• « En contexte de guerre, le fondement de l’école n’a jamais été d’apprendre à se protéger de l’extérieur » (Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/148959/exercice-terrorisme-ecoles

    Plusieurs cas d’exercices de préparation aux attentats dans les écoles montrent que les enfants ne comprennent pas ou prennent peur. Le contraire de ce qui était recherché.

    #éducation #établissements #terrorisme #éducation_à_la_peur

    • Il y a quelques semaines, deux mères d’élèves m’ont rapporté le déroulement ahurissant de l’exercice anti-intrusion, réalisé sur un temps périscolaire dans l’école primaire de leur petite commune de Savoie. Delphine et Suzanne (les prénoms ont été changés) ont longtemps hésité à autoriser la publication de leurs témoignages, de peur de voir pointer du doigt leur municipalité et ce, alors même que les intentions de chacun des protagonistes semblaient bonnes, la police municipale ayant été jusqu’à reconnaître qu’elle n’aurait jamais imaginé que des enfants puissent en ressortir marqués. Cet incident montre pourtant à quel point une dérive peut rapidement survenir lorsque les professionnels de l’enfance et de l’éducation ne sont pas consultés.

      Delphine raconte :

      « Cette année, dans l’école de ma fille, il y a eu deux exercices “anti-intrusion”. Le premier a eu lieu au premier trimestre et on a été prévenu. Les élèves ont du se mettre sous les tables. Ma fille a paniqué et a pleuré parce qu’elle a entendu des bruits à l’extérieur de la classe et qu’elle a cru qu’il y avait un voleur dans l’école. Il faut dire qu’au lieu de leur expliquer la raison de l’exercice, on leur a dit que c’était au cas où il y aurait un “voleur”, ce qui n’était pas très rassurant pour eux : les cambriolages, ça arrive régulièrement ! »

      Et un deuxième exercice a eu lieu pendant les temps d’activités périscolaires, les enfants et les animateurs n’étaient pas prévenus, en « sortant les grands moyens » :

      « Le policier municipal a demandé de l’aide à une deuxième personne qui possédait une moto. Cette personne est entrée dans l’enceinte de l’école par le portail, en chevauchant sa moto. Il a fait deux allers-retours dans la cour où était un groupe d’enfants. Les enfants n’étaient pas prévenus, certains ont cru que le motard les poursuivait, d’autres ont pensé qu’il allait défoncer la baie vitrée. Ils y avaient des enfants en larmes et d’autres hilares. Le soir même, on a juste reçu un e-mail pour nous dire : “il y a eu un exercice, vous n’étiez pas au courant, les animateurs non plus, c’était fait exprès. On voulait voir la réaction des enfants et des animateurs”. »

      La fille de Delphine n’était pas dans la cour ce jour-là, contrairement à celle de Suzanne :

      « “Il nous a foncé dessus”, m’a dit ma fille. J’ai demandé : “ah bon mais pourquoi ?” Elle ne savait pas m’expliquer, elle ne savait pas me dire que c’était un entraînement. Peu après, elle m’a juste dit : “C’était pour de faux, c’était un ami du policier”. Sur le coup, c’était plutôt banal pour elle : “il y a des enfants qui ont pleuré”. C’est quand elle a vu que ça me choquait, que j’essayais d’en savoir plus, qu’elle m’a dit un peu avec honte : “j’ai fait partie des enfants qui ont pleuré”. Au final, elle a pris ça comme une mauvaise blague. Pour elle, ça n’avait rien à voir avec la sécurité, ni avec le terrorisme, c’était comme si les adultes avaient dit “on vous a bien eu”, elle était tellement soulagée de savoir que c’était pas “pour de vrai”. Qu’est-ce que les enfants peuvent tirer d’une expérience pareille ? Qu’ils ne peuvent pas faire confiance à l’école ni à la police ? Que la violence est légitime selon les intentions qui la sous tendent ? ».

      Sur l’éducation des flics il y a beaucoup à dire ici ! Et aussi la honte de la peur et des larmes de cette petite fille qui n’osait pas dire ce qu’elle avait ressenti.

      Au mieux inefficaces, au pire traumatisants ? Ces exercices anti-intrusion ne seraient-ils qu’un artifice, un rituel destiner à tromper le sentiment d’impuissance des adultes tout en donnant bonne conscience aux institutions chargées de la protection civile ? Ou pourraient-ils au contraire être le fruit d’une réflexion rationnelle, basée sur la connaissance fine des stratégies de gestion de risques ?

      C’est le principe de l’etat d’urgence, faire croire que l’état peu protégé sa population par des mesures sécuritaires sans faire de travail sur les causes, voire en les alimentant.

      Jean-François Leblanc, chargé de mission risques majeurs au rectorat de l’académie de Grenoble :
      « Concernant la question des exercices d’entraînement avec les élèves, je suis partisan d’une démarche en escalier, où les objectifs sont raisonnables et progressifs. On peut très bien entraîner les enfants à se mettre sous les tables, d’abord 5 minutes, puis 10 minutes, 15 minutes. De même, on peut les entraîner à bloquer les portes, se placer derrière les armoires parce que même si ça semble un détail, cette précaution peut contribuer à ralentir les balles. À chaque exercice, on doit se demander ce qui a marché ou non, et ce qu’on peut mettre en place pour améliorer. Enfin, il est important que les enseignants se saisissent de la problématique et l’intègrent dans leurs séquences pédagogiques. Une maîtresse m’a par exemple rapporté que même en temps normal, elle apprenait à ses élèves à se déplacer « comme des fantômes », c’est exactement la bonne démarche : non seulement ça va dans le sens du respect d’autrui, mais c’est aussi un comportement utile en cas d’attaque terroriste. »

      Se déplacé « comme des fantômes » c’est être #en_marche vers le #rien

      Laurence de Cock, professeure d’histoire-géographie et docteure en sciences de l’éducation est l’autrice avec l’anthropologue Régis Meyran d’un ouvrage récemment paru et consacré aux « paniques identitaires ».
      « L’idée que l’école puisse intervenir en faveur de la construction d’une “culture commune de la sécurité”, c’est-à-dire qu’elle intègre à son curriculum la logique d’apprendre à se protéger d’un ennemi intérieur, est absolument inédite. Il s’agit d’une rupture majeure par rapport aux fondements de l’École de la République. Historiquement, même en contexte de guerre ou de post-guerre, le fondement de base de l’école – quelque soit son niveau d’hypocrisie – n’a jamais été d’apprendre à se protéger de l’extérieur mais, au contraire, d’apprendre à vivre avec l’autre. »
      « L’école se veut une préparation à la vie en société, de plus en plus également une préparation au marché du travail mais en aucun cas une préparation à la vie en guerre ! La culture du risque, n’est de son côté pas du tout nouvelle à l’école, elle fait même partie des programmes, notamment en histoire-géographie et en sciences et vie de la terre. Mais ici, on se situe bien au-delà de la question du risque ! »

      Et vient alors la question de la qualification d’un ennemi :

      « Dans le risque, il n’y a pas d’ennemi, dans la guerre, il y a des ennemis. Donc si l’école vise à préparer les enfants à la vie en guerre, cela signifie qu’à un moment donné, va se poser la question de la désignation des ennemis. Se dire qu’on peut faire l’économie de cela, même avec des enfants de 4, 5 ou 6 ans, c’est un vœu pieu : ce n’est pas parce que l’école va éviter de dire les mots “terrorisme” ou “djihadisme” que les enfants ne vont pas chercher à faire des liens avec ce qu’ils entendent autour d’eux. Ceci implique également que parmi ces enfants, il y en a qui savent très bien que ce qu’ils vont être ainsi poussés à désigner comme “l’ennemi”, ce sera eux-mêmes, ou leur famille. Je pense donc qu’on est sur une pente excessivement dangereuse parce que je ne vois pas comment on peut faire tenir ensemble un premier paradigme qui est la sensibilisation à l’altérité comme modalité pacifique de vivre ensemble avec un nouveau paradigme où l’altérité est vue comme une menace criminelle. »

      Il est excellent cet article, j’ai eu du mal à pas le cité en integralité. La partie sur les troubles post traumatiques est super aussi et la situation aux USA éclairante aussi. Merci @heautontimoroumenos

    • Désolé pour ta fille @heautontimoroumenos J’espère qu’elle s’est remise de cette mauvaise expérience.
      La Préfecture fabrique des générations d’anarchistes vers chez toi ! Comme c’est dit dans l’article

      Qu’est-ce que les enfants peuvent tirer d’une expérience pareille ? Qu’ils ne peuvent pas faire confiance à l’école ni à la police ? Que la violence est légitime selon les intentions qui la sous tendent ?

      J’espère qu’il y aura d’autres articles et parents et enseingant·e·s qui sortirons et aurons de l’effet sur tous ces préfets, ces flics et ces chargés de mission risques majeurs qui veulent éduquer à la guerre.

  • C’est bon, chef, j’ai terrorisé mes élèves ! (Élucubrations pédagogiques)
    http://jejoueenclasse.fr/elucubrations/cest-bon-chef-jai-terrorise-mes-eleves

    Vous imaginez ? Notre école qu’on voulait accueillante, celle où nous voulions que les adultes et les enfants puissent vivre dans un climat de bienveillance, cette même école devrait sécuriser les accès, contrôler les identités, supprimer les fêtes, rehausser les murs ou calfeutrer les fenêtres…

    Cette semaine, j’obéissais donc sagement aux instructions, plein de remords avec la sensation de faire une grosse bêtise. Le tableau : mes 26 CP allongés par terre dans la classe fermée à clé et plongée dans le noir, avec consigne de ne faire aucun bruit pour ne pas se faire repérer par le “méchant”… N’y a-t-il pas un problème, là ?

    […]

    En associant notre jeunesse à cultiver la menace terroriste, on joue le jeu des terroristes. Un terroriste veut terroriser, et nous sommes, à mes yeux, les premiers terroristes en apprenant la peur à nos enfants.

    […]

    Que puis-je faire ? Désobéir en refusant de faire ces exercices ? Ils y seront confrontés dans les autres classes… Rassurer les enfants en disant qu’il n’y a que des gentils autour de nous ? On me reprocherait d’élever des Bisounours… Me plier au troupeau en me disant que la société a changé et que nous sommes en état de guerre ? Nous n’avons pas les mêmes valeurs.

    Une chose est certaine, j’ai compris ce jour à quel point nos choix déterminaient la société que nous voulons. Cette société qui a peur, je ne la souhaite pas, je veux une société qui ose vivre, et qui arrive à vivre ensemble : apprendre à s’apprécier, à profiter de nos différences, à régler ensemble nos conflits, à s’encourager, c’est un vrai combat qui commence dans la classe, toutes lumières et portes ouvertes !

    #éducation #école #terrorisme #éducation_à_la_peur