Le soulèvement syrien au prisme iranien

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  • Je m’étais résolu à ne pas t’enquiquiner avec ça, mais je n’arrive pas à m’y tenir : alors voilà, il y a eu un nouveau papier de François Burgat sur l’Iran et la Syrie (oui, je sais…) : Le soulèvement syrien au prisme iranien
    http://orientxxi.info/magazine/le-soulevement-syrien-au-prisme-iranien,1291,1291

    Déjà le sous-titre te laisse deviner l’idée finale :

    Les mêmes aveuglements que l’Occident sur l’islam politique sunnite

    Puis le chapeau :

    Il a été frappé par le parallélisme entre le discours tenu sur le rôle de l’islam politique sunnite et celui tenu par les Occidentaux. Pourtant l’Iran n’aurait-il pas dû être en mesure de comprendre le schématisme du discours occidental sur « l’islam de l’autre » dont il a été lui-même victime ?

    Enfin dans le texte lui-même :

    Et ce wahhabisme est mis en scène avec une absence de contextualisation qui ressemble étonnamment au discours de nos élites médiatiques les moins exigeantes. Étrange impression d’entendre à Qom (la capitale religieuse) comme à Téhéran les héros de la Révolution islamique de 1979 emprunter, pour décrire « l’islam de l’Autre », les raccourcis dont l’Occident a systématiquement usé pour essentialiser et criminaliser leur propre trajectoire révolutionnaire.

    (Oui parce que Burgat déteste les critiques décontextualisées du wahhabisme.)

    Ce qui logiquement conduit à cette énormité dans le dernier paragraphe :

    Paris et Téhéran combattent désormais ensemble (en rivalisant parfois d’un même sectarisme) un ennemi djihadiste commun.

    (Je mets en gras parce que c’est vraiment épatant.)

    (1) Alors j’aimerais savoir de quel « ennemi jihadiste commun » il parle. Ce n’est pas faute de nous avoir expliqué depuis des lustres que Téhéran, soutenant le régime syrien, ne combat pas réellement Daesh (c’est tout même Burgat et Caillet qui ont savamment expliqué que le Front al-Nusra était certainement une invention des services sécuritaires du régime pour commettre des attentats false flag et ternir l’image des gentils islamistes modérés). Et c’est le même Burgat qui reproche à la France de ne combattre que Daesh « et seulement Daesh ». Je ne vois pas comment Téhéran qui combattrait principalement des rebelles mainstream et la France qui ne combat que Daesh auraient un « ennemi jihadiste commun » - qu’ils combattraient "ensemble" qui plus est.

    (2) La France a été, et certainement grâce à l’influence de Burgat, l’un des premiers et principaux soutiens, avec le Qatar, de l’opposition syrienne dite « de l’extérieur », essentiellement constituée des Frères musulmans. La France a sciemment écarté l’opposition « de l’intérieur », et le Quai d’Orsay a partagé la détestation affichée de Burgat pour quelqu’un comme Haytham Manna. Là encore, je ne vois pas comment on peut parler sans rire d’un « sectarisme » de la politique étrangère française à l’encontre de l’« islam politique sunnite » dans le « soulèvement syrien ».

    (3) Je suis tout à fait convaincu du sectarisme français, et j’ai peu de doute sur une forme de sectarisme iranien. Mais de là à parler « d’un même sectarisme » ! La France est une république laïque pratiquant de manière désormais quasi ouverte une islamophobie d’État sur la plan intérieur, tout en se proclamant le plus fidèle allié du régime wahhabite séoudien sur le plan extérieur. L’Iran est une république islamique en guerre quasiment ouverte avec l’Arabie séoudite. Parler d’un « même sectarisme » est un raccourci particulièrement malhonnête.

    (4) Bon, ressasser les motifs « sectaires » du camp pro-régime et les dangers de l’agitation sectaire chiite par l’Iran, alors que les gentils islamistes sunnites sont, eux, tolérants et inclusifs, c’est une théorie que Burgat soutient en Syrie depuis des années. Heureusement, il vient d’aller en Iran, où il a pu scientifiquement confirmer que c’est bien le sectarisme qui motive la politique syrienne de l’Iran.