L’échec du putsch en Turquie ravit l’Arabie saoudite... et désole le régime syrien

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    • Pour ceux qui veulent lire :

      L’échec du putsch en Turquie ravit le Qatar... et désole le régime syrien

      LE MONDE | 19.07.2016 à 18h32 • Mis à jour le 19.07.2016 à 18h36 | Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)
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      Des partisans de Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 18 juillet 2016.

      Il y a ceux qui ont manifesté leur soulagement très bruyamment, ceux qui se sont félicités avec quelque retard et plus de modération, et ceux qui se sont tus mais n’en pensaient pas moins. Les réactions des dirigeants du Moyen-Orient à l’échec du coup d’Etat en Turquie, dans la nuit du 15 au 16 juillet, sont révélatrices des lignes de fracture qui parcourent la région et de la polarisation suscitée par la politique et la personnalité du président Recep Tayyip Erdogan.

      L’Etat qui a le plus applaudi à l’écrasement des putschistes est le Qatar. Son émir, Tamim Ben Hamad Al-Thani, a appelé le chef d’Etat turc dès samedi matin, pour lui témoigner son soutien. La presse officielle qatarie a couvert l’événement de façon enthousiaste, en mettant l’accent sur la mobilisation des habitants d’Istanbul, qui ont contribué à barrer la route des militaires factieux.

      « La démocratie survit », clamait le Qatar Tribune, un quotidien anglophone, dans son édition de dimanche. Dans leur ensemble, les éditoriaux saluaient la maturité politique de la population turque, sans un mot ou presque pour la dérive autoritaire du « sultan » Erdogan.

      Lire aussi : Bruxelles joue les équilibristes face à la Turquie après le putsch

      Ce traitement témoigne des nombreuses affinités entre les deux pays, comme le soutien à l’islam politique et à la rébellion syrienne. Dans le régime islamo-conservateur d’Ankara, le Qatar a trouvé une sorte de grand frère diplomatique. Lorsqu’il a dû congédier, sous la pression de ses voisins du Golfe, les Frères musulmans égyptiens qu’il hébergeait sur son territoire, ceux-ci ont naturellement trouvé refuge en Turquie.

      Le renversement de M. Erdogan aurait été une catastrophe pour Doha, qui est relativement isolé sur la scène régionale depuis que le président égyptien Mohamed Morsi, issu de la confrérie, a été évincé du pouvoir par le général Abdel Fattah Al-Sissi, en 2013. Ankara a d’ailleurs prévu d’ouvrir une base militaire dans l’émirat, qui s’ajoutera à celle dont disposent déjà les Etats-Unis.

      Les autres monarchies de la péninsule arabique se sont également réjouies de la défaite des factieux turcs, mais avec moins d’effusion et d’empressement. L’Arabie saoudite a approuvé le « retour à la normale en Turquie sous la conduite du président et de son gouvernement élu », tandis que les Emirats arabes unis (EAU) ont exprimé leur attachement « à une Turquie stable et sûre ». A la demande d’Ankara, l’attaché militaire de l’ambassade de Turquie au Koweït, visiblement soupçonné d’avoir trempé dans le putsch, a été arrêté à Dammam, en Arabie Saoudite, alors qu’il s’apprêtait à s’envoler vers l’Allemagne.
      « Malheureux » échec

      La couverture des médias audiovisuels saoudiens et émiratis a cependant été un peu hésitante dans les premières heures du coup d’Etat. La chaîne Al-Arabiya, propriété de Riyad, et son homologue Sky News Arabia, financée par Abou Dhabi, ont participé à la propagation de la fausse rumeur alléguant que M. Erdogan aurait demandé l’asile en Allemagne. Selon le commentateur libanais As’ad Abou Khalil, auteur du blog Angry Arab, un présentateur d’Al-Arabiya a même déclaré à l’antenne que le coup d’Etat avait « malheureusement » échoué.

      Lire la tribune du journaliste Ali Bayramoglu : La confrérie Gülen est responsable des troubles qui secouent la Turquie

      S’ils apprécient l’engagement anti-Assad d’Ankara, ainsi que le rôle de contrepoids à l’Iran que la Turquie joue à l’échelle régionale, les Saoudiens voient d’un mauvais œil son tropisme islamiste. Cette méfiance est encore plus prononcée à Abou Dhabi qui considère les Frères musulmans comme un mouvement terroriste et n’a jamais vraiment pardonné au Qatar de s’en être fait le sponsor durant les printemps arabes.

      A l’opposé de ces témoignages de soutien, plus ou moins affirmés, à M. Erdogan, deux Etats se sont distingués par leur assourdissant silence : la Syrie bien sûr, mais aussi l’Egypte. Ni l’une ni l’autre n’ont réagi à la mutinerie, qu’elles auraient évidemment voulu voir réussir. La première reproche à M. Erdogan, son ennemi public numéro un sur la scène internationale, de soutenir les groupes armés rebelles, qu’elle qualifie de « terroristes » ; la seconde ne tolère pas le soutien du président turc aux Frères musulmans et son insistance à qualifier le renversement de M. Morsi de « coup d’Etat ».

      Au Conseil de sécurité des Nations unies, l’Egypte s’est d’ailleurs opposée samedi à une déclaration appelant toutes les parties à « respecter le gouvernement démocratiquement élu de Turquie ». Selon des diplomates s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, l’Egypte, qui occupe l’un des sièges tournants du Conseil, a estimé que cet organe n’était pas à même de déterminer si le gouvernement turc avait été élu démocratiquement.
      « Dans le pire des scénarios,
      si Erdogan restait au pouvoir... »

      A Damas, dans la nuit de vendredi à samedi, peu après que les putschistes eurent annoncé prématurément leur victoire, des centaines de partisans du président Assad sont descendus dans les rues, drapeaux syriens en main, pour célébrer ce qu’ils croyaient être la chute de leur bête noire. Au Caire, c’est la presse semi-gouvernementale qui a trahi l’état d’esprit du pouvoir. Trois quotidiens, dont le vénérable Al-Ahram, visiblement plus pressés d’en finir avec Erdogan que de respecter les fondamentaux du journalisme, ont proclamé dans leur édition de samedi le succès du coup d’Etat.

      Même précipitation éloquente à la télévision. « Ce qui se déroule en Turquie n’est pas un coup d’Etat, pas du tout, clamait Ahmed Moussa, présentateur de l’un des talk-shows les plus regardés d’Egypte. C’est une révolution de l’intérieur de l’armée. Et à chaque fois que l’armée turque lance une révolution, elle gagne. » Pendant ce temps, sur la chaîne syrienne Sama, une présentatrice demandait à un analyste politique : « Dans le pire des scénarios, si Erdogan restait au pouvoir, que se passerait-il ? » Le dimanche, confronté au fiasco des putschistes, le quotidien syrien Al-Thawra trouvait la parade, en affirmant que le coup d’Etat est une machination destinée à salir la réputation de l’armée…

      En Israël, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a offert un soutien mesuré au mot près à M. Erdogan. Dans un communiqué laconique, publié quinze heures après le début des événements, alors que l’échec du coup d’Etat était patent, le ministère des affaires étrangères a déclaré qu’Israël « respecte le processus démocratique en Turquie et est impatient de poursuivre le processus de réconciliation » avec Ankara. Longtemps à couteaux tirés, du fait du drame du Mavi Marmara – un navire turc, en route vers Gaza, dont l’arraisonnement par des commandos israéliens a fait neuf morts en 2010 –, les deux pays ont signé fin juin un accord visant à normaliser leurs relations. Selon M. Nétanyahou, le coup d’Etat manqué ne devrait pas affecter ce rapprochement.

    • On a tout et son contraire sur le sujet. Les réactions américaines montrent que les occidentaux auraient été ravis de se débarrasser de ce gvt, du fait en particulier que les turques se rapprochent de la sphère russe. Le blocage de la base aérienne de l’OTAN en est un des éléments matériels.