Manuels scolaires : où est le clito ?

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    Le tabou de la sexualité féminine se répercute-t-il dans les manuels scolaires ? En France, l’éducation à la sexualité est intégrée aux programmes de la primaire au lycée. Depuis 2001, la loi impose également trois séances annuelles d’éducation et d’information. Mais faute de moyens ou parfois de volonté, ces trois séances ne sont pas toujours respectées.

    Lire : L’éducation à la sexualité revient sur le tapis

    Face à ce constat, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes a été chargé d’évaluer les dispositifs existants. Dans quelques jours, il rendra public son rapport sur le sujet. Mais une chose est (déjà) certaine : le manque cruel d’informations et de représentations de l’organe sexuel féminin.

    Odile Fillod, chercheuse indépendante en sociologie des sciences, spécialiste des questions de genre, a en effet constaté, en épluchant les manuels scolaires de SVT, que le clitoris était soit « oublié », soit « systématiquement mal représenté ».

    « Le clitoris est absent des images et du texte une fois sur deux », précise la chercheuse aux Nouvelles NEWS, « il est toujours représenté de façon incorrecte, c’est-à-dire qu’on n’en voit qu’une petite partie, tout au plus 15% ».

    « Il n’y a pas une seule bonne représentation du clitoris dans les manuels scolaires »

    « Le tabou concernant le plaisir féminin qu’on observe dans la société se retrouve complètement dans nos cours, avec un tabou autour du clitoris », estime Alexandre Magot, enseignant de SVT et co-fondateur de SVT Égalité, un site qui aide les professeur.e.s de Sciences de la Vie et de la Terre à construire un enseignement non discriminant et plus égalitaire. « De tous les manuels scolaires dont nous disposons, il n’y a pas une seule bonne représentation du clitoris. Pas une », s’indigne ce professeur aux 13 années d’expérience.

    Pour Odile Fillod, cette absence de clitoris est associée à une « vision selon laquelle les hommes ‘ont quelque-chose entre les jambes’, alors que les femmes n’auraient rien : juste une une ‘fente’, un ‘trou’, voire une ‘béance’ à combler, pour reprendre le vocabulaire lacanien. De là à concevoir la sexualité féminine comme inféodée à la sexualité masculine et tournant nécessairement autour du pénis et de la pénétration vaginale, il n’y a qu’un pas qui est vite franchi ».

    Et forcément, cela se répercute sur la connaissance qu’ont les élèves de leur propre corps. « C’est assez saisissant de voir à quel point les filles, tout particulièrement, méconnaissent leur corps. Si on ne parle que d’organes internes, et uniquement à but reproductif, et qu’ils sont représentés uniquement schématiquement, c’est sûr qu’il sera difficile pour elles de s’approprier leur corps. » Une méconnaissance de leur propre corps qui peut les empêcher d’atteindre une sexualité épanouie.

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    • Un clitoris en 3D

      Comment donc éduquer sexuellement les élèves de manière non-sexiste quand les manuels scolaires oublient la moitié de l’humanité ? La chercheuse s’est penchée sur la question et a eu l’idée de créer un modèle de clitoris mis librement à disposition. Il peut être imprimé en 3D « au complet et à sa taille moyenne réelle », par tou.te.s et notamment par les enseignant.e.s de SVT. Le but étant de « pouvoir montrer concrètement à quoi un clitoris ressemble pour parler des bases anatomiques et physiologiques, du désir et du plaisir sexuels en n’oubliant pas les femmes, pour une fois », explique Odile Fillod.

      Les enseignant.e.s du collectif SVT Égalité semblent plutôt enthousiastes. Cela permettra de comparer les organes des deux sexes : « Spontanément, on peut faire deux observations : d’abord la parenté morphologique flagrante du clitoris avec le pénis et ensuite sa taille imposante, qui traduit l’équivalence de l’importance du plaisir chez les femmes et chez les hommes », estime Perrine Delbury, co-fondatrice du collectif. Mais comme pour le pénis, « l’usage du clitoris en 3D en classe doit être accompagné d’un message de pondération : il peut avoir différentes tailles et formes, le clitoris peut être plus ou moins développé », ajoute la professeure.

      Pour l’instant aucun.e des enseignant.e.s n’a pu tester le clitoris en 3D en classe, le projet arrivant en fin d’année scolaire. Mais Alexandre Magot a déjà pensé à son utilisation : « Je m’en servirai surtout au lycée puisque la biologie des sexualités est au programme (et non seulement l’aspect reproductif) et qu’on doit précisément traiter de ce qu’on appelle les ‘bases biologiques du plaisir’. »

      En attendant une possible refonte de l’éducation à la sexualité, c’est sur la volonté des enseignant.e.s et les projets émanants d’initiatives privées qu’il faut donc compter.