• Alep, capitale de la rébellion syrienne, encerclée
    http://www.lemonde.fr/syrie/article/2016/07/12/alep-capitale-de-la-rebellion-syrienne-encerclee_4968265_1618247.html

    J’aime bien les titres de Benjamin Barthe. « Alep, capitale de la rébellion syrienne, encerclée »... Quoi qu’on pense du camp d’en face, il oublie juste de dire que la plus grosse partie de la ville, et de ce qu’il reste de sa population, n’a jamais été perdue par le régime. Et il passe sous silence le fait que la « rébellion » n’a jamais présenté un front uni et qu’elle resssemble de plus en plus, en dépit de la présence d’authentiques militants, à une vaste coallition hétéroclite de mercenaires souvent fanatisés en provenance de tous les horizons. Il se dispense sans doute de rappeler (l’article est en pay wall) que la ville a rejoint très très tardivement la « rébellion », faute d’adhérer à ses idées pour une très grande partie de sa population... Un bon titre en somme... #syrie

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      Il lui aura fallu un an et demi de combats acharnés, de progression lente, centaines de mètres par centaines de mètres, mais le régime Assad a finalement atteint son but. Alep, la capitale de la rébellion syrienne dans le nord de la Syrie, est désormais encerclée par ses troupes. Jeudi 7 juillet, avec le soutien de l’aviation russe, celles-ci sont parvenues à couper la fameuse route de Castello, la dernière voie de ravitaillement des quartiers orientaux de la ville, aux mains de l’insurrection depuis l’été 2012.

      C’est une victoire importante pour les autorités de Damas et un tournant potentiel dans la guerre civile qui fait rage depuis plus de cinq ans et a fait des centaines de milliers de morts. Si les rebelles échouent à repousser leurs adversaires, Alep-est, dont la population est estimée à près de 200 000 habitants, pourrait subir un siège en règle, en plus des bombardements quasi quotidiens des avions russes et syriens. « La situation est très difficile, confesse Brita Haj Hassan, le président du Conseil local, qui gère les quartiers orientaux, joint par WhatsApp, une application de téléphonie par Internet. Il n’y a déjà presque plus de légumes sur les marchés. Le prix du riz et du sucre a été multiplié par trois en une semaine. Nous sommes au bord d’une catastrophe humanitaire. »

      C’est un tournant potentiel dans la guerre civile qui fait rage depuis plus de cinq ans en Syrie

      La route de Castello, qui démarre dans les faubourgs nord d’Alep puis oblique vers l’ouest en direction de la frontière turque, était dans le collimateur de l’armée syrienne et de ses supplétifs chiites étrangers (irakiens, iraniens et libanais) depuis le mois de novembre 2014. A l’époque, les forces loyalistes se trouvaient à une dizaine de kilomètres de cet axe stratégique, par où transite toute l’aide envoyée vers la ville, alimentaire comme médicale. C’est ce chemin qu’empruntent par exemple les médecins syriens qui alternent les périodes de travail, très éprouvantes, dans les hôpitaux de l’est, et les phases de récupération, auprès de leur famille, en Turquie.

      « Victoire indiscutable »

      L’avancée des troupes loyalistes s’est faite en deux temps principalement : en février, à la faveur d’une vaste offensive, soutenue par l’aviation russe, elles ont progressé au nord d’Alep, coupant la ville du terminal de Bab Al-Salamah, l’une de ses deux voies d’accès à la Turquie. Puis, la semaine dernière, alors même que Damas avait décrété un « régime de calme », qui supposait une suspension des combats, elles se sont emparées des fermes de Mallah, une colline à 500 mètres de la route de Castello. Cette position haute leur permet d’interdire tout trafic entre Alep et sa banlieue et de rompre le lien avec Bab Al-Hawa, l’autre poste frontalier avec la Turquie, à l’ouest.

      Le Conseil local des quartiers-est déconseille désormais aux civils de sortir de la ville. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), un homme et ses deux fils qui circulaient vendredi 8 juillet sur la route de Castello ont été tués par des tirs provenant des forces pro-Assad. « Le régime a remporté une victoire indiscutable, mais la position de ses forces est encore fragile, souligne Sinan Hatahet, analyste au think tank Omran, proche de l’opposition syrienne. Il a besoin d’avancer sur d’autres axes pour prendre un contrôle définitif de la route de Castello. »

      Les deux contre-offensives lancées ces derniers jours par les brigades rebelles ont cependant échoué. Dimanche, une trentaine de combattants, membres du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, et de Faylaq Al-Sham, un groupe armé affilié aux Frères musulmans, ont péri alors qu’ils s’approchaient des fermes de Mallah. Quasi hégémonique dans la province voisine d’Idlib, les djihadistes du Front Al-Nosra jouent un rôle secondaire à l’intérieur d’Alep, où la défense des quartiers orientaux est conduite par des groupes locaux, soutenus pour certains par les Etats-Unis.

      Percée diplomatique

      Lundi, une deuxième opération, dirigée contre la citadelle d’Alep, située dans la zone sous contrôle gouvernemental, et destinée à soulager le front de Castello, a fait long feu elle aussi. Les insurgés, arrivés par des tunnels, ont dû battre en retraite sous les tirs ennemis. Simultanément, des centaines d’obus de mortiers ont été tirées sur les secteurs ouest, tenus par les loyalistes, faisant cinq morts et des dizaines de blessés, selon l’OSDH.

      La percée des pro-Assad à Alep s’ajoute à la progression des forces régulières dans deux autres zones clés : dans la Ghouta, la banlieue orientale de Damas, un vaste fief rebelle, qui rétrécit de plus en plus, sous les coups de boutoir de l’armée et les bombardements russes ; et à Daraya, au sud de la capitale syrienne, ville pionnière de la révolte pacifique de 2011, encerclée et affamée depuis quatre ans, assommée de barils explosifs, où l’armée a déclenché un assaut qu’elle espère final.

      Le moment est d’autant plus porteur pour le régime Assad qu’il marque des points sur le terrain diplomatique aussi. La réconciliation entre la Turquie et la Russie, scellée fin juin, qui a clos l’escalade déclenchée par la destruction d’un avion de chasse russe dans le ciel turc en novembre, constitue une bonne nouvelle pour Damas, dont Moscou est le principal protecteur avec Téhéran. Les autorités syriennes espèrent que cette normalisation sera le prélude à un recentrage d’Ankara, jusque-là fer de lance du front anti-Assad sur la scène internationale et principal sponsor des groupes rebelles.

      «  Encercler Alep, c’est une chose, mais la reprendre, c’est une tout autre affaire », observe l’analyste Sinan Hatahet
      Le régime Assad peut aussi se féliciter de l’accroissement de la coopération entre les Etats-Unis et la Russie sur le dossier syrien. Mercredi 6 juillet, le président américain, Barack Obama, et son homologue russe, Vladimir Poutine, sont convenus d’« intensifier » leur coordination militaire. Selon la Maison Blanche, les deux dirigeants ont confirmé leur détermination à combattre non seulement l’organisation Etat islamique, cible de frappes régulières des Etats-Unis, mais aussi le Front Al-Nosra, beaucoup moins visé par Washington. Samedi, au sommet de l’OTAN à Varsovie, le président français, François Hollande, a appelé lui aussi à étendre la guerre contre l’EI à la branche syrienne d’Al-Qaïda.

      Malgré ces évolutions, favorables à Damas, le siège d’Alep, s’il se confirme, pourrait durer très longtemps. Les quartiers orientaux de la ville sont beaucoup plus étendus que le vieux centre de Homs, où les insurgés avaient résisté près de trois ans à l’encerclement de l’armée syrienne. « Encercler Alep, c’est une chose, mais, la reprendre, c’est une tout autre affaire, dit Sinan Hatahet. Le régime et ses alliés n’ont pas les ressources humaines suffisantes pour entreprendre une bataille pareille. S’ils ouvrent ce front, ils devront en dégarnir d’autres, et c’est le Front Al-Nosra qui en profitera. »