• Belgique : « L’immigration italienne était une déportation, un arrachement à son pays » RTBF 3 Juin 2016 Anne Morelli

    Anne Morelli, historienne éminente de l’immigration italienne, était l’Actrice en Direct sur La Prem1ère ce vendredi matin. Elle a récemment publié un ouvrage intitulé "Recherches nouvelles sur l’immigration italienne en Belgique" et commente les 70 ans de l’accord "bras contre charbon", celui qui a mené l’Italie à envoyer des dizaines de milliers d’Italiens en Belgique en échange de charbon.
    http://www.rtbf.be/auvio/detail_l-acteur-en-direct-anne-morelli?id=2115515
    http://www.static.rtbf.be/rtbf/www/flash/dewplayer.swf?mp3=http://podaudio.rtbf.be/rod/lp-matin_premiere_l27acteur_en_direct_25133001.mp3
    Car, contrairement à ce qu’on peut lire ou entendre, "ce n’est pas le 70ème anniversaire de l’immigration mais bien de ces accords de 1946. Il y a beaucoup d’Italiens qui sont venus avant, et qui sont venus après 1956 et la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle. Dans les recherches, tout le monde se braque toujours sur les mineurs, les baraques, Marcinelle. Donc il est intéressant de relever tout ce qui s’est passé avant et après, et les distorsions qui ont pu avoir lieu à propos de cet accord."

    Cette immigration, c’est un arrachement, un déchirement
    Ces célébrations des 70 ans d’un accord d’immigration, Anne Morelli les relativise. "Il y a beaucoup de rhétorique autour de la mémoire, mais c’est évident que c’est une histoire qui n’a rien de glorieux, d’amusant. On dit ’On va fêter’, mais il n’y a rien à fêter. Cette immigration, c’est un arrachement, un déchirement, c’est une obligation, une déportation. C’est un mot choquant car on pense tout de suite à la déportation juive et aux camps d’extermination, mais au sens premier, déportation, ça veut dire vivre loin de chez soi. Pour tout ces gens qui en 1946 prennent la route, à cause de la misère, et aussi d’une certaine forme d’oppression politique qui régnait en Belgique."

    Les Italiens n’ont pas été que dans les mines

    Commentant ce "stéréotype" de l’immigré italien venant des Abruzzes, descendant en gare de Marcinelle, qui va dans des cabanes puis rapidement au fond de la mine, l’historienne précise que  « c’est
    beaucoup plus que ça."

    "Cette image est réelle, mais avant ça il y a eu une immigration italienne qui remonte au XIXème siècle, qui a déjà été assez importante dans l’entre deux-guerres, une immigration qui est très politisée et influencée par les milieux laïques."

    "Après 1956, beaucoup d’italiens viendront par une immigration personnelle. Par exemple les Italiens de Bruxelles sont largement étrangers à l’émigration des mineurs. Ce sont des gens qui vont travailler dans les usines, qui vont faire les grands travaux de Bruxelles des années 70." 

    "Aujourd’hui encore, il y a toujours des jeunes italiens qui affluent en Belgique, toujours avec cet espoir d’un mieux-être. Actuellement on compte 200 000 personnes de nationalité italienne, et la majorité d’entre eux sont nés en Belgique. Ils ont voulu maintenir cette nationalité. Il n’y a pas une communauté italienne unique, elle est tellement diversifiée religieusement et politiquement que ça ne forme pas un danger."

    Une forte reproduction sociale

    Avec des destins très différents, les Italiens de 1920 ont plus facilement trouvé la réussite que les Italiens qui sont venus juste après la seconde guerre mondiale.  « On voit que dans les bassins miniers, les enfants d’ouvrier sont largement devenus des ouvriers. C’est une reproduction sociale. Il y a eu une émancipation sociale, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. On nous présente Di Rupo, Adamo, Sandra Kim, un joueur de football… Ce sont les arbres que l’on met en avant, mais derrière ça, il y a un taux de chômage qui est plus du double de celui des Belges. »

    Cette image d’une intégration italienne en Belgique réussie,  l’ « énerve » "Parce qu’on présente les Italiens comme un modèle d’intégration à suivre, et vous les Marocains vous auriez dû faire comme les Italiens, etc. D’abord les conditions sont très différentes, et dans certains domaines, comme l’intégration politique à Bruxelles, elle a été beaucoup plus vite pour les Marocains que pour celle des Italiens en Wallonie."

    "Le seul endroit où les Italiens pouvaient réellement s’intégrer, c’était les syndicats, où ils sont toujours très présents. On leur a refusé le droit de vote pendant très longtemps, et pour quelle raison ? Parce qu’en 84, les Italiens de Belgique votent à 44% pour les milieux communistes."

    Filière de migration parallèle

    A côté de la filière officielle de migration italienne, les milieux patronaux ont organisé une filière parallèle, "la filière vaticane, qui recrutait dans les paroisses du nord-est de l’Italie des gens doux, gentils et fiables pour éviter d’avoir des subversifs. Ceux-là étaient les premiers à tenter de fuir l’Italie, et de trouver du travail parce qu’on leur refusait du travail en Italie étant donné leur implication dans des mouvements sociaux."

    "Il y a eu dès le début de ces années de grand recrutement, deux filons : le catholique, autour de la mission catholique, encouragé par le patronat, et le filon contestataire. Jusque Marcinelle, les délégués syndicaux belges de la FGTB sont interdits d’entrer dans les camps d’Italiens."

    Source http://www.rtbf.be/info/dossier/70-ans-de-l-immigration-italienne-en-belgique/detail_l-immigration-italienne-ne-se-resume-pas-aux-accords-bras-contre-charbon
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