Politiques de l’inimitié - Achille MBEMBE

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  • Achille #Mbembe « Un désir fondamental d’#insurrection s’exprime sous des formes nouvelles »
    http://www.humanite.fr/achille-mbembe-un-desir-fondamental-dinsurrection-sexprime-sous-des-formes-

    Nous avons une vision assez partiale de l’histoire de la #démocratie. Or, le paradoxe de cette histoire, c’est que la démocratie a deux corps. D’un côté, un corps diurne, presque solaire, que l’idéologie post-1990, après la chute du bloc de l’Est, a magnifié. De l’autre côté, un corps nocturne, lié à la séparation entre un ici et un ailleurs où l’on peut tout se permettre : piller, exploiter, brutaliser, tuer, infliger la mort de façon extrajudiciaire, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Un ailleurs où l’on peut décharger la #violence qui, si elle était exercée à l’intérieur, déboucherait sur la menace de la guerre civile. On l’a vu lors du moment colonial. On le voit aujourd’hui dans la guerre contre le djihadisme. Dans cette phase néolibérale, les deux corps de la démocratie, le corps diurne et le corps nocturne, sont en train de se réunir, au moment où s’effacent les frontières objectives entre l’ici et l’ailleurs. D’où les glissements autoritaires auxquels nous assistons. Le monde est devenu tout petit. Contrairement au monde de la période coloniale, au monde des conquêtes, des « découvertes », il a montré ses limites. C’est un monde fini, traversé par toutes sortes de flux incontrôlés, mouvements migratoires, mouvements de capitaux liés à la financiarisation extrême de l’économie. Sans compter tous les flux portés par l’avènement de la nouvelle raison digitale. Ces flux sont marqués par l’accélération des vitesses, le bouleversement des régimes du temps. Tout cela favorise l’enchevêtrement inédit de l’intérieur et de l’extérieur. Conséquence, il est désormais impossible de prétendre vivre en sécurité ici quand on fomente le désordre, le chaos ailleurs. Le #chaos, le #désordre nous reviennent en boomerang. Sous la forme d’attentats, mais aussi par le renforcement de la pulsion autoritaire chez nous-mêmes. Ce glissement autoritaire est présenté comme une condition de la sauvegarde de notre #liberté. Or, si nous acceptons plus de #sécurité au nom de la préservation des #libertés, nous acceptons simultanément le glissement autoritaire. Il y a là une tension entre la capitulation et le désir de #révolte, qui est aussi une donnée cruciale des temps que nous vivons. D’un côté l’abdication et de l’autre un #désir fondamental d’insurrection qui s’exprime ici et là sous des formes tout à fait nouvelles.

  • Politiques de l’inimitié par Achille MBEMBE

    Achille Mbembe ce matin sur France Culture ; un entretien qui amène à la découverte de son livre.

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Politiques_de_l_inimiti__-9782707188182.html

    Cet essai explore cette relation particulière qui s’étend sans cesse et se reconfigure à l’échelle planétaire : la relation d’inimitié. S’appuyant en partie sur l’œuvre psychiatrique et politique de Frantz Fanon, l’auteur montre comment, dans le sillage des conflits de la décolonisation du XXe siècle, la guerre – sous la figure de la conquête et de l’occupation, de la terreur et de la contre-insurrection – est devenue le sacrement de notre époque.
    Cette transformation a, en retour, libéré des mouvements passionnels qui, petit à petit, poussent les démocraties libérales à endosser les habits de l’exception, à entreprendre au loin des actions inconditionnées, et à vouloir exercer la dictature contre elles-mêmes et contre leurs ennemis.
    Dans cet essai brillant et brûlant d’actualité, Achille Mbembe s’interroge, entre autres, sur les conséquences de cette inversion, et sur les termes nouveaux dans lesquels se pose désormais la question des rapports entre la violence et la loi, la norme et l’exception, l’état de guerre, l’état de sécurité et l’état de liberté.
    Dans le contexte de rétrécissement du monde et de son repeuplement à la faveur des nouveaux mouvements migratoires, l’essai n’ouvre pas seulement des pistes neuves pour une critique des nationalismes ataviques. Il pose également, par-delà l’humanisme, les fondements d’une politique de l’humanité.

    http://www.rfi.fr/hebdo/20160408-politiques-inimitie-achille-mbembe-colonisation-decolonisation-fanon-af
    http://www.philomag.com/les-livres/grand-angle/politiques-de-linimitie-14903

    La guerre ou le care ? Face au climat de l’époque hanté par le spectre de l’affrontement de tous contre tous, faut-il entrer dans une nouvelle culture du soin, détachée de la tutelle des États, comme le suggère Achille Mbembe, ou refonder le contrat social loin de tout sentimentalisme, comme le préconise Yves Michaud ?

    Une politique fondée sur «  la discrimination de l’ami et de l’ennemi   » : c’est cette vision de Carl Schmitt, philosophe antidémocratique s’il en fut, qu’Achille Mbembe voit triompher aujourd’hui au sein même des démocraties libérales. La guerre comme «  sacrement de notre époque  » : le thème est «  rugueux  », reconnaît-il. C’est donc dans la tension que l’historien et philosophe camerounais, reconnu comme l’un des théoriciens les plus créatifs et critiques de la postcolonie (il enseigne dans les universités d’Harvard aux États-Unis et du Witwatersrand en Afrique du Sud), analyse le chaos du monde, la sortie de la démocratie ou son inversion en dictature «  sous les habits de l’exception  », fabriquant une «  société de l’inimitié  ». L’ennemi, donc, est, plus que jamais, la grande obsession qui envahit la planète, et, avec elle, celle d’une séparation d’avec tout ce (ceux) qui n’est pas soi-même. L’angoisse de l’anéantissement, lorsqu’elle saisit les plus puissants, nourrit cette obsession qui, hier comme aujourd’hui, risque de s’accomplir en fantasme d’extermination.

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