BALLAST Cartouches (7)

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  • BALLAST Michael Burawoy : « C’est une bonne nouvelle que la #sociologie soit attaquée publiquement »
    http://www.revue-ballast.fr/michael-burawoy

    Il y a ces deux focales dans la lutte des classes. Classiquement, historiquement, la lutte des classes laborieuses se joue autour de la #production et de l’#exploitation. C’est la conception marxiste orthodoxe. La question est de savoir si l’on peut penser la lutte des classes en termes de #marchandisation et d’échange. Dans la période présente, les luttes de ces classes laborieuses fondées sur la production sont devenues de plus en plus faibles, à mesure que le prolétariat se transformait en #précariat. La "précarité entre dans l’expérience des travailleurs, qui veulent s’accrocher à leur #travail dans un temps où il s’avère très incertain. Nous assistons, de fait, à une réduction de la lutte des classes orthodoxe autour de la production. La question est de savoir s’il y a, au même moment, une émergence d’une forme différente de lutte – appelez-la « lutte des classes » si vous voulez – autour de la marchandisation... Il y a des luttes de classe autour de la marchandisation de ces « marchandises fictives », [telles que la terre, la monnaie, le travail, ndlr] dont parle Polanyi ; il y a bien une lutte qui porte sur la marchandisation du travail et la #résistance des travailleurs contre une marchandisation excessive — on peut le voir dans les luttes en Amérique ou en Inde... Il y a des luttes contre le changement climatique et pour l’environnement (surtout dans les pays du Sud). Et puis il y a les luttes concernant la marchandisation de la connaissance.

    #lutte_des_classes

    • Produire le consentement, de Michael Burawoy

      http://www.revue-ballast.fr/cartouches-7

      Trente-six ans après sa parution, voici enfin traduit en français un ouvrage de référence dans la sociologie du travail. Ce livre pose une question à rebours du sens commun : pourquoi les ouvriers travaillent-ils aussi dur ? Question pour le moins étrange dans une littérature dominante qui, depuis les années 1930, était engoncée dans l’étude de « l’organisation scientifique du travail ». Les hypothèses théoriques et psychologiques liées aux ouvriers et la « culture d’entreprise » n’avaient comme objectifs que la rentabilité et la productivité. La question n’a pas perdu de sa pertinence. Burawoy, ethnographe d’obédience marxiste, fait un travail de terrain approfondi comme ouvrier spécialisé dans une usine de pièces de moteur, dans la banlieue de Chicago, durant un an. En renversant le paradigme des théories dominantes, il n’en fait pas seulement une critique, mais met à jour ce qu’il appelle le making out. Sorte de jeu, de challenge que s’imposent les travailleurs afin d’atteindre un objectif de production plus élevé que l’objectif standard et, ce faisant, augmenter leur salaire. Ce qui implique une transformation des rapports sociaux et des conditions de travail. Ce making out comme rapport de force, marge de manœuvre, autonomie, recherche de satisfaction, est au final bien accepté par la direction : « Dans le cas où il est institutionnalisé, le jeu devient une fin en soi [...], tant que les ouvriers sont insérés dans un jeu qui engage leur rapport à la machine, ils acceptent leur subordination au procès de production. » Cet ouvrage savant, d’une grande limpidité, est loin de porter un regard noir et pessimiste sur la condition ouvrière : certes, il œuvre à une description analytique de la « servitude volontaire », mais sans se dérober aux conséquences politiques qu’il faut tirer lorsque l’on s’insère dans le grand mouvement de l’émancipation. Mentionnons également une postface particulièrement roborative – et indispensable à lire pour qui veut saisir l’essence du livre. Burawoy y fait un retour critique, trente ans plus tard : sorte de making of d’une étude sociologique engagée, pointant les limites et ouvrant sur de nouvelles perspectives.