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  • Associations : faire face à l’offensive des entrepreneurs sociaux
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    Depuis quelques années, entreprises, écoles de commerce, étudiants et médias chantent les louanges de l’entrepreneuriat social. Ce modèle d’entreprise d’un nouveau genre promet de résoudre les problèmes du XXIe siècle sans, bien sûr, remettre en question le modèle économique en place. Des plus séduisants au premier abord, le discours de l’entrepreneuriat social mérite pourtant d’être replacé dans son contexte afin de mieux cerner les enjeux idéologiques et pratiques qu’il soulève. ☰ Par Paul Moutard-Martin (...)

    Assumer la conflictualité, amorcer la lutte

    Il est probable qu’une grande part des étudiants attirés par l’ESS ait découvert le secteur par le biais de l’entrepreneuriat social. En dehors des clivages traditionnels, ils sont souvent dépolitisés, aspirent à agir et se moquent bien de la pureté idéologique de leurs méthodes. C’est à cette génération, dont je fais partie, que cet article s’adresse, pour les avertir du piège que tend l’entrepreneuriat social à notre idéalisme. Aucune transformation sociale ou environnementale d’ampleur ne sortira de l’entrepreneuriat social : revernir l’idéologie néolibérale ne la rend pas moins néfaste. Comment croire à une refonte du système lorsqu’elle est opérée par des acteurs qui épousent sa logique ? Quelles réflexions sur la croissance, le productivisme, le travail, la démocratie, le pouvoir permet un modèle qui se targue de ne pas remettre en question les fondements du capitalisme ? La rénovation de l’ESS que nous promettent les entrepreneurs sociaux est un leurre qui menace les particularités d’un secteur qui proposait jusqu’ici des alternatives réelles. Alors que l’arrivée en France des « contrats à impact social » lancent le signal de départ vers une libéralisation toujours plus forte du secteur, il est, à l’inverse, essentiel d’investir les associations et coopératives pour défendre ce que l’ESS peut être. Peut, parce qu’il ne s’agit pas de dire que les acteurs de l’ESS ont été jusqu’ici exemplaires, mais de rappeler que les principes fondateurs du secteur contiennent en eux les germes d’une économie alternative – une économie locale, non capitaliste, encastrée dans la société, démocratique et autogestionnaire. Un rappel que doivent également entendre les associations attirées par les sirènes de l’entrepreneuriat social. Si elles continuent d’ignorer la conflictualité à l’œuvre dans l’ESS et de considérer les entrepreneurs sociaux comme des compagnons de route, nous assisterons à une reprise de la fable du pot de terre et du pot de fer. Dans l’état actuel des choses, nous savons pertinemment quel rôle sera alors dévolu aux associations.

    • Si l’argent des grandes entreprises n’a pas d’odeur, ce n’est pas le cas de l’argent public. Les entrepreneurs sociaux sont formels en ce qui concerne ce dernier : « Pas question pour les entrepreneurs sociaux d’être dépendants des pouvoirs publics. La volonté de pouvoir conserver son indépendance est cruciale. » Lorsqu’Arnaud Mourot, président d’Ashoka France, présente sa vision de l’avenir de la lutte contre la pauvreté, l’État n’est même pas cité comme acteur de ce combat. Et c’est là un des gages supplémentaires du succès des entrepreneurs sociaux : en niant la légitimité du financement public, ils s’insèrent parfaitement dans les politiques d’austérité mises en place depuis des décennies. À l’opposé des associations, subventionnées donc peu efficaces, les entrepreneurs sociaux se présentent comme la composante « professionnalisée » de l’ESS. La professionnalisation signifie l’application des méthodes de gestion du privé, méthodes dont les dégâts sur un secteur aussi important que celui de la santé sont désormais bien connus.

      Essentialisation de l’intervention de l’état dans le domaine du social, privatisation rampante des services de santé, d’éducation et de l’aménagement des territoires en matières de services publics, prise de position idéologique en faveur d’un néo-libéralisme débridé, voilà où nous sommes rendus depuis au moins trois décennies de Reconquista pour les droites de gouvernement ou de l’opposition.
      Merci pour cet article très riche et qui fait sens grâce à ses nombreux liens.

    • L’unité factice que semble indiquer la réunion des acteurs associatifs et des entreprises sociales au sein d’un même ensemble, l’ESS, dissimule l’hostilité du discours entrepreneurial envers les associations. Ces deux acteurs ne représentent pas deux approches de l’action « sociale » qui pourraient cohabiter. La légitimité même du modèle associatif est constamment niée à chaque ligne du discours des entrepreneurs sociaux : inefficaces, dépendantes des pouvoirs publics, paralysées par l’idéologie – pour ces derniers, les associés sont le passé et sont donc voués à mourir. Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, géant de l’entrepreneuriat social, aime ainsi à répéter que « dans dix ans, il y aura 10 fois moins d’associations en France ». Avec de tels amis, le secteur associatif n’a pas besoin d’ennemis. La situation est d’autant plus périlleuse que le discours de l’entrepreneuriat social triomphe au moment même où les associations traversent une situation difficile, affectées qu’elles sont par les politiques d’austérité et le passage d’une culture de moyens à une culture de résultats au sein des collectivités territoriales. Les pouvoirs publics, déjà transformés par les réformes liées au New Public Management, les poussent à adopter les modes de fonctionnement du privé et à introduire le mécénat d’entreprise dans leur financement.

    • Pas question pour les entrepreneurs sociaux d’être dépendants des pouvoirs publics. La volonté de pouvoir conserver son indépendance est cruciale.

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      On notera ainsi qu’une grande partie des « fellows » d’Ashoka France sont des associations, parfois subventionnées, parfois financées par les aides à l’insertion, ou travaillant étroitement avec les collectivités territoriales. Ceci n’invalide en rien les remarques précédentes, et ces contradictions entre discours idéologique et pratiques concrètes est une constante du néolibéralisme – le sauvetage des banques par les États en 2008 en est un exemple parfait.

      ben voyons... #chacals