Matignon annonce un audit du système d’écoutes judiciaires, critiqué par la Cour des comptes

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  • Matignon annonce un audit du système d’écoutes judiciaires, critiqué par la Cour des comptes
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    C’est un peu le coup de grâce que la Cour des comptes donne au dispositif français d’écoutes judiciaires. Alors que ce projet pharaonique de plate-forme nationale des interceptions judiciaires (#PNIJ), censé fournir aux juges et aux enquêteurs de la police un outil moderne, efficace et économe, commence à peine à entrer en service, les magistrats de la rue Cambon dénoncent le schéma global retenu.

    Dans un référé adressé au premier ministre le 18 février, et rendu public lundi 25 avril, la Cour des comptes dénonce les retards (neuf ans) et la dérive des coûts (passés de 42 à 83 millions d’euros) de ce projet. Au-delà de ces reproches, somme toute assez classiques dans des chantiers de cette ampleur, ce sont les choix structurels qui sont critiqués. « Le choix de faire héberger la PNIJ, non par l’Etat, mais par un prestataire privé suscite des interrogations auxquelles la Cour, à l’issue de son contrôle, n’a pas pu obtenir de réponses », écrit notamment Didier Migaud, son premier président, dans sa lettre à Manuel Valls dont Le Canard enchaîné avait révélé des extraits le 16 mars.

    C’est en effet l’entreprise Thales, qui a remporté le marché en 2010. Elle héberge ce dispositif ultrasensible qui centralise des informations concernant aussi des enquêtes touchant à la sécurité nationale. Dans sa réponse, datée du 20 avril, Manuel Valls ouvre la perspective d’une « internalisation » de cette plate-forme....

    … la suite derrière #paywall

    • (...) Couacs techniques depuis octobre 2015

      C’est le ministère de l’intérieur qui avait refusé d’héberger cette plate-forme sur l’un de ses sites informatiques sécurisés alors que les études préalables l’avaient recommandé. M. Migaud reproche au ministère de la justice, qui s’est donc rabattu sur Thales, de n’avoir pas sollicité l’arbitrage de Matignon « afin de trouver une solution plus conforme aux intérêts sécuritaires et financiers à moyen terme de l’Etat ». Prendre le contre-pied du schéma initial ne sera pas chose aisée. Manuel Valls ne l’envisage qu’après la période 2017-2020 et une réorganisation des services de l’Etat chargés de suivre techniquement, juridiquement et financièrement ce sujet. Mais, d’ici là, il n’exclut pas de mettre Thales en concurrence dans le cadre d’un « nouveau marché public pluriannuel ».

      Dans sa réponse au référé, le premier ministre reconnaît par ailleurs les couacs techniques intervenus depuis la mise en service officielle de la PNIJ en octobre 2015. Non couverts par le rapport de la Cour des comptes bouclé avant, certains bugs et plantages de la plate-forme, notamment début mars, avaient mis en émoi les services de police et de justice. Certains ont même préféré continuer de traiter directement avec des prestataires privés indépendants plutôt que de passer par la plate-forme. De quoi remettre en cause l’intérêt économique du projet. « Aucun problème technique d’importance n’a été porté à notre connaissance depuis le début mars », affirme aujourd’hui le ministère de la justice.

      Le premier ministre paraît moins sûr de la qualité opérationnelle de la PNIJ. Manuel Valls souhaite ainsi qu’une « mission d’inspection technique » permette d’ici le 1er août d’« évaluer le projet industriel, sa conception ainsi que sa réalisation technique ; évaluer les causes des dysfonctionnements connus et vérifier la pertinence des actions correctives en cours ».

      Sur le terrain, les membres de la police judiciaire ne sont toujours pas satisfaits. « Les dysfonctionnements de la PNIJ continuent », affirme Christophe Rouget, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure. « Le système est hyperefficace quand il s’agit par exemple de récupérer des fadettes, mais pour les écoutes, c’est très compliqué et ça prend beaucoup plus de temps qu’avant. » Selon M. Rouget, « là où dix écoutes pouvaient être mises en place simultanément par exemple dans une affaire de stupéfiants, on ne peut plus en faire que deux » !

      L’idée d’une plate-forme unique nationale n’est pas remise en cause. Alors que les frais des écoutes judiciaires ont explosé à 122,5 millions d’euros en 2015, la plate-forme devrait être amortie en deux ou trois ans, estime la Cour des comptes, car elle devrait permettre d’économiser 30 à 40 millions d’euros par an... « si les hypothèses se confirment ».

      Pour éviter de recommencer les mêmes bêtises, la Cour des comptes demande à l’Etat de s’organiser urgemment afin d’anticiper les évolutions technologiques en matière de communications qui risqueraient de rendre la PNIJ obsolète en quelques années.