• Tristan Leoni - En #Ukraine, des anarchistes sous l’uniforme ?
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3572

    On le voit, ces textes de référence, qui dénoncent les « tendances autoritaires de notre société » et insistent sur la défense des animaux et la lutte contre le changement climatique, ne s’embarrassent d’aucun des mantras d’une prose anarchiste classique contre le capitalisme, l’armée ou l’État (encore moins contre la démocratie) ; y domine au contraire une très pragmatique vision du changement social que l’on pourrait qualifier de social-démocrate, teintée de thèmes politiques à la mode. L’évocation de « valeurs antiautoritaires » est suffisamment vague pour plaire de nos jours à nombre de militants et sympathisants d’extrême gauche, altermondialistes ou écologistes. En fait, au-delà d’un flou idéologique apparent, les positionnements du groupe, les textes et les témoignages ou bien encore le profil des combattants montrent que, s’il s’y trouve une cohérence politique, elle ne relève pas de l’anarchisme mais, plus banalement, de l’antifascisme, de cette volonté de participer à un front interclassiste et transpartisan pour la défense de la démocratie ukrainienne contre le danger autoritaire russe ‒ une union sacrée qui repousse à une période indéterminée (la paix) toute autre lutte… alors que le gouvernement profite, lui, du conflit pour attaquer les syndicats et accélérer le démantèlement de l’état social ukrainien. La guerre étant uniquement perçue comme une confrontation idéologique et morale, le fait que l’Ukraine soit le terrain d’enjeux économiques majeurs et contradictoires entre Russie, Union européenne et États-Unis, ou bien encore que les prolétaires russes et ukrainiens n’aient pas les mêmes intérêts que leurs bourgeoisies respectives, semble pour les auteurs tout bonnement impensable ; il est vrai que prendre un peu de hauteur peut parfois s’avérer dérangeant.

  • Gilles Dauvé - L’Amour : géopolitique des extrêmes
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3529

    Destination touristique, très prisé des Russes en voyage de noces, le cours de l’Amour, par ses paysages et peut-être aussi grâce à son nom, passe pour un des lieux les plus romantiques du monde. Mais pas tous les jours si l’on en croit l’Anglais Colin Thubron qui, de l’été 2018 et au printemps 2019, à près de 80 ans, l’a descendu de la source à l’embouchure, à cheval, à pied, en Transsibérien (qui a peu d’un train de luxe), et dans divers véhicules, en 4×4 UAZ ukrainien et dans une vieille voiture russe rajeunie par un moteur Renault. Des prairies eurasiennes aux bords du Pacifique en passant par la taïga sibérienne, à la limite des mondes cosaque et mongol, puis russe et chinois, le voyage n’est pas sans dangers : dus aux animaux (sangliers, loups, ours), aux accidents (une chute de cheval entraîne cheville et côtes cassées), et aux humains (bien que Thubron dispose des autorisations nécessaires pour visiter certaines zones, elles ne sont pas toujours reconnues par les autorités locales, et il sera deux fois, en #Russie puis en #Chine, détenu par des polices qui n’aiment guère l’étranger).

  • Gilles Dauvé - Retraites, résistances et défaites
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3502

    Or, depuis janvier 2023, les syndicats n’ont pas perdu dans les entreprises une maîtrise que rien ne semble d’ailleurs avoir menacée. En politique, les partis de gauche (« extrême » comme modérée) se présentent comme la seule force capable de réunifier une nation divisée et, au passage, de réconcilier police et population. Les médiateurs sociaux n’ont aucun mal à gérer l’expression d’une profonde colère populaire, tant il est vrai qu’elle reste dans les profondeurs, n’émerge guère et n’a pas d’impact réel. À elles seules, des vagues de mécontentement ne font pas l’histoire, et les appels (ou les appels à un appel) à une grève générale relèvent surtout de l’incantation. D’ailleurs, les grèves générales lancées par les syndicats ont souvent connu l’échec : en #France en 1906 (pour la journée de 8 heures) et 1938 (contre la remise en cause des acquis de Juin 36). Celles qui ont marqué leur époque et obtenu des « conquêtes sociales » (1936 et 1968) se sont déclenchées et se sont propagées à l’initiative de la base : les syndicats se sont contentés de les suivre, avant de parvenir, parfois difficilement, à les encadrer, puis à les arrêter. En 2023, existe un front syndical provisoirement uni, aligné sur les positions du plus modéré, et aucune organisation n’envisage de grève longue, à un réel bras de fer préférant une succession de « journées d’action » sans lendemain, sans volonté ou capacité de bloquer l’économie. Quant à s’aventurer dans une grève générale, les syndicats s’en gardent bien, craignant de dévoiler leur faiblesse en cas de défaite et, au moins autant, d’en perdre le contrôle en cas de succès. Il ne s’agit que de se faire entendre.

  • Révolte des Iraniennes contre l’imposition du voile en mars 1979
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3478

    Personne ne l’aurait imaginé mais le lendemain les manifestations reprennent plus ou moins spontanément et, autre surprise, elles se répètent pendant cinq jours. Le nombre de participantes est certes décroissant mais significatif les premiers jours (10 000 à 20 000). Des délégations tentent en vain de rencontrer des autorités ; plusieurs milliers de femmes participent à un sit-in dans le hall du ministère de la Justice. Les médias d’État, quand ils n’occultent pas la question, mènent une compagne présentant les femmes en lutte comme immorales, contre-révolutionnaires et partisanes de l’ancien régime. Point significatif, les Fedayines cessent d’assurer le service d’ordre ; et si des hommes (parents, maris) se portent volontaires pour les remplacer ils n’ont pas leur efficacité, alors qu’en face les groupes de militants khomeinistes sont plus nombreux et déterminés. Les agressions, coups, jets de pierres et charges vont crescendo. Le 10 mars plusieurs femmes sont poignardées dans un cortège ; la rumeur parle de morts.

    #Iran

  • Tristan Leoni - Farewell to Life, Farewell to Love… #Ukraine, War and Self-Organisation
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3460

    More significant to us are civilian initiatives to block roadways and traffic routes, to stop columns of tanks by non-violent action, as happened before in Iran (1979), Peking (1989) and Slovenia (1990). Still, once again, this does not express an outright rejection of war, a somewhat naïve pacifism, but rather a deep-seated nationalism: people are not seen waving peace flags, just the Ukrainian banner. The present crisis probably enables us to witness the completion of a Ukrainian nation, the end of a long process that began with the independence in 1991: whatever languages they speak, a population suddenly becomes conscious of its past and present specificity, cultural and maybe religious as well (the Orthodox church that depended on Moscow is now asserting its independence). Beyond class differences, a national reality is dawning… although in historical terms these specific features can be described as superficial, and created out of nothingness for the occasion, as happened when Yugoslavia broke up in the 1990s. Some people find this quite moving, and it does not appear to bother a certain number of Western humanists and social-democrats usually intensely sensitive to anything that smacks of national feelings. An excellent illustration was to be found in the French film-maker Mathieu Kassovitz telling a reporter that the Ukrainians, whom he says he knows quite well, are “ultra-nationalist in the good sense : they’re proud of their country and want to protect it absolutely”. The same goes for some French far-left activists who generally regard the mere presence of the three-colour flag in a demo as a sign of proto-fascism. Indeed some Ukrainian anarcho-syndicalists are already promoting a “creative and liberating nationalism”.

  • Tristan Leoni - Adieu la vie, adieu l’amour… #Ukraine, guerre et auto-organisation
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3423

    Sans faire l’apologie d’un pacifisme béat nous semblent plus intéressantes les manifestations de civils qu’on a parfois observées et qui visaient à bloquer les voies de circulation, à stopper les colonnes de chars par une action non violente (choses vues en Iran en 1979, à Pékin en 1989, en Slovénie en 1990). Mais, là encore, ce qui s’exprime n’est pas un rejet viscéral de la guerre, un pacifisme un peu naïf, mais bien un profond nationalisme ; on n’y brandit pas de drapeaux de la paix, mais bien l’emblème ukrainien. C’est qu’avec cette crise on assiste sans doute « en direct » à l’achèvement de la construction de cette nation ukrainienne fruit d’un processus né avec l’indépendance : une population qui, quelle que soit sa langue, prend soudainement conscience de ses spécificités historiques, culturelles, voire religieuses (l’Église orthodoxe, dépendant encore de Moscou, s’en sépare aujourd’hui) et qui, par-delà les classes, est fière d’elle-même… même si, au regard de l’histoire, ces spécificités peuvent paraître bien artificielles, et même si on les crée de toutes pièces pour l’occasion (comme après l’éclatement de la Yougoslavie dans les années 1990). Il y en aura pour trouver cela émouvant. En tout cas, cela n’a pas l’air de déranger nombre d’humanistes et de sociaux-démocrates occidentaux habituellement plus rétifs au nationalisme ; on en trouve une superbe illustration avec le cinéaste Mathieu Kassovitz expliquant à une journaliste que les Ukrainiens, qu’il connaît bien, sont « ultra-nationalistes dans le bon sens, c’est-à-dire qu’ils sont fiers de leur pays et veulent le protéger absolument ». Il semble en aller de même pour certains militants d’extrême gauche français (pour qui, généralement, le fait de brandir un drapeau tricolore dans une manifestation est un signe de fascisme). Mais il existe déjà des anarcho-syndicalistes ukrainiens faisant la promotion d’un « nationalisme libérateur et créatif » !

  • Manifeste pour la suppression générale de la police nationale
    https://lundi.am/Manifeste-pour-la-suppression-generale

    Il n’y aurait pas assez de place, dans ces lignes, pour décrire en détail le mal que la police a commis et commet encore, en France et dans le monde. Ce mal est commis selon deux axes : la répression carcérale (forme moderne et plus savante de l’esclavage colonial) et les violences ordinaires (visant à détruire l’individu et créer le citoyen). Le danger de l’existence de la police est négligé par l’ensemble des citoyens des États (hormis ceux qui en sont directement victimes). Pire, ce danger est assumé comme un mal nécessaire car on lui rattache un bien : l’exercice du maintien de l’ordre et de la force publique. La police est une subsistance des inégalités qui survivent et n’ont pu être détruites par la Révolution de 1789. Elle permet à la notion de droit de prendre une réalité, sous la menace qu’est la violence. Le policier est le rêve des États comme forme parfaite de citoyenneté et celui des citoyens comme forme parfaite de justice. La police comme institution s’impose aux démocraties et républiques imparfaites actuelles, avec la force de l’évidence, au nom même de la défense de ces mêmes régimes bienfaiteurs. La disparition de la police, en tant que telle, ne peut être donc qu’une étape obligatoire dans la progression humaine, vers un contrôle plus efficace et strict de la force dont elle dispose pour contraindre, au profit d’une minorité. C’est-à-dire, si la France accède un jour à la démocratie.

    #Police #Violence_Policière #suppression_de_la_police #AbolitionDeLaPolice

  • Gilles Dauvé - La nation dans tout son état. 2e partie : Mort de la nation ?
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=2176

    On comprend que l’État qualifiable en ce sens de national soit le cas le moins fréquent, réalisable seulement par les capitalismes dominants. Et même là, la crise est possible, comme en Allemagne et en Italie, nations inachevées au début du XXe siècle : la république de Weimar a dû affronter le séparatisme bavarois ; quant au Sud italien, et plus encore la Sicile, leur développement est longtemps resté en retard sur le Nord. Ailleurs, dans les pays dominés, un semblant d’État national est viable tant que le capitalisme mondial leur permet un rôle second mais effectif. Lorsqu’ils s’en désarticulent, rien ne masque plus l’artificialité de l’édifice national, qui se déchire.

    #théorie #communisme #communisation #nationalisme

  • Gilles Dauvé - La nation dans tout son état. 1re partie : Naissance de la nation
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=2158

    Éruption d’une « nation française » après 1789, émergence au XIXe siècle de « nationalités » porteuses de revendications « nationalitaires », « nationalismes » virulents et bellicistes, mouvements de « libération nationale » dans le tiers-monde, éclatement et création d’États se voulant « nationaux » fin XXe siècle, apparition de structures supranationales rivalisant avec les États…
    Cet essai part de l’hypothèse que les sociétés et leur évolution sont déterminées par la manière dont les êtres humains produisent leurs conditions d’existence matérielle, que la façon d’organiser leur vie commune en découle, et que « la nation » en est une forme. Telle que nous la connaissons, pourquoi naît-elle à l’époque moderne ? Quel rapport avec le capitalisme ? Enfin, le capitalisme aurait-il tellement changé que cette forme serait dépassée… ou, au contraire, son évolution contemporaine provoquerait-elle un retour du nationalisme ?

    #théorie #communisme #communisation #histoire #nationalisme

  • Gilles Dauvé - « Cher camarade Staline ». Homo au pays des soviets
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=2111

    Cela ne signifiait ni indifférence ni acceptation sociale. Des comportements « bisexuels » étaient assez répandus, sans le concept ni le mot car, comme en Europe à l’époque, les pratiques homosexuelles étaient généralement le fait d’hommes menant parallèlement une vie de famille traditionnelle. Par ailleurs, bien que le libertinage des couches aisées nous soit mieux connu grâce aux traces écrites qu’elles ont laissées, la « Russie profonde » était loin d’être uniformément soumise au conformisme moral et religieux.

    Pour que naisse une « culture homosexuelle » moderne, il fallait la modernisation capitaliste, c’est-à-dire l’industrialisation, l’urbanisation, l’apparition de l’individu et son possible anonymat. Alors seulement, certains hommes commencent à se considérer comme un groupe différent parce qu’ils s’écartent de la norme masculine dominante, ou s’habillent en femme, ou se prostituent à d’autres hommes – voire parfois combinent les trois. Dans l’espace public, la sexualité devient une manière d’« auto-affirmation » (Dan Healey).

  • Homo 01. Marx, Engels et « l’inverti »
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=828

    Une histoire dans l’Histoire, que j’ai trouvé intéressante…

    Début 21e siècle, si le lecteur ne comprend pas grand-chose à cette correspondance, il en ressort choqué. Nous aussi. Mais l’intelligence théorique ne consiste pas à dénoncer les préjugés autrefois monnaie courante, plutôt à repérer ceux qui règnent à notre époque. Notre but n’est pas de juger, seulement de comprendre le présent en faisant un détour par le passé.

    #Marx #Engels #socialisme #homosexualité #Histoire

  • La #valeur et son abolition. Entretien avec #Bruno_Astarian

    Dans quelques semaines, les éditions Entremonde publieront un nouveau livre de Bruno Astarian, L’abolition de la valeur1, occasion pour une brève discussion avec l’auteur. Loin d’être une affaire de marxologues ou de spécialistes, la question de la valeur a des enjeux directs, pour la compréhension de la #société_capitaliste comme pour celle d’une révolution communiste 2.

    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1698
    #livre #capitalisme

  • La valeur et son abolition. Entretien avec Bruno Astarian
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1698

    Le principal point qui ne manquera pas de choquer, c’est que je récuse la notion de travail abstrait, notion à mon avis métaphysique, mais qui a sa raison d’être dans la problématique marxienne et marxiste. Quand Marx dit que toutes les marchandises sont comparables entre elles parce qu’elles contiennent la même substance, résultat d’une activité, d’une dépense de force humaine sans qualité, il appelle parfois cette dépense « travail abstrait », dont il fait aussitôt une substance qui logerait dans la marchandise. Il veut dire en fait travail en général (quand on a fait abstraction de toutes ses qualités particulières de plombier, de ferronnier, etc.). Marx lui-même n’emploie presque pas, et de façon hésitante, le terme « abstrait » : parfois il l’utilise, parfois non. Ce n’est pas très important pour lui. C’est après, seulement, que des théoriciens ont monté ce concept en épingle et rempli des bibliothèques entières pour savoir ce qu’est le travail abstrait. Selon cette conception, le travail en général se cristallise dans la marchandise et devient du travail abstrait : dans la société marchande, l’activité productive inclut le travail abstrait, autrement dit produit de la valeur. Parler de travail abstrait, c’est dire qu’il y a une dépense générale de force humaine. Laquelle exactement ? Les auteurs divergent, mais la ligne générale, c’est que le travail abstrait résulterait d’une dépense de force humaine. Pour moi, c’est une conception physiologique de la création de valeur.

    #théorie #communisme #communisation #livres #édition

  • Où il est question du rapport qu’entretient le capitalisme avec la force de travail. On pourrait croire que nos sociétés vivent une ère post-industrielle. Avec cet « enjeu des 7 erreurs », l’auteur nous montre qu’il n’en est rien et que le salariat (devenu précariat), possède en lui-même le pouvoir de gripper le système.

    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1576

    La confusion autour de la notion de « travail » est aujourd’hui croissante, et il nous a semblé important d’y revenir sur quelques points.
    Une précision : sans nous priver de faire appel à des statistiques, nous ne pensons pas que le problème soit affaire de chiffres. Question et réponse dépendent d’une compréhension théorique. Nous espérons que la réfutation des erreurs relevées ici aidera à comprendre progressivement par la négative ce qu’est le travail, avant que le dernier paragraphe en reprenne positivement la définition.

  • Dyspepsie berlinoise | DDT21 Douter de tout…
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1325

    Pays le plus peuplé et le plus puissant d’Europe continentale depuis un siècle, mais n’ayant existé comme État national unifié qu’une première fois entre 1871 et 1945, et une seconde depuis 1989, l’Allemagne a connu aussi les plus grandes insurrections prolétariennes en Europe au XXe siècle (Italie exceptée en 1920-1922), puis l’une des plus féroces contre-révolutions, avant de se retrouver « leader » d’une Union Européenne sans cohésion politique ni force militaire.

    Comment Berlin, capitale de tous les extrêmes, coupé en deux pendant quarante-quatre ans, épicentre de la Guerre froide, cœur des contradictions et drames du siècle, reconstruit-il son passé ?

    #Berlin #Allemagne #totalitarismes

  • Carambolage à République | DDT21 Douter de tout…
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=1174

    Un gouvernement « socialiste » qui attaque à nouveau les travailleurs, résolu à ne rien céder sur l’essentiel de sa Loi Travail, et des syndiqués de base qui réclament une grève générale à des directions préoccupées par leurs propres survies. Des journées de mobilisation nationale à répétition où l’énergie s’épuise sans se renouveler (tactique qui depuis vingt ans montre son inefficacité), des salariés lancés dans la grève de manière bureaucratique et en ordre dispersé, et de maigres cortèges rassemblant principalement des militants et des syndiqués. Une mobilisation bien inférieure à celle de 2010, où lycéens et étudiants ne participent qu’avec parcimonie tandis que chômeurs, précaires, « quartiers populaires » et même fonctionnaires s’abstiennent prudemment. Une faiblesse compensée par des actions et des blocages symboliques qui n’entraînent qu’un impact de même ordre sur la production et les transports.
    Seuls les autonomes, anarchistes et apparentés ont, semble-t-il, pris des forces mais uniquement en termes de pratiques de destruction et d’affrontement avec la police, certes spectaculaires et davantage partagées (d’où l’enthousiasme de certains), mais sans ébauche d’auto-organisation du mouvement. Cette violence est d’ailleurs restée localisée et généralement condamnée par la majorité des manifestants et militants.
    Globalement, le mouvement du Printemps 2016 a tourné sur lui-même, incapable d’atteindre une masse critique susceptible, sinon de faire reculer le gouvernement comme lors du CPE, du moins de bousculer institutions et évidences.

    #loi_travail #nuit_debout #chouardises (et autres joyeusetés de la démocratie) #populismes #nations

  • Gilles Dauvé - Brouillards de guerre
    https://ddt21.noblogs.org/?page_id=940

    Au Moyen Orient actuel, ceux que l’on appelle « les religieux » proviennent de petites classes moyennes mises sur la touche par la domination impérialiste et par les régimes dictatoriaux, couches sociales exclues du pouvoir politique comme de la promotion économique, dont une partie fournit des cadres à l’opposition anti-régime. Selon les pays, un groupe (sunnite) en domine un autre (chiite), parfois c’est l’inverse. On pourrait comparer à la partie des classes moyennes éduquées qui a animé la résistance anticoloniale et la libération nationale en Asie et en Afrique : des lettrés en Chine, des diplômés sans avenir sous le régime colonial au Vietnam, des oulémas en pays arabes. Bien entendu, là où le pouvoir laisse prospérer les religieux, ils veillent à leurs intérêts sans se mêler de politique. Aujourd’hui, dans un Moyen Orient où la confession reste une forte marque d’identité, des professionnels apportent aux mouvements sociaux une vision du monde et un programme empreint de religion, mais leur motivation première n’est pas d’abord une doctrine : c’est un intérêt personnel et collectif.

    #Irak #Syrie