Du « judéo-bolchévisme » à « l’islamo-gauchisme » : une même tentative de faire diversion

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  • Du « judéo-bolchévisme » à « l’islamo-gauchisme » : une même tentative de faire diversion
    Publié le 08-06-2016 à 11h04 - Modifié le 09-06-2016 à 08h07
    Par Shlomo Sand - Historien
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1524662-du-judeo-bolchevisme-a-l-islamo-gauchisme-une-meme-tentati

    (...)Les juifs survivants et les bolchéviks, quasiment disparus, ont cessé de constituer une menace pour la position et l’identité des élites dominantes, mais l’état de crise permanent du capitalisme, et l’ébranlement de la culture nationale, consécutif à la mondialisation, ont incité à la quête fébrile de nouveaux coupables.

    Une appellation qui émerge dès 2002

    La menace se situe désormais du côté des immigrés musulmans et de leurs descendants, qui submergent la civilisation « judéo-chrétienne ». Et voyez comme cela est étonnant : de nouveaux incitateurs propagandistes les ont rejoints ! Tous ces gens de gauche qui ont exprimé une solidarité avec les nouveaux « misérables » ont fini par s’éprendre ouvertement des invités indésirables venus du sud.

    Ces antipatriotes extrémistes trahissent une nouvelle fois la glorieuse tradition de la France dont ils préparent l’humiliante soumission « houellebecquienne ». L’appellation « islamo-gauchiste » a émergé parmi les intellectuels, avant de passer dans l’univers de la communication, pour, finalement, être récupérée par des politiciens empressés.

    Pierre-André Taguieff, futur conseiller du CRIF, fut, semble-t-il, le premier à recourir à la formule « islamo-gauchisme » (dans le sens actuel de terme), déjà en 2002. Caroline Fourest, Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut et Bernard-Henry Lévy s’emparèrent du terme et veillèrent à lui assurer une diffusion à longueur d’interviews et d’articles. Des figures comme Alain Gresh, Edwy Plenel, Michel Tubiana et Raphael Liogier devinrent des « islamo-gauchistes » archétypiques.

    Une marche supplémentaire vient cependant d’être franchie. Cela a commencé avec Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui, au nom du républicanisme universel, dans un article intitulé : « La gauche qui vient », s’en est pris à la gauche de la gauche, accusée de soumission au pluralisme culturel. Il a particulièrement ciblé Clémentine Autain, la porte-parole d’Ensemble, l’une des composantes du Front de gauche.

    La lourde charge de Manuel Valls

    Mais c’est de Manuel Valls qu’est venue la charge la plus lourde, dans la vague de stigmatisation de « l’islamo-gauchisme ». À l’occasion d’une interview accordée, le 21 mai, à Radio J, une radio communautaire juive, n’a-t-il pas déclaré :

    « Il y a ces capitulations intellectuelles… Les discussions entre Madame Clémentine Autain et Tariq Ramadan, les ambiguïtés entretenues qui forment le terreau de cette violence et de cette radicalisation. »

    Et Manuel Valls de ne pas hésiter à ajouter : « Il n’y a aucune raison pour que M. Tariq Ramadan obtienne la nationalité française ».