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  • Achille #Mbembe « Un désir fondamental d’#insurrection s’exprime sous des formes nouvelles »
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    Nous avons une vision assez partiale de l’histoire de la #démocratie. Or, le paradoxe de cette histoire, c’est que la démocratie a deux corps. D’un côté, un corps diurne, presque solaire, que l’idéologie post-1990, après la chute du bloc de l’Est, a magnifié. De l’autre côté, un corps nocturne, lié à la séparation entre un ici et un ailleurs où l’on peut tout se permettre : piller, exploiter, brutaliser, tuer, infliger la mort de façon extrajudiciaire, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Un ailleurs où l’on peut décharger la #violence qui, si elle était exercée à l’intérieur, déboucherait sur la menace de la guerre civile. On l’a vu lors du moment colonial. On le voit aujourd’hui dans la guerre contre le djihadisme. Dans cette phase néolibérale, les deux corps de la démocratie, le corps diurne et le corps nocturne, sont en train de se réunir, au moment où s’effacent les frontières objectives entre l’ici et l’ailleurs. D’où les glissements autoritaires auxquels nous assistons. Le monde est devenu tout petit. Contrairement au monde de la période coloniale, au monde des conquêtes, des « découvertes », il a montré ses limites. C’est un monde fini, traversé par toutes sortes de flux incontrôlés, mouvements migratoires, mouvements de capitaux liés à la financiarisation extrême de l’économie. Sans compter tous les flux portés par l’avènement de la nouvelle raison digitale. Ces flux sont marqués par l’accélération des vitesses, le bouleversement des régimes du temps. Tout cela favorise l’enchevêtrement inédit de l’intérieur et de l’extérieur. Conséquence, il est désormais impossible de prétendre vivre en sécurité ici quand on fomente le désordre, le chaos ailleurs. Le #chaos, le #désordre nous reviennent en boomerang. Sous la forme d’attentats, mais aussi par le renforcement de la pulsion autoritaire chez nous-mêmes. Ce glissement autoritaire est présenté comme une condition de la sauvegarde de notre #liberté. Or, si nous acceptons plus de #sécurité au nom de la préservation des #libertés, nous acceptons simultanément le glissement autoritaire. Il y a là une tension entre la capitulation et le désir de #révolte, qui est aussi une donnée cruciale des temps que nous vivons. D’un côté l’abdication et de l’autre un #désir fondamental d’insurrection qui s’exprime ici et là sous des formes tout à fait nouvelles.