En guise de travaux pratiques je livre à nos lecteurs l’expérience vécue par la grande et courageuse historienne Annie Lacroix-Riz – professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII. Au prétexte qu’elle est l’une des seules à s’opposer à la cohorte placée sous la férule de Gérard Courtois, un communiste très repenti qui passe ses heures à expier son passé, et qui est devenu le guide suprême en matière de marche arrière historique, Lacroix-Riz, avec son sac à vérités, est devenu l’ennemi numéro 1. Comme la dame est imbattable, tant elle est documentée, face à elle il faut fuir ou annuler tout débat. D’autant que la spécialité de l’historienne est brûlante : la collaboration sous toutes ses formes, liens entre nazis et Vatican, construction de l’Europe sous la dictée américaine…Elle a même découvert que, pendant la période nazie, le Zyklon B avait été, pour partie, produit dans des usines françaises…
Un jour c’est France 2 qui la convoque pour évoquer André Bettencourt, un homme trop actif sous Vichy. L’historienne racle ses fonds, prend de son temps et répond aux questions du documentariste. Quelques heures avant la diffusion du « sujet » elle reçoit un SMS « Désolé, mais faute de place votre témoignage a été coupé ». Ah ça alors c’est vrai, la lutte des places est un phénomène connu !
En 2016 c’est une certaine Juliette Dubois qui, sur RMC TV, se passionne pour une tranche d’histoire « 1939-1945 la face cachée du Vatican ». Lacroix-Riz est incontournable, elle est ici assise dans son jardin. La naïve historienne sort ses archives les plus explosives et attend le passage de la questionneuse… qui, comme Godot, ne viendra jamais. Le dernier acte de censure est aussi lié à ce documentaire de RMC, un conte de fée qui donne la part belle aux hommes de Dieu. Cette fois, le film étant diffusé par la RTBF la télé belge, Lacroix-Riz est convoquée à Bruxelles « pour un débat ». On lui envoie des billets de train…Et, magie habituelle, sans que les TGV de Guillaume Pépy y soient pour quelque chose, l’historienne qui dérange ne se dérange pas : elle est décommandée. Si je mets en avant l’exemple de Lacroix-Riz c’est que la dame, même sans le relais des médias officiels, a une certaine capacité d’alerter un petit réseau. Mais quid des inconnus, des isolés, qui se font moucher dès qu’ils évoquent des sujets touchant à la « contre pensée ». Quid d’un chercheur qui n’embouche pas, pour ses travaux, la bonne trompette, l’écrivain qui n’écrit pas les bons livres ?