Grèce : L’évacuation du camp d’Idomeni a démarré - Monde

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  • Crise des réfugiés : dans certains villages du nord de la Grèce, plus de migrants que d’habitants

    Courrier des Balkans | jeudi 24 mars 2016

    La route des Balkans reste fermée, mais les candidats à l’asile continuent d’affluer. Les réfugiés en route vers l’Europe sont toujours bloqués en Grèce, et dans les communes du nord du pays, les habitants et les autorités locales craignent de se retrouver vite complètement débordés.

    Par Elisa Perrigueur

    Avant, à #Idomeni, il n’y avait pas grand monde. Les maisons étaient souvent vides, leurs volets fermés. Seuls quelques chiens erraient, sur les routes de ce village du nord de la Grèce. Depuis plusieurs mois, la vie a repris. Des Syriens, Afghans, Pakistanais, Irakiens, déambulent entre les maisons pour tuer le temps. Assises sur des pierres, des femmes voilées pianotent sur leurs portables. Sur une place abandonnée aux herbes folles, les enfants jouent.

    Le plus grand #bidonville de Grèce

    Idomeni abrite aujourd’hui le plus grand bidonville du pays. À côté de la vieille voie de chemin de fer qui relie la Grèce à la Macédoine, des milliers de tentes bleues et vertes s’étendent à perte de vue. Quelque 13 000 migrants et réfugiés attendent, dans ce camp entouré de champs, dans l’espoir de pouvoir franchir la frontière macédonienne. Jamais, au cours des dernières décennies, Idomeni n’avait vu autant de gens sur ses terres.

    Comme la plupart des habitants de la région, Panos connaît tous les « spots » où sont désormais rassemblés les réfugiés et migrants. Sur une carte Google Maps, le jeune homme originaire de la ville de Kilkis, désigne les différents lieux. En plus du tristement célèbre camp d’Idomeni, explique t-il, « on y voit celui de Chevso, où il y a environ 3 500 personnes, celui de Nea Kavala, où il y a à peu près le même nombre. Puis aussi d’autres ’mini-camps’ improvisés, autour des stations essence. ».

    Dans le nord, ces camps sont désormais plus peuplés que les villages eux-mêmes. 20 000 candidats à l’asile s’y massent toujours, même après l’accord signé entre l’Union-Européenne et la Turquie. « Ici, on comprend plus qu’ailleurs la détresse de ces gens. La majorité des habitants de la région sont eux-mêmes des réfugiés, venus après la « Grande catastrophe » de 1922, explique Panos, lui-même descendant de Grecs venus de Kars, en Turquie. « Quand nous voyons ces gens, nous revoyons nos ancêtres ».

    Les habitants s’impatientent

    Mais, Panos tempère toutefois, « le problème, c’est que la situation s’éternise, alors que ces personnes n’ont pas du tout envie de rester ici, elles veulent aller en Allemagne, en Suède ». Le nord du pays est l’une des régions les plus touchées par le chômage. « Quel intérêt ont-ils à demander l’asile en Grèce ? », s’interroge Panos. Le jeune homme est ingénieur, et lui même au chômage depuis de longs mois. « Moi aussi, j’hésite à aller en Allemagne pour trouver du travail », sourit-il tristement.

    Veste de cuir sur le dos, regard sombre et teint hâlé, Christos Goudenoudis, le maire du canton de Baionia (dans lequel se trouve le village d’Idomeni), n’est pas convaincu par l’accord signé entre l’UE et la Turquie la semaine dernière. « Selon l’accord, les gens du camp d’Idomeni seront transférés petit à petit dans des centres, où l’on examinera leur situation au cas par cas pour distinguer les migrants économiques de ceux éligibles au droit d’asile ». Il esquisse un bref sourire ironique. « Je demande à voir ». Pour lui, l’urgence, c’est d’évacuer l’immense camp d’Idomeni, qui ne devrait pas abriter plus de 2 000 personnes, estime t-il. Il a des solutions à proposer : « Si l’on changeait les points de distribution de nourriture par exemple, cela forcerait les gens à partir ».

    “« Aujourd’hui, les migrants bloqués ont encore de l’argent, mais que se passera t-il quand ils n’en auront plus ? Comment réagiront-ils ? »”

    Christos Goudenoudis assure que les habitants de son canton font preuve de patience, mais que « la peur commence à monter ». Il mentionne des « vols dans les maisons, des rixes dans le camp, des distributions de nourriture qui virent au chaos. « Aujourd’hui, les migrants bloqués ont encore de l’argent, mais que se passera t-il quand ils n’en auront plus ? Comment réagiront-ils ? ». Son ton se fait aussi amer lorsqu’il évoque le voisin macédonien, qui « a érigé un mur de barbelés à sa frontière en moins de six heures ».

    Les administrations locales débordées

    Lena Anastasiadou est adjointe au maire de #Kilkis, canton qui comprend la commune de #Nea_Kavala, où se trouve un autre camp de 3 500 personnes. Elle aussi exprime ses craintes. « Nous sommes débordés. On nous avait dit qu’il y aurait 2 000 personnes, elles sont 3 500. Ce n’est pas une question de bord politique, nous ne pouvons simplement pas les accueillir dans ces conditions ». Pour elle, « il faut que ces gens comprennent véritablement qu’ils n’auront aucun espoir de passer ».

    “« C’est à l’Europe de prendre ces gens en charge. »”

    Elle aussi réfléchit à des solutions. « Il faudrait créer des petites structures de 400 à 500 places dans toute la Grèce, et pas seulement dans le nord », suggère t-elle. Lena Anastasiadou estime que la situation ici n’est « pas juste ». « Je suis en charge des habitants, je dois faire en sorte que tout se passe bien dans ma commune. J’ai beaucoup de peine pour ces réfugiés, mais ma priorité, c’est les villages ». Selon elle, « c’est à l’Europe de prendre ces gens en charge ».

    Le jour de la signature de l’accord entre l’UE et la Turquie, avant qu’il ne soit dévoilé, nombreux réfugiés s’étaient dirigés vers les camps à la frontière. Une rumeur courait ; la frontière macédonienne serait ouvert à l’issu de la réunion de Bruxelles. Bien sûr, il n’en fut rien.

    http://www.courrierdesbalkans.fr/articles/grece-apres-l-accord-les-habitants-du-nord-sceptiques.html
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