#éco-socialisme

  • Le climat, la gauche et l’histoire | #Jean-Baptiste_Fressoz
    https://legrandcontinent.eu/fr/2023/11/03/le-climat-la-gauche-et-lhistoire

    Plusieurs auteurs, cités par Paul Magnette ont cru discerner dans l’histoire de l’énergie le capitalisme dans ses basses œuvres : la machine à vapeur aurait simplement servi à échapper à la contrainte de localisation et à exploiter une main d’oeuvre urbaine et abondante (Andreas Malm) ; le pétrole aurait eu pour effet, voire fonction, de contourner les mineurs et leurs syndicats grâce à sa fluidité (Timothy Mitchell). Ces récits séduisants ne résistent pas à l’analyse : le charbon sert surtout à produire de la chaleur. En Angleterre son extraction commence quand le prix du bois de feu augmente, tirée par la croissance urbaine — la machine à vapeur est davantage un symbole que la cause de l’Anthropocène. Quant au pétrole, il ne contourne pas les mineurs, tout simplement parce qu’il ne remplace pas le charbon ; il sert avant tout à faire avancer des voitures qui pour leur fabrication consomment énormément de charbon ; en outre, la baisse du nombre des mineurs n’est pas causée par le pétrole mais par le progrès technologique dans les mines. L’attrait de l’histoire « politique » de l’énergie qui est aussi son défaut, est qu’elle tend à présenter le changement climatique comme l’effet secondaire d’une entreprise de domination capitaliste. Cette historiographie, apparemment radicale mais rassurante pour la gauche anti-capitaliste, sous-estime l’énormité du défi climatique : sortir du carbone sera autrement plus difficile que sortir du capitalisme, une condition tout aussi nécessaire qu’insuffisante.

    [...]

    Le réchauffement est un phénomène historique, mais comme il fait la somme de l’ensemble de l’agir humain sur la planète il échappe largement à l’histoire. S’il est assez facile pour un historien d’expliquer le réchauffement, identifier ce qui pourrait l’arrêter dépasse l’imagination historique.

    Face au titan climatique, les sciences sociales proposent souvent des « solutions » sans avoir jaugé la profondeur du problème. Les verrous techniques sont écartés, laissés à l’expertise du groupe III du GIEC. On fait comme si la décarbonation était un simple problème d’investissements, un problème d’ingénierie sociale, un problème de volonté politique. [...]

    Dans les années 1990-2000, beaucoup d’énergie a été dépensée pour débattre des avantages respectifs de la taxe carbone ou des droits à polluer, alors qu’il aurait fallu expliquer qu’on ne saurait décarboner l’acier, le ciment, l’aviation etc. et donc convenir des moyens démocratiques et équitables d’en réduire drastiquement la consommation. Il en découlerait une redéfinition du débat climatique centré sur la répartition juste et efficace des biens matériels à l’échelle mondiale : la grande question de la gauche depuis son origine et le trait d’union qui relie le socialisme à l’éco-socialisme.

    • Contrairement à l’expression de « crise environnementale » qui sous-entendait une épreuve brève dont l’issue serait imminente, l’Anthropocène désigne un point de non-retour. Ce que nous vivons n’est pas une simple crise mais une bifurcation à l’échelle de l’histoire géologique de la Terre. Le développement économique des derniers siècles modifiera l’environnement de ceux à avenir. Nous ne nous sortirons pas de l’Anthropocène et nous ne connaîtrons plus les climats de l’Holocène. Ce qui a été moins compris — et la faute en revient à une vision aberrante de l’histoire matérielle — est que cette irréversibilité s’appliquait presque autant à l’anthropos qu’à la planète. L’Anthropocène désigne une double irréversibilité, une double accumulation, un cumul de cumuls : non seulement les flux de matière s’empilent dans les différents compartiments du système-terre, mais les flux matériels anthropogéniques suivent eux-aussi une logique additive.

      Toute discussion sérieuse sur les questions environnementales devrait partir du constat historique quelque peu inquiétant que les innovations technologiques n’ont, jusqu’à présent, jamais fait disparaître un flux de consommation matérielle. Au cours du XXe siècle, dans le monde, l’éventail des matières premières s’est élargi et chacune a été consommée en quantité croissante [3]. Les processus de substitution technologiques ont donc pour l’instant toujours été compensés par l’élargissement des marchés, par les effets rebonds et par les réorientations d’usage.

      [3] Sur les soixante-dix matières premières principales, Christopher L. Magee et Tessaleno C. Devezas ne recensent que six qui ont décru depuis 1960 : l’amiante, le mercure, le beryllium, le tellurium, le thallium et la laine de mouton, auxquels on pourrait ajouter l’huile de baleine.

  • BALLAST | L’#écoféminisme en question — par Janet Biehl
    https://www.revue-ballast.fr/lecofeminisme-en-question-par-janet-biehl

    En 1991, l’es­sayiste éta­su­nienne Janet Biehl fai­sait paraître son livre Rethinking Ecofeminist Politics : une cri­tique réso­lue du mou­ve­ment éco­fé­mi­niste. Bien que consciente de la diver­si­té des cou­rants qui tra­versent ce der­nier, l’au­trice y per­çoit un renon­ce­ment glo­bal à cer­tains des idéaux du fémi­nisme. Dans l’ex­trait que nous tra­dui­sons ici, Biehl dénonce tout par­ti­cu­liè­re­ment la réha­bi­li­ta­tion de l’oikos — la mai­son —, du « foyer » et du « care » pour mieux louer la Cité, la chose publique, bref, la poli­tique, enten­due sous sa plume comme radi­ca­le­ment démo­cra­tique et éco­lo­gique. Face à ce qu’elle per­çoit comme des « replis mys­tiques régres­sifs » et un « déni­gre­ment direct ou indi­rect de la rai­son », l’é­co­lo­giste sociale enjoint à tra­vailler à « un ensemble d’i­dées anti­hié­rar­chique, cohé­rent, ration­nel et démo­cra­tique ».

    • ah bé c’est marrant, je venais juste d’enfin lire ya quelques heures le dernier chapitre de Sorcières, où @mona l’évoque à quelques pages de la fin :

      Mais cet essentialisme, peut-on vraiment se satisfaire de le récuser, comme le fait par exemple Janet Biehl, qui fut proche du théoricien écosocialiste Murraya Mookchin ? Selon la philosophe Catherine Larrère, « pour libérer les femmes de la domination qui pèse sur elles, il ne suffit pas de déconstruire leur naturalisation pour les rapatrier du côté des hommes - celui de la culture. Ce serait ne faire le travail qu’à moitié, et laisser la nature en plan. La cause de la nature y perdrait, mais tout autant celle des femmes ». Les écoféministes, explique Émilie Hache, veulent pouvoir se réapproprier, investir et célébrer ce corps qui a été diabolisé (c’est le cas de le dire), dégradé et vilipendé pendant des siècles ; et elles veulent aussi pouvoir questionner le rapport guerrier à la nature qui s’est développé en parallèle. Le problème qui se pose à elles pourrait se résumer ainsi : « Comment (re)construire un lien avec une nature dont on a été exclue ou dont on s’est exclue parce qu’on y a été identifiée de force et négativement ? ».

      Dans le même temps, elles refusent que la « nature » serve de prétexte pour leur imposer un destin ou un comportement normés tels que la maternité ou l’hétérosexualité. L’expérience méconnue du « retour à la terre » de communautés séparatistes lesbiennes dans les années 70 en Oregon témoigne bien de cette attitude (en plus d’avoir de quoi rentre catatoniques ceux qui, en France, sortent de leurs gonds à la simple idée que des femmes - ou des victimes du racisme - organisent une réunion non mixte de deux heures). "Pourquoi laisser aux hétérosexuels le monopole d’une sexualité « naturelle » et penser que les mouvements queer n’ont pu se développer que dans les villes, loin de la nature et contre celle-ci ?" interroge Catherine Larrère, qui ne voit « pas de raison de construire le féminisme sur le déni de la nature ».

      Alors oui, mais du coup j’ai l’impression que c’est sans lien avec la critique de Janet Biehl évoquée au début du passage, puisque justement elle est écosocialiste…

      Alors je ne sais pas si du coup elles parlent (@mona et Biehl) des mêmes écoféministes, puisqu’il y a plusieurs courants, et si on est capable de déterminer lesquelles sont les plus connues, les plus lues, les plus influentes ? Là dans l’article Biehl évoque Hamilton en disant qu’elle est une exception, mais que (c’est moi qui souligne)

      pour l’essentiel, les écrits écoféministes sont remarquablement dépourvus de référence à la démocratie. L’approche la plus courante ignore complètement la question de la polis

      […]

      Les nombreuses écoféministes qui ignorent complètement le sujet de la démocratie semblent penser que les « valeurs féminines » de « care et d’éducation » constituent une alternative pleine d’empathie naturelle à l’idéal démocratique, supposé froid, abstrait, individualiste et rationaliste — voire carrément « masculin »

      #féminisme #éco-féminisme #éco-socialisme #care #démocratie #essentialisme (ou pas) #débat #Janet_Biehl
      @antonin1

    • Dans Être écoféministe, Jeanne Burgart Goutal parle de cette diversité : les essentialistes, les matérialistes, les intersectionnelles... À la fin on a tout mélangé mais l’autrice nous dit que c’est pas grave. Elle mentionne Janet Biehl et est un peu critique envers elle mais ne l’assassine pas. J’ai le bouquin de Biehl chez moi mais je ne l’ai pas encore ouvert. Donc : pas d’avis !

      Voir aussi
      https://ecorev.org/spip.php?article711
      pour le texte de Biehl

      https://www.lechappee.org/collections/versus/etre-ecofeministe
      (Plein d’interv en lien.)

    • « Dans cette période de privatisation massive, nous ne pouvons pas permettre que ce qui subsiste de la sphère politique démocratique soit souillé par des penchants privatistes, particularistes, ou repliés sur l’oikos. Nous devons nous réapproprier la tradition politique de la démocratie radicale, nous battre pour la préserver et la généraliser. »

      Le problème étant que la « démocratie radicale » ne peut exister que sur la base d’une réappropriation de la #subsistance par des communautés autonomes, et donc aussi en partie sur le « foyer ». Une fois de plus les progressistes oublient la base matérielle sur lesquelles leurs constructions politiques reposent...

      Voir : http://sniadecki.wordpress.com/tag/subsistance

    • Il me semble que c’est bien ce que professe généralement le courant écosocialiste (Biehl c’est courant Bookchin) donc ya pas d’oubli. Sauf que non pas au niveau d’un « foyer » même un peu étendu, mais plutôt à l’échelle d’une commune + des communes liées (et pour l’instant je ne pense pas non plus que là de nos jours, avec les ressources actuelles, les compétences des gens, etc, on puisse subvenir à tous les besoins de base, habitat + nourriture + habits, etc, au niveau d’un « foyer » seulement, alors qu’au niveau d’une commune ça s’imagine quand même). Mais donc au niveau d’une commune ça nécessite une démocratie non basée uniquement sur le foyer et le « care ». Enfin c’est ce que je comprends.

  • BALLAST Mélenchon, de la Gauche au Peuple 1/2
    http://www.revue-ballast.fr/melenchon-de-la-gauche-au-peuple-12

    En effet, Jean-Luc Mélenchon se plaît à être qualifié d’intellectuel. Héritier d’une longue tradition, ce qu’on nomme le mouvement socialiste a toujours eu à sa tête des théoriciens de la pratique. Les hommes et les femmes capables d’analyser avec précision et méthode les contradictions de leur époque afin d’en tirer une stratégie révolutionnaire ont historiquement tenu le haut du pavé : Jean Jaurès, Rosa Luxemburg ou Antonio Gramsci, pour citer les plus éminents représentants. C’est ce travail de fond que soumet aujourd’hui le fondateur du Parti de Gauche lorsqu’il entend démontrer que l’ère du #peuple frappe à la porte de l’#Histoire, enterrant implicitement l’ère de la #gauche dans un passé révolu. Du constat de trois grandes bifurcations en jeu – anthropologique, climatique et #géopolitique – émerge un nouvel acteur de l’Histoire, le peuple #urbain, et son nouveau terrain d’expression, l’espace public, ainsi qu’une stratégie de prise de pouvoir, la révolution citoyenne, adossée à la doctrine émancipatrice de notre temps : l’#éco-socialisme.

    Pour saisir ce nouveau chemin de crête, il est nécessaire de revenir à ses soubassements philosophiques originaires et ses référents intellectuels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre licencié de philosophie n’en est pas avare. Dépassionner le personnage pour rendre intelligible le cheminement de sa pensée : voilà notre idée directrice.

    • analyser avec précision et méthode les contradictions de leur époque afin d’en tirer une stratégie révolutionnaire

      Et Lénine, alors ? Le journaliste omet l’unique théoricien de la révolution dont les idées ont connu un succès évident ... vas savoir pourquoi ...
      D’ailleurs le peuple joue un rôle important pour les idées de Lénine. Pour lui c’est la partie de la population qui ne fait pas partie des exploiteurs.

      DÉCLARATION DES DROITS DU PEUPLE TRAVAILLEUR ET EXPLOITÉ
      https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1918/01/vil19180104.htm

      1. La propriété privée de la terre est abolie. Toute la terre, avec tous les bâtiments, le cheptel et autre matériel servant à la production agricole, est déclarée patrimoine de tout le peuple travailleur.

      2. La loi soviétique sur le contrôle ouvrier et le Conseil supérieur de l’économie nationale est confirmée, en vue d’assurer le pouvoir du peuple travailleur sur les exploiteurs et en tant que première mesure préparant la remise complète des fabriques, usines, mines, chemins de fer et autres moyens de production et de transport, en propriété à l’Etat ouvrier et paysan.

      Quand on se rappelle qu’en Russie ce n’était pas la classe ouvrière qui a fait la révolution mais le peuple suivant la définition de Lénine on s’apercoit que l’utilisation de la catégorie de peuple chez Melenchon ne signifie pas l’abandon de la pensée de gauche ou marxiste mais - je peux me tromper car je n’ai pas lu tous ses livres - se place vraisemblablement dans la lignée de la pensée de gauche non orthodoxe et dialectique.

      C’est dommage d’être confronté ce dernier temps à un tas d’articles qui prétendent nous expliquer les tendances de la pensée de gauche alors qu’ils témoignent surtout de la méconnaissance avancée de leurs auteurs en matière de textes de base historiques. A chaque fois on se lance dans la lecture en espérant y découvrir un travail analytique radicalement nouveau qui nous libère du poids de l’héritage orthodoxe et á prèsque chaque fois on abandonne la lecture par déception face à des texte idéolgiques qui en plus sont souvent marqués par une mauvaise foi dégoûtante.

      #révolution #théorie #révisionnisme #idéologie

  • Après la #croissance, la revanche de la valeur d’usage | Contretemps
    http://www.contretemps.eu/interventions/apr%C3%A8s-croissance-revanche-valeur-dusage

    Après avoir défendu la thèse d’une fin de la croissance, Cédric Durand revient ici sur les apports et limites de la démarche décroissante, puis dessine ce que pourrait être une perspective écosocialiste se donnant « comme finalité la production et la préservation de la valeur d’usage et non l’accumulation illimitée de valeurs d’échange ». Ce texte constitue la transcription d’une introduction à un débat sur l’écosocialisme. Annotations : (...)

    #:Cedric_Durand #Capitalisme #décroissance #Écologie #éco-socialisme #Alternatives #Economie #biens_communs #productivisme #consommation

  • RAGEMAG
    http://ragemag.fr/vers-lecosocialisme-et-au-dela-entretien-avec-clement-senechal

    Pour reprendre des termes génériques, c’est la différence entre les sociaux-libéraux/sociaux-démocrates et la gauche antilibérale. Nous nous considérons comme la gauche éco-socialiste.

    On n’entend pas souvent ce terme !

    Disons que c’est notre prochaine grande bataille idéologique. Le socialisme, c’est quoi fondamentalement ? C’est se rendre compte que nous vivons dans une société marquée par une interdépendance fondamentale entre les gens, et entre les gens et les choses. Quoi qu’on en dise, nous ne sommes pas des atomes autonomes. L’oligarchie, qui prétend le contraire, à besoin d’une institution collective qui s’appelle l’argent pour assurer sa domination. Or, cette interdépendance essentielle est aujourd’hui remise en relief par l’écologie et la finitude alarmante de notre environnement terrestre. Avant, on avait un pensée politique centrée surtout la finitude humaine : maintenant on a une pensée préoccupée par la finitude de l’écosystème. On voit que cet environnement n’est pas illimité : (…) par la force des choses on est donc tous interdépendants les uns des autres. Il va falloir partager ce qui est en train de s’épuiser. La cause écologique donne donc une assise empirique supplémentaire au projet socialiste, elle lui confère un surplus rigoureux de matérialisme. Nous ne devons plus proposer une simple critique des rapports de production, comme le suggérait Marx, mais une véritable critique des conditions de production. Bien entendu, ces deux critiques sont consubstantielles dans l’#éco-socialisme.

    #Front-de-Gauche