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    Virgilia D’Andrea, poétesse, syndicaliste anarchiste, militante antifasciste

    Ce 12 mai 2016, on commémorait l’anniversaire de la mort d’une grande dame italienne de la lutte antifasciste mais aussi poétesse de talent : Virgilia D’Andrea. Cette militante féministe et anarchiste disparait le 12 mai 1933 à New York. Elle n’est âgée que de 44 ans. Elle a résisté à la montée du fascisme en Italie, mais pas au cancer qui lui ôte son énergie vitale. Cette date anniversaire m’a donné envie de remettre en chantier une chronique que j’avais commencée il y a quelques temps. Elle ne sera pas publiée le 12 mai, mais la précision des commémorations n’a pas grande importance !
    Tout comme le Britannique Albert Meltzer dont j’ai raconté la vie mouvementée il y a quelques temps, Virgilia D’Andrea est peu connue en France. Les compagnons anarchistes évoquent fréquemment la mémoire de militantes de stature internationale comme Federica Montseny (Espagnole), Emma Goldman (Américaine) ou Voltairine de Cleyre (très en vogue depuis quelques années). Noë Ito, Rose Pesotta ou Mollie Steimer, dont j’ai évoqué la vie à l’occasion dans ces colonnes, sont beaucoup moins connues. En ce qui concerne Virgilia D’Andrea, il est probable que la notoriété de son compagnon, Armando Borghi, l’ait quelque peu reléguée au second plan. L’histoire de sa vie nous montre pourtant qu’il n’en est rien et qu’elle a joué un rôle clé, dans les années 30, au sein du mouvement italien d’opposition au fascisme. Quant aux amateurs de poétesses italiennes disparues, ils ne sont pas assez nombreux, en France, pour constituer un cercle ! Son œuvre majeure, « Tormento », est publiée en 1922. Elle n’aura guère le temps de publier beaucoup d’autres ouvrages mais le besoin d’écrire de la poésie est une constante tout au long de sa brève existence. Elle consacre l’essentiel de son temps aux luttes syndicales et antifascistes. A l’heure où la bête immonde relève la tête dans bien des pays, il n’est peut-être pas totalement inutile de se rappeler la période sombre des années 1920/1930.

    Virgilia est née le 11 février 1888 dans une petite bourgade tranquille des Abruzzes, Sulmona, en Italie. Sans être riche, sa famille possède suffisamment de biens pour que la jeune fille puisse espérer une vie tranquille. Ce ne sera pas le cas. Alors qu’elle est âgée d’à peine six ans, une série d’événements dramatiques viennent perturber le cours de son existence. En l’espace de quelques mois, sa mère, un de ses frères et son père décèdent. Les circonstances de ces décès sont plutôt singulières. Le père, par exemple, est assassiné par l’amant de sa seconde épouse… L’un de ses frères est aussi éliminé à cette occasion. Virgilia, devenue orpheline, est placée dans un couvent catholique. Sa première confrontation avec l’anarchisme date de 1900. Les religieuses du couvent forcent les jeunes pensionnaires à prier pour le repos de l’âme du roi Umberto I, assassiné par un anarchiste, Gaetano Bresci. Elle qui a été confrontée si jeune à la violence s’interroge sur les raisons de l’acte commis par Bresci, cet homme que les nonnes qualifient de « fou » et de « criminel ». Son esprit critique va se développer peu à peu. La discipline de l’institution religieuse y est pour quelque chose : pour lutter contre l’ennui, Virgilia passe l’essentiel de son temps à lire. Elle dévore tous les titres et tous les auteurs que la bibliothèque du couvent met à sa disposition. Durant cette période, la jeune fille est solitaire et elle a peu de relations avec ses coreligionnaires dont elle ne supporte pas les « caprices ». La disparition de son père l’a profondément marquée et l’on ne sait pas grand chose des relations qu’elle entretient avec son frère survivant. Elle s’interroge sur l’état du monde et cherche à comprendre l’origine des nombreuses imperfections qu’elle découvre peu à peu. En 1909, elle quitte l’institution religieuse avec un diplôme d’institutrice. Elle exerce son métier avec passion dans les bourgades des alentours de Sulmona. Elle apprécie le calme et la solitude de ces villages de montagne.❞