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  • Badiou cerné par l’anarchisme

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    Alain Badiou a défrayé la chronique, en 2007, avec son pamphlet De quoi Sarkozy est-il le nom ?, sur la lancée, L’Hypothèse communiste, en 2009, reçut un certain écho. Le Réveil de l’histoire qui vient de paraître est passé presque inaperçu. Badiou serait-il passé de mode ? C’est possible mais ses travaux, caricaturés tant par la réaction que par la gauche radicale, méritent mieux qu’un anathème grossier.

    Une étude de Pierre Bance.

    Antonio Negri pourrait décourager la lecture d’Alain Badiou. Il qualifie « “l’extrémismeˮ badiousien » d’« utopie entretenant un rapport schizoïde avec l’histoire », en particulier l’histoire du socialisme réel, et le condamne comme « négation de la lutte des classes » [1]. Le lecteur familier des échanges entre philosophes radicaux ne s’arrêtera pas à ce jugement [2]. Il perdrait à ne pas lire ce Badiou habitué à recevoir des coups plus injustes encore. Si sa philosophie est obscure pour les non-philosophes et probablement pour quelques philosophes, sa théorie politique est plus abordable que celle d’un Rancière ou d’un Žižek [3].

    Jusqu’en 2007, l’œuvre philosophique d’Alain Badiou l’avait maintenu dans un cercle limité de professeurs, d’étudiants et de quelques militants à la recherche des voies régénératrices du marxisme [4]. Mais la parution du livre, De quoi Sarkozy est-il le nom ? a fait connaître Badiou au-delà des cénacles intellectuels [5]. L’ouvrage n’est pas qu’un pamphlet contre Nicolas Sarkozy et son idéologie associée au pétainisme, on y trouve, en conclusion, l’annonce de l’hypothèse communiste comme alternative au capitalisme symbolisé par l’actuel président de la République. Ce succès de librairie, inespéré aux dires de l’éditeur, Michel Surya [6], s’est accompagné d’une manipulation politico-médiatique dans le but de discréditer l’idée communiste. Pas plus que Slavoj Žižek, Alain Badiou n’est ce stalinien primaire, ce philosophe de la terreur, ce gauchiste dogmatique, ce maoïste attardé que l’on dit pour ne l’avoir pas lu, l’avoir mal lu ou par un anticommunisme résultant de la réduction, consciente ou non, du communisme au stalinisme [7]. Malheureusement, les provocations et les coquetteries de Badiou facilitent ces contrefeux et compliquent le rôle de l’exégète [8]

    Philosophe marxiste, Alain Badiou ne s’aventure pas à décrire le communisme. Le communisme est une hypothèse heuristique c’est-à-dire qu’elle est toujours provisoire et n’avance que par évaluations successives, rectifications, en se référant à des invariants : égalité, abolition de la propriété privée, antiétatisme [9]. Ces invariants communistes « synthétisent l’aspiration universelle des exploités au renversement de tout principe d’exploitation et d’oppression. Ils naissent sur le terrain de la contradiction entre les masses et l’État » [10]. Pour aller au communisme, il convient d’abord de montrer que l’histoire n’est pas finie, que le capitalisme n’a pas gagner une fois pour toutes. Ce n’est qu’en ayant compris que l’économie libérale et le parlementarisme ne sont ni naturels ni fatals qu’on pourra imaginer d’autres possibilités, envisager l’idée communiste qui est l’hypothèse de l’émancipation [11], « l’idée d’une société dont le moteur ne soit pas la propriété privé, l’égoïsme et la rapacité » [12]. Il conviendra alors de réinstaller l’hypothèse communiste, la faire exister dans le champ idéologique et militant en contrant le terrorisme intellectuel qui amalgame le communisme au socialisme d’État, associe à toute représentation ou expérience communistes des déviances staliniennes. Badiou s’attelle à cette tâche par ses articles, ses livres, en organisant des rencontres telle la Conférence de Londres de mai 2009 [13]. Il fait de la politique et en donne une définition qui ne déplairait pas à Jacques Rancière :

    « L’action collective organisée, conforme à quelques principes, et visant à développer dans le réel les conséquences d’une nouvelle possibilité refoulée par l’état dominant des choses » [14].