Croatie : le gouvernement bien seul aux commémorations de l’insurrection du camp de Jasenovac

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  • Citations tirées du très bon livre « Le miel » de Slobodan Despot :

    « En arrivant à la hauteur de la sortie #Jasenovac, il éprouva un frisson. Jasenovac, c’était le célèbre camp de concentration croate où les oustachis, durant la #Seconde_Guerre_mondiale, avaient massacré à l’arme blanche des populations entières de Serbes de la Kranjina et de Bosnie. Chaque famille, dans la région de ses racines, avait vu quelqu’un des siens finir à Jasenovac. Les néomartyrs. C’était le nom que donnaient à ces malheureux les prêtres orthodoxes, évoquant une ville entière engloutie dans les fosses et le limon de la Save. Un afflux de chrétiens suppliciés comme le ciel n’en avait, soulignaient-ils, jamais vu depuis deux mille ans. D’après l’Eglise, le Jasenovac souterrain aurait été, peut-être, la deuxième ville serbe par son nombre d’habitants.
    Ces visions pathétiques et macabres lui faisaient horreur. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de les imaginer, ces milliers d’égorgés et d’assommés, entassés depuis un demi-siècle dans le sol, sous les fermes, sous la route, sous ses roues. Il se mit à trembler. Il était de leur sang, de leur tribu : raison suffisante pour finir comme eux sous ce régime grotesque qui s’obstinait à rejouer son passé dans una mascarada sanglante sur laquelle le monde entier fermait les yeux »

    Slobodan DESPOT, Le miel, Gallimard, 2014, p.71.

    « Lynyrd Skynyrd. Sweet Home Alabama. Un morceau qui avait bercé son adolescence, et qu’il n’avait plus entendu depuis. En un instant, comme à l’heure dernière, il revécut toutes ces vacances d’été vagabondes, sous les tentes et dans le spins. On sautait avec trois sous en poche et le sac au dos dans des trains bondés pour n’importe quelle destination côtière, on se rassemblait au coin du feu autour de mauvaises grattes, on chantait faux des chants dj’ici et d’Amérique. On était en Yougoslavie, un pays sûr, décontracté, prestigieux. On était non aligné, ouvert au monde entier. On allait partout, et sans visa. La jeunesse y faisait ce qu’elle voulait… Cocagne ! Et lui, maintenant, il roulait sur cette autouroute déserte avec ce chien de garde qui allait peut-être le fusiller tout à l’heure, juste à cause de son origine.
    Une origine à laquelle, du temps de cette musique, il ne songeait même pas ! Si on lui avait dit, alors, que ses camarades de camping n’étaient pas de la même ethnie que lui ! Quelle rigolade ! Même les Macédoniens et les Slovènes étaient de ’nôtres’ ; du reste, ils parlaient tous serbo-croate… »

    Slobodan DESPOT, Le miel, Gallimard, 2014, p.75.

    #Yougoslavie #Deuxième_guerre_mondiale #Seconde_guerre_mondiale #spomeniks
    cc @albertocampiphoto

    A Jasenovac il y a maintenant un #spomenik :


    http://rga.revues.org/2799