OK les gars, je vire mon post annonçant mes photos du backstage d’un des gros couturiers libanais. Les photos sont toujours en CC sur mon compte Flickr, mais là, je vous trouve bien lourds.
– Ne soyons pas naïfs : l’aspect #shameless_autopromo ne vous aura pas échappé. Je donne les photos en Creative Commons, mais la (bonne) relation que je peux entretenir avec le service de presse de ce couturier, c’est tout de même une partie de mon boulot. Donc je veux bien qu’on discute des méchants intégristes qui empêchent les femmes d’être belles, je veux bien qu’on discute de l’oppression des femmes ou de la promotion de l’anorexie, mais là, c’est lourd : il faut vraiment que vous lanciez le sujet dans ce post dans lequel je donne le nom de ce couturier ? Genre la prochaine fois que son service de presse se googueulise, moi je me fais éjecter ?
– Par ailleurs (surtout), malgré les apparences, je ne suis pas totalement cynique. J’aime photographier les gens parce que j’aime les rencontrer. Et si les mannequins me donnent de gentils sourires, si elles tolèrent ma présence dans des situations pas forcément évidentes, c’est parce qu’il y a un contrat tacite et évident que je vais les respecter. Ça n’est pas la partie publique du show, c’est la partie privée, où les gens travaillent, les filles se font coiffer, maquiller, habiller, chausser… Elles y mangent, souvent se reposent, s’ennuient en attendant leur tour… Bref : c’est privé, quoi. Je n’y vais pas parce que je ferais du grand reportage qui dévoilerait des trucs, je ne force pas l’entrée, je ne me drape pas dans le devoir d’information pour parvenir à prendre des photos qui dénoncent des trucs : non, je demande à y aller, je discute avec les gens, on échange quelques regards et je fais des photos. Les mannequins sont des petites jeunes femmes gentilles comme tout : elles me donnent des photos en confiance, pas pour illustrer un grand débat sur l’anorexie ou l’exploitation des femmes. (Il y a deux aspects, ici : le simple fait, dans l’absolu, de détourner l’usage de l’image de quelqu’un, sans la prévenir, pour qu’elle illustre un sujet qui dégrade ce qu’elle fait ; et mais aussi la relation personnelle, certes courte, basée sur la confiance, qui a permis que je fasse cette photo.)
Je signale que, par ailleurs, j’ai aussi fait des photos de boxe. Là encore, c’est un univers très éloigné de moi, et sur lequel j’ai également quelques idées critiques. Mais j’y suis allé et j’ai pris plaisir à découvrir ce milieu, rencontrer ces gens, discuter avec eux et pouvoir les prendre en photo. C’est un peu l’opposé de la mode, mais c’est aussi un domaine où il est facile d’avoir une opinion tranchée, d’émettre des critiques tout à fait légitimes. Mais de la même façon, ça serait assez peu sympa de lancer ce genre de discussion juste sous les photos d’un jeune boxeur qui ignorait totalement qu’en acceptant de poser, sa photo allait illustrer un débat sur l’univers détestable qui est le sien.