• Des hommes debout, Maya Abdul-Malak, 2015

    Cette fiche un petit peu particulière est destinée à vous convaincre tous et toutes que le film « Des hommes debout » de Maya Abdul-Malak doit absolument être montré, non pas désigné mais partagé.
    C’est un film exigeant qui demande absolument d’être accompagné pour trouver son public. Il est tellement loin des produits que les gens, je veux dire les vrais gens ont l’occasion de voir des docs à la télé et au Gaumont qu’il peut en effet rebuter très rapidement et passer pour un mauvais brouillon, voire, pour une plaisanterie.
    Pour finir cette intro, je dirai que c’est toute la vocation de notre association que d’inviter le public à risquer son regard. C’est aussi notre rôle que de donner la chance à certains films de trouver un public. Ce film est difficile, mais il dit beaucoup plus de choses qu’un commentaire pourrait en formuler.

    Maintenant ça suffit je commence mes questions habituelles.

    Un résumé du moment passé à voir ce film
    Mardi 10 au matin, un peu la flemme de voir un doc. Ca fait presque une dizaine de films, et j’ai la vague impression qu’ils sont un peu tous pareils.

    A quels films il m’a fait penser
    Allez, je passe le pas et je ne m’intéresse plus vraiment à mes questions qui doivent être vraiment repensées.

    Quelles images dans ce film m’ont le plus étonnées (ou un truc comme ça)
    Je vais plutôt parler du dispositif. En fait dans ma vie, j’ai mis un temps fou à savoir ce que c’était que ce mot « dispositif ». Et puis j’ai un peu compris que ce mot insupportable voulait dire en fait « mise en scène », une sorte de charte, de règles que le ou la filmeuse suivait pour construire son film. Ainsi, respecter un dispositif sert à le construire (cher spectateur, j’ai fait un film et il fonctionne comme ça) mais aussi à faire émerger le réel à l’intérieur de celui-ci. Tout ceci quitte à, parfois, ne pas le respecter et donner ainsi au film, dans ces moments là, une force incroyable.
    Ici, on comprend assez vite que la caméra n’ira pas au delà de ce bout de trottoir. A l’intérieur quelque fois mais c’est tout. Et en fait ce sera la voix qui nous permettra de voyager et de faire un film sur l’exode sans jamais sortir de ce bout de trottoir.
    En fait, je pense, que plus le dispositif est stricte et minimal, plus le regard peut se concentrer sur autre chose. Ainsi, l’attention se porte d’abord sur la parole des personnages, leurs accents, leurs tournures de phrases, leurs rapports fraternels. C’est par là que moi j’ai voyagé. J’ai pensé aux films anthropologiques de Jean Rouch et à la trilogie de L’Ile aux coudres de Perrault et Brault.

    Quels propos m’ont le plus touchés
    Au début, voir ces personnages discuter au quotidien ne me faisait rien, j’attendais de cerner un enjeu, une histoire. Et puis il y a eu la première lettre de lue. Elle avait été écrite en 1972 et nous parlait d’un exil. Et puis là dans ma tête ça a fait clac ! J’attends désespérément une histoire alors que c’est ça l’histoire, tenir les murs, tenter de se retrouver un chez soi autour d’une boutique de spécialités tunisiennes. Les lettres m’ont foutu un putain de vertige. Un jeune homme enthousiaste près à croquer sa nouvelle vie et à conquérir le monde...et en même temps je vois les hommes que ce jeune est devenu. Whaou c’est mieux que de la fiction.

    Et puis quand même il y en a un qui revient. Quelle illusion d’avoir cru que sa vie était là bas et pourrait recommencer comme si rien ne s’était passé. C’est dans le dispositif qu’il reviendra s’échouer.

    A qui j’aimerai montrer ce film
    Je pense que ce film doit être montré dans des bars à kébabs ou bien dans des séances de formation au documentaire.
    Pour moi ce film représente tout ce que j’aime dans l’art cinématographique. Il expérimente une forme adaptée à son sujet.

    Ce que je dois absolument dire au groupe
    Ce film est fragile, il parle mille fois mieux de cinéma que « Ma famille entre deux terres ». J’espère vivement que le groupe le choisira et j’espère qu’il sera méga accompagné, ateliers, débats, rencontres, petits gâteaux, thé à la menthe.

    https://www.youtube.com/watch?v=DtB-i7FMI84


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