à l’est de Detroit, une autre enclave de la communauté arabe et une tout autre ambiance : Hamtramck, vingt-deux mille habitants et 40 % de la population née à l’étranger. Les courants migratoires viennent désormais essentiellement du #Yémen, où se déroule depuis des années une guerre civile dans laquelle les Etats-Unis ont longtemps apporté leur soutien à la coalition sunnite menée par l’Arabie saoudite. Et, comme à chaque fois, une guerre lointaine dépose un flot de #réfugiés pauvres sur les porches des petites maisons ouvrières américaines construites pour d’autres migrants, au début du XXe siècle.
Le visage et le corps des femmes disparaissent sous le voile et la robe islamique, celui des hommes reste fermé, tandis que leurs enfants affichent un sourire inversement proportionnel à la discrétion de leurs parents. Ils ont défilé en famille dans les rues de Hamtramck pour un cessez-le-feu à #Gaza et pour la #Palestine. La petite ville, naguère majoritairement polonaise, a longtemps connu au sein de son conseil municipal la mixité des origines et des religions, sous la houlette d’une femme, Karen Majewski. La maire avait autorisé, il y a vingt ans déjà, les appels à la prière musulmane, puisque sonnent ici les cloches de l’église catholique.
Mais, depuis les dernières élections locales, le conseil municipal est désormais exclusivement arabe, musulman et masculin. Et l’ambiance a radicalement changé. « Est-ce que l’Holocauste n’était pas une punition préventive de Dieu contre “le peuple élu” et sa sauvagerie actuelle contre les enfants et les civils palestiniens ? », a écrit Nasr Hussain, un proche du maire sur l’une des pages Facebook d’un groupe dédié à la ville. L’édile, Amer Ghalib, d’origine yéménite et sans étiquette politique, a refusé de se désolidariser de ces propos ouvertement antisémites.
Une immense brèche s’était déjà ouverte, il y a six mois, quand le conseil municipal avait fait retirer du fronton des édifices publics et sur l’avenue centrale tous les drapeaux autres que celui des Etats-Unis. C’était en réalité pour éradiquer l’arc-en-ciel LGBTQ qui flottait dans la ville, parmi les bannières des pays d’origine de ses habitants. Des membres des minorités sexuelles sont venus s’embrasser sous les yeux horrifiés des élus, lors du temps de parole accordé au public par le conseil municipal.
Des haines à géométrie variable
Des plaintes pour discrimination ont été déposées contre la ville. Ce qui n’a pas empêché le maire, comme un immense bras d’honneur, de poser, en août et en septembre, avec l’ancien conseiller à la sécurité de Donald Trump Michael Flynn. Ce républicain congédié par l’ancien président (qui l’a depuis publiquement regretté) pour ses liens avec la Russie en 2017, connu également pour sa proximité avec le groupe conspirationniste d’extrême droite QAnon, est aujourd’hui en tournée aux Etats-Unis pour lancer un mouvement chrétien et nationaliste. En d’autres temps, il dénonçait l’islam comme un « cancer vicieux », mais la politique a des frontières et des haines à géométrie variable. Et les religieux, des ennemis en commun.
Mais c’est sur l’autre versant que pleuvent les accusations d’antisémitisme. (...)