#émeutiers

  • Émeutes : comment la police traque les délinquants qui avaient échappé aux arrestations


    Des policiers poursuivent des manifestants, le 1er juillet, sur les Champs-Élysées, lors des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre. NACHO DOCE/REUTERS

    ENQUÊTE - Les enquêteurs de la police ont effectué un travail colossal, tout au long du mois de juillet, pour retrouver 314 délinquants qui avaient échappé aux arrestations pendant les nuits de violence.

    Tandis que la France chavirait soudain dans le chaos lors d’émeutes consécutives à la mort de Nahel, tué le 27 juin dernier après un refus d’obtempérer à Nanterre (Hauts-de-Seine), les forces de l’ordre ont dû encaisser un double choc. D’abord celui, filmé heure par heure, d’un tsunami de violences qui s’est soldé par un bilan de 3800 interpellations, commises en temps réel et en flagrant délit, sur l’ensemble du territoire. Puis un second, beaucoup moins connu, d’une #traque_judiciaire hors norme dont Le Figaro est en mesure de révéler le détail. Selon un bilan qui s’arrête au 31 juillet dernier, pas moins de 314 émeutiers, casseurs et incendiaires supplémentaires ont été interpellés par des services d’investigations de la sécurité publique et de la police judiciaire. À elle seule, cette dernière s’est vu confier le soin de mener un peu plus de 170 #enquêtes particulièrement sensibles, portant sur les actes les plus graves. « Dès les premiers jours, l’autorité judiciaire a ainsi saisi la PJ sur des événements emblématiques, qu’il s’agisse de destructions et d’incendies de mairies, d’attaques de locaux de police ou de pillages importants, voire de menaces ou d’agressions sur des élus, confie le contrôleur général Frédéric Laissy, chef du service de la communication de la police nationale. Alors même que les dispositifs d’ordre public étaient encore maintenus à leur maximum, les premières #interpellations étaient effectuées à domicile, souvent avec le concours de la BRI ou du Raid. »
    Ainsi, dès le 5 juillet, la sûreté urbaine de Lille interpellait avec l’appui du Raid une demi-douzaine de voyous impliqués dans l’attaque, menée lors de la deuxième soirée des émeutes, de l’hôtel de police municipal abritant un centre de supervision. Les assaillants ont notamment pu être confondus grâce à leur #ADN retrouvé sur des cocktails Molotov. Cinq d’entre eux ont été placés en détention provisoire dans l’attente de leur jugement d’ici à la fin du mois, tandis qu’un de leurs complices est activement recherché. Au même moment, les policiers du Rhône ont appréhendé, au terme d’une enquête éclair, six des délinquants à l’origine de l’incendie volontaire d’un immeuble d’habitation à Saint-Fons, le 2 juillet dernier. Le feu avait été mis dans le local à poubelles avant de se propager aux étages et de provoquer d’importants dégâts dans le supermarché attenant. Là, les limiers de la sûreté ont obtenu des preuves par l’image : l’exploitation de la vidéoprotection d’un commerce voisin a permis d’identifier un premier suspect en raison d’une tenue caractéristique correspondant à celle d’une personne contrôlée peu auparavant par la police municipale. Là encore, les incendiaires présumés ont été placés derrière les barreaux en attendant d’être jugés, tandis que 62 personnes évacuées espèrent toujours être relogées.

    À travers le pays et à la faveur des investigations, les unités spécialisées d’intervention ont investi à l’heure du laitier des dizaines de domiciles, alors que le soufflé des violences destructrices n’était pas retombé. L’engagement hors norme des policiers en civil et les opérations ciblées ont sans nul doute douché les ardeurs au cœur des quartiers, battant en brèche tout sentiment d’impunité et participant de facto à une stratégie globale de retour à l’ordre. « Si le temps judiciaire est parfois considéré comme plus long, il faut bien constater que la mobilisation des services d’enquête a joué un rôle à la fois dans la dissuasion au moment des #violences_urbaines et dans la dissuasion à plus long terme, avec des interpellations et des incarcérations décidées par les tribunaux qui ont pu poursuivre sur la base d’investigations », assure-t-on à la Direction générale de la police nationale. Sur le terrain, face à la déferlante, l’heure a été à l’union sacrée. La PJ, fortement mise à contribution, a ainsi bénéficié de l’énorme investissement des petits groupes d’enquêtes dans les commissariats des villes moyennes ayant elles aussi payé un lourd tribut en termes de dégâts. Ainsi, à Niort (Deux-Sèvres), les policiers locaux ont multiplié les enquêtes de voisinages et passé au crible des bandes #vidéo avant de lancer un coup de filet.
    Entre les 3 et 12 juillet, ils ont intercepté six membres d’une horde de jeunes #émeutiers qui avaient mis le centre-ville à sac, tendant des embuscades à la #police, pillant des #commerces et brûlant des véhicules dans la nuit du 30 juin au 1er juillet.
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/emeutes-comment-la-police-traque-les-delinquants-qui-avaient-echappe-aux-ar
    https://justpaste.it/amtj3

    #révolte #émeutes #police_judiciaire #justice #prison

    • Avec méthode, les experts ont en effet passé au crible des pierres, des projectiles divers, des armes de fortune retrouvées sur les champs de bataille, des bouteilles utilisées pour les liquides incendiaires ou encore des traces de sang. Même les briquets ou les étuis de mortiers abandonnés sur place ont été soumis aux analyses. Selon nos informations, le Service national de #police_scientifique, basé à Écully et qui dispose de cinq laboratoires, a été saisi de 317 dossiers, représentant près de 1800 scellés pour les affaires les plus importantes et sensibles.

      [...]

      Outre l’analyse des indices, des réseaux sociaux et l’examen des vidéos - même si un millier de caméras ont été détruites lors des émeutes -, les enquêteurs se sont appuyés sur la connaissance de la population locale par les policiers de quartier, ainsi que sur la #géolocalisation. À ce titre, un téléphone portable dérobé dans l’habitacle d’un camion de pompiers volé à Vernon (Eure), au premier soir des émeutes, a permis de retrouver la trace d’un délinquant puis de ses quatre complices. Le profil des interpellés, qui devrait faire l’objet d’une analyse plus poussée, laisse apparaître, comme l’a révélé Gérald Darmanin le 19 juillet devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, que la moyenne d’âge est entre 17 et 18 ans. Les plus jeunes sont âgés de 12 ans et les deux tiers n’avaient jusqu’ici pas de casier.

      [...]

      Les services de #renseignements sont invités à « renforcer, dès à présent, leurs dispositifs d’anticipation de ce type d’événement ». L’idée est de prévenir tout débordement à l’approche de la Coupe du monde de rugby et des JO de Paris,

  • « Gilets jaunes » : le jour où les quartiers chics ont eu peur
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/07/19/gilets-jaunes-le-jour-ou-les-quartiers-chics-ont-eu-peur_5491188_4500055.htm


    ARTUS DE LAVILLÉON POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

    Depuis l’automne 2018, les « gilets jaunes » saturent l’actualité. Cet été, « M » revient sur des aspects méconnus de cette crise sociale inédite. Après les violences sur les Champs-Elysées, la panique s’était emparée des habitants des arrondissements voisins.

    Elle est arrivée d’un coup, comme une soudaine chute de grêle au cœur d’un hiver doux. Elle a saisi ceux qui s’y attendaient le moins, s’est glissée dans les maisons et s’est faufilée dans les esprits. Le samedi 1er décembre 2018, la peur s’est abattue sur les beaux quartiers de Paris. Elle a revêtu une couleur, le jaune, celle des gilets du même nom, et un slogan, « sus aux riches », qui les fait encore frémir.
    Pour la première fois de leur vie, les habitants des 8e et 16e arrondissements parisiens, les plus huppés de la capitale, ont subi la violence aux portes de leurs appartements, craignant pour leurs biens et parfois pour leur vie.
    La casse, les voitures en feu, les vitrines brisées, ils les voyaient jusqu’alors sur les chaînes tout-info confortablement installés dans leurs salons douillets. Ils se sentaient à l’abri, si loin des cortèges habituellement cantonnés dans l’est de la capitale, sur les grandes artères qui relient les places de la Nation, de la Bastille ou de la République. N’était-ce pas pour le calme et la tranquillité qu’ils avaient choisi de vivre ici, dans cet Ouest aux vastes avenues élégantes et aux parcs parfaitement entretenus ?
    « C’était la première fois qu’on assistait à des actes de vandalisme, on n’avait pas d’expérience. » Yves, habitant du seizième arrondissement
    Le fameux samedi 1er décembre où, pour eux, tout a basculé, ce grand patron a bondi de son fauteuil en entendant les grilles de sa demeure céder sous les bras de manifestants enragés. Propriétaire d’un hôtel particulier doté d’un jardin avec vue sur l’Arc de triomphe, il était en train de suivre l’acte III de la mobilisation des « gilets jaunes » à la télévision, regardant, éberlué, des groupes de casseurs vandaliser le monument. Il n’aurait jamais imaginé qu’il les retrouverait sur sa pelouse.
    Sans réfléchir, il s’est précipité dehors en hurlant : « Sortez de là ! Vous êtes chez moi ! » Le petit groupe d’énervés, qui n’avait sans doute pas pensé qu’une telle bâtisse puisse appartenir à une famille – le siège d’une banque ou d’une grande entreprise, une ambassade, peut-être ? –, a reculé, surpris et penaud. L’hôtel particulier a été préservé ; la peur, elle, s’est durablement installée. « Les casseurs ont tapé sur les fenêtres pour essayer d’entrer dans la maison. C’était l’anarchie, j’espère ne jamais revivre ça », racontait quelques heures plus tard un voisin encore sous le choc au micro de France Bleu.

    Le patron a fait renforcer son enceinte et s’est offert les services d’une société de sécurité. Il a surtout beaucoup raconté sa mésaventure dans les dîners en ville, et la terreur s’est propagée tel un poison, de table en table, de déjeuners en soupers, de coups de téléphone en messages. Avec un terrible constat partagé par tous : c’était bien eux qui étaient visés, les nantis, les riches ou supposés l’être, ces privilégiés dont la foule en colère demandait la tête.

    Restaurants saccagés
    Le lendemain, dimanche 2 décembre, les riverains de la place de l’Etoile sont sortis constater les dégâts, hébétés. L’avenue Foch offre alors un spectacle de désolation avec ses rangées de voitures cramées jusqu’au châssis. Avenue de la Grande-Armée, ce sont les restaurants qui ont été saccagés. Les alentours sont dévastés : feux de circulation et panneaux arrachés, bitume fondu formant de larges crevasses, barricades de fortune abandonnées, devantures éventrées, vitrines en miettes, magasins pillés.
    Au total, ce samedi-là, les pompiers de Paris sont intervenus sur 239 départs de feu, dont 112 voitures, 116 incendies de mobilier urbain, et même six immeubles. Ici et là, des tags griffent les façades. « On va casser du riche », lit-on avenue Kléber. « On va faire danser la bourgeoisie », voit-on ailleurs. « Vous avez cherché la merde, vous l’avez eue », a écrit une main anonyme un peu plus loin.

    Même les sapins de Noël de la bijouterie Chopard du quartier de la Madeleine ont été renversés et piétinés. « C’était épouvantable, notre rue a été massacrée, se souvient Yves, chef d’entreprise à la retraite qui habite avenue Kléber depuis douze ans. Une colonne de fumée noire montait jusqu’à notre appartement, au huitième étage, on a cru être intoxiqué au monoxyde de carbone, l’odeur était insupportable, on a eu peur qu’ils mettent le feu à l’immeuble. On appelait les pompiers, mais ils étaient débordés. C’était la première fois qu’on assistait à des actes de vandalisme, on n’avait pas d’expérience. » Les week-ends suivants, ses enfants lui ont interdit de mettre un pied dehors : trop dangereux.
    « J’ai essayé de discuter avec eux plusieurs fois, c’était impossible : on devait être les premiers à monter sur l’échafaud. » Didier, locataire près de l’Etoile
    « J’ai vécu dans des pays violents mais, pour la première fois de ma vie, j’ai eu peur, renchérit Isabelle, cadre dans l’assurance, qui habite le 16e arrondissement avec son mari et ses deux jeunes enfants. Il y avait cette fumée permanente, des barricades partout, le bruit des bombes lacrymogènes résonnait dans les appartements. » « C’était la guerre », résume Didier, cadre commercial de 43 ans, locataire à deux pas de l’Etoile. Le 1er décembre, de retour d’un déplacement professionnel en Polynésie, il a eu un mal fou à regagner son domicile, situé dans une petite rue jouxtant l’Etoile. Une galère qui a duré des mois.
    Comme Yves, il était plutôt favorable aux revendications des « gilets jaunes ». Mais son empathie s’est émoussée au fil des pillages : « C’était le chaos, l’anarchie, ils frappaient sur les poteaux, cassaient tout ce qui leur passait sous la main, ils étaient souvent très alcoolisés, certains avaient l’air possédés, comme s’il fallait détruire à tout prix. Notre quartier était devenu une “no-go zone”. Nous n’étions plus les bienvenus chez nous, plus en sécurité. »
    Une violence vécue comme une injustice : « Je ne roule pas sur l’or, je n’ai pas de voiture ni de maison de campagne, je paye mes impôts, je vis normalement, je n’ai pas l’impression de profiter du système, mais ils nous voyaient comme des nantis. J’ai essayé de discuter avec eux plusieurs fois, c’était impossible : on devait être les premiers à monter sur l’échafaud. »

    Les patrons s’affolent
    La peur n’épargne personne, retraités, familles, simples salariés, mais aussi les grandes fortunes. Certains puissants perdent leur sang-froid. Dans les jours et les semaines qui suivent les violences du 1er décembre, une poignée de grands patrons qui ont l’oreille du président appellent, affolés, leur ami Emmanuel Macron. « Il faut céder comme en 68 ! », lui répètent-ils en substance.
    Tout à leur frayeur, d’aucuns vont même jusqu’à suggérer le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Plutôt tout lâcher que finir sur la guillotine. Les mêmes téléphonent à Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef. « C’est la première fois qu’ils se sont retrouvés confrontés à des manifestants dans leur rue, à leur porte », excuse ce dernier tout en soulignant que la « panique » n’a touché qu’une minorité de ses adhérents.

    Lorsque Emmanuel Macron demande aux chefs d’entreprise de l’aider à améliorer le pouvoir d’achat dans son allocution du 10 décembre, ils sont mûrs pour contribuer à « l’effort de guerre ». C’est à qui fera montre de la plus grande prodigalité. « Total a commencé très fort, puis tout le CAC s’est emballé », se souvient Geoffroy Roux de Bézieux un brin amusé. Le patron d’Iliad, Xavier Niel (actionnaire à titre personnel du Monde), promet une prime exceptionnelle de solidarité de 1 000 euros à 6 000 de ses salariés installés en France.
    Patrick Drahi, d’Altice, embraye. Publicis annonce un coup de pouce pour 1 587 de ses bas salaires. Stéphane Richard, le PDG d’Orange, distribue entre 500 et 1 000 euros à 20 000 salariés. Les directions des grands groupes se mobilisent. LVMH, qui a salué bruyamment « l’excellente mesure de nature à soutenir sans délai le pouvoir d’achat », s’engage également à verser des primes à ses petits salaires.

    L’écrin des puissances de l’argent
    Au plus haut niveau de la holding, après la mise à sac de Dior joaillerie, on craint le pire. Plusieurs scénarios d’attaque sont envisagés, et notamment l’incendie de la Fondation Louis Vuitton, Porte-Maillot. Une étude montre que, si le bâtiment peut être sauvé des flammes, la fumée, en revanche, endommagerait gravement les collections. Il est conseillé à Bernard Arnault de renforcer la sécurité de l’institution ainsi que celle de sa famille. Il refuse. Les grands patrons comprennent vite qu’ils ne sont pas dans le viseur des « gilets jaunes ».
    Les sièges des élus sont davantage attaqués que ceux des entreprises. Une seule permanence territoriale du Medef a été taguée sur les cent vingt que compte la confédération patronale.
    « Au début, beaucoup de “gilets jaunes” étaient des artisans ou des dirigeants de PME. Le mouvement n’était pas dirigé contre les patrons. Je dirais même que c’est le premier mouvement social dans l’histoire qui ne s’est pas fait contre le patronat », analyse Geoffroy Roux de Bezieux. Il en veut pour preuve l’absence de grèves pendant cette période. « Quand ils ont réalisé qu’ils ne craignaient rien, les mêmes qui étaient prêts à tout céder quelques jours plus tôt disaient qu’il fallait tenir bon, se souvient, en souriant, le président du Medef. La grande peur des bien-pensants était passée. »

    Plus que les entreprises, c’est le pouvoir qui est visé ; l’élite, les riches ou ceux désignés comme tels. A ce titre, les habitants du 16e arrondissement de Paris sont spontanément considérés par la foule comme l’incarnation de cette France des possédants et des privilégiés. « Le seizième a toujours été stigmatisé. Cela remonte aux années 1930 et au mythe des deux cents familles [selon lequel un petit groupe contrôlerait l’économie du pays], quand la bourgeoisie s’y installait en masse », note Claude Goasguen, député (Les Républicains) et ancien maire de l’arrondissement.
    Une réputation injustifiée, selon lui. « On a certes un gros ISF immobilier avec 70 000 contributeurs, mais c’est loin derrière le 7e et le 8e, qui ne sont jamais vilipendés. Sans compter que les vrais riches ne sont pas à Paris, ils habitent depuis longtemps au Luxembourg ou en Belgique. » Il n’empêche, le 16e reste dans l’imaginaire collectif l’écrin des puissances de l’argent.

    La fuite à Deauville
    Alors que les samedis de mobilisation se suivent et se ressemblent, les habitants de l’arrondissement sont contraints de changer leurs habitudes. Dès le 8 décembre, les voitures disparaissent des rues, notamment les plus luxueuses. Le vendredi, on les cache au fond des parkings souterrains ou à la campagne.
    Les plus inquiets et les plus fortunés ont recours à des sociétés de sécurité privées. Quelques hôtels particuliers s’équipent de safe room, pièce sécurisée avec eau, nourriture et moyens de communication pour se replier en famille en cas de grabuge. L’habitude est rapidement prise de s’exiler tous les week-ends. Les maisons de campagne sont ouvertes dès le vendredi après-midi jusqu’au dimanche tard dans la nuit, les chambres d’hôtel réservées d’une semaine sur l’autre.
    « Je ressens un malaise à me frotter les mains. J’aurais préféré moins bien travailler et que la société se porte mieux. » Serge Salmon, restaurateur à Trouville
    Le premier trimestre enregistre un boom de fréquentation sur la côte normande, mais aussi en Bretagne et dans les Hauts-de-France. Plus 70 % de réservations hôtelières en Seine-Maritime par rapport à 2018, + 55 % dans le Calvados, + 40 % dans la Manche, + 35 % dans l’Eure ou dans les Côtes-d’Armor. La seule commune de Deauville (Calvados) voit son taux augmenter de 55 % selon les chiffres de la plateforme de voyages Expedia Group.
    Une manne pour les économies locales : Montfort-l’Amaury, Fontainebleau, Forges-les-Eaux (Seine-Maritime), Le Touquet (Pas-de-Calais), Deauville, Trouville… Les restaurateurs et les commerces en profitent. Car, plutôt que de rester à Paris regarder brûler leurs grosses cylindrées, certains préfèrent aller faire chauffer leurs cartes bleues à l’abri des casseurs.
    Deauville devient ainsi un refuge idéal : deux heures et demie de Paris par l’autoroute, hôtels et restaurants en pagaille. Avec un atout supplémentaire en période de fête sur les autres destinations : une offre pléthorique d’enseignes allant d’Hermès à Benetton en passant par les marques de prêt-à-porter haut de gamme. Sans compter les joailleries, antiquaires ou magasins de décoration, il y en a pour tous les goûts.
    C’est ici que les « exilés du week-end » en profitent pour faire leurs courses de Noël. « Nous avons constaté une activité économique en hausse, des records de flux et de consommation, reconnaît le maire (Nouveau Centre) de la ville, Philippe Augier. Les gens ne voulaient pas rester à Paris à cause des exactions des “gilets jaunes”. A cela s’est ajoutée une météo très douce pour la saison qui a favorisé les déplacements. »

    Résultat : 20 % à 30 % de bénéfices supplémentaires pour les commerces de la région fin 2018 et une affluence remarquable en janvier et février, généralement considérés comme période creuse pour les hôteliers et les restaurateurs. Serge Salmon, le patron des Quatre Chats, restaurant en vue de Trouville, avoue avoir fait une excellente saison. « On a travaillé à merveille », confie-t-il, en ayant néanmoins du mal à se réjouir : « J’ai commencé dans ce restaurant avec un smic à deux. Même si ça marche bien aujourd’hui, je ressens un malaise à me frotter les mains. J’aurais préféré moins bien travailler et que la société se porte mieux. »

    Un traumatisme profond
    Pour tous les autres, ceux qui ne disposent pas de résidences secondaires et de comptes bancaires opulents, il a fallu s’organiser. L’épouse d’Yves, le retraité de l’avenue Kléber, était si inquiète après le 1er décembre que son mari l’a emmenée dormir le week-end suivant dans un hôtel de Neuilly. Le dimanche, ils ont croisé une dizaine de « gilets jaunes » en sortant de l’établissement et se sont dit que décidément ils ne seraient tranquilles nulle part. Alors autant rester chez eux, fenêtres et volets fermés. « Quand le vendredi soir on voyait les banques recouvrir leurs façades, on savait que ça allait casser le lendemain », raconte Yves.

    « Jusqu’en mars, on a vécu sous couvre-feu. » DIdier, habitant du seizième arrondissement
    Claude Goasguen pointe le rôle des chaînes d’information en continu qui donnent à voir une guérilla urbaine permanente et celui des réseaux sociaux où se propagent photos et vidéos-chocs, témoignages, rumeurs et « fake news ».
    « Il n’y a pas eu de mise à sac du 16e, assure-t-il. Néanmoins, pour les gens, c’était l’horreur. L’inquiétude a gonflé par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Les mères de famille – très puissantes dans cet arrondissement et regroupées en associations – considéraient qu’il y avait un risque majeur à envoyer leurs enfants à l’école. Des groupes Facebook composés de milliers de personnes échangeaient au sujet des violences et relayaient les angoisses, parfois à l’excès. Il a fallu essayer de rassurer. »

    Pour Noël, les habitants ont fait au plus simple et ont tout acheté sur Internet. « Le grand bénéficiaire a été Amazon », soupire Claude Goasguen, qui assure que certaines enseignes de son arrondissement ont vu leur chiffre d’affaires baisser des trois quarts.
    Isabelle, avec ses deux enfants en bas âge, s’est arrangée pour fuir les gaz lacrymogènes de son quartier tous les week-ends, ou presque, en partant dès le vendredi dans la maison normande d’amis proches. Le reste du temps, elle a pris l’habitude de faire ses courses dans d’autres arrondissements de la capitale. Dans son immeuble, le gardien a fait office de vigie, distribuant les consignes : « laissez vos voitures dans les parkings dès ce soir », « ne sortez pas aujourd’hui ».

    Didier, lui, n’a pas voulu « déserter », même si sa rue se transformait en souricière le week-end avec des cars de CRS barrant le passage et des groupes entiers de manifestants menottés en bas de chez lui : « On devait montrer notre carte d’identité sans cesse. Jusqu’en mars, on a vécu sous couvre-feu. On n’était pas libres de nos mouvements. » Avec quelques voisins, ils se relayent le samedi matin tôt avant l’arrivée des « gilets jaunes » pour ramener des provisions aux personnes âgées qui ont peur de sortir.
    « Les habitants du seizième vivent mal d’être montrés du doigt et caricaturés. Ce qui s’est passé avec les “gilets jaunes” a ravivé la mauvaise image qu’ils ont d’eux-mêmes. » Claude Goasguen, député LR
    Alors qu’ils commençaient à peine à s’habituer à vivre au rythme des samedis de colère, mi-mars, une vidéo postée sur les réseaux a tétanisé les riverains. Un « gilet jaune », face caméra, lance une « lettre ouverte aux habitants du 16e » : « On connaît vos adresses, on va faire brûler votre arrondissement. » Une nouvelle étincelle qui enflamme le quartier. Le député Claude Goasguen saisit la justice et fait interdire la vidéo. Les veilles de week-end, les résidents sont alors informés par SMS du parcours des manifestations d’après les informations données par la Préfecture. Mais « ça ne servait à rien, déplore le député. Les gens n’avaient plus confiance. »
    Huit mois plus tard, les « gilets jaunes » ne pénètrent plus dans l’arrondissement, les rues ont repris leur allure d’antan, mais la confiance n’est pas revenue. Les commerçants peinent à attirer à nouveau les clients. Les habitants ont changé leurs habitudes. Le week-end, ils ne se promènent plus, et la rue de Passy, naguère si animée, a perdu de son panache.
    Au-delà des conséquences économiques lourdes, c’est le moral de tout un quartier qui est profondément atteint. « Les habitants du 16e vivent mal d’être montrés du doigt et caricaturés, explique Claude Goasguen. Ils ont une forme de mauvaise conscience. Ce qui s’est passé avec les “gilets jaunes” a ravivé la mauvaise image qu’ils ont d’eux-mêmes. »

    « Gilets jaunes » : le 1er décembre, le jour où tout a basculé avec la « prise » de l’Arc de triomphe
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/16/gilets-jaunes-le-1er-decembre-le-jour-ou-tout-a-bascule-avec-la-prise-de-l-a

    Lors de l’acte III du mouvement, l’éruption de violences a sidéré les responsables des forces de l’ordre. « Le Monde » a reconstitué cette journée exceptionnelle, telle qu’elle a été vécue par les policiers.

    Quand il raconte la « prise » de l’Arc de triomphe, le 1er décembre 2018, Ali (le prénom a été modifié) se masse machinalement l’épaule. La droite, celle avec laquelle il a donné les premiers coups de boutoir sur la poterne du monument. « J’ai eu mal pendant une semaine, la porte était blindée », raconte cet artisan d’une cinquantaine d’années. L’épaule n’a d’ailleurs pas suffi. « J’ai pris un plot en acier et j’ai cogné, encore et encore. A un moment, un mec a ramené un banc en béton, on a fait levier, on a tapé et la porte s’est enfin ouverte. »

    Des dizaines de manifestants vêtus de gilets jaunes s’engouffrent alors dans le monument, direction le musée et le toit. « Je voulais juste qu’ils mettent un drapeau tricolore en haut », assure Ali, qui affirme pour sa part, photos et objets à l’appui, s’être saisi d’une écharpe et d’une mallette de soins de secours situées derrière l’entrée et avoir soigné des manifestants blessés. « On a tout entendu derrière, que c’était une attaque contre la République, etc. Mais le mec qui a ouvert la porte, ce n’est pas un facho, mon père était un militaire décoré de la croix de guerre. »

    Il est aux alentours de 16 heures, en ce 1er décembre 2018, Paris brûle littéralement, et le saccage de l’Arc de triomphe vient de commencer. Le point d’orgue des violences d’une journée que Le Monde a reconstituée à l’aide de sources policières et de témoignages inédits.

    « Autant de monde aussi tôt, on n’avait jamais vu ça »
    Car quatre mois après le début de la mobilisation des « gilets jaunes », la journée du 1er décembre demeure comme le tournant majeur de ce mouvement social inédit. Tant par son retentissement dans l’opinion que par les décisions en matière de politique et de maintien de l’ordre qu’elle a engendrées.
    Il n’est que 4 h 40, ce matin-là, quand les policiers stationnés aux abords de la grille du Coq, l’entrée du jardin du palais de l’Elysée, constatent, stupéfaits, la présence des premiers manifestants. Une heure plus tard, ils sont déjà près de 700 à se masser dans le quartier.
    « Autant de monde aussi tôt, on n’avait jamais vu ça », résume un cadre de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris. « On n’avait jamais vu ça » : cette formule revient comme une antienne dans la bouche de toutes les sources policières interrogées.
    Même les plus anciens écarquillent les yeux en racontant la suite. « Les heurts ont commencé dès 8 h 45, il y avait 5 000 personnes, on recevait des pavés, des tirs de mortier, se remémore un haut gradé. Autant de violences dès le matin, ce n’était jamais arrivé. On a compris que la journée allait être chaude et longue. »

    Depuis le début de la mobilisation des « gilets jaunes », les forces de l’ordre éprouvaient des difficultés à jauger en amont la teneur des rassemblements. Les services de renseignement territoriaux, qui transmettent des notes évaluant les risques, sont bousculés par la dynamique du mouvement. « Les gens qui tout à coup montent à Paris, on les connaît mal, les réseaux sociaux, ce ne sont pas des indicateurs fiables », résume une source policière.

    Zone sanctuarisée autour des Champs-Elysées
    Lors de son habituel briefing de veille de manifestation, le préfet de police ne se montre d’ailleurs pas particulièrement alarmiste devant les quelque 120 responsables du maintien de l’ordre, réunis dans la salle de commandement de la DOPC située au sous-sol de la préfecture. « Ce qui est frappant dans ce mouvement, c’est la rapidité avec laquelle le niveau de violence est monté d’un coup, analyse un cadre de la préfecture. Le 17 novembre c’était assez calme, il y a eu une petite émotion, quand certains ont voulu aller à l’Elysée, mais ça restait dans l’ordre des choses. Le 24 novembre, c’est monté d’un cran, et le 1er décembre ça a explosé. »
    Le dispositif retenu, avec 5 000 hommes, dont 45 unités de forces mobiles, est celui d’une zone sanctuarisée autour des Champs-Elysées, à l’intérieur de laquelle les « gilets jaunes » sont invités à venir manifester après avoir été fouillés. Un schéma consommateur en troupes, qui ne laisse que deux compagnies autour de l’Arc de triomphe et qui sera largement contesté par la suite.

    Le 1er décembre au matin, une visite ministérielle est organisée aux abords de l’artère, tandis que les principaux directeurs des services de police prévoient de faire le tour des troupes, comme à leur habitude. « Dès 8 h 45, on a eu des alertes sur le niveau de violence, tout le monde est rentré pour rejoindre les salles de commandement », raconte une source policière.

    Très vite la situation se dégrade. Les manifestants refusent le sas des Champs-Elysées et se massent à l’Etoile. Les engins lanceurs d’eau, qui n’entrent généralement en scène que l’après-midi, sont utilisés dès 9 heures aux abords du rond-point. « L’Elysée et le président étaient clairement les cibles, mais comme ils ne peuvent pas l’atteindre, ils cassent tout », résume un cadre de la préfecture.

    Une grande barricade flambe avenue Foch
    Des attroupements se forment dans les artères voisines, aux noms prestigieux. Des barricades sont érigées sur les avenues Mac-Mahon, Wagram, Hoche, Friedland… A 11 h 30, le « plateau » de l’Arc de triomphe, comme il est désigné dans le langage des forces de l’ordre, est envahi une première fois et la tombe du Soldat inconnu encerclée par des manifestants, qui veilleront tout du long à la protéger. Les policiers sur le terrain peinent à identifier les dynamiques à l’œuvre.
    Des drapeaux de l’extrême droite ont bien été brandis sur les barricades, mais des profils davantage affiliés aux black blocs ont été aperçus. Les gilets portés par quasiment tous les manifestants brouillent les repères, noyant dans un océan canari les schémas classiques. « Les membres de l’ultragauche et de l’ultradroite se sont battus entre eux dans des rues voisines, mais sur l’Arc de triomphe, tout le monde s’y est mis. Il n’y a qu’à regarder les tags sur le monument, il y a un ACAB antifasciste [pour « All cops are bastards »] à côté d’une croix celtique de l’ultradroite », remarque un cadre de la préfecture.

    Le long rapport de synthèse de neuf pages qui sera rédigé à l’issue de la manifestation ressemble, lui, à une anthologie des meilleurs feux de la Saint-Jean. A 13 h 45, plusieurs individus s’appliquent à incendier, avec détermination, des préfabriqués empilés sur six étages, rue du Faubourg-Saint-Honoré, sous les yeux médusés des policiers qui suivent l’opération depuis les écrans de la préfecture. Des flammes de plusieurs mètres de haut s’élèvent bientôt dans le ciel, menaçant l’immeuble voisin.
    A 14 h 20, une grande barricade flambe avenue Foch. Un magasin prend feu à 16 heures rue Saint-Florentin. A 16 h 30, c’est au tour d’un hôtel particulier rue de Presbourg. Au total, les pompiers seront amenés à intervenir sur 239 départs de feu, dont 112 voitures, 116 incendies de mobilier urbain, et six immeubles. Là encore, du jamais-vu.

    « Paris, symbole du pouvoir et de la richesse »
    Depuis le ciel de Paris, le pilote de l’hélicoptère de la préfecture tente d’alerter sur les brasiers les plus imposants. « On n’aime pas le faire voler, ça fait ville en état de siège », assure un haut gradé. Mais l’appareil s’avère indispensable. Il permet notamment de repérer des manifestants en train de s’en prendre à l’hôtel Salomon de Rothschild, rue Berryer. Savent-ils que le bâtiment n’a rien à voir avec la banque homonyme, ex-employeuse d’Emmanuel Macron, mais qu’il appartient à l’Etat ?

    Pour Michel Delpuech, le préfet de police, il n’y a pas de hasard : « Il y a eu un degré de violence inouï qui visait les symboles – l’Arc de triomphe, l’Elysée, les forces de l’ordre – et les biens – les belles voitures, les banques, les beaux quartiers. Pour les “gilets jaunes”, Paris est un double symbole, celui du pouvoir et celui de la richesse. »
    A 66 ans, le gardien de l’ordre parisien croyait avoir tout vu au cours de sa longue carrière. Ces dernières semaines, il s’est même replongé dans les mémoires de son prédécesseur, Maurice Grimaud, préfet de police lors des événements de Mai 68. Il assure que si les nuits de barricades ont alors marqué les esprits, aucune n’a atteint le degré de violence du 1er décembre, « qui marquera une page dans l’histoire contemporaine ». Ce jour-là, il suit les événements depuis la salle de la DOPC, où les nombreux moniteurs permettent de suivre en direct la situation dans l’ensemble de la capitale et de diriger toutes les opérations de maintien de l’ordre.

    A l’autre bout de la préfecture, au sein de l’autre grande branche de la maison, la direction de la sécurité publique de l’agglomération parisienne (DSPAP), qui gère tous les commissariats, les regards surveillent également un mur d’écrans. Alors que la DOPC s’occupe du cœur de la manifestation, la DSPAP est chargée des abords, pour prévenir la « casse d’appropriation », les pilleurs de magasins. Elle pilote à distance les brigades anticriminalité (BAC) et les compagnies de sécurité et d’intervention (CSI), qui réalisent les interpellations. Mais le 1er décembre, la définition des « abords » de la manifestation est plus que floue. « Ça partait dans tous les sens ! Le pire en maintien de l’ordre, ce n’est pas un cortège violent, ça on sait faire, c’est la dissémination dans tous les coins », explique un spécialiste maison.

    « Un caractère largement insurrectionnel »
    A la manifestation des « gilets jaunes » s’ajoute un autre rassemblement au départ de Saint-Lazare, avec des « antifa » et des collectifs comme les Chômeurs précaires, La Vérité pour Adama, pour protester contre les violences policières, ou la « Fête à Macron », proche du député (La France insoumise) de la Somme François Ruffin. « On les a vus descendre l’avenue de l’Opéra, puis s’éparpiller dans tous les sens, on en a retrouvé à Concorde, d’autres aux Tuileries, à République, à Bastille… », explique une source policière.

    Aux alentours de 16 h 30, alors que le saccage de l’Arc de triomphe est en cours, les événements prennent une tournure incontrôlable avenue Kléber, où les manifestants se massent autour des carcasses carbonisées des voitures de luxe. Une section de CRS se positionne dans l’artère, avant de finalement reculer, submergée par le nombre. Au milieu des manifestants fous de joie qui célèbrent cette « victoire », les pompiers tentent de se frayer un passage pour éteindre les incendies. « Il y avait un caractère largement insurrectionnel : la ville brûle et on chante la Marseillaise », estime un haut fonctionnaire.

    Sur le « plateau », que les forces mobiles n’arrivent pas à reprendre, la situation n’est guère plus brillante. Un homme de la 11e compagnie d’intervention de la DOPC est bousculé puis roué de coups au sol, avant d’être relevé par un « gilet jaune » qui l’aide à s’échapper. Une enquête sera ouverte pour tentative d’homicide volontaire et un homme interpellé quelques semaines plus tard. Un gendarme est aussi la cible de bombes agricoles et s’en sortira grièvement blessé.
    A quelques rues de là, six fonctionnaires sont pris au piège dans leur fourgon, assaillis par une bande de manifestants. Le véhicule est pillé et un fusil d’assaut HK G36 est volé, ainsi que plusieurs équipements. Au volant de leur voiture, d’autres policiers débouchent par erreur au beau milieu d’une rue tenue par les « gilets jaunes ». Dans l’incapacité de reculer, ils préfèrent abandonner le véhicule – il est immédiatement détruit – et s’enfuir. Plusieurs de ces fonctionnaires pris à partie témoigneront quelques jours plus tard devant Emmanuel Macron, jurant avoir aperçu une flamme meurtrière dans le regard des manifestants.

    15 000 grenades lacrymogènes utilisées, un record
    Parfois les auteurs de violences sont aussi les principales victimes. Au jardin des Tuileries, un groupe de « gilets jaunes » dégonde une grille, qui s’abat sur l’un d’entre eux. Dans la salle de commandement de la préfecture, on observe la scène, désabusé, tout en enregistrant les images qui serviront pour les enquêtes ultérieures.
    On planifie surtout la reconquête de la zone, rue par rue. « Dans ce métier, il faut être patient et avoir beaucoup de sang-froid, on finit toujours par reprendre la main : ils se fatiguent avant nous et nos fonctionnaires ont l’expérience. Mais il y a eu des situations très critiques, avec des moments d’inquiétude », témoigne Eric Belleut, le directeur adjoint de la DOPC, à la manœuvre ce jour-là.
    Les chiffres sur les efforts déployés parlent d’eux-mêmes : 15 000 grenades lacrymogènes utilisées pendant la journée, quand le précédent record, de mémoire de DOPC, ne dépassait pas la barre des 1 000. Les lanceurs de balles de défense ont également été mis à contribution avec 1 100 munitions tirées.

    Priorité est donnée à certains objectifs, quand d’autres sont abandonnés. « C’est dur à entendre, par exemple, pour certains commerçants qui se font saccager leur magasin, mais dans ces moments-là, il y a des choses essentielles et des choses qu’on laisse faire faute de moyens », confie une source policière. Deux cent cinquante demandes d’indemnisation pour préjudice matériel ou pour perte d’exploitation sont depuis parvenues à la préfecture.
    A la nuit tombée, entre 17 h 30 et 21 heures, les unités de maintien de l’ordre prennent peu à peu le dessus sur des manifestants de moins en moins nombreux et de plus en plus alcoolisés. Les troupes de la DSPAP, chargées d’empêcher les pillages, entrent en action et réalisent près de la moitié des 412 interpellations du jour.

    Les images font le tour du monde
    L’examen de la liste des 392 gardes à vue recensées le 1er décembre illustre bien ces deux temps de la manifestation. « On a deux vagues très nettes : jusqu’à 16 heures, on a des profils provinciaux, puis ensuite on passe sur une délinquance d’acquisition, davantage francilienne », explique une source policière. Parmi les « gilets jaunes » arrêtés, quasiment aucun n’est « criblé » par les services de renseignement, témoignage d’une journée où la masse a largement dépassé les groupes d’ultragauche et d’ultradroite.

    Les images marqueront durablement les esprits des hauts fonctionnaires de la préfecture de police de Paris, pourtant éprouvés. Frédéric Dupuch, qui à la tête de la DSPAP commande quelque 20 000 fonctionnaires, n’en revient toujours pas : « Je n’ai pas douté qu’on l’emporterait à la fin, mais pour la première fois de ma vie, j’ai compris que la République, les institutions, toutes ces choses qui nous sont chères et que nous croyions acquises de toute éternité, pouvaient tomber du jour au lendemain, renversées par une foule haineuse. »
    La réaction politique et policière dans les heures et les jours qui suivent est à la hauteur du choc ressenti. Si le bilan humain est relativement « léger » par rapport au niveau de violence – 153 blessés dont vingt-trois parmi les forces de l’ordre –, les dégâts symboliques sont importants et les images font le tour du monde.

    La première des consignes est surtout d’éviter un bis repetita la semaine suivante. Au sein de la direction générale de la police nationale (DGPN), qui fournit le gros des troupes mais n’a plus autorité quand elles sont à Paris, les critiques sont virulentes à l’égard de la stratégie choisie par la préfecture de police, qui dirige les opérations sur la capitale et la petite couronne. Entre ces deux entités, la guerre de territoire et de compétence remonte à loin. Mais pour beaucoup, l’heure n’est pas aux querelles, l’affront est global. « Le 1er décembre, c’est la journée de l’humiliation de la police nationale, il n’y a pas d’autre mot », tranche un haut gradé.

    En quelques jours, ce sont plusieurs années de doctrine de maintien de l’ordre qui vont être revues avec un changement profond de stratégie. Priorité est donnée à la mobilité des unités. Le périmètre statique autour de l’Elysée est allégé (on passe progressivement de onze à sept unités) et les forces sont redisséminées dans la capitale. Les détachements d’action rapide, qui permettent aux effectifs de BAC et de CSI de se projeter plus vite par petits groupes, sont créés, tandis que les blindés de la gendarmerie, efficaces pour déblayer les barricades, entrent en scène.

    Des dizaines d’heures de vidéos décortiquées
    Les grands moyens juridiques sont déployés. Consigne est donnée de réaliser des contrôles en utilisant une loi votée sous Nicolas Sarkozy, celle pénalisant « la participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ». Plus de 1 000 interpellations seront réalisées le 8 décembre, un record.
    Le préfet de police utilise également l’article 40 du code de procédure pénale, qui permet à toute autorité qui acquiert la connaissance d’un délit de le signaler à la justice, pour aiguillonner le parquet sur les profils les plus dangereux, repérés sur les réseaux sociaux. En tout, une quarantaine de signalements ont été effectués depuis le 1er décembre pour des messages divers, parmi lesquels des appels à « tuer des flics », à « brûler les locaux » de BFM-TV et CNews, à « décapiter Macron »…

    L’accent est également mis pour « sortir » le plus rapidement possible les affaires liées au 1er décembre. La direction régionale de la police judiciaire, le fameux « 36 », emploie la grosse artillerie pour retrouver les auteurs des principaux délits. « Il n’y a pas eu de moyens démesurés, eu égard à la sensibilité des faits, estime Christian Sainte, le directeur de la PJ. L’épisode de l’Arc de triomphe va rester gravé dans les mémoires. C’est une affaire hors norme. » Quatre cents photos sont réalisées par l’identité judiciaire, la police scientifique parisienne, ainsi qu’une centaine de prélèvements biologiques sur cette scène de « crime » pas comme les autres. Des dizaines d’heures de vidéos sont par ailleurs décortiquées, permettant d’interpeller une quinzaine de suspects.

    Dans la semaine qui suit le 1er décembre, la police judiciaire tente d’aller vite, pour éviter que les individus les plus remontés reviennent à Paris pour l’acte IV, le 8 décembre. La brigade de recherche et d’intervention, une unité d’élite, perquisitionne dans la semaine dans les milieux d’extrême droite, interpellant des auteurs de dégradations. La brigade de répression du banditisme est, elle, envoyée à Rouen, afin de cueillir l’écrasé des Tuileries, qui s’est enfui de l’hôpital. La « crim » s’occupe des affaires de tentatives d’homicide volontaire sur le policier et le gendarme.

    Un fusil d’assaut dans la nature
    Quant au premier district de police judiciaire, qui a autorité sur l’ouest de Paris, il hérite des dégradations de l’Arc de triomphe, des pillages de magasins les plus importants, ainsi que d’une affaire de viol d’une manifestante par un autre « gilet jaune », dans les sanitaires d’un restaurant McDonald’s. « Un viol pendant une manifestation revendicative, on n’avait jamais vu ça », note, incrédule, un policier expérimenté.

    Quatre mois après les événements du 1er décembre, parmi les affaires les plus symboliques, celle du vol du fusil d’assaut demeure toujours un mystère. Si deux personnes présentes pendant le pillage ont été interpellées, l’auteur principal et l’arme n’ont pas été retrouvés. Mais les services ne renoncent pas à enquêter, même sur des dégradations moins médiatisées.
    Ces derniers jours, deux « gilets jaunes » ont eu la surprise de voir la police sonner chez eux, dans le Sud-Ouest. Ils sont suspectés d’avoir participé au saccage de la voiture des policiers qui s’étaient malencontreusement trompés de rue. « Ils ne s’attendaient pas à nous voir débarquer quatre mois plus tard », s’amuse un haut gradé, pas mécontent de faire passer le message à tous ceux qui, le temps d’une journée, ce 1er décembre, se sont transformés en émeutiers.

    #Gilets_jaunes #émeutiers #riches #panique #fun

  • Comment l’exécutif veut reprendre en main la Préfecture de police, cet « Etat dans l’Etat », Elise Vincent, Nicolas Chapuis
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/20/grand-menage-avant-reprise-en-main-a-la-prefecture-de-police_5438680_3224.ht

    Après le limogeage de Michel Delpuech et de deux hauts fonctionnaires, l’exécutif va donner au nouveau préfet mission de réformer l’institution, selon les informations du « Monde ».

    Le projet était dans les tuyaux depuis plusieurs mois et il semble désormais mûr. Alors que la Préfecture de police (PP) est durement percutée par la crise des « #gilets_jaunes », la vague qui a commencé par emporter les hommes pourrait désormais chambouler toute l’institution. L’« échec », selon le mot ministériel, du #maintien_de_l’ordre lors de l’acte XVIII a déjà coûté sa place au préfet, Michel Delpuech, son directeur du cabinet, Pierre Gaudin, et le directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), Frédéric Dupuch. Mais iI pourrait accélérer dans la foulée des changements structurels plus importants au sein de la plus ancienne « maison police » de France créée en 1800 par Bonaparte, qui a toute autorité sur la capitale et la petite couronne.

    Selon nos informations, le nouveau #préfet Didier Lallement, qui doit être installé officiellement dans ses fonctions jeudi 21 mars par Christophe Castaner, doit en effet recevoir une lettre de mission avec deux priorités. La première, confirme le ministère de l’intérieur, sera de mettre en œuvre la doctrine de « fermeté renforcée » de maintien de l’ordre, présentée le 18 mars par le premier ministre.
    La seconde consistera à lancer une vaste réforme de la PP. Un signal qui se veut fort, alors que le sujet est depuis plusieurs années un serpent de mer. M. Lallement a rencontré à ce titre le président de la République, mardi. Il devait voir M. Castaner et son secrétaire d’Etat, Laurent Nuñez, mercredi.

    « #Didier_Lallement n’est là que pour ça, réformer la PP, cet Etat dans l’Etat », confirme un préfet qui connaît bien l’homme, souvent considéré comme dur, voire autoritaire. Les changements d’hommes en seraient les prémices. Le départ de M. Dupuch, maillon essentiel de la « chaîne de commandement » incriminée, était ainsi attendu.
    Le choix de se séparer de lui correspond à la lecture que la Place Beauvau a fait des « dysfonctionnements » dans la stratégie du maintien de l’ordre. Le puissant patron de la DSPAP, principale entité au sein de la PP avec quelque 19 000 hommes à son service, est accusé d’être l’auteur de la note interne sur les lanceurs de balles de défense (#LBD), qui aurait incité les troupes à en faire un usage réduit.

    Equipe amputée de membres importants

    Cela faisait en réalité plusieurs semaines que cette direction de la PP, qui gère notamment les #détachements_d’action_rapide, chargés des interpellations pendant les #manifestations, était dans le viseur du ministre de l’intérieur et de son secrétaire d’Etat. La Place Beauvau avait transmis des consignes pour que l’ensemble de la sécurisation des manifestations soit à la main de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), quand la PP avait opté pour une gestion bicéphale : le cœur de la mobilisation aux troupes de maintien de l’ordre de la DOPC, les abords aux petites unités plus mobiles de la DSPAP.

    Le nouveau préfet va donc devoir procéder rapidement à des nominations, dans un contexte de manifestations hebdomadaires. Ses deux principales directions sont fragilisées par cette crise. La DSPAP a été soudainement décapitée. Quant à la DOPC, elle sort de plusieurs semaines de flottement, après l’arrêt-maladie prolongé de son directeur, Alain Gibelin, finalement relevé de ses fonctions, le 15 mars. Jérôme Foucaud a été nommé en remplacement, lundi 18 mars. Mais il devra lui-même s’appuyer sur une équipe amputée de membres importants depuis l’affaire Benalla.

    Laurent Simonin, le chef d’état-major, ainsi que Maxence Creusat, à la tête de la cellule Synapse – une unité chargée de surveiller les réseaux sociaux qui joue un rôle majeur dans la gestion de la crise des « gilets jaunes » –, ont été mis en examen pour avoir transmis illégalement des images de vidéosurveillance à l’ancien chargé de mission de l’Elysée et ont donc été mutés à d’autres postes.

    « Chantier de transformation en profondeur »

    Quel que soit le jeu de chaises musicales à la PP, il devrait en tout cas être au diapason d’une réflexion profonde, amorcée dès l’automne au ministère de l’intérieur, et plus particulièrement pilotée par Laurent Nuñez, fin connaisseur de l’institution pour avoir été lui-même directeur du cabinet du préfet de 2012 à 2015. Si l’affaire Benalla a pu accélérer cette réflexion, plusieurs interlocuteurs assurent qu’elle était déjà amorcée sous Gérard Collomb. Le calendrier s’est ensuite précisé en décembre 2018, dans le cadre d’un « protocole » avec les #syndicats_policiers.
    Une partie des primes promises lors du premier pic de violences des « gilets jaunes » a en effet été conditionnée à des avancées sur plusieurs sujets « abrasifs », comme les décrit un proche du dossier : les heures supplémentaires, la gestion des cycles horaires et la réforme de la PP. Au cabinet de M. Castaner, on préfère dire que ce protocole a prévu « l’ouverture d’un chantier de transformation en profondeur » auquel les directions de la #gendarmerie et de la #police nationale ainsi que la PP ont été priées de contribuer en faisant des propositions. Le 13 mars, une réunion « d’étape » a en tout cas eu lieu sur le sujet.

    Lisser la chaîne de commandement

    Principal but de cette réforme quoi qu’il en soit : retirer à la Préfecture de police une partie de ses compétences spécifiques, qui lui confèrent une grande indépendance vis-à-vis du pouvoir politique – et de facto une grande puissance –, supprimer les doublons, lisser la chaîne de commandement, et potentiellement faire des économies… Sont principalement dans le viseur les directions chargées de la lutte contre l’immigration irrégulière, la police judiciaire, le renseignement et, dans une moindre mesure, la logistique. A la PP, un service spécifique gère en effet le matériel nécessaire par exemple à l’ordre public (barres-ponts, canons à eau etc.). Il est déjà en phase de dissolution.

    Le sujet sur lequel les discussions seraient les plus avancées, selon certaines sources, est l’#immigration. Il est ainsi envisagé la création d’une grande « direction zonale » rattachée à la #police_aux_frontières (DCPAF). Celle-ci est en effet compétente partout en France, sauf à Paris. « C’est compliqué car de nombreux réseaux internationaux ont leurs ramifications à Paris. La petite couronne concentre par ailleurs les deux tiers de l’immigration irrégulière. Or, les préfectures n’ont pas de police spécialisée sur cette zone où la PP est compétente… », décrypte un bon connaisseur du dossier, qui salue toutefois les « progrès » réalisés sous l’ère Delpuech avec la vague migratoire [sic, ndc] , notamment pour gérer de façon plus « fluide » les placements en #rétention.

    A la PP, l’un des principaux opposants au projet était Frédéric Dupuch, l’un des hauts fonctionnaires écartés mardi. Et pour cause, sa direction, la DSPAP, a aujourd’hui la gestion de l’immigration illégale en lien avec les commissariats de quartier. Le changement dans l’attribution des compétences affaiblirait cette entité prépondérante au sein de la préfecture.

    Une crise préoccupante des vocations

    Un sujet plus épineux actuellement sur la table concerne la #police_judiciaire. A l’instar de la DCPAF, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) n’a pas compétence, en pratique, sur le territoire parisien, où les troupes du fameux « 36 » règnent en maître. Une situation qui engendre régulièrement une « guerre des polices » sur les belles affaires.
    « Ça ne se parle pas », regrette une source policière. « Dans un contexte d’internationalisation de la délinquance, notamment en matière de stupéfiants, cela pose des problèmes de continuum et pénalise en partie les stratégies nationales », souligne une autre source haut placée. Concrètement est donc aujourd’hui en réflexion un rattachement de la direction régionale de la police judiciaire de Paris à la DCPJ, dans une nouvelle structure zonale qui comprendrait Versailles.

    En matière de #renseignement, la direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris (DRPP) est aussi potentiellement dans le viseur. Les projets à son égard semblent toutefois plus incertains. Depuis toujours, la DRPP défend un modèle « intégré », qui cumule les fonctions de renseignement territorial (ex-RG) et le suivi du « haut du spectre », soit les profils les plus dangereux, notamment en matière de terrorisme. Mais ce modèle doublonne en partie avec la compétence nationale de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui s’agace depuis longtemps de cette situation. La circulation de l’information en pâtit régulièrement, comme cela est apparu lors de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), en 2016.
    L’alignement des planètes semble néanmoins idéal aujourd’hui, aux yeux des stratèges du ministère de l’intérieur, pour parvenir à des avancées sur tous ces sujets. Et ce, car la plupart des organisations syndicales apparaissent aujourd’hui enclines à soutenir les réformes. Notamment pour des raisons de ressources humaines et de gestion de carrière. Une crise préoccupante des vocations traverse par exemple la police judiciaire, autrefois service roi. Un rattachement de la PJ parisienne (environ 2 000 personnes) à sa direction centrale, la DCPJ (environ 5 300), permettrait de redonner une respiration aux carrières et d’éviter la fuite des cerveaux en province, estiment certains interlocuteurs.

    « Il ne s’agit surtout pas de tout détruire »

    Tous les spécialistes du sujet soulignent toutefois les risques de ces réformes. En clair, il ne faut pas casser un modèle qui – paradoxalement – fonctionne bien. Grâce à des moyens budgétaires régulièrement abondés, la PP a toujours su survivre aux assauts en développant une réelle efficacité sur son territoire. En matière de renseignement, la compétence de la DRPP sur le « bas du spectre » – souvent négligé par la DGSI – ou les réseaux d’ultradroite ou d’ultragauche n’est par exemple pas questionnée.

    Le problème se pose aujourd’hui à l’envers : alors que les ressources se font rares pour l’Etat, ce sont les directions de tutelle de la PP qui estiment pâtir de sa toute-puissance. Certains plaident même pour inverser le paradigme. « Dans plusieurs domaines, le modèle parisien marche mieux que ce qui se fait ailleurs. Plutôt que de chercher absolument à nous déboulonner, il faudrait regarder comment exporter nos modes de fonctionnement », juge une source haut placée à la préfecture.

    « Il ne s’agit surtout pas de tout détruire », prévient une source au cœur de ces négociations, consciente des spécificités de la capitale. Le but, selon plusieurs interlocuteurs, serait plutôt de ramener le préfet de police de Paris au niveau de ce que sont ses homologues en région : soit des préfets de zone sur lesquels sont « branchés » tous les services nationaux, comme c’est le cas à Marseille.

    « Il faut redonner tout son rôle d’administration centrale » à la PP, résume un proche du dossier, mais sortir de la logique d’« Etat dans l’Etat », qui a aujourd’hui, par exemple, sa propre unité d’élite – la brigade de recherche et d’intervention. Une force qui a toute compétence sur la capitale, les groupes d’intervention de la police nationale et de la gendarmerie, le RAID et le GIGN, étant invités à rester cantonnés derrière le périphérique.

    « Gilets jaunes » : soutenu par l’exécutif, Castaner se sait néanmoins en sursis, Cédric Pietralunga, Nicolas Chapuis
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/20/gilets-jaunes-soutenu-par-l-elysee-et-matignon-castaner-resiste-a-l-offensiv
    Le ministre de l’intérieur est critiqué pour n’avoir pas pu maintenir l’ordre samedi. Mais, pour l’exécutif, le problème a été un « défaut d’exécution » de ses ordres.

    Le pilonnage était attendu. Il a été intense. Accusé d’être responsable de la débâcle policière lors de la dix-huitième journée de mobilisation des « gilets jaunes », qui a vu l’avenue des Champs-Elysées se transformer en champ de bataille, samedi 16 mars, Christophe Castaner a été pris pour cible toute la journée de mardi par l’opposition.

    « Un ministre de l’intérieur digne de ce nom aurait dû déposer sa #démission », a attaqué le président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, Christian Jacob. « J’en ai connu des ministres de l’intérieur de la Ve République, mais celui-là, il va rester au Musée Grévin ! », a ajouté le député (LR) de Paris Claude Goasguen sur LCP.
    Lors de la séance des questions au gouvernement, le ministre a été plusieurs fois interrompu par des « Démission ! » venus des bancs de la droite, auxquels les élus de la majorité ont répondu en applaudissant debout M. Castaner.

    Devant la commission des lois du Sénat, où il avait été convoqué mardi en en fin d’après-midi pour s’expliquer sur les défaillances dans les opérations de maintien de l’ordre à Paris, M. Castaner a également eu droit à une salve de remarques acerbes, résumées d’un trait par Michel Raison, élu (LR) de Haute-Saône : « Quand est-ce que l’autorité de l’Etat sera rétablie ? Parce que le vrai patron, ce n’est pas le préfet de police, c’est le ministre de l’intérieur. »

    Soutien unanime de l’exécutif

    Sous le déluge, l’ancien maire socialiste de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) ne s’est pourtant pas dérobé, répondant à chaque interpellation. Le ministre peut se targuer il est vrai d’un soutien unanime de l’exécutif.
    Depuis dimanche, c’est le même mot d’ordre qui est répété : il faut sauver le soldat Castaner. « C’est un bon ministre de l’intérieur, il est en première ligne depuis le début et il se montre solide. S’il a pris un coup au casque, il a du coffre et les épaules pour tenir. Il y a un pilote à Beauvau et cela se voit », rassure-t-on ainsi à Matignon. Selon son entourage, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, s’est entretenu à plusieurs reprises depuis samedi avec son ministre, dont il est devenu proche malgré leurs parcours politiques opposés, pour lui dire son soutien.

    Sur le fond, c’est le même argument qui est martelé : le ministre de l’intérieur n’est pas en cause dans les défaillances constatées samedi. « Il y a eu un défaut d’exécution », assure-t-on au sommet de l’Etat. Comprendre : la hiérarchie policière n’a pas obéi aux ordres du ministère de l’intérieur.

    « Les consignes que j’avais passées n’ont pas été appliquées », a lui-même plaidé M. Castaner, mardi matin sur France Inter. C’est pour cette raison que le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, a été limogé. « Le ministre de l’intérieur est responsable politiquement, le préfet est responsable opérationnellement. Il ne faut pas mélanger les choses, sans quoi nous devrions changer de ministre tous les deux mois », plaide un conseiller.

    En sursis

    Au sein de la maison police, personne ne réclame d’ailleurs le départ de ce fidèle d’Emmanuel Macron. « Quel intérêt on aurait à changer de ministre de l’intérieur ? Aucun ! Il commence à appréhender son poste. A l’heure qu’il est, on a, avec Laurent Nuñez [secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur], un binôme qui fonctionne bien, il ne faut pas y toucher », tranche Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP Police-FO, le premier syndicat au sein du ministère.

    Les nombreux déplacements de terrain de Christophe Castaner sont plutôt appréciés des fonctionnaires. Tout comme le soutien indéfectible aux forces de l’ordre affiché par la Place Beauvau, au plus fort de la tempête sur les violences policières et l’usage trop généreux des lanceurs de balles de défense (LBD).

    Les organisations syndicales n’oublient pas non plus que c’est Christophe Castaner qui a conclu un protocole d’accord en décembre 2018, prévoyant des augmentations de salaire substantielles pour les gardiens de la paix, au terme d’une discussion marathon de huit heures. Le ministre avait sollicité un arbitrage de l’exécutif et obtenu gain de cause. Quant à ses incartades lors d’une soirée dans un restaurant, révélées par la presse people, elles font sourire les troupes plus qu’autre chose. « L’épisode ne l’a pas affaibli », assure-t-on à Matignon, où l’on revendique de former « un pack » autour du ministre.

    Dans les rangs de la police, on ne se fait surtout aucune illusion sur les effets de la politique du fusible. « Depuis 2016, on a eu cinq ministres qui se sont succédé, parfois pour quelques semaines seulement, rappelle une source policière haut placée. Dès que quelque chose ne va pas dans le pays, on veut tout bouleverser à Beauvau, comme si le changement d’homme allait régler tous les problèmes. »
    S’il n’est pas menacé à court terme, Christophe Castaner se sait néanmoins en sursis. Que de nouvelles émeutes éclatent lors d’une prochaine manifestation des « gilets jaunes », ou que des affrontements se terminent par des blessés graves voire des morts, et le ministre de l’intérieur n’aurait d’autre solution que de partir à son tour. « Ce serait le seul moyen de protéger le président et ce serait son rôle », concède un parlementaire de la majorité.

    • Dispositif Sentinelle mobilisé dans le cadre des manifestations, AFP

      Le porte-parole du gouvernement annonce que le dispositif #Sentinelle sera mobilisé de manière « renforcée » samedi dans le cadre des manifestations des « gilets jaunes » afin de protéger des bâtiments officiels et autres « points fixes »

      Les militaires de Sentinelle seront mobilisés pour l’acte XIX des « gilets jaunes »
      https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2019/03/20/les-militaires-de-sentinelle-seront-mobilises-pour-l-acte-xix-des-gilets-jau

      Emmanuel Macron a dit « ce matin [qu’il y aurait] une mobilisation renforcée du dispositif Sentinelle pour sécuriser les points fixes et statiques », a-t-il précisé lors du compte rendu du conseil des ministres à l’Elysée. L’objectif est de « permettre aux forces de l’ordre » de se « concentrer sur les mouvements et le maintien et le rétablissement de l’ordre ». « Nous ne pouvons pas laisser une infime minorité violente abîmer notre pays et détériorer l’image de la France à l’étranger », a-t-il ajouté. Les prochains jours seront donc décisifs. »

      Nouveau dispositif
      Manifestations interdites sur les Champs-Elysées et dans certains quartiers des grandes villes en cas de présence d’« ultras », préfet de police de Paris remplacé, contraventions alourdies : le premier ministre Edouard Philippe a annoncé dès lundi une batterie de mesures pour répondre aux violences ayant émaillé la dernière manifestation des « gilets jaunes », samedi 16 mars à Paris.
      Au-delà de Sentinelle, des brigades anticasseurs seront déployées samedi sur le terrain, des #drones et des « produits avec des #marquages indélébiles » permettant de « tracer » les casseurs vont également être mobilisés. « Des individus ont décidé de casser la démocratie, de s’en prendre à la République et à ses symboles », a déclaré Benjamin Griveaux. « Ce ne sont donc plus des manifestants à qui nous avons affaire mais des émeutiers. Les manifestants défendent une cause, à côté de ceux-là il y a des #émeutiers qui sont simplement mus par la haine. »

      L’opération Sentinelle représente une mobilisation sans précédent de l’armée sur le territoire national depuis la guerre d’Algérie. Des chiffres de 2017 faisaient état de 7 000 militaires déployés en permanence – pour moitié en région parisienne – depuis les attentats de janvier 2015 à Paris.


      https://www.lesinrocks.com/2019/03/19/actualite/le-gouvernement-veut-renforcer-le-maintien-de-lordre-meme-si-un-black-bl
      #interdictions_de_manifester #militarisation #violence_d'État

    • L’utilisation de militaires pour assurer la sécurité (statique) de lieux de pouvoir a été prônée dès décembre dernier par des syndicats policiers. Il s’agit selon ces syndicats, et désormais pour le gouvernement, de privilégier l’emploi des forces de police et de MDO pour des actions requérant de la mobilité, et destinées à alimenter la chaîne judiciaire. Il s’agit aussi de résorber la disproportion entre les délits ou dégâts constatés et les condamnations (tous ces gardés à vue libérés, tous ces condamnés trop ordinaires pour être considérés comme des prototypes de « casseurs »).


      #cogestion #justice

    • Les contraventions pour participation à une manifestation interdite passent de 38 à 135 euros, AFP
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/21/les-contraventions-pour-participation-a-une-manifestation-interdite-passent-

      Il en coûtera désormais plus cher de participer à une manifestation interdite. Les contraventions encourues sont passées de 38 à 135 euros, à la suite de la publication d’un décret jeudi 21 mars au Journal officiel.
      « Le fait de participer à une manifestation sur la voie publique interdite sur le fondement des dispositions de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe », dit le texte.
      Cette mesure avait été annoncée lundi par le premier ministre, Edouard Philippe, à la suite des violences, sur les Champs-Elysées notamment, lors de l’acte XVIII des « gilets jaunes ». Ces dernières semaines, les protestataires étaient revenus à leurs méthodes initiales et avaient préféré ne pas déclarer leurs rassemblements à Paris.

      Manifestations interdites à Paris, Bordeaux ou Nice

      Le gouvernement a donc décidé de hausser le ton. Lundi, le premier ministre a également annoncé l’#interdiction_de_manifester « chaque fois qu’il le faudra », dans les quartiers « les plus touchés », « dès lors que nous aurons connaissance d’éléments “ultras” et de leur volonté de casser », en citant les Champs-Elysées, à Paris, les places du Capitole, à Toulouse, et Pey-Berland, à Bordeaux. En cas de manifestation, « nous procéderons à la dispersion immédiate de tous les attroupements », a-t-il prévenu, tout en annonçant en même temps une « réorganisation du maintien de l’ordre ».

      A la demande du maire de Nice, Christian Estrosi, le gouvernement compte également interdire les manifestations des « gilets jaunes » dans un « périmètre défini » samedi dans la ville azuréenne. Pour l’acte XIX, prévu samedi, plusieurs « appels nationaux », ont été lancés sur les réseaux sociaux pour des rassemblements à Nice, mais aussi à Toulouse et à Montpellier.

      Impunité zéro
      Deux jours avant cette nouvelle journée de mobilisation, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a intronisé jeudi le nouveau préfet de police de Paris, Didier Lallement. Ce dernier a succédé à Michel Delpuech, qui a été débarqué par le gouvernement après les violences du week-end dernier. « Votre première mission, évidemment, sera de maintenir l’ordre public dans la capitale », a prévenu M. Castaner, a destination du nouveau préfet.

      « Je vous demande de faire en sorte que la doctrine du maintien de l’ordre, telle que nous l’avons redéfinie entre le 1er et le 8 décembre (actes III et IV des « gilets jaunes » ), soit effectivement et résolument mise en œuvre, sans hésitation ni demi-mesure » , a développé le ministre, réclamant « qu’elle soit effective dès samedi » .
      « Samedi, sur les Champs-Elysées, il n’y avait pas de manifestants, il n’y avait que des haineux, des ultras, des factieux, des gens venus pour casser, pour détruire, pour agresser, car on ne peut pas se prétendre simple spectateur de ceux qui défigurent Paris, de ceux qui balafrent la France. »

      #sous_peine-d'amendes

    • Lallement, le nouveau préfet qui fait flipper les flics, Willy Le Devin , Ismaël Halissat et Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux — 23 mars 2019
      https://www.liberation.fr/amphtml/france/2019/03/23/lallement-le-nouveau-prefet-qui-fait-flipper-les-flics_1716932

      A Paris, après le limogeage de Michel Delpuech, jugé trop laxiste, son successeur est entré en fonction jeudi. Qualifié de « fou furieux » par certains collègues, il devrait appliquer une stratégie de fermeté lors de l’« acte XIX » des gilets jaunes.

      Des cris de joie déchirent les couloirs feutrés de la préfecture de Bordeaux. Lundi, deux jours après le saccage des Champs-Elysées par les gilets jaunes, les fonctionnaires girondins sont heureux. Ils viennent de l’apprendre, leur patron depuis 2015, Didier Lallement, est nommé à la tête de la préfecture de police de Paris, en remplacement de Michel Delpuech, limogé par l’exécutif car jugé trop laxiste. Ses collaborateurs bordelais en sont convaincus : si la ville a besoin d’un homme de fer, avec lui, elle sera servie. Agé de 62 ans, l’homme traîne en effet une réputation de préfet impitoyable. Le mot pourrait être fort s’il n’avait pas été prononcé spontanément par plusieurs de nos sources ayant croisé sa route par le passé. « Il est très cassant avec les gens, très blessant. On n’avait jamais vu ça, raconte une ex-collègue. Il est froid dans son management, mais assume totalement. Avec lui, c’est la politique de la #terreur. Il ne respecte que ceux qui, de temps à autre, osent lui tenir tête. » « Didier Lallement ? Il est fou comme un lapin, abonde un préfet actuellement en poste. C’est la rigidité faite homme. Il peut ne jamais vous dire bonjour, ça ne le dérange pas. De ce fait, il me semble très éloigné des caractéristiques que l’on exige d’un préfet, à savoir d’être rond. Si le gouvernement l’a choisi, c’est clairement pour une reprise en main musclée de la préfecture de police. »

      « La main de Clemenceau »

      Avec Didier Lallement, le gouvernement poursuit deux objectifs. Un de très court terme : rétablir l’ordre dans la capitale dès ce samedi, pour l’« acte XIX » des gilets jaunes. Par la suite, il s’agira de réformer l’institution créée en 1800 par Napoléon, qualifiée « d’Etat dans l’Etat » pour ses pouvoirs et son autonomie gargantuesques. En effet, la préfecture de Paris possède sa propre police judiciaire, le prestigieux « 36 », son service de renseignement (DRPP), chargé au même titre que la DGSI de la lutte antiterroriste, ainsi qu’une compétence sur la lutte contre l’immigration illégale. Un train de vie jugé luxueux en ces temps de rigueur budgétaire. Jeudi, lors de l’intronisation du nouveau préfet sur l’île de la Cité, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, n’y est pas allé de main morte au moment de dresser la feuille de route du nouveau maître des lieux : « Didier Lallement, votre modèle est Georges Clemenceau. La main de Clemenceau n’a jamais tremblé quand il s’agissait de se battre pour la France, la vôtre ne devra pas trembler non plus devant les réformes que vous devrez mener. »

      Pour ce qui concerne le maintien de l’ordre, la place Beauvau entend renforcer une doctrine d’ultrafermeté. Christophe Castaner, ainsi que son secrétaire d’Etat, Laurent Nuñez, n’ont en effet que très modérément goûté une note émanant du directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), Frédéric Dupuch, appelant à un usage modéré des lanceurs de balles de défense (LBD 40). Les deux ministres attendent donc de Didier Lallement qu’il applique la stratégie « de mobilité et d’interpellations », élaborée après les heurts très violents du 1er décembre. Le risque ? Générer un nombre très important de blessures voire de mutilations chez les manifestants, via un recours débridé aux armes les plus controversées du maintien de l’ordre, comme les LBD 40 bien sûr, mais aussi les différents types de grenades (celles dites de désencerclement ou les GLI-F4 composées de TNT). A Bordeaux, les affrontements entre les forces de l’ordre et les gilets jaunes ont d’ailleurs été très violents ces derniers mois. Deux personnes ont eu la main arrachée et plusieurs autres ont été sérieusement blessées par des tirs de LBD 40. Le 2 mars, c’est le député LFI Loïc Prud’homme qui a dénoncé les coups de matraque dont il a été victime en quittant pacifiquement un cortège des gilets jaunes. Une pétition a été lancée pour réclamer la tête du préfet. Lundi, Prud’homme a accueilli ainsi l’arrivée de Lallement à la tête de la préfecture de police de

      « Le graal »

      C’est là l’immense paradoxe de cette nomination. Bien que très expérimenté, –il a été préfet de l’Aisne, de la Saône-et-Loire et du Calvados–, Lallement n’a rien d’un spécialiste de l’ordre public. « C’est un préfet fou furieux, hoquette un ancien directeur central de la sécurité publique. Il a les dents qui rayent le parquet depuis toujours. En 2012, il voulait déjà avoir la mainmise sur la police et la gendarmerie à l’époque où il était secrétaire général du ministère de l’Intérieur [#Valls, ndlr].Il a toujours voulu faire de la police opérationnelle, jusque-là il était tenu à l’écart avec une perche. » Prendre la tête de la préfecture de police de Paris, Didier Lallement y pensait donc depuis longtemps. « C’était son rêve absolu, il vient de toucher le graal », confie un proche. Didier Leschi [un ex-gaucho passé au "souverainisme", ndc] , aujourd’hui directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration tempère le portrait apocalyptique fait de son compère issu, comme lui, du « #chevènementisme » : « C’est un excellent technicien, à la grande rigueur intellectuelle. Au plan administratif, il est plutôt réformateur. Son passage à la tête de l’#administration_pénitentiaire [où il fut le créateur des équipes régionales d’intervention et de sécurité –unité d’élite, (selon Ration, laudatif avec ces brutes chargé de réprimer les prisonniers, ndc) ] a été salué par les syndicats [ de matons ! ndc] , ce qui est suffisamment rare pour être souligné. » Le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, qui a travaillé avec Lallement il y a bientôt trente ans au secrétariat d’Etat aux collectivités locales, confirme la grande valeur de ce haut-fonctionnaire, au parcours iconoclaste : « Lallement ne vient pas du sérail, il n’a pas fait l’ENA. Il est très sérieux, rigoureux et travailleur. Mais c’est vrai que dans l’exercice de l’autorité, il est très cash. »

      L’ex-préfet de la Nouvelle-Aquitaine laisse par exemple un souvenir âcre aux élus locaux du bassin d’Arcachon, à qui il a contesté sans merci le plan de l’urbanisme. « C’est le seul mec qui a eu les couilles de se prendre les lobbys de l’immobilier en frontal pour les obliger à respecter l’environnement et le domaine public maritime », rapporte un journaliste. Revanchard, l’un des maires contrariés a adressé un courrier au lance-flammes à Macron, accusant ni plus ni moins le haut fonctionnaire « d’abus de pouvoir ». Mais #Didier_Lallement ne craint rien ni personne. Le jour de son arrivée en Gironde, il avait baptisé ainsi son nouveau personnel : « Vous pensez connaître ma réputation ? Elle est en deçà de la réalité. »

      Lallement"...bientôt être entendu dans le cadre de l’enquête sur les #soupçons de #favoritisme qui pèsent sur les marchés de la #Société_du_Grand_Paris. https://seenthis.net/messages/768523

  • Excellente analyse de Samuel Hayat sur le mouvement en cours, qui offre des points de comparaison historiques et des instruments précieux (au premier rang desquels le concept d’"économie morale", emprunté à E. P. Thompson) pour penser son caractère inédit, son unité ("surprenante", écrit l’auteur, au regard de son horizontalité avérée), ses dangers, ses possibles. Mobiliser le concept d’’économie morale" me paraît d’autant plus pertinent que ce terme éclaire les stratégies discursives et la grille de lecture (économie domestique, bon sens, « bons comptes » faisant les « bons amis »...) appliquées par l’élite européenne en place (totalement inféodée par ailleurs aux règles de l’économie financiarisée) à la gestion de la crise grecque - et qui lui ont permis d’imposer au Sud de l’Europe des plans d’austérité sévère avec le consentement d’une part conséquente de leurs opinions publiques. Le hiatus entre cette « économie morale » et l’économie financiarisée (radicalement a-morale et destructrice de solidarités) est bien au coeur de notre époque, et le stratagème développé par ces élites pour rendre la crise grecque intelligible (et les plans d’austérité acceptables) est bien le signe que les principes de fonctionnement de l’économie financiarisée ne « font pas discours » (ni société) - ne peuvent inspirer et nourrir aucun discours proprement politique (sinon évidemment le discours de la prédation et de la guerre des possédants contre ceux qui ont peu ou n’ont rien : mais ce sont précisément des choses « qu’on ne dit pas », des choses « qui ne peuvent pas se dire »). A travers le mouvement des « gilets jaunes », cette même « économie morale » (qui apparaît beaucoup plus comme une idéologie relativement indéfinie que comme un modèle économique) se retourne aujourd’hui contre ceux qui étaient parvenus avec succès à en mobiliser les termes (qu’on se souvienne des « proverbes campagnards » sur la dette cités aussi bien par Hollande que Schäuble, Sarkozy ou Merkel pour justifier les mémorandums). Un enjeu majeur de la période, concernant la participation d’une part croissante de militant.e.s de gauche à ce mouvement (voir le texte de Tristan Petident publié hier sur son profil FB), serait probalement de saisir dans quel sens et par quels biais il est aujourd’hui possible d’orienter cette « économie morale » largement indéfinie dans le sens d’une économie sociale, écologique, non-fondée sur la division entre « nationaux » et « étrangers ». Ma conviction est que cette compréhension et ce travail ne pourront émerger que dans la pratique et la participation, et non dans le retrait et l’observation en surplomb.

    Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir

    Difficile de ne pas être saisi par le mouvement en cours. Tout y est déconcertant, y compris pour qui se fait profession de chercher et d’enseigner la science politique : ses acteurs et actrices, ses modes d’action, ses revendications. Certaines de nos croyances les mieux établies sont mises en cause, notamment celles qui tiennent aux conditions de possibilité et de félicité des mouvements sociaux. D’où sinon la nécessité, du moins l’envie, de mettre à plat quelques réflexions issues de la libre comparaison entre ce que l’on peut voir du mouvement et des connaissances portant sur de tout autres sujets. A côté des recherches sur le mouvement en cours, espérons que l’éclairage indirect que donne la confrontation à d’autres terrains pourra dire quelque chose de différent sur ce qui a lieu.

    https://samuelhayat.wordpress.com/2018/12/05/les-gilets-jaunes-leconomie-morale-et-le-pouvoir/amp/?__twitter_impression=true

    #giletsjaunes #gilets_jaunes #Thompson #économie_morale #finance #mobilisation #peuple #solidarités #sociabilités

    • Les gilets jaunes ou le retour de « l’économie morale », Benjamin Coriat, prof des universités, membre du C.A. du collectif des Economistes atterrés, 18 décembre 2018
      https://www.liberation.fr/debats/2018/12/18/les-gilets-jaunes-ou-le-retour-de-l-economie-morale_1698590

      Les gilets jaunes ou le retour de « l’économie morale »
      Tribune. Plusieurs semaines après son irruption sur la scène publique, le mouvement des gilets jaunes, même s’ils étaient moins nombreux à Paris samedi 15 décembre, continue d’intriguer, d’interroger. Chacun sent bien qu’il vient de loin. « Sans-culottes » qui s’ignorent disent les uns, quand d’autres, soucieux avant tout de discréditer le mouvement, n’y lisent que du simple « poujadisme ».

      Je voudrais suggérer ici une autre lecture encore. En défendant l’idée que l’importance des gilets jaunes tient d’abord au fait que contre la dictature du « libre » marché, ils apparaissent comme porteurs, et ce n’est pas rien, de ce retour de « l’économie morale », qui animait les émeutiers du XVIIIe siècle, économie morale dont le sort semblait depuis longtemps scellé.

      Les #émeutiers du XVIIIe siècle, dont le mouvement a magnifiquement été étudié et analysé par le grand historien anglais Edward P. Thompson (voir son ouvrage les Usages de la #coutume, éd. EHESS, 2018), défendaient une idée forte et essentielle. Marché ou pas marché, rien, jamais, ne doit contrevenir à un principe aussi simple que fondamental : celui du #droit_à_l’existence. Rien, jamais, aucune règle, ne doit contrevenir aux droits de la personne à vivre dignement : se sustenter, se loger, se chauffer, se soigner, s’éduquer et éduquer ses enfants. Cet ensemble simple et basique - le droit à l’existence et le #droit de le #défendre -, c’est ce que Thompson a désigné sous le nom d’« économie morale », pour l’opposer aux dogmes de l’économie libérale de marché qui cherchait alors à s’imposer. Economie morale contre économie libérale de marché, l’affrontement fut long et récurrent. Jusqu’à ce que, appuyée chaque fois que nécessaire sur la loi martiale et le feu des carabines contre les manifestants, l’économie libérale de marché finisse par l’emporter et organiser nos sociétés.

      Nous voici deux siècles plus tard. Et la cause semble entendue. Au point que, au nom du marché, les discours les plus cyniques sont désormais tenus calmement par nos gouvernants. Ainsi la suppression de l’ISF (qui favorise surtout les 1 % les plus riches), la « flat tax » (qui concerne cette fois les 10 % les plus riches) : c’est pour le bien du peuple qu’on y procède nous est-il asséné sans rire, car telle est la loi de l’économie libérale de marché. Il faut gaver les riches pour que des miettes « ruissellent » sur le peuple.

      Mais voilà. Les choses sont allées si loin, le cynisme des possédants et de leurs mandants au sein de [sic] l’#Etat a atteint de tels niveaux que, venue du fond des âges, l’économie morale, les principes de #justice qui la fonde et le peuple qui la porte resurgissent et réoccupent le devant de la scène. Cette fois non sur les places de marché des villages, mais, le symbole est peut-être plus fort encore, à chaque #rond-point ou presque. De nouveau, c’est le droit à l’existence tel qu’en lui-même qui se dresse. Au-delà de la taxe sur les carburants, tout revient : le droit de se chauffer, de se nourrir, d’éduquer et de vêtir ses enfants. La lutte pour le droit à l’existence, telle qu’en elle-même, est de retour…[...]

  • #souillage_en_reunion
    #semences_chaotiques
    Justice. Où sont passés les #émeutiers, les vrais ? | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/justice-ou-sont-passes-les-emeutiers-les-vrais-664723

    Autant de preuves irréfragables pour l’appareil judiciaire qui a la lourde charge de juger, en trois jours, 227 personnes majeures déférées devant les tribunaux. La réponse se veut à la hauteur des #violences_urbaines, jamais vues à Paris depuis #Mai_68. C’est dans ce contexte que le jeune Wissam se présente dans le box des accusés de la salle 6.05 du nouveau tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Tout semble le désigner, sur le papier, comme l’un des casseurs qui ont « souillé » l’#Arc_de_triomphe, comme l’a dénoncé le président de la République. Un de ceux qui se sont employés à dégrader un monument national, à « semer le chaos » sur la plus belle avenue du monde.

    Sur 57 personnes jugées lundi, 47 ont été condamnées, dont 20 à des peines de #prison_ferme.

    C’est un autre son de cloche une fois à la barre. « Je ne suis ni un manifestant ni un gilet jaune ou quoi que ce soit. J’y suis allé parce que c’était un événement impressionnant. Je voulais aller voir », raconte ce jeune homme de 19 ans en service civique dans un foyer pour personnes souffrant de handicap mental. Son CV mentionne plusieurs engagements associatifs. Une fois l’audience terminée, rien ne permet d’incriminer ce Breton, hormis le fait d’avoir ramassé par terre ces deux pièces, d’une valeur de 2 euros chacune. Du point de vue de la loi, c’est du recel. Il s’en sortira avec une amende de 200 euros avec sursis. À la sortie de l’audience, son copain Tom n’en revient pas. Si Wissam a été localisé dans la zone d’émeutes, « c’est parce qu’il était chez moi, rue Boissière, pas très loin de l’Arc de triomphe. On a joué à Fifa (un jeu vidéo – NDLR) une bonne partie de la journée ».

    Comme cet homme venu de la Marne qui, poursuivi par des CRS, a filé droit vers la place de la Concorde, remplie de gendarmes mobiles. Ou ces manifestants incapables de situer le jardin des Tuileries. « Paumé » dans la capitale, Mickaël, étancheur à Nevers, suivait « les gilets, le mouvement » quand il se retrouve « bloqué entre deux groupes de policiers ». Il lance alors un bout de goudron pour les faire reculer. Il a été condamné à quatre mois de prison ferme. D’autres sont venus du Jura, de la Meuse, de la Drôme… la plupart ont été condamnés à une interdiction de venir à Paris pendant plusieurs mois.

  • 1er décembre. Le Comité #Adama appelle à manifester avec les gilets jaunes

    Le Comité Adama, qui lutte sans faille contre les violences policières et le racisme, appelle les quartiers populaires à manifester aux côtés des gilets jaunes samedi prochain. Ils dénoncent le régime Macron qui laisse les habitants des quartiers agoniser chaque fin de mois et expliquent les points de convergence avec ce mouvement de colère sociale qui a explosé dans le pays.

    http://www.revolutionpermanente.fr/1er-decembre-Le-Comite-Adama-appelle-a-manifester-avec-les-gile

    "Ce qui compte est d’avoir une ligne claire et de ne pas se trahir. Ne pas trahir ses idéaux politiques."
    RDV 13h30 Gare Saint-Lazare pour partir direction les Champs-Elysées.

    http://www.mizane.info/comite-adama-gilets-jaunes-nous-devons-lutter-dans-la-rue

    Le comité Adama rejoint les gilets jaunes : « Ce n’est pas une alliance au prix d’un renoncement politique »

    https://www.bondyblog.fr/reportages/cest-chaud/gilets-jaunes-quartiers-comite-adama

    #Comité_Adama #violences_policières #racisme #quartiers #gilets_jaunes #Macron #convergence #colère_sociale

    • DEUX SOCIOLOGUES DANS LES BEAUX QUARTIERS AVEC LES GILETS JAUNES

      Les violences commises sur les Champs-Élysées sont la réponse à la violence de l’oppression que nous subissons chaque jour.

      DEUX SOCIOLOGUES DANS LES BEAUX QUARTIERS AVEC LES GILETS JAUNES
      Lundi, 26 Novembre, 2018
      Monique et Michel Pinçon-Charlot
      Monique et Michel Pinçon-Charlot ont rejoint les gilets jaunes aux abords des Champs-Élysées. Récit d’une confrontation avec une richesse arrogante.

      En ce samedi 24 novembre 2018, nous partons rejoindre le mouvement des gilets jaunes pour nous faire notre propre opinion. Nous pressentons que l’instrumentalisation de l’extrême droite est une manipulation de plus pour discréditer la colère des « gueux », pour reprendre une expression souvent employée par des manifestants qui se sentent dépouillés non seulement financièrement, mais jusque dans leur humanité même. Le mépris et l’arrogance d’Emmanuel Macron reviendront plus souvent dans les témoignages que nous avons recueillis que la hausse des taxes sur le carburant. Cette hausse est en réalité le déclencheur d’une colère beaucoup plus profonde, qui réunit les hommes et les femmes dans une révolte dont ils savent parler. Ils contestent la légitimité d’Emmanuel Macron à l’Élysée, son élection n’étant que le résultat du pouvoir de l’argent sur le monde politique : « Nous ne sommes pas dans une démocratie mais dans une dictature ! » « Nous allons faire en sorte que Macron ne puisse plus se présenter comme le chef du monde libre et de la démocratie. » « Plus rien n’est cohérent, on ne peut plus faire de projets. » Quant aux violences commises, notamment sur les Champs-Élysées, elles sont « la réponse à la violence de l’oppression que nous subissons chaque jour ».

      « C’est nous qui vous engraissons »
      Les gilets jaunes choisissent de manifester dans les beaux quartiers, de façon visible, avec ce jaune fluorescent comme symbole de leur chaleureuse détermination à renverser les rapports de forces, puisque « c’est nous qui vous engraissons : rendez-nous notre pognon ! », comme ils l’ont dit aux clients du restaurant de l’Avenue, à l’angle de la rue de Marignan et de l’avenue Montaigne, juste en face de chez Dior. La préfecture de police voulait les cantonner au Champ-de-Mars, qu’ils ont boudé tout au long de la journée au bénéfice des lieux de pouvoir, le plus près possible de l’Élysée.

      Pour nous deux, la confrontation entre les gilets jaunes et les clients chics de ce restaurant cher du 8e arrondissement a constitué un moment d’observation sociologique exceptionnel. Poussés par les gaz lacrymogènes, les bombes assourdissantes et les canons à eau, nous avons fui par la rue de Marignan avec le slogan repris en chœur : « Macron démission ! » Il est aux environs de 13 heures et la terrasse du restaurant de l’Avenue est pleine à craquer d’hommes et de femmes des beaux quartiers qui portent sur leur corps et leur tenue vestimentaire la douceur et la richesse d’une vie quotidienne embaumée par les pétales de roses. Les gilets jaunes encerclent la terrasse avec leur corps malmené par des conditions de vie difficiles, et ce fameux gilet jaune, symbole du prolétariat et des gagne-petit. Il n’y aura aucune violence physique mais les paroles seront franches dans cette confrontation de classe entre les premiers et les derniers de cordée. « Profitez-en, cela ne va pas durer », « Picolez car vous n’allez pas rire longtemps ! » Les femmes minces et élégantes et leurs maris en costume croisé se lèvent peu à peu pour se réfugier à l’intérieur du restaurant, « Ah bon ! alors on vous dérange ? » demande un gilet jaune. Qu’à cela ne tienne, les manifestants se collent aux baies vitrées et poursuivent leurs invectives de classe : « L’ISF pour les bourgeois ! », « Ils sont en train de bouffer notre pognon ! » C’en est trop, les clients du restaurant ferment alors les rideaux. « Ah ! vous ne voulez plus voir les gueux ? » Ceux-ci se sont peu à peu éloignés pour manifester toujours et encore leur colère.

      Colère de classe contre assurance de classe
      Nous avons été frappés par le calme des grands bourgeois et surtout par leur détermination à déjeuner dans ce restaurant, le lieu où ils avaient décidé de retrouver leurs amis et où ils avaient réservé leur table, dans un entre-soi qu’ils savaient au fond d’eux-mêmes garanti par les forces de l’ordre. Au point même que, vers 13 h 30, quelques clients faisaient la queue à l’extérieur en attendant de pouvoir bénéficier d’une table à l’intérieur. Ils ont affiché une assurance de classe qui ne doit pas présenter de faille, tant que leur vie n’est pas en danger.

      Nous avons été surpris par la reconnaissance de notre travail sur la violence des riches : « Vous avez mis des mots sur notre souffrance et tout ce que vous dites, c’est la vérité ! », « Vous êtes vraiment nos porte-voix ! » Nous avons fait des selfies, il y a eu des embrassades amicales, nous avons échangé et longuement discuté avec les personnes qui nous ont reconnus et abordés. Avant de partir pour le salon du livre de Radio France à la Maison de la radio dans le 16e arrondissement, nous avons rencontré un militant de la fédération CGT des dockers qui leur a conseillé « de rallier les gilets jaunes pour participer à ce mouvement », en disant qu’il « fallait savoir prendre le train en marche pour l’orienter et le soutenir dans ses aspects de confrontation entre les intérêts du capital et ceux du travail ».

      Notre témoignage sûrement incomplet ne se veut pas une analyse péremptoire de ce mouvement des gilets jaunes. Il s’agit plutôt d’attirer l’attention sur les processus de stigmatisation qui ont été mis en œuvre dès le départ afin de masquer une colère de classe en casse séditieuse d’extrême droite. Lorsque nous sommes arrivés à Radio France, la fouille de nos sacs à dos a révélé la présence de nos deux gilets jaunes, dont nous avons dû nous séparer le temps de nos dédicaces mais que nous avons récupérés à la sortie. Nous avons été accueillis par de nouveaux gilets jaunes nous annonçant leur volonté de s’en prendre aux médias publics. Ils avaient le projet d’occuper le lendemain, dimanche 25 novembre, l’esplanade devant France Télévisions.

      Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

      https://www.humanite.fr/deux-sociologues-dans-les-beaux-quartiers-avec-les-gilets-jaunes-664163

      #mouvement #gilets_jaunes #instrumentalisation #extrême_droite #manipulation #colère #gueux #mépris #arrogance #Macron #carburant #révolte #pinçon_charlot #Charlot

    • Gilets jaunes : questions pour ceux qui cherchent des alliances
      https://carbureblog.com/2018/11/27/gilets-jaunes-questions-pour-ceux-qui-cherchent-des-alliances

      On aimerait bien y croire, dans la capacité des choses à être autre chose que ce qu’elles sont. Oui mais… s’il est évident que les quartiers ont tout à faire dans une insurrection populaire contre la misère, comment se fait-il que jusqu’à présent ils aient été absents de ce mouvement ? Est-ce qu’il n’y a pas une différence entre passer une #alliance avec un mouvement et simplement considérer que – de droit – on en fait partie ? Est-ce qu’on peut passer une alliance avec quelque chose comme une coquille vide ? Est-ce qu’on peut s’allier avec quelque chose qu’on va définir soi-même, c’est-à-dire avec quelque chose qu’on ignore ? Est-ce qu’on peut s’allier sans avoir fait le point sur ce qui nous oppose à ceux avec qui on s’allie ? Est-ce qu’on peut s’allier sans savoir si l’autre souhaite s’allier aussi ? Est-ce que le mouvement des Gilets jaunes ne dit rien, que ce soit par ses mots ou par ses actes ? Est-ce qu’il est vraiment une coquille vide qui attend d’être remplie ? Pourquoi a-t-on une oreille ouverte sur le « #social », et l’autre fermée sur le #racisme, comme si c’était des choses différentes, comme si ces discours sortaient de bouches différentes ? Est-ce que le « social » est un discours politique, et pas le racisme ? Est-ce que l’extrême-droite ne peut pas avoir un discours « social », qui impliquerait le racisme ? Est-ce que le « social », c’est seulement la gauche ? Est-ce que le racisme c’est juste un réflexe de petits blancs débiles, ou est-ce que ça peut orienter des politiques ? Est-ce que quand on est Noir ou Arabe en France, on a seulement des problèmes avec le racisme, où est-ce que ça implique une position sociale particulière ? Est-ce que les Blancs ont intérêt à ce que le racisme existe, ou est-ce que le racisme existe malgré eux ? Est-ce que ce mouvement est un mouvement d’intérimaires, de chômeurs et de bénéficiaires du RSA, ou de petits patrons, d’auto-entrepreneurs, de commerçants et d’artisans ? Ou les deux ? Et si oui, quel lien et quelle alliance entre les deux ? Est-ce que la France blanche-d’en-bas serait légitime, si elle n’était composée que de chômeurs, RSAstes, travailleurs précaires, etc. ? Est-ce qu’il faut travailler pour avoir le droit d’être Français ? Est-ce que le fait d’avoir du mal à remplir son frigo pour nourrir ses enfants, c’est la même chose que critiquer la hausse des taxes et de la CSG ? Est-ce qu’on a un problème avec la CSG quand on n’est pas imposable ? Est-ce que tout le monde a les moyens de se payer une voiture ou une moto ? Est-ce qu’on peut demander la baisse des loyers et baisser les taxes sur la propriété foncière ? Est-ce qu’on peut à la fois augmenter le SMIC et les minima sociaux et baisser les charges patronales ? Est-ce que la France blanche-d’en-bas et les quartiers peuvent s’allier sans mettre ces questions sur la table, quitte à se foutre sur la gueule ? Est-ce que la France blanche-d’en-bas se sent plus proches des petits patrons qui râlent sur le prix du gas-oil ou des habitants des quartiers ? Est-ce que les Gilets jaunes, ça n’est pas déjà une alliance entre pauvres et moins pauvres ? Entre ceux qui ont du mal à remplir leur frigo et ceux qui aimeraient partir plus souvent en vacances ? Et qui va ressortir gagnant de cette alliance ? Est-ce que la lutte des classes, c’est seulement entre le « peuple » et le pouvoir ? Est-ce que le problème c’est Macron ? Est-ce qu’il faut « dégager Macron » et refaire des élections ? Et dans ce cas qui sera élu à sa place ? Est-ce que les quartiers populaires ont quelque chose à y gagner ? Est-ce que la France blanche-d’en-bas a quelque chose à y gagner ? Est-ce que les plus pauvres ont quelque chose à y gagner ? Pourquoi quand les quartiers manifestent leur colère il y a couvre-feu, alors que quand la France blanche-d’en-bas le fait elle est reçue dans les ministères ? Est-ce qu’on a jamais demandé aux #émeutiers de 2005 de se choisir des #représentants ? Est-ce qu’il y a seulement entre les quartiers et la France blanche-d’en-bas de l’incompréhension et de vagues préjugés hérités de la colonisation ? Pourquoi on envoie l’armée à la Réunion et pas sur les barrages en Corrèze ? Pourquoi en 2016 Fillon appelait à interdire les manifestations, et pas maintenant ? Est-ce qu’on n’entend pas tout de même la France blanche-d’en-bas dire qu’elle a un droit légitime, en tant que VRAI peuple Français, à être mieux traitée que la France des quartiers, que les migrants, etc. ? Est-ce que quand des gilets jaunes menacent un patron parce qu’il embauche des étrangers, ça ne veut rien dire politiquement ? Est-ce que c’est du racisme, ou du protectionnisme, ou des mots en l’air ? Est-ce que ça peut être les deux, et si oui, quel est le lien ? Est-ce que n’existe pas un discours qui oppose ceux qui travaillent et ceux qui profitent et grattent les allocs ? Est-ce que ce discours ne vise pas explicitement les quartiers, et les racisés en général ? Est-ce que ce discours est d’extrême-droite pour ceux qui le tiennent ? Est-ce qu’il n’est pas aussi tenu à gauche, de manière de plus en plus répétée ? Est-ce qu’on peut vraiment passer sur tout ça au nom d’une alliance « populaire » ? Est-ce que ce discours n’est pas lui-même une « alliance » ? Est-ce qu’il faut ouvrir une lutte autour de la légitime qualification « populaire » ? Est-ce que les quartiers sont « populaires » ? Est-ce qu’ils représentent légitimement le peuple français ? Qui est-ce qui décide de ce qui est « populaire » et de ce qui ne l’est pas ? Qui est-ce qui décide de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas ? Est-ce que les quartiers peuvent vraiment obtenir cette légitimité que tout le monde leur refuse, et que la société dans son ensemble accorde d’emblée à la France blanche-d’en-bas ? C’est quoi alors le « peuple », si les quartiers n’en font pas tout à fait partie ? Etc., etc.

      Rendez-vous samedi 1er décembre gare Saint-Lazare pour commencer à poser ces questions, et peut-être entrevoir quelques réponses.

  • #Egypte : #émeutiers contre nouvelle #dictature !
    http://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article1712

    Des #affrontements dans plusieurs villes...

    #Bataille rangée au #Caire , ce samedi 6 avril. Des #rassemblements ont commémoré le 5e #anniversaire du #Mouvement du 6 avril, lancé après la #répression meurtrière menée par la #police contre des #grévistes le 6 avril 2008 à #Mahalla . L’ #occasion aux #opposants au nouveau #régime d’exprimer leur rejet.