• Notion à la une : les communs — Géoconfluences
    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/communs

    En Italie, l’un des foyers les plus actifs autour de l’élaboration sur les communs, la notion de biens communs (beni comuni) élaborée par la Commissione Rodotà[7], met en évidence qu’au-delà du sujet, public ou privé, titulaire d’un bien, l’important reste la fonction sociale qu’il peut réaliser et le lien d’affectation de certaines ressources à la réalisation des droits fondamentaux. Les biens communs sont ainsi définis comme les choses dont dépendent l’exercice des droits fondamentaux et le libre développement de la personne. Leur mise à l’écart du marché est préconisée en parallèle de leur ouverture à des formes de participation visant à favoriser d’une part l’accès et d’autre part le contrôle démocratique sur leur modèle de gestion en vue de leur préservation pour les générations futures.

    À partir de la définition de cette commission, de nombreux mouvements dénoncent alors les politiques néolibérales du gouvernement italien et promeuvent un référendum contre la privatisation des services publiques et des services de distribution d’eau. Près de 26 millions d’Italiens se prononcent en juin 2011 contre la privatisation et les années suivantes voient émerger des expériences de mise en commun partout dans la péninsule (Festa, 2017). Nous pouvons signaler : les Chartes municipales pour les biens communs urbains approuvées par beaucoup de municipalités afin de favoriser la collaboration des citoyens à la gestion de l’espace urbain ; certaines expériences locales telles qu’ABC (Acqua Bene Comune), organisme public à vocation participative pour la distribution de l’Eau à Naples ou le centre de production culturelle Ex Asilo Filangieri géré directement par la Communauté des travailleuses et travailleurs de l’immatériel (groupement informel de professionnels de l’art, de la culture et de la connaissance) dans un immeuble classé monument historique au cœur de la ville.

    Les communs se caractérisent ainsi par le lien étroit avec les fonctions collectivement reconnues à certaines choses et avec ces pratiques sociales capables d’agencer leur accès, leur partage et leur préservation pour les générations futures. Dans ce sens, le commun (au singulier) constituerait alors une praxis instituante en tant que processus politique qui engendre, organise et institue les différents communs (Dardot, Laval, 2014).

    Une fois dépassée une approche fondée sur la titularité d’un bien pour apprécier plutôt les fonctions et les institutions sociales, il faudra constater alors que même des lieux destinés à l’usage privé peuvent relever du commun car ils peuvent être gérés de manière auto-organisée et inclusive. Nous devrons alors distinguer des communs du point de vue purement interne pour leur attitude à favoriser le partage et la collaboration entre copropriétaires plutôt que la propriété individuelle (Ostrom, 1990), ce que peut également déterminer des effets d’injustice spatiale et de ségrégation à une échelle plus large (comme par exemple dans le cas des gated community par rapport à l’échelle urbaine) et des communs du point de vue aussi bien interne qu’externe. Dans ce dernier cas, des lieux de vie privée gérés collectivement participeraient à des finalités urbaines, écologiques et solidaires plus vastes comme certaines expériences d’habitats participatifs (Carriou, 2014 ; Denèfle, 2016), de Community Land Trust (typiquement aux États-Unis et en Angleterre et plus récemment en Belgique, Chatterton, 2015 ; Huron 2015) ou, des organismes de foncier solidaire (OFS, Loi ALUR, 2014, France) peuvent témoigner (voir encadré 3).

    Encadré 3. Communs urbains

    La géographie est de plus en plus concernée par la question des communs (Blomley, 2008, Chatterton, 2010 ; Soja, 2010 ; Harvey, 2012 ; Huron, 2015) car ces formes de vie et de production ont souvent un caractère territorial très fort ou au moins influencent la façon d’une communauté de concevoir ses propres processus de territorialisation (Di Méo, 1998 ; Turco, 2010). De plus, les théories des communs, en prenant en considération aussi bien la reproduction d’une communauté que la préservation d’une ressource pour des générations futures, ont l’ambition de s’inscrire dans la temporalité longue des relations entre une communauté et son milieu (Magnaghi, 2014, 2016).

    Espaces urbains, paysages et territoires sont en effet considérés comme des biens communs territoriaux (Blomley, 2008 ; Borch, Kornberger, 2015 ; Magnaghi, 2014, 2016 ; Turco, 2014). Choses inclassables à l’intérieur de la dichotomie public-privé, ils sont résolument inappropriables par leur destination à la jouissance collective et par leur constitution – à la fois matérielle et immatérielle – résultat du long processus d’adaptation et de co-production sociale (Di Méo, 1998, Turco, 2014).

    Les communs urbains en particulier peuvent être des biens ou des services, publics ou privés, leur caractère commun dépendant essentiellement des fonctions qu’ils peuvent remplir socialement et de l’action collective qui les investit en revendiquant leur prise en charge directe et leur mise en commun. Plusieurs types de communs urbains sont actuellement au centre des investigations théoriques : d’abord l’espace urbain dans sa généralité (Salzano, 2009 ; Susser, Tonnelat, 2013 ; Foster, Iaione, 2015, Marella, 2016) aussi bien que dans ses configurations intra-urbaines notamment les quartiers où la relation de réciprocité entre une communauté et la qualité de leurs espaces de proximité apparait plus étroite.

    Si les politiques d’aménagement prévoient traditionnellement la conformation de la propriété privée afin d’organiser l’espace dans l’intérêt collectif, cette capacité de médiation politique est souvent sacrifiée à une vision purement économique du foncier urbain. Envisager l’espace urbain en tant que commun signifie, dans le prolongement de luttes pour le droit à la ville, protéger la ville de toutes opérations publiques, privées ou plus souvent menées en partenariat publique-privé, qui détermine sa croissante marchandisation pour revendiquer sa destination collective.

    Des nombreuses recherches et expériences récentes considèrent comme des communs urbains les parcs, les jardins, les lieux en friche mais aussi les lieux de production culturelle (tels que les théâtres, les cinémas ainsi que les lieux informels de production culturelle) et sociale (les places, les lieux de rassemblement), les bibliothèques, le patrimoine culturel, artistique, scientifique, certaines infrastructures matérielles et immatérielles et certains services urbains, les données numériques, les logements sociaux. Même les déchets sont considérés comme des communs car résultant des interactions urbaines et, délaissés de tous intérêts propriétaires, ils peuvent néanmoins constituer des ressources cruciales pour les populations urbaines marginalisées.

    #Communs #Communs_urbains

  • Notion à la une : #mondialisation et #globalisation — Géoconfluences

    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/mondialisation-globalisation

    Les anglophones n’ont qu’un mot, « globalization », pour désigner ce que nous appelons « mondialisation » ou « globalisation ». La mondialisation fait référence à l’avènement du Monde, comme espace, comme société, et comme échelle pertinente d’analyse dans de nombreux domaines. Son histoire se confond avec celle de l’émergence des échanges et des circulations humaines. La globalisation est également un récit de la mise en relation des lieux du monde, à travers le rayonnement des métropoles, la généralisation mondiale du néolibéralisme, la financiarisation de l’économie-monde, et la connexion instantanée des acteurs du capitalisme.

    #cartographie

  • GÉOGRAPHIE DES MARGES

    Autour de la question "La France des marges" au programme des Capes d’histoire-géographie et agrégations externes d’histoire et de géographie (et, à partir de l’an prochain, pour l’agrégation interne d’histoire-géographie) http://www.scoop.it/t/la-france-des-marges-analyse-geographique, petite sélection de ressources sur le concept de marges en géographie http://www.scoop.it/t/geographie-des-marges (citées par date de parution, pour comprendre l’ordre dans lequel se sont construits, souvent en miroir, ces pensées, de la notion de la marginalité qui est débattue à partir des années 1980 principalement à la notion de marges qui prend de l’ampleur dans les années 2000). Cette sélection peut constituer un "outil" pour préparer la question, mais aussi pour tout curieux de l’approche spatiale !

    BAILLY, Antoine, Philippe AYDALOT, Jacques GODBOUT, Charles HUSSY, Claude RAFFESTIN et Angelo TURCO, 1983, "La marginalité : réflexions conceptuelles et perspectives en géographie, sociologie et économie", Géotopiques, n°1, pp. 73-115, en ligne : https://archive-ouverte.unige.ch/unige:4332
    –> Partant du constat (étonnant) de la relative absence du terme de la marginalité en géographie (du fait de la prédominance du couple centre/périphérie), Antoine Bailly et al. confrontent périphérie et marginalité au prisme de la question des minorités, puis observent le concept de la marginalité dans les géographies anglo-saxonnes et allemande où le modèle centre/périphérie n’a pas pris la même importance que dans la géographie française. Une phrase-clef dans cet article : "Il n’existe pas de lien nécessaire entre la périphérie, la minorité et la marginalité, pas plus qu’entre le centre, la majorité et la centralité".
    –> Un autre texte aux thèmes proches mais bien plus récent (12 ans plus tard) d’Antoine Bailly revient sur cette réflexion : BAILLy, Antoine, 1995, "La marginalité, une approche historique et épistémologique", Anales de Geografia de la Universidad Complutense, n°15, pp. 109-117, en ligne : https://archive-ouverte.unige.ch/unige:6486

    COURADE, Georges, 1985, "Jalons pour une géographie de la marginalité en Afrique Noire", L’Espace géographique, n°2/1985, pp. 139-150, en ligne : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers07/04106.pdf
    –> Georges Courade propose de réfléchir à la notion de marginalité au prisme de l’Afrique Noire. Il revient notamment sur les différentes acceptions et mobilisations de la marginalité comme notion dans différentes approches géographiques (approche fonctionnaliste, approche culturaliste, approche "tropicalisée", etc.).

    DE RUFFRAY, Sophie, 2000, "De la marginalité territoriale à la recomposition territoriale « marginale »", –Revue Géographique de l’Est–, vol. 40, n°4/2000, en ligne : https://rge.revues.org/4061
    –> Particulièrement utile aux candidats en proposant de nombreux schémas sur la manière de penser les marges par l’approche spatiale, Sophie de Ruffray s’intéresse aux marges spatiales, à leur dynamique interne et leurs recompositions territoriales.

    Dans le contexte des dynamiques spatiales actuelles, cet article propose une réflexion sur la notion de recomposition territoriale dans les espaces de marges. Il a pour objectif de présenter des modèles de recomposition « marginale », fondés sur des interfaces particulières, sous la forme de réseaux de villes pour répondre aux propriétés particulières des territoires de marges. L’application concerne l’espace interrégional, constituant l’interface entre les confins orientaux de la Moselle et nord-occidentaux du Bas-Rhin.

    PROST, Brigitte, 2004, "Marge et dynamique territoriale", Géocarrefour, vol. 79, n°2/2004, pp. 175-182, en ligne : https://geocarrefour.revues.org/695
    –> Brigitte Prost propose de décrypter le concept de marge spatial au prisme des discontinuités, de leur place dans un système territorial et de leur rôle dans l’organisation de l’espace.

    Le concept de marge, riche mais flou, mérite d’être explicité car il est susceptible d’alimenter une réflexion féconde. Conçue comme un élément en disfonctionnement du système territorial, la marge est un vrai objet géographique et a une place particulière dans l’organisation spatio-temporelle dans laquelle nous la repérons. Sa dynamique la rend plus ou moins évidente à l’observation, plus ou moins réelle, mais capter sa réalité, comprendre sa place et son rôle peut permettre de pénétrer au cœur de l’analyse territoriale.

    SIERRA, Alexis et Jérôme TADIÉ, 2008, "Introduction. La ville face à ses marges", Autrepart, n°45, n°1/2008, pp. 1-45, en ligne : https://www.cairn.info/revue-autrepart-2008-1-page-3.htm
    –> Considérant à la fois les marges spatiales et les marges sociales de la ville, cette introduction "montre combien les marges font partie intégrante de la ville", en "partant d’une définition large de la marge, comme situation de mise à l’écart issue d’une représentation officielle et majoritaire, intégrée par les acteurs urbains dominants, nous avons voulu en observer diverses déclinaisons". Les marges spatiales et sociales ne sont pas "hors" de la ville, mais "en marge" de celle-ci, c’est-à-dire qu’elles "s’établissent dans une relation – voire une tension – parfois dichotomique, entre formel et informel, pouvoirs et contrepouvoirs, entre reconnaissance et déni".

    MORELLE, Marie, 2016, "Marginalité", Géoconfluences, rubrique Notions à la une, 12 juillet 2016, en ligne : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/notion-a-la-une-marginalite
    –> Directement liée à la préparation de la question "La France des marges" aux concours de l’enseignement, cette "Notion à la une" de Marie Morelle revient, avec synthèse, sur les évolutions de la notion de marginalité dans la géographie, depuis les travaux fondateurs de l’Ecole de sociologie de Chicago (avec, par exemple, l’étude du hobo par Nels Anderson dans les années 1920) à aujourd’hui.

    La géographie n’a pas été la première discipline à discuter de la notion de marginalité. Il convient d’en faire une brève généalogie afin de voir les contextes dans lesquels la notion se déploie, les approches géographiques qui s’en saisissent, pour construire quels objets de recherche, sans perdre de vue les débats qui accompagnent son existence dans le champ de la géographie et des sciences sociales.

    #Géographie #LaFranceDesMarges #Géographie_des_Marges

  • Notion à la une : #justice_spatiale

    La notion de justice spatiale ne doit pas être entendue comme une justice entre les lieux, mais comme la dimension spatiale de la justice entre les hommes. Parce que les sociétés organisent l’espace qu’elles habitent, les territoires reflètent les rapports sociaux. Parler de la justice spatiale, c’est donc parler du socio-spatial : action du social sur le spatial et rétroaction du spatial sur le social.

    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/notion-a-la-une-justice-spatiale