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  • LesInrocks - Roman Cieslewicz, un sampleur d’images aux Arts Déco
    https://abonnes.lesinrocks.com/2018/06/29/arts/roman-cieslewicz-un-sampleur-dimages-aux-arts-deco-111100122

    Le musée des Arts décoratifs consacre une rétrospective à l’affichiste mythique.

    C’est lorsque l’image envahit les paysages urbains et mentaux que Roman Cieslewicz commence à opérer. Muni de son bistouri, cet œil de lynx tranche avec une précision chirurgicale dans le tissu confus du réel, cette masse visuelle d’affiches, de pubs ou d’emballages qui submergent les sociétés entrées dans l’ère de la consommation. Du kiosque à journaux au fin fond des poubelles, il récolte pléthore d’éléments imprimés, les classe par thèmes et les range dans des boîtes. Il y a les dossiers Œil, Main, Guerre, Mona Lisa, mais aussi Che Guevara, Comics BD, Jaune, Jésus…Voilà pour la méthode maniaque, organisée.

    Cette archive quasi encyclopédique, cortex d’images hautes, pop ou surannées, constitue le terreau de sa production graphique, composée de copies altérées, de collages et de photomontages. Né en 1930, héritier de dada, de la tradition affichiste polonaise et du constructivisme russe, Roman Cieslewicz était en fait un DJ avant l’heure. Sa matière première, toujours préexistante, était produite à tout moment, partout. L’artiste la remixait, collait, réarrangeant le flux visuel pour produire affiches de cinéma, de théâtre, couvertures de livres… Durant sa carrière, il collaborera avec Beaubourg, Raymond Depardon, Le Monde, Elle, Opus International, des revues graphiques expérimentales comme Kamikaze. Son œuvre est prolifique et l’exposition en cours au MAD permet d’en saisir l’ampleur et la diversité.

    Hygiène de la vision

    Débarqué à Paris de Varsovie en 1963, l’artiste avouera avoir été choqué et excité par la surabondance visuelle dans la capitale. Face à cet océan d’images, l’enjeu, dans son cas, était de ne pas être submergé : dompter le flux et sa violence. D’où une œuvre résistante et critique. Souvent noire, blanche et rouge, la production de Cieslewicz tranche par son minimalisme, ses tonalités et motifs ténébreux, presque orwelliens. L’artiste revendiquait une “hygiène de la vision”, compétence primordiale de l’individu postmoderne : élaguer et savoir sélectionner dans un contexte de surstimulation. Roman Cieslewicz a montré la voie.

    A travers sa création, il a donné une seconde vie aux images volatiles et inventé autant de signes, signaux, images-messages efficaces pour se repérer. Bien avant qu’internet ne l’entérine, il avait pressenti le nouveau statut des images : circulantes, remaniées. Au sortir de l’expo – et si le syndrome de Stendhal ne nous a pas écroulé au sol –, on se demande bien ce que ce DJ d’images aurait imaginé aujourd’hui. Julie Ackermann

    #Remix #Culture_numérique #Collage

    • Alors que dire de cette exposition que je viens de visiter ? C’est une très remarquable exposition du travail de Roman Cieslewicz qui a la vertu pédagogique de faire comprendre ses méthodes de travail et c’est assez réjouissant de voir des maquettes, leurs calques et leurs côtes dans les marges avec des annotations de type « au trait » ou « tramé », c’était effectivement comme cela se passait au deuxième millénaire, on aurait vite fait de l’oublier.

      En revanche ce qui apparaissait comme le fin du fin dans les années 89 du siècle dernier, les années pendant lesquelles le quotidien Libération régnait sans partage en matière de graphisme dans la presse, et bien tout cela n’a pas si bien vieilli que cela. Alors oui, Roman Cieslewicz avait un sacré coup de ciseau et l’oeil qui allait avec, en revanche, comme de si nombreux graphistes, il avait aussi l’oeil sur la copie de ses voisins de table et aller piquer sans vergogne dans leurs assiettes.

      Il y a une très lourde insistance dans le parcours de cette exposition pour qualifier son travail de politique, je trouve la chose un peu lourdingue et pas particulièrement vraie, et surtout disons que le maniement de symboles du nazisme dans les années 70 ou 80 comme vocabulaire graphique, c’est comment dire ? Un peu daté et simpliste, quand ce n’est pas ouvertement manichéen.

      En revanche, un peu énervé par le prix exorbitant du billet, onze euros tout de même, je me suis dit que je devrais essayer de rentabiliser un peu le forfait et je découvre donc à l’âge de 53 ans que le musée des arts décoratifs à Paris (dans lequel je suis allé un certain nombre de fois pour y visiter des expositions temporaires), compte dans ses collections permanentes quelques trésors insoupçonnés et insoupçonnables, un petit Cranach tout mignon et une très belle bataille, le siège de je ne sais plus château, par Uccello, et une myriade de petites sculptures du moyen âge, notamment un polyptique de la passion du Christ avec incrustées, telles des vignettes les sept plaies de la Vierge comme des rappels du parcours du Christ pour arriver à la septième plaie très étonnant.

    • @odilon Entre autres raisons qui me rendent difficile de qualifier son travail de politique c’est que le traitement graphique des sujets est presque toujours le même, quel que soit le sujet ou quel que soit le contexte, que ce soit pour le magazine Elle , pour des couvertures de livre (la collection 1018 par exemple), des affiches de spectacles ou des unes de Libé, tout étant au même niveau graphique, on ne peut faire autrement que d’y voir un geste décoratif et donc sans profondeur et encore moins un engagement politique.

    • Bien vu !
      J’avais noté cet article pour la question du Remix : une large part de la création provient de la reprise d’éléments graphiques, textuels ou audio venant d’autres auteurs. Qu’un grand musée mette cela en avant alors même que les formes nouvelles du remix sont méprisées et rejetées par les extrémistes du droit d’auteur, me paraît significatif.
      Comme quoi, chaque lecture porte un angle différent, et c’est l’ensemble qui fait un véritable regard.