dernières années. En Suisse romande, cette nouvelle organisation de l’espace fait peu à peu son chemin. La Coopérative de l’habitat associatif (Codha) joue un rôle de pionnier, avec l’intégration de « clusters » à tous ses nouveaux projets. Les premiers verront le jour à Genève, à Chêne-Bougeries, en 2017, puis à l’écoquartier de la Jonction l’année suivante.

    « La plupart des acteurs du marché construisent en pensant au cadre familial traditionnel "deux parents, deux enfants". Ce schéma représente seulement 30% de la demande de logements, constate l’architecte lausannois Yves Dreier, associé du bureau Dreier Frenzel, pilote du projet d’écoquartier de la Jonction. Le défi consiste à tenir compte des besoins des personnes seules, des couples, des colocations, des familles monoparentales ou recomposées dont la taille varie, et du fait que les structures familiales changent environ tous les dix ans. »

    Plus d’autonomie 
que la colocation

    A la Codha, c’est un groupe de seniors qui a initié la démarche. « Ils ne voulaient pas d’un mode de vie solitaire dans un appartement trop grand, mais craignaient de se retrouver dans une surface exiguë qui ne leur permettrait plus d’organiser des repas de famille et d’accueillir leurs petits-enfants pour le week-end, indique Rosanna Ulmi, architecte pour la coopérative. A cet égard, la solution des "clusters" offre une grande flexibilité. »

    L’idée a finalement interpellé au-delà du groupe initial, et rallié aussi bien des familles que des étudiants séduits par cette nouvelle forme de vie en commun, qui permet davantage d’autonomie que la colocation. Un appartement accueillera par exemple une famille de quatre personnes, ou trois seniors et deux jeunes. Les plans ont été adaptés pour répondre aux besoins des différentes constellations. Certains "clusters" auront une chambre d’amis, d’autres un espace bureau à partager. « Cette manière d’agglutiner des petits appartements permet d’économiser des mètres carrés », souligne l’architecte Yves Dreier, qui préfère parler d’intensification plutôt que de densification, un terme souvent perçu de manière négative.

    Pour l’heure, ces initiatives se développent quasi exclusivement dans un cadre coopératif. A Zurich, un immeuble réalisé en 2011 par l’architecte Vera Gloor comprend un appartement "cluster". Et l’approche suscite l’intérêt de promoteurs qui visent une clientèle de jeunes expatriés désireux de rencontrer des gens sans renoncer à un certain confort. « Cela reste une niche, même si nous constatons un engouement au niveau public, indique pour sa part Yves Dreier.

    Contrairement aux coopératives qui ont les moyens de connaître les demandes et les aspirations de leurs membres, en particulier grâce à leur démarche participative, miser sur la mutualisation de certains espaces représente un risque pour un investisseur privé. » L’architecte n’exclut toutefois pas que le concept se répande, une fois que les premières expériences auront fait leurs preuves.

    #habitat_coopératif #Suisse