• « Gilets jaunes », « lycéens » ou simples « passants » : la vie d’après des #éborgnés | Factuel
    https://factuel.afp.com/gjeborgnes

    Ils sont 21 hommes et 2 femmes, âgés de 14 à 59 ans, blessés à Paris, Bordeaux, Toulouse, La Réunion... Souvent, ce sont des « gilets jaunes » revendiqués, parfois des « lycéens » ou de simple « passants », contestant tout lien avec le mouvement.

    Beaucoup rendent le lanceur de balles de défense (LBD) responsable de leur blessure, mais certains pointent aussi du doigt les grenades GLI-F4, celles de désencerclement, les « DMP », voire des grenades lacrymogènes.

    La plupart ont un diagnostic net concernant l’un de leurs yeux : pour 14 d’entre eux, selon les certificats médicaux consultés par l’AFP, la vue est perdue et/ou l’oeil n’est plus. Deux pronostics sont en évolution péjorative, vers la cécité. Dans au moins un cas, enfin, la blessure est moins visible, l’oeil toujours présent, mais seules quelques formes apparaissent.

    Si certains essaient de donner un sens à cet événement, comme Patrice, 49 ans, qui y voit un « passeport pour un combat contre les armes dites non létales », ils sont nombreux à broyer du noir, pour certains prostrés chez eux ou vivant comme des « taupes », dans le noir. « J’aurais préféré prendre dix ans de prison », se désole Alexandre. L’un a même affirmé à l’AFP avoir fait une tentative de suicide.

    #Gilets_jaunes

  • L’État indemnisera le supporter montpelliérain éborgné
    https://www.sofoot.com/l-etat-indemnisera-le-supporter-montpellierain-eborgne-467551.html

    En 2012, le supporter montpélliérain Florent Castineira est touché par un tir de LBD en marge de la réception de Saint-Étienne à la Mosson. Aujourd’hui, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l’État à indemniser Castineira à hauteur de 47 700 euros. Un véritable retournement de situation, car en 2017, la justice avait annoncé un non-lieu, n’engageant aucune poursuite contre le policier ayant touché l’ultra de la Paillade.

    #FlashBall
    @parpaing

  • Le jour des éborgnés, par Tieri Briet
    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=2273752975979593&set=a.105496942805218&type=3&theater

    Depuis dix-sept semaines, le samedi est devenu le jour des #éborgnés. Un peu partout en France, il y a désormais un jour maudit dans la semaine, celui où dans les rues des plus grandes villes des hommes en armes reviennent pointer leurs fusils sur une foule désarmée. Une foule de manifestants qui n’ont pour seules protections que de pauvres banderoles en tissu, avec des pancartes en carton et des masques en plastique.

    Je suis allé plusieurs fois avec eux, au milieu de cette foule en colère que les forces de l’ordre gazent pendant des heures, l’empêchant d’aller où elle veut, l’acculant pour mieux l’humilier. Dans les rues de Lyon, j’ai vu ces hommes seulement vêtus de noir utiliser ce que nos gouvernants appellent des « armes sublétales ». Et sans aucune raison, j’ai vu l’un de ces hommes me choisir pour cible et viser mon visage. Durant quinze ou vingt secondes, il a suivi ma position, le doigt sur la gâchette. Ses yeux étaient masqués d’épaisses lunettes de protection, il m’était impossible de discerner son regard à travers le plexiglas, mais j’étais suffisamment proche pour discerner l’expression de sa bouche. Il avait fait de moi une cible humaine et il s’appliquait à garder ma tête au centre de son viseur. Je ne portais ni casque, ni masque et mon écharpe ne masquait pas mon visage. Je me tenais à moins de dix mètres de son arme, immobile face au trou noir du canon, quatre centimètres de diamètre, immobile face à un soldat de mon propre pays qui pouvait d’un seul tir m’arracher la moitié du visage et faire de moi une gueule cassée, un blessé de guerre de plus et un handicapé à vie qu’il faudrait opérer et greffer pour espérer lui rendre une existence à peu près supportable. Je regardais la bouche de l’homme qui me visait. C’était la seule partie visible de son visage. Une bouche tendue par la concentration et la panique que générait ce face à face. Il n’avait qu’un seul choix à faire. Tirer ou pas ? Lui pouvait distinguer mon regard, ma #peur et le refus pourtant de baisser le regard. Mon immobilité n’était pas une menace mais peut-être un défi à ses yeux. Je ne sais pas. C’est très long quinze secondes dans la rue, face à un homme qui vous a pris pour cible. Je ne sais pas si je respirais encore, si mes poumons s’étaient bloqués pour éviter les gaz qui nous avaient enveloppés. Je me souviens que j’ai pensé aux blessures de Philippe Lançon, ce journaliste qui a survécu à l’attaque de Charlie-Hebdo. Les tireurs qui n’étaient venus que pour tuer lui avaient explosé la mâchoire d’une rafale de kalachnikov, mais il avait survécu et il avait fallu des mois pour lui reconstruire non seulement l’os de la mâchoire inférieure, mais lui façonner aussi de nouvelles lèvres et un menton de chair. Philippe Lançon en avait fait le récit à l’intérieur d’un livre important, Le Lambeau, dont la lecture m’avait marqué l’hiver passé. Et c’est à ce récit que je pensais face au trou noir du #LBD40 qui me visait.

    Dans la peur d’être blessé la pensée va plus vite. J’attendais que l’inconnu détourne son arme ou m’explose le visage, et je pensais aux vidéos des blessures des manifestants du samedi. Tous ces bandages ensanglantés et après coup, des visages d’hommes défigurés qui faisaient naître, semaine après semaine, une peur inimaginable à l’intérieur de mon pays. La France était encore en paix mais depuis dix-sept semaines, les hommes de sa #police et de son armée provoquaient de nouveaux blessés graves. Des blessés de guerre dans un pays en paix, pour reprendre les mots de la chirurgienne qui avait mis des mois à reconstruire le visage de Philippe Lançon.

    Face à moi, l’homme en noir n’a pas baissé son arme. Non, il a seulement choisi pour cible un autre visage, celui d’un homme en gilet jaune qui est venu pour me tirer vers l’arrière, m’éloigner des tireurs alignés en travers de ce quai. À l’avant de la foule, cet l’inconnu qui s’est soucié de me mettre à l’abri s’est trouvé menacé à son tour. Les lèvres du tireur avaient gardé le même rictus, un mélange de concentration et de panique quand les grenades continuaient d’exploser tout autour.

    Je n’ai jamais pris part à une guerre, jamais porté d’armes mais ce samedi à l’intérieur des rues de Lyon, j’ai appris la terreur d’être visé par un homme qui peut vous éborgner sans raison, puisqu’il obéit aux ordres d’un préfet, dans un pays où le gouvernement préfère mentir que d’avouer tout le mal qu’il peut faire à son peuple, en décidant de l’appauvrir d’abord, puis de le mutiler chaque samedi depuis dix-sept semaines, plutôt que d’écouter pourquoi il n’en peut plus d’une vie devenue peu à peu invivable.

    Difficile de mesurer l’’immense mépris qu’il faut pour ordonner à une police de mettre en joue des milliers de femmes et d’hommes parce qu’ils manifestent leur souffrance. Est-ce l’argent ou le pouvoir qui justifie pareil #mépris ? Je ne sais pas, je n’ai jamais voulu ni l’un ni l’autre mais je devine qu’à l’intérieur de ce mépris, il y a aussi tout simplement de la vengeance. Les gouvernants ont fini par comprendre que face à un peuple en colère et soucieux de justice, face à un peuple conscient et vigilant, leurs privilèges n’étaient pas justifiables. Ils auront besoin d’une police politique, d’une armée fratricide pour maintenir les peuples d’Europe dans une terreur qu’il faudra mettre en scène. Si bien que l’habituelle mascarade des anciennes démocraties parlementaires ne peut plus continuer. Avec l’état d’urgence, les nasses policières et le contrôle des médias, le grand spectacle des #pauvres gens qu’on éborgne au hasard des manifs façonne un autre monde qui n’a plus rien à voir avec celui des altermondialistes. Un monde où les droits humains ne seront plus qu’une fiction, un vieux mensonge encore seulement utile pour justifier des interventions militaires à l’étranger.

    Dans un autre livre, La Castration mentale, Bernard Noël a raconté la scène primitive qui l’a poursuivi pendant plusieurs années. « Cette scène a eu lieu dans les derniers jours de mai 1871, à Paris. Un troupeau de Communards, que l’on vient d’arrêter et qu’encadrent les Versaillais, passe devant la foule ameutée sur les boulevards, dans les parages de l’Opéra : une foule de bourgeois bien mis qu’accompagnent leurs épouses en tournures et voilettes. Tous ces gens, qui ont eu peur, clament un soulagement haineux et victorieux, mais voici que dans l’excitation générale quelques-unes des femmes s’avancent vers les prisonniers, et tout à coup arrachent la longue épingle qui retient ensemble chignon et chapeau, puis la manient à bout de bras pour crever les yeux sous les applaudissements et les rires. »

    Bernard Noël a beaucoup travaillé, beaucoup écrit sur la Commune et il n’a pas choisi cette scène au hasard. Cette scène est exemplaire, dit-il, parce qu’elle met en scène un meurtre du regard que le pouvoir français commet régulièrement. « Ici, le geste final est toujours d’aveugler l’adversaire pour qu’il ne voie pas ce qu’on lui fait, et soit donc incapable d’en témoigner valablement. Il suffit de se rapporter à deux événements récents pour constater combien la scène évoquée semble servir de perpétuel modèle. Ainsi de la rafle dite du Vel d’Hiv et du pogrom que subirent les Algériens, à Paris même, dans la nuit du 17 octobre 1961. »

    « Chaque fois, c’est une cruauté immédiatement couverte, sinon légalisée, par la hiérarchie de l’État : chaque fois le même enterrement d’une prise de conscience salutaire, comme si la lâcheté des exécutants reflétait la réalité fondamentale de nos gouvernements successifs. » La pensée #politique de Bernard Noël a souvent donné la preuve d’une implacable lucidité. Une lucidité nécessaire, difficile à maintenir si on veut ouvrir les yeux sur ce qui se joue, depuis dix-sept semaines, dans la volonté d’éborgner ces nouveaux Communards. En 1871, la sauvagerie sanguinaire des Versaillaises n’était pas moins inhumaine que la cruauté d’aujourd’hui, celle des ministres et des préfets qui, après avoir autorisé l’armée et la police nationale à tirer sur la foule, n’ont pas la moindre parole de compassion au sujet des centaines de blessés amputés.

    Je sais que l’homme qui m’a visé à Lyon se sentait protégé par l’ombre d’un monstre, à l’abri de la #hiérarchie de l’État. Aucun de ces hommes n’a eu la dignité de déserter, de refuser l’ordre de mutiler. Ils savent que dans leur dos se tiennent un préfet, un ministre et un président de la République acculés, qui n’hésitent pas une seule seconde quand il s’agit de tuer Zine Redouane à Marseille, de fracasser la mâchoire de Lola Villabriga à Biarritz ou d’arracher la main d’Antoine Boudinet, avant de crever un œil à Patrice Phillipe ou à Jérôme Rodrigues à Paris. Il leur faut continuer à nourrir la terreur plutôt que la justice. Et dans la logique d’un ministre de l’Intérieur ou d’un préfet de police, mieux vaut éborgner et mutiler chaque semaine des étudiants et des précaires plutôt que d’accepter l’idée que leur autorité est déjà morte, impossible à justifier face à un tribunal. Maintenant, nous savons qu’ils vont continuer à donner l’ordre de tirer, jusqu’à ce jour de joie où nous les aurons chassés du pouvoir. Leur place est en prison, et ils le savent parfaitement : prêts à crever les yeux des révoltés plutôt que d’accepter la justice de leur révolte.

  • Violences policières : la fuite en avant de Castaner | BUG BROTHER
    http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2018/12/28/violences-policieres-la-fuite-en-avant-de-castaner

    Alors que, souligne le sociologue Fabien Jobard, face aux « Gilets Jaunes« , l’action répressive et le bilan, en termes de blessés, sont d’une ampleur considérable et sans précédent depuis Mai 68, le ministère de l’Intérieur a (opportunément ?) publié en ce week-end de veille (a priori chargé) de Noël un appel d’offres portant sur l’achat de 1730 « lanceurs multi-coups (et) mono-coup » de maintien de l’ordre.

    Étrangement, aucun des médias qui ont repris l’info n’ont mis de lien vers ledit appel d’offres, non plus qu’ils n’en ont montré de photos, pas plus qu’ils ne semblent avoir lu les spécificités techniques attendues (sans parler de ceux qui ont aussi omis de citer ledit Canard Enchaîné qui, le premier, a révélé l’information).

    Présentation, dans le catalogue de son vendeur, de l’un des « lanceurs multi-coups » que veut acheter le ministère de l’Intérieur
    Intitulé « LBD_40« (pour lanceur de balle de défense -le nom du successeur des « flash-balls« , marque déposée- suivi du diamètre -en millimètres- de ses munitions), l’appel d’offres vise à « équiper les personnels de la sécurité intérieure notamment lors des missions de maintien de l’ordre, pour contrôler les mouvements de foule et disperser des individus agressifs« , au moyen de 1280 nouveaux « lanceurs mono-coup » (type LBD, dont 1275 pour la gendarmerie), plus 270 « lanceurs multi-coups » (LMC) « 4 coups« , et 180 « 6 coups » (soit 450 LBD semi-automatiques) pour les policiers.

    Tandis que la fenêtre de « tir optimum » du LBD est de 30 mètres, les « multi-coups« , précise le cahier des charges techniques, devront quant à eux « permettre de stabiliser les munitions utilisées sur les distances comprises entre 30 et 100 m« .

    Ces « armes » à « réarmement manuel ou semi-automatique« , dotées pour l’une d’entre elles d’un mécanisme de fusil à pompe, devront pouvoir « utiliser l’ensemble des munitions de calibre 40 mm munies de leurs moyens de propulsion à retard en dotation au sein du ministère de l’intérieur » (du nom donné aux grenades de maintien de l’ordre fumigènes et/ou lacrymogènes ), et permettre de « lancer les grenades sous un angle de 45°, avec une portée en adéquation avec le moyen de propulsion utilisé (50 ou 100 mètres)« .

    Le site collaboratif d’infos alternatives Rebellyon avait été le premier, en juin 2016, à documenter l’utilisation, par des CRS, du lance-grenades Penn-Arms PGL65-40 (ou 40mm launchers) de l’entreprise américaine Combined Systems, « qui fonctionne comme un fusil à pompes« , dont les spécificités techniques correspondent trait pour trait à celles de l’appel d’offres et dont cette photo fit la couverture d’un rapport consacré à l’utilisation d’armes « moins létales » à Ferguson, aux USA, ainsi qu’à la militarisation des opérations de maintien de l’ordre policier. [...]

    Contactée par Libération, la Direction générale de la police nationale assure que ces lanceurs « multicoups » seraient « destinés à tirer exclusivement des grenades lacrymogènes, fumigènes ou assourdissantes ».

    Or, et comme @davduf, journaliste d’investigation auteur d’une enquête sur (le non-respect de) la doctrine française du « maintien de l’ordre« , n’a de cesse de le documenter depuis le début du mouvement des « #gilets_jaunes« , près de 200 personnes auraient d’ores et déjà été victimes, et pour bon nombre blessées, certaines mutilées à vie, du fait de manquements graves (parfois possibles, souvent avérés) à la doctrine légale du maintien de l’ordre dit « à la française ».

    L’an passé, l’ACAT avait ainsi recensé (.pdf) 2 morts et 44 blessés (dont 24 #éborgnés) du fait de tirs de #flash-balls et de LBD ces dernières années (cf aussi cette chronologie sur Wikipedia), plus 3 blessés graves (dont 2 amputés au main) du fait des grenades lacrymogène instantanée #GLI_F4 (constituées -notamment- de 25 grammes de TNT).

    #armes_de_la_police #LBD #PGL65-40 #grenades « #armes_non_létales » #violences_policières #militarisation #maintien_de_l'ordre

    • Si la portée est multipliée par trois (passant de 30 à 100 m.) on imagine déjà les dégats qui seront causés lors des tirs à courte distance, du fait de la nécessaire augmentation de puissance de ces armes.
      #arme_vulnérante : Je propose ce qualificatif qui me parait plus approprié car il exprime la volonté de blesser , alors que « armes non-létales » évoque d’abord la volonté de ne pas tuer ce qui adoucit un peu trop à mon sens la violence intrinsèque qui est recherchée dès la conception de ces #machines_à_blesser.

      Vulnérant
      Adjectif masculin singulier
      en médecine, se dit de ce qui provoque des blessures

      www.universalis.fr/dictionnaire/vulnerant/