Etat et Silicon Valley, une servitude volontaire

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    • Les passages retenus par @hubertguillaud ici : http://seenthis.net/messages/475187

      Tout indique que le #capitalisme démocratique — cette créature étrange qui prétend concilier économie capitaliste (la loi d’une minorité minuscule) et démocratie parlementaire (la loi de la majorité) — traverse une nouvelle « crise de légitimité ». (…)

      Ce qui rend la politique si désespérante aujourd’hui, ce n’est pas tant notre impuissance à imaginer comment le capitalisme s’effondrera — pour paraphraser une célèbre formule du penseur marxiste Fredric Jameson —, mais notre difficulté tout aussi grande à concevoir comment le capitalisme pourrait se perpétuer et maintenir un lien, si ténu soit-il, avec la démocratie. Pour l’instant, il n’y a guère qu’un seul scénario qui paraisse plausible : un transfert accru des pouvoirs de décision politique — y compris dans des domaines aussi essentiels que les aides sociales ou la défense — dans les mains de la Silicon Valley. Certes, cela doperait la productivité et approfondirait le « déficit démocratique » qui ronge nos institutions. Mais la crise a atteint un tel degré d’intensité que le capitalisme semble avoir déjà renoncé à toute prétention de se parer d’un habillage démocratique, d’où la prolifération d’euphémismes pour désigner la nouvelle norme en vigueur (la « démocratie conforme aux marchés » d’Angela Merkel en donne un exemple illustre). De toute façon, les douces appellations des années 1970 qui célébraient le compromis entre capital et travail — démocratie d’entreprise, cogestion, dialogue social, etc — résonnent comme les vestiges d’une langue morte à une époque où l’économie des petits boulots ôte aux travailleurs jusqu’à leur droit de se syndiquer.

      (…) les compagnies technologiques ne sont pas seulement « trop grosses pour faire faillite », à l’instar des banques abreuvées d’argent public en 2008, elles sont aussi impossibles à défaire, ou même à reproduire, par quelque gouvernement élu que ce soit. Certaines d’entre elles exercent déjà des responsabilités qui incombaient jusque-là aux pouvoirs publics. Que l’on songe aux « smart cities », ces « villes intelligentes » érigées en modèle d’avenir, où les pontes de la Silicon Valley disposent d’un contrôle absolu sur nombre de services essentiels.

      Les industries des nouvelles technologies s’installent de plus en plus rapidement comme l’arrière-plan par défaut de l’action politique. Une fois que Google et Facebook exerceront les pleins pouvoirs sur des services dont nous ne saurions nous passer, le célèbre « il n’y a pas d’alternative » de Margaret Thatcher ne sera plus un cri de guerre idéologique, mais une description fidèle de la réalité.