L’efficacité des sanctions économiques imposées à la Syrie en question - Scarlett HADDAD

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  • Une façon de voir le rapport de force en Syrie, généralement présenté sous l’angle d’un immense déséquilibre, d’un manque de soutien à une rébellion plus ou moins livrée à elle-même…

    (1) le budget militaire de la Syrie pour 2011, selon les estimations, était de 1,8 à 2,5 milliards de dollars ;

    (2) Dès 2012, la CIA organise, avec de l’argent Séoudien, le soutien à la rébellion, à hauteur de « plusieurs milliards de dollars » :
    https://seenthis.net/messages/453211

    (3) Depuis 2013, la CIA a un programme, en propre, d’armement et d’entraînement des « rebelles » en Syrie à hauteur de 1 milliard par an :
    https://seenthis.net/messages/380589

    (4) Mi-2013, le FT estimait les « dépenses » du Qatar en Syrie à au moins 1,5 milliards de dollars par an, et plus encore pour l’Arabie séoudite :
    https://seenthis.net/messages/139356

    (5) Le Pentagone avait un budget de 500 millions de dollars pour l’année 2015 seule :
    http://foreignpolicy.com/2016/03/18/pentagon-wasted-500-million-syrian-rebels

    On ne sait pas à quelle hauteur sont intervenus d’autres pays (par exemple la France a reconnu avoir violé l’embargo européen sur l’envoi d’armes en Syrie en 2012), ou d’autres services (le Pentagone avant 2015 par exemple).

    Ce qui fait qu’on peut estimer, de manière tout à fait crédible (sur la base de sources « reconnues » que sont le Financial Times, le New York Times et le Washington Post), que les investissements étrangers dans l’armement et l’entraînement de la rébellion syrienne ont été au moins équivalents au budget de la défense syrienne du début de la guerre.

    Une remarque : il est assez évident que, avec l’escalade du conflit, le budget militaire syrien a explosé, puis que l’intervention directe russe a encore changé l’équation (un article estimait le coût de la première année d’intervention russe en Syrie à 800 millions de dollars). Mais cette histoire de budget me semble tout de même extrêmement parlante. Je m’explique : le budget militaire de la France, à la même époque, tourne autour de 60 milliards de dollars. Imaginons que, pour une raison quelconque, une rébellion éclate dans le pays, et que des pays étrangers se mettent à l’armer et à la financer, à hauteur d’environ 60 milliards de dollars par an. Assez évidemment, dans les années qui suivent, le budget français va augmenter dans des proportions énormes, et le pays fera appel à, disons, l’armée de son allié américain. De fait, la comparaison directe avec le budget initial ne donnera pas une idée précise du rapport de force durant le conflit, mais constituera tout de même un ordre d’idée éclairant : et c’est là que je veux en venir, personne n’osera prétendre que la rébellion financée à de tels niveaux était désargentée, combattant en tongues, « abandonnée », et que le rapport était totalement déséquilibré.

    • Je te rappelle comment Florence Aubenas décrivait, mi 2012, cette fragile armée en tongues munie de quelques pauvres armes antichars :
      http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/07/23/a-alep-en-syrie-mais-c-est-la-revolution_1737028_3218.html

      Alep est à moins de 20 km mais on roule pendant plus d’une heure dans la nuit pour y entrer, convoi fragile de combattants, tout juste munis de quelques pauvres armes antichars et rien contre les hélicoptères. La révolution – comme l’appellent ici ses partisans – n’est pas de celles qui se racontent dans les livres d’histoires, du moins jusqu’ici. Rien de spectaculaire ou d’éclatant : ni prise de la Bastille ni déferlement populaire qui submergerait la ville. Elle avance à petits pas, en claquettes et tee-shirt, façon camouflage troué, de succès modestes en débandades cuisantes, portée par la certitude inébranlable en sa victoire.

    • Ces budgets comparés nous procure une approche du niveau de criminalité. Crimes a imputer à qui ?
      C’est à dire que sans cet afflux financier - qui sera pour notre part financé par le contribuable - le nombre de tués en Syrie ne serait certainement pas celui que l’on connait actuellement.
      Évidemment, on peut supposer que le pouvoir n’aurait pas traité les syriens qui ont choisi la rébellion armée, avec douceur, bien entendu.
      Mais il n’y aurait pas eu, à coup sûr, cette escalade.
      La France a une lourde responsabilité. Ses dirigeants devraient être poursuivis.

    • Il faudrait ajouter l’arme silencieuse mais dont la population est la première victime. Arme considérée dans des rapports indépendants :

      « les sanctions économiques imposées à la Syrie sont considérées comme les plus dures jamais décidées contre un pays. »

      L’efficacité des sanctions économiques imposées à la Syrie en question
      Décryptage Scarlett HADDAD

      http://www.lorientlejour.com/article/978618/lefficacite-des-sanctions-economiques-imposees-a-la-syrieen-question.

    • Troisième couche :

      Le produit des pillages par les terroristes, en zone occupée... vente de pétrole, pièces archéologiques, économies des familles...J’en passe et des meilleures. Ça se compte certainement aussi en milliards.

  • Scarlett Haddad dans l’OLJ commente le rapport commandé par la Commission des Nations Unies pour l’Asie occidentale (ESCWA), mais qui ne sera pas rendu public, démontrant des conséquences catastrophiques pour la société syrienne des sanctions :
    L’efficacité des sanctions économiques imposées à la Syrie en question OLJ / 01.04.16
    http://www.lorientlejour.com/article/978618/lefficacite-des-sanctions-economiques-imposees-a-la-syrieen-question.

    Il faut rappeler que concernant la Syrie, l’Onu n’a pas imposé de sanctions économiques, celles-ci viennent essentiellement de l’Union européenne et des États-Unis. Selon le rapport, les sanctions économiques imposées à la Syrie sont considérées comme les plus dures jamais décidées contre un pays. Elles concernent à la fois les produits importés par la Syrie ainsi que le système financier et bancaire sans parler des avoirs de certaines personnalités liées au régime. Selon un diplomate occidental qui suit de près le dossier syrien, lorsque ces sanctions économiques ont été décidées, elles étaient destinées à accélérer la chute du régime syrien en causant une crise économique sans précédent et une pression populaire sur le régime pour hâter son effondrement, en plus des développements militaires. Force est de constater que cinq ans après le déclenchement de la guerre en Syrie et malgré les multiples pronostics annonçant régulièrement sa chute imminente, le régime syrien est encore là et parvient même à enregistrer des victoires militaires sur le terrain, dont la dernière en date est la reprise de la ville de Palmyre et de ses environs. [...]
    D’après le rapport, les conditions de vie des 10 millions de Syriens ayant besoin d’aide à l’intérieur du territoire syrien ont donc été aggravées par les sanctions économiques qui étaient principalement destinées à affaiblir le régime. L’enquête effectuée par l’auteure de l’étude, sur le terrain et auprès des ONG internationales qui sont actives en Syrie, ainsi qu’auprès des agences relevant de l’Onu, montre que les sanctions économiques imposées à la Syrie ont rendu très difficile l’assistance humanitaire, notamment dans le domaine du financement et du transport des fonds. À cause de l’embargo, les banques peuvent difficilement faire des virements vers la Syrie et l’argent doit prendre des chemins complexes qui d’une part sont plus coûteux et d’autre part favorisent un système de corruption, sans parler des questions sécuritaires. En réalité, les restrictions financières imposées à la Syrie ont largement affaibli le secteur bancaire de ce pays et elles ont aussi ralenti l’enthousiasme des donateurs. De plus, comme les États-Unis ont classé la Syrie parmi les États qui sponsorisent le terrorisme, les produits américains ne peuvent pas être introduits en Syrie ou ont besoin pour cela d’une autorisation spéciale. Ce qui constitue un processus difficile et compliqué. Les médicaments américains ne peuvent ainsi pas être vendus en Syrie, tout comme les pièces de rechange des appareils de dialyse par exemple. Au point que la plupart des hôpitaux syriens ne peuvent plus à l’heure actuelle traiter les malades ayant besoin de ce traitement.
    Il faut aussi signaler que la guerre féroce qui se poursuit depuis cinq ans dans le pays a entraîné d’énormes destructions dans les différents secteurs, qu’il s’agisse des transports, des communications, des installations sanitaires, de la production électrique, etc. En résumé, le constat au sujet de l’impact des sanctions économiques sur l’aide humanitaire est qualifié de négatif, ces sanctions ayant affaibli la population, alors que le régime syrien est toujours en place.

    • Et une fois de plus, on pourrait se demander pourquoi on utilise à chaque fois les mêmes méthodes (je veux dire : largement documentées et donc aux effets parfaitement prévisibles), qui sont au mieux contre-productives par rapport aux objectifs que nous prétendons vouloir atteindre…