« Le procès des LuxLeaks aura l’apparence d’un procès de droit commun, mais la réalité d’un procès politique »

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  • « Le procès des LuxLeaks aura l’apparence d’un procès de droit commun, mais la réalité d’un procès politique »

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    Par Eric Alt, magistrat et vice-président de l’association Anticor

    Le 26 avril, Antoine Deltour comparaîtra devant le tribunal de Luxembourg. Il encourt cinq ans d’emprisonnement et 1,25 million d’euros d’amende pour « vol domestique, accès ou maintien frauduleux dans un système informatique, divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et blanchiment-détention des documents soustraits ». Les condamnations prononcées pourraient être exécutées en France, en vertu des textes sur la reconnaissance mutuelle en matière pénale.

    Antoine Deltour est à l’origine des LuxLeaks [les Luxembourg Leaks, en 2014] qui ont mis en lumière la concurrence fiscale déloyale et agressive du Luxembourg. Ces pratiques ont permis de localiser des bénéfices considérables dans ce pays, au préjudice des autres Etats de l’Union : 548 arrangements fiscaux ont été conclus entre l’administration de ce pays et plus de 300 entreprises multinationales entre 2002 et 2010. Ils leur ont permis d’obtenir des réductions de l’impôt sur les sociétés drastiques, du taux légal de 29 % à moins de 1 %.

    Antoine Deltour a reçu le prix du citoyen européen, le prix éthique Anticor et 100 000 personnes ont signé une pétition de soutien en sa faveur. Mais il sera seul à la barre, avec un journaliste. Ce procès aura l’apparence d’un procès de droit commun, mais la réalité d’un procès politique. Antoine Deltour a justement été pressenti pour le prix Sakharov, dissident qui avait écrit « Mon pays est malade ». Il parlait d’une URSS qui ignorait la justice sociale et qui était dominée par une bureaucratie d’Etat disposant de privilèges indus. Aujourd’hui, c’est notre Europe qui est malade.