• Un point de vue intéressant sur les agressions de Cologne. Toutefois, je n’adhère pas à ce que Madame Tamzali affirme comme explications des évènements tragiques vécues par ces femmes. L’explication correcte est loin d’être telle ; on peut expliquer ce qui s’est passé en recourant à un peu d’anthropologie et de psychanalyse.
    Reste que ce qui est le plus intéressant dans cet entretien est qu’elle affirme qu’on (qui est ce ’on’ ?) lui a demandé de dire des choses.
    http://www.liberte-algerie.com/entretiens/jamais-on-ne-me-fera-peur-avec-lislam-247072

    (...)
    Évidemment, j’ai reçu une très forte pression des radios et des journaux pour dénoncer l’islam, pour entrer dans le concert des dénonciations. Je me suis disputée avec un présentateur, et à la fin, je lui ai dit : que voulez-vous que je vous dise, que je suis mieux à Paris qu’à Alger ? J’ai dit à mes amis de prendre un hélicoptère et de voir ce que sont devenus l’Irak, la Syrie et la Libye, de voir le monde arabe détruit. J’ai des amies féministes avec qui j’ai pris mes distances, car elles ont tellement appuyé les discours dans lesquels on crachait sur les Arabes. Pourtant, ce sont des femmes intelligentes qui savent très bien que ce n’est pas comme ça qu’on parle. Quand on fait l’analyse de la situation, on ne peut pas dire que c’est la religion, celle-ci ne peut ni violer ni parler.
    (...)

    #islam #islamophobie #Cologne #Algérie #femme #féminisme #France #médias

  • Discuter avec un salafiste ?
    http://analysedz.blogspot.com/2016/05/pourquoi-le-regime-algerien-tolere-ou.html

    (...)
    –Lyes : « Les thèmes importants en Algérie actuellement sont nombreux, mais à leur tête il y a la maladie de Bouteflika, qui gouverne réellement et qui lui succèdera, serait-il le corrompu Chakib Khelil ? »
    –Salafiste : « Écoute mon frère, ce qui est illicite en religion, nous n’en parlons pas. Et la question de Bouteflika et de qui gouverne, c’est en religion illicite (la yadjouzou char‘ane) d’en parler et le devoir est l’obéissance de préférence. »
    [Voyant clairement une excommunication implicite, je ne réponds pas pour qu’elle ne devienne pas explicite. Et le salafiste continue :]
    (...)

    #Algérie #islam #islamisme #salafisme #djihadisme #terrorisme #démocratie #laicité #Bouteflika

  • Salafisme et régimes arabes autoritaire font bon ménage
    http://analysedz.blogspot.com/2016/05/pourquoi-le-regime-algerien-tolere-ou.html


    (...)
    En Algérie, le poids de la religion n’échappe à aucun observateur. L’historien Mohammed Harbi écrit dans un article paru en 1994 : « l’islam est inscrit dans les profondeurs de la réalité algérienne. Il n’est pas une structure religieuse autonome et circonscrite dans une société aux pratiques sécularisées. Il a façonné l’espace symbolique où s’est inscrit le politique. Et l’action de l’État en place depuis 1962 n’a en rien modifié cela parce que jamais n’a été entreprise l’institution d’un nouvel espace national qui aurait opposé sa ferveur civique au poids du religieux. »
    Si tel est le cas de l’Algérie, il faut aussi parler avec Edward Said des islams. Par rigueur. Car, on le sait, il y a à peu près autant d’islams que de musulmans, autant de corans que de lectures de coran et autant de lectures que de lecteurs, etc.
    (...)

    #Algérie #islam #islamisme #salafisme #djihadisme #terrorisme #démocratie #laicité

  • « Comment devenir ministrable en Algérie ? L’approche biographique est la plus indiquée, en sociologie, pour y répondre. Examinons un cas. »
    http://analysedz.blogspot.com/2016/05/hamid-grine-selon-un-journaliste.html

    (...)
    Les mœurs du régime algérien étant ce qu’elles sont, pourquoi choisir un journaliste et écrivain à ce poste ? Hamid Grine était aussi autre chose. Longtemps, il était le chargé de communication de Djezzy. Devenir ministre de la communication après avoir été le chargé de communication d’une grande entreprise peut sembler une promotion.
    (...)
    Après avoir résumé une mésaventure avec Hadda Hazzam du quotidien arabophone Al-Fajr, Mahmoud Belhimer parle du sieur Grine.
    Voici son témoignage :
    (…) J’ai vécu aussi un autre problème lié à la pression qu’exerce sur la presse les pouvoirs financiers. Ces derniers menacent notre presse jusqu’à sa mise à genoux. Vous connaissez tous un certain Hamid Grine, directeur de la communication de Djezzy. Ce monsieur, fort de sa position de distributeur de la manne publicitaire : pages de pub, puces, voyages, a ‘‘colonisé’’ tous les journaux (TAHANHOUM). Il est le vrai rédacteur en chef ; il peut même licencier des journalistes, les affecter et choisir ceux qui couvrent les activités de Djezzy. La presse a fait de lui un grand romancier dépassant les écrivains connus comme Rachid Boudjedra et…le grand Balzac ! Le malheur est que toute la presse a accepté de sacrifier sa liberté contre quelques téléphones mobiles, pages de pub offertes par Grine. Les patrons des journaux acceptent TEHIN et ERROUKHSS. La presse algérienne peut critiquer Toufik, l’homme fort du DRS, mais jamais Djezzy, comme l’écrivait un jour mon ami Hassane Moali d’El Watan !
    Hamid Grine a créé beaucoup de problèmes à des journalistes honnêtes qui refusent de collaborer avec lui dans ce jeu de bandits et de rentiers, comme mon ami Faycel M’djahed de Liberté, qui a dû quitter son journal à cause de lui. Et bien sûr, moi aussi il essayait de me créer des problèmes lorsque j’étais rédacteur en chef adjoint à El Khabar. Il a demandé à mes responsables de me licencier sinon Djezzy cesserait de donner la pub à El Khabar. Une menace de l’asphyxier financièrement puisque les revenus de la pub de Djezzy à El Khabar dépassent les 2 milliards de centimes par mois ! Heureusement que les responsables du journal étaient à mes côtés.
    Je vais partager avec vous ces SMS que j’ai eu à échanger avec ce ‘‘Grand écrivain romancier’’ que je garde pour l’histoire de notre presse.
    Hamid Grine, chargé de la communication à Djezzy, m’envoie un message le lundi 13 mars 2006 à 22h 30mn, voici le texte : ‘‘Tu censure nos communiqués, j’en informe Ali’’ (Ali est le PDG d’El Khabar). Ma réponse par SMS : ‘‘Réponse : 1. c’est moi qui ai insisté pour que le communiqué sortira demain. 2. Daz Maahoum Anta waali djerri Taak 3. Je suis responsable à El Khabar et je ne serais jamais un esclave de Djezzy. 4. et fin, je ne vais jamais être acheté par une puce, portable, dîner, ou même un voyage à l’étranger. Mahmoud Belhimer’’. Hamid Grine, envoie ce message à mes responsables à El Khabar et m’envoie un autre SMS : ‘‘C’est un message de voyou, je ne m’abaisserai pas à ton niveau, On ne joue pas dans la même division, je demanderai des sanctions à Ali que tu insultes’’.
    Ma réponse par SMS : ‘‘1. le voyou c’est celui qui menace un journaliste pour publier un communiqué. 2. le niveau ? Oui, un Huntington de Djezzy qui se croit le seul détenteur du monopole du savoir ! 3. Ta division, c’est les Zéro. 4. et fin. Encore une fois, Daz Maahoum 200 pour 100. Mr Belhimer’’. Himid Grine continue dans la provocation et l’insulte par SMS toujours, et envoi ceci. ‘‘Nedjma te paye combien’’. (J’ai un numéro Nedjma) J’ai décidé de ne pas répondre après insistance de mes responsables.
    Voilà mes amis une histoire parmi d’autres (…)

    #Algérie #corruption #Monde_arabe #Maghreb #Grine #journalisme

  • http://analysedz.blogspot.com/2016/04/les-causes-de-lechec-doccupy-wall.html

    Après avoir suscité un immense espoir partout dans le monde et non seulement aux États-Unis, le mouvement Occupy Wall Street s’est essoufflé peu à peu pour s’éteindre définitivement — au moins comme mouvement populaire d’envergure. Cet échec, si décevant, appelle l’analyse. D’autant plus qu’actuellement, en France, Nuit Debout semble reproduire certaines de ses erreurs fatales.

    Occupy et Nuit Debout
    Si la protestation en France commence contre la loi El Khomri, elle ne tarde pas à voir cette revendication diluer, pour ne pas dire disparaître. Et puis se pose la question des porte-paroles sérieusement. Frédéric Lordon, fin analyse du capitalisme contemporain certes, est-il pour autant pertinent dans ses interventions à Nuit Debout et, par ailleurs, le représente-t-il ?
    « Pas de leader, pas de revendication, pas de thématique affichée dans le mouvement Nuit Debout : est-ce une force ou une faiblesse ? », s’interroge Le Monde. Une faiblesse sans doute. Et elle avait déjà caractérisé Occupy. D’où, à mon avis, l’intérêt particulier de l’analyse que propose le journaliste américain Thomas Frank sur cette « contestation amoureuse d’elle-même », publié en janvier 2013 par Le Monde diplomatique. En effet, il n’a jamais suffi d’avoir raison et d’être animé par de bonnes intentions pour réussir, notamment pour un mouvement social.

    (...)
    La question à laquelle les thuriféraires d’OWS consacrent des cogitations passionnées est la suivante : quelle est la formule magique qui a permis au mouvement de rencontrer un tel succès ? Or c’est la question diamétralement inverse qu’ils devraient se poser : pourquoi un tel échec ? Comment les efforts les plus louables en sont-ils venus à s’embourber dans le marécage de la glose académique et des postures antihiérarchiques ?
    Les choses avaient pourtant commencé très fort. Dès les premiers jours d’occupation de Zuccotti Park, la cause d’OWS était devenue incroyablement populaire. De fait, comme le souligne Todd Gitlin (5), jamais depuis les années 1930 un thème progressiste n’avait autant fédéré la société américaine que la détestation de Wall Street. (...)
    Ce qui se tramait à Wall Street, pendant ce temps-là, a suscité un intérêt moins vif. Dans Occupying Wall Street, un recueil de textes rédigés par des écrivains ayant participé au mouvement (6), la question des prêts bancaires usuraires n’apparaît qu’à titre de citation dans la bouche d’un policier. Et n’espérez pas découvrir comment les militants de Zuccotti comptaient contrarier le pouvoir des banques. Non parce que ce serait mission impossible, mais parce que la manière dont la campagne d’OWS est présentée dans ces ouvrages donne l’impression qu’elle n’avait rien d’autre à proposer que la construction de « communautés » dans l’espace public et l’exemple donné au genre humain par le noble refus d’élire des porte-parole.
    (...)

    #Occupy #NuitDebout #Protestataion #Manifestation #France #USA #Amérique

  • Pourquoi le système politique algérien ne se réformera jamais ?
    La première partie évoquait l’inculture des dirigeants (avec des généraux dont le niveau, comme le plus haut gradé du pays, Ahmed Gaïd Salah, est primaire), la mentalité élitiste (paradoxalement compte tenu du niveau bas), et la corruption massive.
    Extraits de la deuxième partie.

    http://analysedz.blogspot.com/2016/04/pourquoi-le-regime-algerien-est.html

    4. La hiérarchie militaire
    Même dans l’armée, ce qu’on appelle les « jeunes officiers » sont fascinés par des supérieurs richissimes et omnipotents, dont certains devenus mythiques à leurs yeux. Chacun des généraux analphabètes fonde une dynastie. Les « jeunes officiers » ne rêvent que de les remplacer avec toujours les privilèges auto-octroyés, l’inculture et l’anti-démocratie. C’est pourquoi l’exemple portugais (c’est-à-dire les capitaines démocrates révolutionnaires) ne sera pas réédité en Algérie. Ahmed Rouadjia écrit : « La jeune génération d’officiers plus instruits et mieux formés que leurs aînés dans les grandes écoles soviétiques, occidentales et nationales, après l’indépendance, s’est trouvée complètement inféodée, bridée puis maintenue en laisse par la gérontocratie de militaires hauts gradés, comme le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, et d’autres généraux du même acabit. Usés jusqu’à la corde par le pouvoir, gangrenés par la corruption, contaminés par le goût de la licence et de la luxure, certains officiers hauts gradés ont une conception d’autant plus étroite et étriquée du monde qu’ils n’ont pas d’autres projets grandioses que ceux de dépouiller l’État de ses prérogatives régaliennes en vidant le trésor public à la faveur de l’économie rentière. » Loin de répugner les jeunes, ils les fascinent. Il n’y aura jamais de militaire sauveur en Algérie.

    5. Le soutien de l’Occident
    Le soutien effectif et officiel de l’Occident, tout particulièrement les États-Unis et la France, au système politique algérien est un élément fondamental. S’agissant de la France, elle n’a plus le choix, l’État français étant le complice d’abord volontaire du système politique algérien. Rappelant l’impunité de l’assassinat de l’opposant algérien Ali André Mécili à Paris début avril 1987.
    La droite française comme la gauche, mais surtout la gauche, sont totalement corrompues depuis 1962 (voir Nicolas Beau, Paris, capitale arabe, éd. du Seuil) à tel point que seule l’extrême-droite française est hostile au système politique algérien — mais cette hostilité de l’extrême-droite est celle envers toute l’Algérie, peuple et histoire.
    Par son acceptation de la division internationale du travail, par la dévastation des forces productives intérieure, le régime algérien arrange les Américains qui ne demanderaient pas mieux, sauf peut-être Chakib Khelil comme président...

    6. Les crimes de la décennie 1990
    Les décideurs coupables d’effroyables crimes (et leurs clientèles) durant la décennie 1990 feront absolument tout pour dissuader leurs « camarades » moins impliqués, si tant est que l’idée démocratique effleure l’esprit de ceux-ci. En effet, pour les coupables, même fuir à l’étranger est impensable depuis le Printemps arabe. L’Algérie — et l’Algérie dans le statuquo — est leur otage.
    (...)

    7. La rente pétrolière
    In fine, la rente des hydrocarbures qui permet de financier tout ce merdier.
    (...)

    #Algérie #France #USA #extrême-droite #gauche #Pétrole #crime #Occident #Bouteflika

  • L’Algérie, dans une crise générale majeure, est à la veille d’un désastre dès l’amenuisement de ses réserves constituées au temps du baril à plus de 100$. Pourtant, la société est léthargique et l’autisme du régime, à l’image d’un président longtemps mourant, semblent indiquer le contraire. Pourquoi le système politique algérien ne se réforme pas ?

    Extraits d ela première partie d’un article paru sur AnalyseDZ
    http://analysedz.blogspot.com/2016/04/pourquoi-le-systeme-politique-algerien.html

    (...)
    Bien que l’absence de projet économique et social sérieux soit manifeste, le système politique refuse toutes les leçons de l’histoire, algérienne et mondiale, en consolidant son autoritarisme comme s’il n’était pas illégitime, comme si les dirigeants étaient compétents et comme si cette attitude irrationnelle serait productive. Pourquoi donc le système politique algérien refuse-t-il de se réformer ? Esquisse d’une réponse :

    1. L’inculture
    L’impéritie et l’infériorité intellectuelle des dirigeants, tous, civils et militaires confondus, raillés à juste titre par la population et (désormais avec l’inénarrable Sellal) le monde, est un problème majeur. Les décideurs algériens, notamment les militaires, sont d’une inculture incroyablement profonde. Le sociologue Ahmed Rouadjia écrit dans une étude récente que « ce qui différencie le régime algérien des autres régimes du même acabit, c’est moins l’autoritarisme que l’inculture de la caste militaire sur laquelle il s’arcboute. En effet, le cursus, tant scolaire que militaire, de la plupart des officiers supérieurs de l’armée algérienne, sinon la majorité d’entre eux, qui ont présidé et qui continuent jusqu’à présent à présider au destin du pays, s’avère à l’examen attentif sinon affligeant, du moins assez médiocre. Beaucoup d’entre eux sont devenus en effet des généraux sous la présidence de Chadli Benjdid qui avait lui-même institué ces hautes distinctions, alors que traditionnellement ces marques distinctives sont réservées aux gens de mérite et aux soldats qui se sont illustrés aux champs de bataille, comme les généraux allemands, français, russes, ou vietnamiens, tel le fameux général Giap, le vainqueur des troupes françaises du Diên Biên Phu. Comme les officiers qu’il avait promus au grade de général, Chadli Benjdid, issu lui-même comme ses pairs de la DAF (déserteurs de l’armée française) ayant rejoint très tardivement les rangs de l’ALN et du FLN, n’avait pas ou à peine le niveau de certificat d’études primaires. »
    (...)
    En tout état de cause, si un homme comme le général Toufik, autoproclamé d’après un témoignage « dieu de l’Algérie », pouvait tirer intellectuellement des leçons, il n’y aurait pas eu la fin pitoyable ou risible (c’est selon le tempérament et l’opinion de chacun) qu’il est en train d’avoir en ce moment…

    2. Profondeur de la mentalité antidémocratique, élitisme contradictoire
    L’hostilité, par principe, des décideurs algériens à la démocratie. Dans celle-ci, c’est un élément, son « accountability » (rendement de comptes), qui les répugne. Ils partagent avec les islamistes radicaux, pour des raisons différentes, la vision selon laquelle le peuple ne peut être source de légitimité ; à leurs yeux, c’est une populace, un conglomérat de tubes digestifs à remplir de nourriture et de bras à essayer de faire travailler (et la rente pouvait garantir la nourriture et remplacer le travail). Ce qui relève du paradoxe, car la tentation de qualifier les décideurs algériens de canaille est compréhensible tant il s’agit d’un constat objectif
    (...)
    Ainsi, dans un article paru aujourd’hui sur El Watan, le politologue Rachid Tlemçani relève une confusion des laudateurs de Chakib Khelil et autres corrompus : « Le discours technocratique est mis en exergue, comme si la crise nationale n’est pas une crise de légitimité, politique, mais d’ordre technique. » Aujourd’hui comme hier, cette hostilité envers la démocratie, est enraciné dans les mentalités des dirigeants et leurs proches.

    3. La corruption
    Son ampleur parmi les groupes que sécrétés par système est effarant. En effet, Franco avait désigné le roi d’Espagne comme successeur, mais celui-ci avait consenti volontiers, sans contrainte, une monarchie constitutionnelle (voir l’étude déjà cité de Rouadjia). Dire que la culture démocratique était partagée par les élites dirigeantes d’Espagne y compris sous Franco ! Chose dont l’équivalent n’aura jamais lieu en Algérie. Comme l’écrit Rachid Tlemçani dans le même article, « pratiquement l’ensemble de la classe politique est impliquée d’une manière ou d’une autre dans des scandales financiers. » Cet universitaire estime la corruption à quelques 300 milliards de dollars. En vérité, si l’on donne au mot corruption tout sa profondeur et on ne la réduit pas aux pots-de-vin, les commissions et les rétro-commissions, l’estimation 300 milliards sera dépassée.
    (...)

    #Algérie #Bouteflika #Corruption

  • Le pétrole, la face cachée d’une prétendue fracture sunnites/chi’ites

    http://analysedz.blogspot.com/2016/03/le-petrole-la-face-cachee-dune.html

    Présentée par la monarchie saoudienne comme la cause unique des violences au Moyen-Orient, la fracture sunnites/chi’ites sert à masquer la compétition autour de la souveraineté sur les champs de pétrole ou de gaz, situés pour l’essentiel dans des zones peuplées de chiites.
    Il suffit de superposer deux cartes – celle des champs pétrolifères au Moyen-Orient et celle des peuplements chi’ites – pour s’apercevoir que, là où des majorités chi’ites habitent en surface, du pétrole se trouve en sous-sol – et, pratiquement, rien que là.
    Observons la carte des peuplements chi’ites :


    Observons maintenant la carte des champs pétrolifères (en vert : pétrole ; en rouge : gaz) :

    La monarchie wahhabite saoudienne se trouve donc confrontée à plusieurs problèmes.
    – Ses puits et réserves de pétrole sont « sous les pieds » des minorités chi’ites qui peuplent la côte est de la Péninsule (25% de la population). Or, au lieu de se sentir dans leur pays comme d’authentiques citoyens, les minorités chi’ites y font l’objet d’une suspicion qui réduit leurs droits, rejoignant ainsi le sort réservé aux sunnites démocrates, réprimés par la monarchie. Mieux : partageant souvent les mêmes rites que la majorité des Iraniens, ils sont soupçonnés de faire allégeance à l’Iran comme puissance étrangère, distante de quelques dizaines de kilomètres, de l’autre côté du Golfe, et qui a déjà, par le passé, occupé militairement sans coup férir et annexé trois îlots dans ce Golfe.
    Il convient ici de distinguer les intérêts de grande puissance de l’Iran avec ceux des chi’ites arabes. L’Iran tente certainement d’intégrer les chi’ites arabes dans son jeu (et des minorités chi’ites arabes cherchent sûrement son soutien) : il n’est pas angélique et doit être tout aussi condamné pour l’absence de démocratie de son régime.
    En effet, la question, dans tout le Moyen-Orient, n’est pas essentiellement celle d’un prétendu affrontement sunnisme/chi’isme, qui ne sert qu’à légitimer la poursuite d’intérêts de grande puissance (la souveraineté sur le pétrole), comme la reproduction d’ordres autoritaires : le problème central est d’ordre démocratique, celui de l’absence d’Etats de droit garantissant l’égalité citoyenne à tous leurs habitants.
    – La disparition, en Irak, du régime de Saddam Hussein et l’occupation américaine qui s’en est suivie ont provoqué un transfert de pouvoir des élites sunnites baathistes (les sunnites représentent 30% de la population irakienne) aux élites chi’ites, jusque-là maintenus dans un statut secondaire. Et, de ce fait, elles ont accru la sphère d’influence iranienne à l’ouest, bien que les élites chi’ites irakiennes se considèrent comme arabes et ne partagent pas la conception politique sur laquelle est fondée la République islamique (leur grand ayatollah, Ali Sistani, récuse la vision platonicienne khomeyniste de la wilayet el faqih – la « tutelle du savant »). Cela n’empêche pas que le pétrole irakien soit passé d’une souveraineté baathiste sunnite à une souveraineté chi’ite sous contrôle américain.

    Les Saoudiens soutiennent Daech comme ils ont soutenu Saddam

    La monarchie saoudienne semble très préoccupée de cela. Plusieurs sources ont prétendu qu’elle serait à l’origine du renforcement de l’Organisation de l’État islamique (OEI), dit « Daech », qui se proclame sunnite et dont le but avoué est de renverser le pouvoir chi’ite irakien. La volonté saoudienne de pérenniser un contrôle des élites sunnites sur le pétrole s’était déjà manifestée par son soutien – avec l’appui des puissances occidentales – à Saddam Hussein dans sa guerre au nouveau pouvoir à dominante cléricale chi’ite apparu à Téhéran en 1979. Cette guerre a contribué, à n’en pas douter, à la radicalisation théocratique du pouvoir iranien et à sa monopolisation par le clergé chi’ite. Le soutien aujourd’hui de la monarchie à Daech s’inscrit dans la continuité de celui accordé hier aux élites sunnites baathistes irakiennes dans leur conflit avec l’Iran.
    Ces quelques éléments laissent penser, sans analyse approfondie, que la fracture idéologique sunnites/chi’ites – que la monarchie saoudienne s’efforce de médiatiser comme cause unique de la violence qui secoue la région – ne fait, en réalité, que masquer la compétition autour de la souveraineté sur les champs de pétrole ou de gaz tout en légitimant des régimes oppressifs. Il est clair que la monarchie saoudienne considère comme une menace mortelle pour elle l’arrivée ou le maintien d’élites chi’ites au pouvoir, tant sur le plan extérieur qu’intérieur car ses propres populations chi’ites pourraient réclamer davantage de droits, et, pour une minorité d’entre eux, une sécession de la côte est du Golfe.
    En mars 2011, la monarchie n’a pas hésité à investir militairement l’île de Bahreïn pour réprimer dans le sang les manifestants issus de la majorité chi’ite qui revendiquaient des droits de citoyens et qui sont opposés au pouvoir dictatorial du prince sunnite de l’île. Sur un autre front, elle a armé l’opposition sunnite syrienne au pouvoir alaouite (et dictatorial) de Bachar el Assad, considéré comme allié du chi’isme iranien. En mars 2015, cette stratégie l’a conduite à mener une opération militaire au Yémen contre les zaydistes yéménites, qui avaient investi la capitale et qui sont opportunément présentés comme des chi’ites, alors qu’ils sont adeptes d’un rite différent de l’iranien et les alliés du président déchu Abdallah Saleh, réfugié aux États-Unis.
    La monarchie tente de convaincre les sunnites du monde entier, et les néo-conservateurs de tout bord, de se ranger à ses côtés dans ce combat contre les chi’ites. Elle y parvient et des régimes aussi différents que la dictature militaire du maréchal Sissi en Égypte et la monarchie marocaine l’ont suivie dans l’opération Tempête de la fermeté au Yémen.
    Pour les populations sunnites, l’affaire est facile et difficile. Les populations lointaines, qui ne connaissent pas la férocité de la dictature saoudienne, peuvent entendre favorablement le message anti-chi’ite. Des pogroms anti-chi’ites ont récemment eu lieu en Egypte (où ils ne sont que 2%). Par contre, une partie des sunnites du Moyen-Orient savent que ce message est purement idéologique et factice, sinon falsificateur. Nombre de sunnites libanais, par exemple, et ailleurs sont davantage enclins à soutenir la résistance du Hezbollah chi’ite libanais face à Israël qu’à voter pour les leaders sunnites financés par la monarchie saoudienne.
    La question, en effet, ne porte pas sur un clivage idéologique mais sur le caractère anti-démocratique de régimes soutenus par l’étranger et dont le seul but est de pérenniser par la force leur souveraineté vassalisée sur les puits de pétrole. Au lieu de donner des droits à leurs ressortissants chi’ites et d’en faire des égaux, les monarques saoudiens ou émiratis en font des ennemis idéologiques en s’autoproclamant défenseurs de l’orthodoxie sunnite.

    Les chiites libanais : de la marge au centre de la vie politique

    Le Liban est, à cet égard, un cas d’école. Une première éviction des chi’ites est intervenue au XIVe siècle avec l’invasion des mamelouks « sunnites » du Liban, qui les considéraient comme des « infidèles ». Sous l’Empire ottoman, les autorités religieuses ont ensuite jeté un interdit sur le chi’isme sous prétexte de guerres contre l’Iran safavide. L’éviction ensuite des derniers fermiers d’impôts chi’ites lamine un grand nombre de féodaux chi’ites. Le mandat français (1920) permet à la communauté chi’ite d’être reconnue officiellement en tant que telle (1926). Selon Georges Corm, « l’autre laminage a été celui de la pesanteur des féodaux ruraux chi’ites qui ne voulaient pas laisser leurs paysans s’émanciper et profiter de la modernisation du pays » (pour une analyse complète, consulter son ouvrage Le Liban contemporain : histoire et société, 2012).
    A l’indépendance, les élites chrétiennes et sunnites se partagent le pouvoir et en excluent les chi’ites. Déjà marginalisés sur le plan social et économique, les chi’ites sont, de ce fait, politiquement exclus. On leur attribue la présidence du Parlement, poste purement honorifique. « Certes, le président Fouad Chéhab (1958-1964), chrétien maronite, œuvrera plus tard pour faire rentrer de jeunes chi’ites diplômés à des postes de responsabilité dans l’administration publique. » Mais il faudra une guerre civile (1975-1989), faussement présentée comme un conflit entre « chrétiens réactionnaires » et « palestino-progressistes », pour que les chi’ites aient une place aux négociations qui se concluent par une modification de la Constitution libanaise (accords de Taëf). Ils obtiennent une représentation à égalité avec les sunnites et un poids plus important dans le Parlement national.
    Le Parlement était constitué, selon le Pacte national de 1943, de 99 députés, 54 étant chrétiens, et 45 musulmans : 20 sunnites, 19 chi’ites (42% des musulmans, 19% du total national) et 6 druzes.
    Les accords de Taëf (1989) stipulent que « les sièges parlementaires sont répartis selon les règles suivantes :
    a) à égalité entre chrétiens et musulmans [sunnites et chi’ites, et non plus seulement sunnites] ;
    b) proportionnellement entre les communautés des deux parties ;
    c) proportionnellement entre les régions […]. »
    Ces accords modifient donc la répartition en faveur des chi’ites. Le nombre de sièges est de 128, répartis à égalité entre chrétiens et musulmans (64-64), mais les chi’ites augmentent leurs sièges au niveau national : 27 sunnites, 27chi’ites (42% des musulmans, 21% du total national), 8 druzes et 2 alaouites. Ils obtiennent un nombre de sièges égal aux sunnites et pèsent davantage au niveau national. Georges Corm y ajoute deux éléments qui ont donné plus d’importance aux chi’ites : l’éviction des grandes familles de propriétaires fonciers au profit de la classe moyenne chi’ite, incarnée par la milice Amal, et les succès de l’action de résistance du Hezbollah contre Israël en 2000 puis en 2006.
    Comme on le voit, les conflits ne sont pas religieux mais tournent toujours autour de la question des droits citoyens. Certes, durant la guerre civile libanaise, un événement d’importance s’était produit en Iran, en 1979, et une République islamique chi’ite s’y était proclamée, renforçant les capacités revendicatives des chi’ites libanais. Une crainte fondée ou non qui, aujourd’hui, met les chi’ites des monarchies du Golfe sous surveillance et pousse le pouvoir saoudien à considérer l’Iran comme ennemi principal.
    Le cas libanais montre, cependant, que l’opposition chi’ite aux pouvoirs sunnites vient avant tout de leur statut de second ordre. Si la monarchie saoudienne veut que le pétrole de sa côte est ne lui échappe pas, il vaudrait mieux pour elle considérer ses populations chi’ites comme des citoyens de pleins droits au lieu de les pousser à chercher des soutiens étrangers. Elle ferait mieux également d’éviter de créer le chaos à l’extérieur en nourrissant des organisations se réclamant d’un sunnisme falsificateur et violent.

    #pétrole #sunnites #chiites #Arabie #Liban #Iran

  • Pourquoi le monde arabe a échoué ?
    Réponse de Burhan Ghalioun :

    (...)
    La dégradation du pouvoir national, de la qualité de ses rapports comme de ceux des élites avec la société, sont ainsi le résultat de l’effondrement du projet nationaliste lui-même, sur ses différents plans et à travers les trois étapes de la renaissance culturelle, de l’indépendance politique et du développement économique. Deux ensembles de facteurs, l’un d’origine externe, l’autre d’origine interne en sont responsables.
    Il y a tout d’abord les impacts directs du processus de trans-nationalisation, agissant comme un processus de sape et de démantèlement de toute autonomie possible des pouvoirs en place dans le Monde arabe, comme partout ailleurs dans le Tiers monde. Cette trans-nationalisation qui doit être entendue autant comme un processus politique et culturel qu’économique, a pour conséquence de priver les États de leur capacité de maîtriser leur devenir, l’environnement dans lequel ils évoluent et de l’empêcher de constituer leur historicité propre. Elle les laisse, matériellement et moralement, à découvert, comme une monnaie de singe. Dans ces conditions, ces États n’ont plus aucune pesanteur ou impact dans le tissu social.
    Cependant, la crise de l’État national n’a pas son origine seulement ni même essentiellement, dans les contradictions objectives du marché international. La ferme volonté des pays industrialisés de préserver leur supériorité absolue dans tous les domaines et de s’opposer à toute modification du schéma de la division international du travail, apparaît clairement aujourd’hui comme la source principale de l’enlisement, voire de l’asphyxie générale des économies comme des États des pays pauvres.
    Au-delà de l’économie, les politiques de corruption systématique par les entreprises des pays industrialisés des élites et classes dirigeantes du Tiers monde, sont l’une des causes principales de la faillite du développement à l’heure actuelle. Se rendant compte de leur incapacité matérielle et objective de sortir de l’impasse dans laquelle elles sont mises par les puissances industrielles, ces élites se laissent rapidement désarmer politiquement et moralement, abandonnant la partie du développement, au profit de la quête des seuls intérêts privés. Elles vont bientôt rivaliser dans la défense des politiques d’abandon et des compromissions, espérant pouvoir se réserver individuellement ou collectivement, une place, ou un rôle dans le marché international.
    Ainsi, jamais un aussi grand mouvement de transfert de capitaux des pays du Tiers monde vers les pays industrialisés n’a été organisé dans l’histoire moderne. En l’espace de deux décennies seulement, des centaines de milliards de dollars ont quitté, et continuent de quitter tranquillement, les pays pauvres. Une véritable hémorragie qui a mis à genoux toutes les économies en voie de développement et cause l’arrêt net de toute croissance. Il y a ensuite les facteurs liés aux contradictions propres aux formations socio-économiques arabes, aux caractéristiques de leur constitution historique, politique, culturelle, aux incohérences de leurs idéologies. Ainsi, la crise politique, idéologique et identitaire engendrée par l’échec se trouve accentuée par l’émergence dans son sillage des formes de solidarités traditionnelles : partielles, régionales ou claniques, comme sources de pouvoir et d’identification en concurrence directe avec celles de l’État. C’est d’ailleurs pour contourner cette dévaluation du pouvoir et de l’ordre nationalistes, que les différents groupes sociaux cherchent à organiser, en dehors de l’État ou au-delà de ses frontières et parallèlement à lui, des réseaux d’échanges culturels et matériels propres, dont dépend leur reproduction. D’où aussi la tendance à la décomposition du tissu national.
    S’articulant avec les facteurs externes qui privent l’État de sa centralité par rapport à l’étranger, et l’ouvrent aux jeux directs des forces extérieures, ces solidarités particulières parviennent parfois à noyauter totalement le pouvoir. L’État ressemble alors de plus en plus à un domaine privé, ou devient effectivement un secteur lucratif parmi tant d’autres, c’est-à-dire le siège d’un groupement d’intérêts particuliers. Il se trouve privé de toute autonomie réelle à l’égard des équipes dirigeantes dont il constitue désormais l’otage. Nous avons vu des pouvoirs qui utilisent l’État pour développer les entreprises privées de la culture des stupéfiants ou de la vente des armes. L’État n’est plus, dans ce cas, cet étalon-or, c’est-à-dire cet espace commun, universel, en fonction duquel sont évalués les rapports de pouvoir, à savoir le politique.
    (...)

    À lire ici :
    http://analysedz.blogspot.com/2012/11/le-malaise-arabe-letat-contre-la-nation.html

    #mondearabe #politique #sociologie

  • Qu’est-ce qui s’est passé vraiment à Cologne ? D’après un éminent anthropologue algérien, « un problème de langage, un déficit de communication. »

    http://analysedz.blogspot.com/2016/03/le-syndrome-de-cologne-ou-lorgie.html

    Suite au débat médiatique suscité par l’article de Kamel Daoud dans le « Monde » où l’anthropologie, voire la psychanalyse, se muent en débat idéologique jusqu’à faire intervenir publiquement le Premier ministre français, je me réveille de mon amnésie pour évoquer un ancien souvenir.
    Il ne s’agit pas pour moi d’entrer dans la surenchère de l’invective, sachant que la liberté d’expression est mon maître mot, à condition que l’on ne s’improvise pas psychanalyste, anthropologue ou sociologue à moindre frais. Je voudrais seulement rappeler un fait peu connu chez nous : celui de la fête du carnaval dont les préparatifs durent plusieurs jours jusqu’à la fête des Cendres (Mardi gras).
    Au cours de l’année académique 1966-1967 je me trouvais à Maastricht proche de Köln (Cologne) et d’Aachen (Aix-la-Chapelle), ancienne métropole de la chrétienté sous les Carolingiens (9ème siècle), pour une enquête sociologique sur les conditions de vie des mineurs maghrébins dans les charbonnages du Limbourg belgo-néerlandais ayant pour chefs-lieux respectifs Liège et Maastricht(*). Le carnaval est fêté conjointement par les citoyens de Cologne et de Maastricht, distants d’une centaine de kilomètres à peine.
    On y assiste alors à une permissivité qui contraste avec la vie austère des deux cités luthériennes, qui ont accueilli depuis l’Edit de Nantes les Huguenots, protestants condamnés à l’exil sous le règne de Louis XIV. Il n’est pas rare, en effet de rencontrer à Maastricht des noms bien français. La bibliothèque municipale y contient des ouvrages francophones datant du 16ème siècle. Quiconque a vécu à Maastricht, en tout cas à cette époque, est saisi par la grande exubérance de la population, notamment les jeunes, dans une ambiance où la bière coule à flots et où tout semble permis. Une bonne partie des gens de Maastricht continue la fête à Cologne et vice-versa. Des amis néerlandais m’avaient confié qu’un nombre anormalement élevé de naissances sous X surviennent neuf mois après les fêtes du carnaval ! …
    Encore une fois, je ne suis pas psychanalyste, je constate un fait, celui de l’orgie collective permise le temps du carnaval, une fête bien catholique malgré son soubassement païen (ce qui n’est pas propre à la religion catholique). Comment qualifier les évènements festifs encadrés par ce rituel populaire qui était bien présent à Cologne au moment des faits rapportés par la presse, précisément sur le précèdent mettant en cause des migrants maghrébins ? Je laisse le soin aux spécialistes d’investiguer sur les circonstances précises de ce fait divers. Il se peut que mon propos soit à côté du débat et des faits qui l’on suscité. Je voudrais néanmoins restituer un fait que les populations autochtones de cette région de l’Europe de l’Ouest connaissent très bien.

    En effet, au-delà de cet épisode, je rappelle sans rentrer dans les dédales de l’anthropologie historique, voire religieuse, que la Rhénanie (qui englobe le sud-ouest de l’Allemagne et la zone contiguë flamande c’est-à-dire le Limbourg belgo-néerlandais) font partie de ce qu’on appelle les sociétés agraires tout au moins pour ce qui est de leur histoire médiévale. Dans le cas d’espèce, il s’agit de producteurs traditionnels de houblon, d’où la prépondérance de la bière dans la région. Dans toute société agraire, qui tranche avec les civilisations pastorales, il existe des rituels dédiés à la fécondité : fécondité de la femme, s’inscrivant dans le cycle végétal, et ponctués par des rituels célébrant la fertilité de la terre : les Saturnales décrites par les auteurs latins ne sont pas différentes de nos « nuits de l’erreur » (leylat el gh’lat, sorte de simulation d’un coït anonyme), vieux rituel judéo-berbère dont subsistent quelques traces sur les hauteurs de l’Atlas tellien. Abdallah Hamoudi nous en a donné une excellente restitution monographique à propos de la fête de ‘Achoura dans un village marocain près de Beni Mellal (« La victime et son masque », PUF, 1987). Dans l’antique Palestine des Cananéens, Astarté faisait office de déesse de la fécondité : les Cananéens étaient agriculteurs sédentaires et comme tous les peuples de leur espèce, on y découvre un panthéon dédié à la fertilité, du sol, des femmes. Dagon était le dieu de la charrue, Baal le dieu du grain. Dans toutes ces civilisations agraires, quelles que fussent leurs latitudes géographiques et leurs appartenances (Indo-européennes, Sémito-chamitique, amérindienne etc.), il y a deux constantes :
    1. La mise en scène érotique de l’acte de production pour la survie, ce qui exclut toute interprétation normative.
    2. La fragilité du statut paysan pour des raisons logistiques évidentes : le paysan sédentaire depuis le néolithique a toujours été menacé par le pasteur nomade à la recherche de pâturages. Ibn Khaldoun à admirablement développé cette épopée de la prédation pour le Maghreb médiéval. Mais la séquence médiévale décrite par ce dernier n’est qu’un épisode dont les origines remontent à la protohistoire.

    De tout ce qui précède, il y a la symbolique du sexe, ou plutôt de l’Eros. Dans le panthéon des cultures agraires du monde, nous avons affaire à une dialectique irréductible de la sexualité et du mysticisme, du profane et du sacré. Pour revenir au « syndrome de Cologne », j’ai la faiblesse de croire que les préparatifs du carnaval (qui commencent le 11 novembre pour s’arrêter au mercredi des Cendres) donnent lieu -autant que je m’en souvienne- à une érotisation de la fête, processions masquées, ivresse physiologique, ambiance lubrique etc., j’ai vu à Maastricht des scènes d’accouplement débridés dans les recoins de rues ou à l’entrée des immeubles la nuit aidant. Je me suis toujours demandé pourquoi ce contraste flagrant entre le conformisme très puritain des jours ordinaires, et cette revanche dionysiaque à l’occasion du carnaval.
    Je n’ai pas suivi dans les comptes rendus médiatiques si le carnaval a été signalé, car la Saint-Sylvestre s’y trouve encadrée. Encore une fois, les religions canoniques laissent apparaître des pratiques païennes, ce qu’on appelle « syncrétisme » pour faire simple. Le rapport à l’Eros, donc au corps sexué, est un problème ontologique qui se passe de psychologie différentielle. Il n’y a qu’à se reporter à Freud, et plus encore à Frazer et à Robertson Smith (le découvreur du personnage totémique et de « l’assassinat du père »). Qu’il y ait une spécificité du rapport au sexe dans l’islam des musulmans n’est qu’un épiphénomène culturaliste qui n’élimine pas le fondement archétypal du rapport à l’Eros, lequel concerne l’humanité.
    Dans ce qui s’est passé à Cologne, me semble-t-il, ce n’est pas tant le caractère scandaleusement agressif des migrants, qu’un problème de langage, un déficit de communication. Jacques Lacan a fait du langage ce par quoi Eros advient. La libido est d’abord langage avant d’être corps. Plus que de la mésalliance éthique, il s’agit d’un brouillage de code. Sinon, sur le rapport au sexe, tout au moins au niveau où je situe le débat, celui de l’anthropologie générale, il n’y a rien à signaler quant à une spécificité barbare du comportement des « arabo-musulmans » ou des musulmans tout court, en dehors de ce qu’on peut appeler un fâcheux quiproquo.

    #Cologne #immigration #réfugiés #islam #arabe #viol

  • #Algérie. Régime autoritaire et médias indépendants sont incompatible. Les milliardaires algériens achètent les chaînes privées en difficultés financières aussitôt qu’elles « adoucissent » leur ligne éditoriale.

    http://analysedz.blogspot.com/2016/03/main-basse-des-oligarques-algeriens-sur.html

    Dans sa première année à la présidence, Abdelaziz Bouteflika avait affirmé être le vrai ministre de l’information, le rédacteur en chef de l’APS, etc. Dire l’obsession affichée de tout contrôler. Ce que le Printemps arabe, si décrié par ailleurs, a permis de changé.
    (....)
    Toutefois, il semble que le pouvoir est en train de se rattraper.
    (...) les chaînes privées les plus regardées d’Algérie sont en train d’être achetées par des milliardaires proches du régime.
    La seule chaîne qui ne vit pas des difficultés financières est Ennahar TV, et pour cause. « Elle est la télévision attitrée du clan présidentiel qui l’utilise pour faire passer tous ses messages. Les caisses d’Ennahar TV sont toujours renflouées et pas besoin d’un milliardaire pour la financer. »
    Les autres chaînes, connaissant des difficultés financières, tombent l’une après l’autre dans les mains des oligarques. Louise Dimitrakis écrit : « Tout commence à l’été 2015 lorsque la vente de la chaîne de la télévision El-Djazaïria, l’une des trois premières télévisions privées lancées en Algérie, à l’homme d’affaires discret Ayoub Ould Zmrili impose le règne des oligarques sur le petit écran algérien. Inconnu du grand public, ce richissime businessman qui a fait fortune dans l’immobilier à Alger où il a vendu pendant des années des appartements à prix d’or dans le quartier chic d’Alger, Hydra, a fait une entrée fracassante dans le monde des médias algériens. (…) Il s’empare d’El-Djazaïria à la suite d’une longue et harassante négociation avec Karim Kardache et les deux autres anciens actionnaires de cette télévision qui a révolutionné le paysage médiatique algérien à travers des émissions satiriques très critiques comme Journane El Gosto ou El-Djazaïria Week-end. Au départ, les premiers propriétaires demandent pas moins de 8 millions d’euros. Mais l’homme d’affaires fait appel à des lobbyistes pour faire baisser le prix. À 4 millions d’euros, le marché est conclu. El-Djazaïria change diamétralement de ligne éditoriale et le nouveau propriétaire fait appel à Hamraoui Habib Chawki, l’ancien patron de l’ENTV, et l’un des communicants d’Abdelaziz Bouteflika lors de ces quatre dernières campagnes électorales. Divertissement et zèle politique, El Djazaïria change de look et d’identité. Le pouvoir de l’argent a pris le dessus sur l’indépendance éditoriale. »
    Isaad Rebrab s’intéresse à « la chaîne KBC, la télévision du groupe de presse El-Khabar (…). KBC pourrait encaisser prochainement un chèque de l’équivalent de 5 millions d’euros de la part de Rebrab. Mais la télévision d’El-Khabar risque de perdre énormément de son Indépendance. Et pour cause, les intérêts économiques de l’empire Rebrab en Algérie sont immenses et ses accointances avec les anciens leaders du DRS risquent de peser sur les choix éditoriaux de KBC... »
    « (...) L’autre puissant groupe médiatique algérien qui possède deux chaînes de télévisions très regardées : Echorouk TV et Echorouk News TV. Dirigé par Ali Fodil, ce groupe qui a prospéré grâce au soutien indéfectible du DRS au temps du général Toufik connaît aujourd’hui des difficultés structurelles qui menacent sa survie depuis la chute de ses revenus publicitaires et le départ de plusieurs hauts gradés du DRS, ses principaux soutiens. Pour sortir de l’ornière, Ali Fodil avait fait la danse du ventre à l’homme d’affaires Ahmed Mazouz, un puissant oligarque très proche de Sellal et du palais d’El-Mouradia. De la concession automobile jusqu’à l’agro-alimentaire, Mazouz fait une percée remarquable dans le business ces dernières années avec à la clé des projets très stratégiques. Mazouz s’apprêtait à racheter 40 % des parts du groupe d’Echorouk. La transaction a failli se conclure, mais un revirement à la dernière minute a gelé la décision finale. Mazouz aurait exigé des concessions politiques importantes. Et Echorouk qui a déjà adouci sa ligne éditoriale prend le temps de réfléchir. Mais Ali Fodil n’a pas le choix et il le dit haut et fort à son entourage. »
    « (…) Ali Haddad impose aussi ses marques dans le paysage audiovisuel algérien. Ses deux chaînes de télévision, Dzaïr TV et Dzaïr News TV, résistent à la crise financière, s’équipent même d’un siège flambant neuf et améliorent sans cesse leur grille de programmes. Toutefois, l’audience n’est pas au rendez-vous car la ligne éditoriale très ‘‘servile’’ repousse les téléspectateurs. Seuls les programmes sportifs et la diffusion des matches de football offre une certaine visibilité aux deux chaînes de télé d’Ali Haddad… »
    Il s’agit donc d’une domestication des médias audiovisuels algériens, le contrôle de l’information étant une constante du système politique algérien.
    Le mécanisme de cette domestication est fort simple : les revenus de ces chaînes dépendent des recettes publicitaires, lesquelles recettes dépendent de leur servilité puisque le secteur de la publicité est monopolisé par L’État. Être critique — en fait faire du journalisme professionnel — signifie recevoir moins de publicité et connaître des difficulté financières. À moins d’avoir un milliardaire pour propriétaire. Et comme les milliardaires sont proches du système... Les médias audiovisuels sont donc dans l’impossibilité d’être réellement indépendants. Si c’est le cas, c’est parce que l’État algérien est aujourd’hui comme hier autoritaire et entend le rester aussi longtemps que le système politique continue à exister.
    (...)

    #Médias #Bouteflika #DRS #Haddad #Rebrab #Oligarchie #Télévision

  • Lire Edwad Said actuellement est un exercice sain.
    In these times, reading Edward Said is healthy.
    http://analysedz.blogspot.com/2011/11/impossible-histories-why-many-islams.html

    (...) When Bernard Lewis’s book was reviewed in the New York Times by no less an intellectual luminary than Yale’s Paul Kennedy, there was only uncritical praise, as if to suggest that the canons of historical evidence should be suspended where “Islam” is the subject. Kennedy was particularly impressed with Lewis’s assertion, in an almost totally irrelevant chapter on “Aspects of Cultural Change,” that alone of all the cultures of the world Islam has taken no interest in Western music. Quite without any justification at all, Kennedy then lurched on to lament the fact that Middle Easterners had deprived themselves even of Mozart! For that indeed is what Lewis suggests (though he doesn’t mention Mozart). Except for Turkey and Israel, “Western art music,” he categorically states, “falls on deaf ears” in the Islamic world."
    "Now, as it happens, this is something I know quite a bit about, but it would take some direct experience or a moment or two of actual life in the Muslim world to realize that what Lewis says is a total falsehood, betraying the fact that he hasn’t set foot in or spent any significant time in Arab countries. Several major Arab capitals have very good conservatories of Western music: Cairo, Beirut, Damascus, Tunis, Rabat, Amman—even Ramallah on the West Bank. These have produced literally thousands of excellent Western-style musicians who have staffed the numerous symphony orchestras and opera companies that play to sold-out auditoriums all over the Arab world. There are numerous festivals of Western music there, too, and in the case of Cairo (where I spent a great deal of my early life more than fifty years ago) they are excellent places to learn about, listen to, and see Western instrumental and vocal music performed at quite high levels of skill. The Cairo Opera House has pioneered the performance of opera in Arabic, and in fact I own a commercial CD of Mozart’s Marriage of Figaro sung most competently in Arabic. I am a decent pianist and have played, studied, written about, and practiced that wonderful instrument all of my life; the significant part of my musical education was received in Cairo from Arab teachers, who first inspired a love and knowledge of Western music (and, yes, of Mozart) that has never left me. In addition, I should also mention that for the past three years I have been associated with Daniel Barenboim in sponsoring a group of young Arab and Israeli musicians to come together for three weeks in the summer to perform orchestral and chamber music under Barenboim (and in 1999 with Yo-Yo Ma) at an elevated, international level. All of the young Arabs received their training in Arab conservatories. How could Barenboim and I have staffed the West-Ostlicher Diwan workshop, as it is called, if Western music had fallen on such deaf Muslim ears? Besides, why should Lewis and Kennedy use the supposed absence of Western music as a club to beat “Islam” with anyway? Isn’t there an enormously rich panoply of Islamic musics to take account of instead of indulging in this ludicrous browbeating?

    #Islam #Islamisme #Modernité