• La #Chine approuve un projet de #barrage géant au #Tibet

    Le barrage de #Motuo, dont les autorités chinoises viennent d’approuver la construction sur le haut plateau tibétain, aurait une capacité de 60 gigawatts, soit le triple du barrage des Trois-Gorges, actuellement le plus puissant du monde.

    Haut sur le plateau tibétain, là où le fleuve #Brahmapoutre s’appelle encore #Yarlung_Tsangpo, la Chine ambitionne de construire un imposant et complexe barrage, possiblement le plus puissant de la planète. L’agence #Chine_nouvelle a annoncé, mercredi 25 décembre, l’approbation par le gouvernement de ce projet évoqué depuis plusieurs années, un pas de plus dans la course chinoise à la construction de #retenues_hydroélectriques sur le haut des grands fleuves d’Asie.

    La Power Construction Corporation of China estimait dès 2020 que cet ouvrage, le #barrage_de_Motuo, pourrait avoir une capacité de 60 gigawatts, soit le triple du barrage des Trois-Gorges, actuellement le plus grand du monde. « Il s’agit d’une contribution majeure à la transition de la Chine à une #énergie_verte et bas carbone », faisait valoir, mercredi, l’agence officielle.

    Le fleuve prend sa source dans la région autonome du Tibet qu’il traverse d’ouest en est. Il forme le plus profond #canyon du monde, d’où l’intérêt de la Chine pour sa pression hydraulique, en particulier sur une section où il perd 2 000 mètres de dénivelé sur une distance de seulement 50 kilomètres. C’est là, alors que le fleuve effectue un virage majeur, que les ingénieurs chinois creuseraient des tunnels d’une vingtaine de kilomètres de long à travers une montagne, le sommet himalayen #Namcha_Barwa haut de 7 782 mètres, pour détourner la moitié du courant vers des turbines et retrouver le cours plus bas. Le fleuve, le plus haut du monde, pénètre ensuite en Inde dans l’Etat d’Arunachal_Pradesh dont une zone est contestée entre Pékin et Delhi, avant de traverser l’Assam et d’arriver au Bangladesh.

    Politique du fait accompli

    La Chine ne donne pas de calendrier précis ni de détails clairs sur le projet, un flou de communication qui n’est pas anodin. L’évocation du projet dès 2020 avait suscité de vives réactions de la part de l’#Inde s’inquiétant du contrôle chinois sur des eaux vitales pour le sous-continent indien. Pékin se garde donc d’en dire trop avant que ses chantiers ne soient bien avancés, pratiquant une politique du fait accompli.

    Ce projet n’en est qu’un parmi une longue série sur les fleuves prenant leur source sur le Toit du monde, à l’heure où la Chine, encore dépendante à un peu moins de 60 % du charbon pour sa production d’#électricité, accélère ses investissements dans les #énergies_renouvelables. « La Chine considère que l’#hydroélectricité issue de cette zone et transférée ensuite vers l’est du pays est un des moyens de réduire sa dépendance aux #énergies_fossiles, même si les populations locales s’en trouvent affectées », constate Amit Ranjan, un chercheur spécialisé dans la géopolitique des cours d’eau en Asie à l’université nationale de Singapour.

    Dans un rapport rendu public le 5 décembre, l’organisation de défense des Tibétains International Campaign for Tibet relève 193 barrages construits ou en projet dans les zones tibétaines sous contrôle chinois depuis l’an 2000, dont 80 % sont de grande ampleur. Avec des risques d’exposition aux séismes, aux glissements de terrain et aux inondations, une menace pour les écosystèmes et le débit des cours d’eau et des #déplacements_de_populations tibétaines des zones concernées.

    #Répression

    Championne de l’ingénierie et des infrastructures, la Chine envisage aujourd’hui des barrages dans des zones montagneuses plus hautes, plus reculées et plus complexes alors que ses projets passés, à l’image des Trois-Gorges, quoique massifs, étaient situés plus bas sur des fleuves tels que le Yangzi et le Mékong. « La Chine a accumulé beaucoup de savoir-faire et elle est désormais convaincue de sa capacité à lancer des projets qui par le passé ne paraissaient pas envisageables », explique Dechen Palmo, une experte des barrages chinois au Tibet Policy Institute, situé dans le nord de l’Inde.

    Cette accélération inquiète les Tibétains des régions concernées. Le 14 février, plusieurs centaines de résidents s’étaient rassemblés devant le siège du gouvernement local à Dege, une région tibétaine de la province du Sichuan, pour demander la suspension du chantier de barrage de 1 100 mégawatts de #Gangtuo (Kamtok en tibétain) sur la rivière #Jinsha. Il s’agit de l’une des treize retenues prévues sur ce cours d’eau, qui n’est autre que le haut #Yangzi. Plus de 4 000 personnes doivent être déplacées. Les locaux craignent la disparition d’au moins deux communes et de six monastères, dont celui de Wontoe avec ses fresques murales datant du XIIIe siècle.

    Sur les vidéos des mobilisations de début 2024, on voit des Tibétains s’agenouiller pour implorer les officiels de suspendre le chantier. Mais sur le plateau tibétain, l’expression d’inquiétude de la population, qui ailleurs en Chine pourrait être perçue comme légitime, sur l’environnement ou la situation des personnes affectées, n’est lue qu’au prisme de la sécurité nationale, donc vivement réprimée. Des centaines de personnes ont été détenues durant les semaines qui ont suivi. Dans une lettre adressée en juillet, plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies sur les droits fondamentaux s’inquiétaient des violents coups subis au cours de ces détentions policières et de constater que tous les détenus n’avaient pas été libérés.

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/12/27/la-chine-approuve-un-projet-de-barrage-geant-au-tibet_6469838_3244.html
    #barrage_hydro-électrique #transition_énergétique #résistance

  • #Macron à la conquête du #lithium en #Amérique_latine

    #Emmanuel_Macron a profité de son séjour en Amérique du Sud suite au G20 pour négocier des #accords_commerciaux avec l’#Argentine et le #Chili, sur des matériaux stratégiques comme le lithium.

    Le Cône sud du continent américain regorge de #matières_premières indispensables à la #transition_énergétique, et Emmanuel Macron le sait très bien. En Argentine dimanche, le président français a affiché ses objectifs : « La promotion des intérêts commerciaux et de la défense de l’agriculture française. » Si ce dernier point fait une claire référence à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur qui a, de nouveau, déclenché la colère des agriculteurs en France, le premier concerne avant tout les riches sous-sols du continent... Et les entreprises françaises qui les exploitent.

    Lors de sa rencontre avec le président argentin Javier Milei, qui a sommé la délégation de son pays de quitter la COP29, Emmanuel Macron a cherché à « s’imposer comme une figure représentative sur les questions environnementales », explique Alejandro Frenkel, docteur en relations internationales à l’Universidad Nacional de San Martín. Malgré ces désaccords de façade, les deux chefs d’État ont affiché leur volonté de renforcer les investissements français dans l’industrie du lithium argentin, alors que la compagnie minière française #Eramet vient d’inaugurer une mine dans le pays.

    #Uranium, #cuivre et lithium

    Au Chili, pays dont l’économie dépend énormément du commerce international (75 % du PIB), Emmanuel Macron a trouvé un allié pour développer sa stratégie d’« #économie_bleue_et_verte ». Premier producteur mondial de cuivre et deuxième de lithium, le Chili souhaite devenir le premier fournisseur d’#hydrogène dit vert. Le président français y a annoncé des #partenariats_stratégiques pour la production d’hydrogène dit vert, le stockage d’énergie, et le développement de la filière des #batteries_électriques.

    Emmanuel Macron a aussi souhaité que la France soit « un partenaire dans l’#extraction du lithium » et dans « l’exploitation du cuivre », en ajoutant que cela permettrait, « là aussi, de faire face à nos besoins en termes d’uranium ». Le Chili possèderait, en effet, de grandes #ressources d’uranium, jamais exploitées faute d’investissements de pays étrangers.

    Au Congrès national chilien à Valparaíso, lors d’un discours de politique générale en Amérique latine, Emmanuel Macron a salué l’#accord_de_libre-échange signé en décembre 2023 entre le Chili et l’Union européenne. Un accord qui facilitera l’accès aux #matériaux_stratégiques comme le lithium ou le cuivre.

    Le président français s’est également étonné qu’au Chili comme en France, « souvent, la lutte pour la biodiversité ou contre le dérèglement climatique a été opposée à la lutte pour le développement économique ». Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de « bâtir la #croissance #en_même_temps que de lutter contre le dérèglement climatique », alors que de nombreux scientifiques s’évertuent à expliquer que la croissance est incompatible avec la préservation d’un climat vivable sur Terre.

    300 filiales d’entreprises françaises sont déjà présentes au Chili, et Emmanuel Macron a rappelé la volonté de grands groupes de son pays de continuer à investir dans l’exploitation des métaux et les #énergies_renouvelables. Il s’est aussi opposé aux « entreprises prédatrices » qui « imposent des clauses léonines pour mieux exploiter les ressources du continent, ne laissant derrière elles qu’une population appauvrie et une nature ravagée ». Ce alors que plusieurs entreprises françaises, comme #Engie et #Suez, sont impliquées dans la destruction d’écosystèmes aux conséquences sociales majeures au Chili.

    https://reporterre.net/Macron-a-la-conquete-du-lithium-en-Amerique-latine
    #extractivisme #minéraux #terres_rares

  • « Nous assistons à une escalade de la #prédation_minière »

    Une nouvelle #ruée_minière a commencé et touche aussi la #France. Au nom de la lutte contre la crise climatique, il faudrait extraire de plus en plus de #métaux. Celia Izoard dénonce l’impasse de cette « #transition » extractiviste. Entretien.

    Basta/Observatoire des multinationales : Il est beaucoup question aujourd’hui de renouveau minier en raison notamment des besoins de la transition énergétique, avec la perspective d’ouvrir de nouvelles mines en Europe et même en France. Vous défendez dans votre #livre qu’il ne s’agit pas du tout d’un renouveau, mais d’une trajectoire de continuité. Pourquoi ?

    #Celia_Izoard : Les volumes de #métaux extraits dans le monde aujourd’hui augmentent massivement, et n’ont jamais cessé d’augmenter. Ce qui est parfaitement logique puisqu’on ne cesse de produire de nouveaux objets et de nouveaux équipements dans nos pays riches, notamment avec la #numérisation et aujourd’hui l’#intelligence_artificielle, et qu’en plus de cela le reste du monde s’industrialise.

    En conséquence, on consomme de plus en plus de métaux, et des métaux de plus en plus variés – aussi bien des métaux de base comme le #cuivre et l’#aluminium que des métaux de spécialité comme les #terres_rares. Ces derniers sont utilisés en très petite quantité mais dans des objets qui sont partout, comme les #smartphones, et de façon trop dispersive pour permettre le #recyclage.

    Et la production de tous ces métaux devrait continuer à augmenter ?

    Oui, car rien ne freine cette production, d’autant plus qu’on y ajoute aujourd’hui une nouvelle demande qui est un véritable gouffre : celle de métaux pour le projet très technocratique de la transition. « Transition », dans l’esprit de nos élites, cela signifie le remplacement des #énergies_fossiles par l’#énergie_électrique – donc avec des #énergies_renouvelables et des #batteries – avec un modèle de société inchangé. Mais, par exemple, la batterie d’une #voiture_électrique représente souvent à elle seule 500 kg de métaux (contre moins de 3 kg pour un #vélo_électrique).

    Simon Michaux, professeur à l’Institut géologique de Finlande, a essayé d’évaluer le volume total de métaux à extraire si on voulait vraiment électrifier ne serait-ce que la #mobilité. Pour le #lithium ou le #cobalt, cela représenterait plusieurs décennies de la production métallique actuelle. On est dans un scénario complètement absurde où même pour électrifier la flotte automobile d’un seul pays, par exemple l’Angleterre ou la France, il faut déjà plus que la totalité de la production mondiale. Ce projet n’a aucun sens, même pour lutter contre le #réchauffement_climatique.

    Vous soulignez dans votre livre que l’#industrie_minière devient de plus en plus extrême à la fois dans ses techniques de plus en plus destructrices, et dans les #nouvelles_frontières qu’elle cherche à ouvrir, jusqu’au fond des #océans et dans l’#espace

    Oui, c’est le grand paradoxe. Les élites politiques et industrielles répètent que la mine n’a jamais été aussi propre, qu’elle a surmonté les problèmes qu’elle créait auparavant. Mais si l’on regarde comment fonctionne réellement le #secteur_minier, c’est exactement l’inverse que l’on constate. La mine n’a jamais été aussi énergivore, aussi polluante et aussi radicale dans ses pratiques, qui peuvent consister à décapiter des #montagnes ou à faire disparaître des #vallées sous des #déchets_toxiques.

    C’est lié au fait que les teneurs auxquelles on va chercher les métaux sont de plus en plus basses. Si on doit exploiter du cuivre avec un #filon à 0,4%, cela signifie que 99,6% de la matière extraite est du #déchet. Qui plus est, ce sont des #déchets_dangereux, qui vont le rester pour des siècles : des déchets qui peuvent acidifier les eaux, charrier des contaminants un peu partout.

    Les #résidus_miniers vont s’entasser derrière des #barrages qui peuvent provoquer de très graves #accidents, qui sont sources de #pollution, et qui sont difficilement contrôlables sur le long terme. Nous assistons aujourd’hui à une véritable #escalade_technologique qui est aussi une escalade de la #prédation_minière. La mine est aujourd’hui une des pointes avancées de ce qu’on a pu appeler le #capitalisme_par_dépossession.

    Comment expliquer, au regard de cette puissance destructrice, que les populations occidentales aient presque totalement oublié ce qu’est la mine ?

    Il y a un #déni spectaculaire, qui repose sur deux facteurs. Le premier est la religion de la #technologie, l’une des #idéologies dominantes du monde capitaliste. Nos dirigeants et certains intellectuels ont entretenu l’idée qu’on avait, à partir des années 1970, dépassé le #capitalisme_industriel, qui avait été tellement contesté pendant la décennie précédente, et qu’on était entré dans une nouvelle ère grâce à la technologie. Le #capitalisme_post-industriel était désormais avant tout une affaire de brevets, d’idées, d’innovations et de services.

    Les mines, comme le reste de la production d’ailleurs, avaient disparu de ce paysage idéologique. Le #mythe de l’#économie_immatérielle a permis de réenchanter le #capitalisme après l’ébranlement des mouvements de 1968. Le second facteur est #géopolitique. Aux grandes heures du #néo-libéralisme, le déni de la mine était un pur produit de notre mode de vie impérial. Les puissances occidentales avaient la possibilité de s’approvisionner à bas coût, que ce soit par l’#ingérence_politique, en soutenant des dictatures, ou par le chantage à la dette et les politiques d’#ajustement_structurel. Ce sont ces politiques qui ont permis d’avoir par exemple du cuivre du #Chili, de #Zambie ou d’#Indonésie si bon marché.

    Les besoins en métaux pour la #transition_climatique, si souvent invoqués aujourd’hui, ne sont-ils donc qu’une excuse commode ?

    Invoquer la nécessité de créer des mines « pour la transition » est en effet hypocrite : c’est l’ensemble des industries européennes qui a besoin de sécuriser ses approvisionnements en métaux. La récente loi européenne sur les métaux critiques répond aux besoins des grosses entreprises européennes, que ce soit pour l’#automobile, l’#aéronautique, l’#aérospatiale, les #drones, des #data_centers.

    L’argument d’une ruée minière pour produire des énergies renouvelables permet de verdir instantanément toute mine de cuivre, de cobalt, de lithium, de #nickel ou de terres rares. Il permet de justifier les #coûts_politiques de la #diplomatie des #matières_premières : c’est-à-dire les #conflits liés aux rivalités entre grandes puissances pour accéder aux #gisements. Mais par ailleurs, cette transition fondée sur la technologie et le maintien de la #croissance est bel et bien un gouffre pour la #production_minière.

    Ce discours de réenchantement et de relégitimation de la mine auprès des populations européennes vous semble-t-il efficace ?

    On est en train de créer un #régime_d’exception minier, avec un abaissement des garde-fous réglementaires et des formes d’extractivisme de plus en plus désinhibées, et en parallèle on culpabilise les gens. La #culpabilisation est un ressort psychologique très puissant, on l’a vu durant le Covid. On dit aux gens : « Si vous n’acceptez pas des mines sur notre territoire, alors on va les faire ailleurs, aux dépens d’autres populations, dans des conditions bien pires. » Or c’est faux. D’abord, la #mine_propre n’existe pas.

    Ensuite, la #loi européenne sur les #métaux_critiques elle prévoit qu’au mieux 10% de la production minière soit relocalisée en Europe. Aujourd’hui, on en est à 3%. Ce n’est rien du tout. On va de toute façon continuer à ouvrir des mines ailleurs, dans les pays pauvres, pour répondre aux besoins des industriels européens. Si l’on voulait vraiment relocaliser la production minière en Europe, il faudrait réduire drastiquement nos besoins et prioriser les usages les plus importants des métaux.

    Peut-on imaginer qu’un jour il existe une mine propre ?

    Si l’on considère la réalité des mines aujourd’hui, les procédés utilisés, leur gigantisme, leur pouvoir de destruction, on voit bien qu’une mine est intrinsèquement problématique, intrinsèquement prédatrice : ce n’est pas qu’une question de décisions politiques ou d’#investissements. L’idée de « #mine_responsable » n’est autre qu’une tentative de faire accepter l’industrie minière à des populations en prétendant que « tout a changé.

    Ce qui m’a frappé dans les enquêtes que j’ai menées, c’est que les industriels et parfois les dirigeants politiques ne cessent d’invoquer certains concepts, par exemple la #mine_décarbonée ou le réemploi des #déchets_miniers pour produire du #ciment, comme de choses qui existent et qui sont déjà mises en pratique. À chaque fois que j’ai regardé de plus près, le constat était le même : cela n’existe pas encore. Ce ne sont que des #promesses.

    Sur le site de la nouvelle mine d’#Atalaya à #Rio_Tinto en #Espagne, on voir des panneaux publicitaires alignant des #panneaux_photovoltaïques avec des slogans du type « Rio Tinto, la première mine d’autoconsommation solaire ». Cela donne à penser que la mine est autonome énergétiquement, mais pas du tout. Il y a seulement une centrale photovoltaïque qui alimentera une fraction de ses besoins. Tout est comme ça.

    Le constat n’est-il pas le même en ce qui concerne le recyclage des métaux ?

    Il y a un effet purement incantatoire, qui consiste à se rassurer en se disant qu’un jour tout ira bien parce que l’on pourra simplement recycler les métaux dont on aura besoin. Déjà, il n’en est rien parce que les quantités colossales de métaux dont l’utilisation est planifiée pour les années à venir, ne serait-ce que pour produire des #batteries pour #véhicules_électriques, n’ont même pas encore été extraites.

    On ne peut donc pas les recycler. Il faut d’abord les produire, avec pour conséquence la #destruction de #nouveaux_territoires un peu partout sur la planète. Ensuite, le recyclage des métaux n’est pas une opération du saint-Esprit ; il repose sur la #métallurgie, il implique des usines, des besoins en énergie, et des pollutions assez semblables à celles des mines elles-mêmes.

    L’accent mis sur le besoin de métaux pour la transition ne reflète-t-il pas le fait que les #multinationales ont réussi à s’approprier ce terme même de « transition », pour lui faire signifier en réalité la poursuite du modèle actuel ?

    Le concept de transition n’a rien de nouveau, il était déjà employé au XIXe siècle. À cette époque, la transition sert à freiner les ardeurs révolutionnaires : on accepte qu’il faut des changements, mais on ajoute qu’il ne faut pas aller trop vite. Il y a donc une dimension un peu réactionnaire dans l’idée même de transition.

    Dans son dernier livre, l’historien des sciences #Jean-Baptiste_Fressoz [Sans transition - Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil, 2024] montre que la #transition_énergétique tel qu’on l’entend aujourd’hui est une invention des #pro-nucléaires des États-Unis dans les années 1950 pour justifier des #investissements publics colossaux dans l’#atome. Ils ont tracé des belles courbes qui montraient qu’après l’épuisement des énergies fossiles, il y aurait besoin d’une #solution_énergétique comme le #nucléaire, et qu’il fallait donc investir maintenant pour rendre le passage des unes à l’autre moins brutal.

    La transition aujourd’hui, c’est avant tout du temps gagné pour le capital et pour les grandes entreprises. Les rendez-vous qu’ils nous promettent pour 2050 et leurs promesses de #zéro_carbone sont évidemment intenables. Les technologies et l’#approvisionnement nécessaire en métaux n’existent pas, et s’ils existaient, cela nous maintiendrait sur la même trajectoire de réchauffement climatique.

    Ces promesses ne tiennent pas debout, mais elles permettent de repousser à 2050 l’heure de rendre des comptes. Ce sont plusieurs décennies de gagnées. Par ailleurs, le terme de transition est de plus en plus utilisé comme étendard pour justifier une #croisade, une politique de plus en plus agressive pour avoir accès aux gisements. Les pays européens et nord-américains ont signé un partenariat en ce sens en 2022, en prétendant que certes ils veulent des métaux, mais pour des raisons louables. La transition sert de figure de proue à ces politiques impériales.

    Vous avez mentionné que l’une des industries les plus intéressées par la sécurisation de l’#accès aux métaux est celle de l’#armement. Vous semblez suggérer que c’est l’une des dimensions négligées de la guerre en Ukraine…

    Peu de gens savent qu’en 2021, la Commission européenne a signé avec l’#Ukraine un accord de partenariat visant à faire de ce pays une sorte de paradis minier pour l’Europe. L’Ukraine possède de fait énormément de ressources convoitées par les industriels, qu’ils soient russes, européens et américains. Cela a joué un rôle dans le déclenchement de la #guerre. On voit bien que pour, pour accéder aux gisements, on va engendrer des conflits, militariser encore plus les #relations_internationales, ce qui va nécessiter de produire des #armes de plus en plus sophistiquées, et donc d’extraire de plus en plus de métaux, et donc sécuriser l’accès aux gisements, et ainsi de suite.

    C’est un #cercle_vicieux que l’on peut résumer ainsi : la ruée sur les métaux militarise les rapports entre les nations, alimentant la ruée sur les métaux pour produire des armes afin de disposer des moyens de s’emparer des métaux. Il y a un risque d’escalade dans les années à venir. On évoque trop peu la dimension matérialiste des conflits armés souvent dissimulés derrière des enjeux « ethniques ».

    Faut-il sortir des métaux tout comme il faut sortir des énergies fossiles ?

    On a besoin de sortir de l’extractivisme au sens large. Extraire du pétrole, du charbon, du gaz ou des métaux, c’est le même modèle. D’ailleurs, d’un point de vue administratif, tout ceci correspond strictement à de l’activité minière, encadrée par des #permis_miniers. Il faut cesser de traiter le #sous-sol comme un magasin, de faire primer l’exploitation du sous-sol sur tout le reste, et en particulier sur les territoires et le vivant.

    Concrètement, qu’est ce qu’on peut faire ? Pour commencer, les deux tiers des mines sur la planète devraient fermer – les #mines_métalliques comme les #mines_de_charbon. Ça paraît utopique de dire cela, mais cela répond à un problème urgent et vital : deux tiers des mines sont situées dans des zones menacées de #sécheresse, et on n’aura pas assez d’#eau pour les faire fonctionner à moins d’assoiffer les populations. En plus de cela, elles émettent du #CO2, elles détruisent des territoires, elles déplacent des populations, elles nuisent à la #démocratie. Il faut donc faire avec une quantité de métaux restreinte, et recycler ce que l’on peut recycler.

    Vous soulignez pourtant que nous n’avons pas cessé, ces dernières années, d’ajouter de nouvelles technologies et de nouveaux objets dans notre quotidien, notamment du fait de l’envahissement du numérique. Réduire notre consommation de métaux implique-t-il de renoncer à ces équipements ?

    Oui, mais au préalable, quand on dit que « nous n’avons pas cessé d’ajouter des nouvelles technologies polluantes », il faut analyser un peu ce « nous ». « Nous » n’avons pas choisi de déployer des #caméras_de_vidéosurveillance et des #écrans_publicitaires partout. Nous n’avons pas choisi le déploiement de la #5G, qui a été au contraire contesté à cause de sa consommation d’énergie.

    La plupart d’entre nous subit plutôt qu’elle ne choisit la #numérisation des #services_publics, instrument privilégié de leur démantèlement et de leur privatisation : l’usage de #Pronote à l’école, #Doctissimo et la télémédecine dont la popularité est due à l’absence de médecins, etc. Dans le secteur automobile, la responsabilité des industriels est écrasante. Depuis des décennies, ils ne cessent de bourrer les véhicules d’électronique pour augmenter leur valeur ajoutée.

    Ces dernières années, ils ont massivement vendu d’énormes voitures électriques parce qu’ils savaient que le premier marché de la voiture électrique, c’était d’abord la bourgeoisie, et que les bourgeois achèteraient des #SUV et des grosses berlines. Donc quand je dis que nous devons réduire notre #consommation de métaux, j’entends surtout par-là dénoncer les industries qui inondent le marché de produits insoutenables sur le plan des métaux (entre autres).

    Mais il est vrai que nous – et là c’est un vrai « nous » - devons réfléchir ensemble aux moyens de sortir de l’#emprise_numérique. Du point de vue des métaux, le #smartphone n’est pas viable : sa sophistication et son caractère ultra-mondialisé en font un concentré d’#exploitation et d’#intoxication, des mines aux usines d’assemblage chinoises ou indiennes.

    Et bien sûr il a des impacts socialement désastreux, des addictions à la #surveillance, en passant par la « #surmarchandisation » du quotidien qu’il induit, à chaque instant de la vie. Là-dessus, il faut agir rapidement, collectivement, ne serait-ce que pour se protéger.

    https://basta.media/nous-assistons-a-une-escalade-de-la-predation-miniere
    #extractivisme #minières #électrification #acidification #contamination #hypocrisie #relocalisation #prédation #guerre_en_Ukraine #militarisation #déplacement_de_populations #dématérialisation #industrie_automobile

  • « Chacune des cinq “majors” du pétrole est contrôlée par pas plus de 25 actionnaires institutionnels »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/08/28/chacune-des-cinq-majors-du-petrole-est-controlee-par-pas-plus-de-25-actionna

    Les cinq plus grandes compagnies pétrolières privées du monde cotées en Bourse, surnommées Big Oil ou « supermajors » (Chevron, Exxon, Total, BP et Shell), attirent des milliers d’actionnaires individuels (les « petits porteurs ») et des milliers d’actionnaires institutionnels (fonds communs de placement, fonds de pension, assureurs…).

    Mais, de façon surprenante, chacune de ces cinq compagnies géantes est en réalité contrôlée par pas plus de 25 actionnaires institutionnels, qui détiennent la quasi-majorité ou une part dominante de leurs actions. Ces 25 actionnaires ne sont pas exactement les mêmes d’une entreprise à l’autre, mais on retrouve la plupart d’entre eux dans la liste des actionnaires dominants de chaque entreprise.

    Pour Chevron, le site Simply Wall Street, utilisé comme référence par Investopedia et Yahoo Finance, affichait ainsi, le 14 août 2024, que « les 25 principaux actionnaires détiennent 49,93 % de l’entreprise ». Cette affirmation correspond à celle trouvée trois jours auparavant sur le site du Nasdaq (l’une des deux principales Bourses américaines) : les 25 principaux actionnaires institutionnels de Chevron détenaient 51 % des actions, un peu plus que le chiffre fourni par Simply Wall Street.

    Les actionnaires institutionnels, 51,4 % de Total Energies

    Au total, 3 649 actionnaires institutionnels détiennent 73,23 % de Chevron, mais la moitié du capital est donc détenue par seulement 25 d’entre eux. Et la part des petits porteurs s’élevait, selon Simply Wall Street, à 25,7 %. Pour Exxon, les chiffres ne sont pas très différents. Selon Simply Wall Street, toujours le 14 août, 39,26 % des actions étaient détenues par ses 25 principaux actionnaires.
    Un calcul effectué le 12 août à partir des données du Nasdaq révèle un pourcentage un peu plus élevé pour les 25 principaux actionnaires : 44,86 %, tandis que 4 121 investisseurs institutionnels détenaient 66,19 % des actions. Les données de Simply Wall Street pour Total, BP et Shell, cotées aux Etats-Unis, ne sont pas, à la même date, notoirement différentes de celles des deux grandes compagnies pétrolières américaines.

    Pour Total Energies, les 25 principaux actionnaires détiennent 42,19 % de l’entreprise, soit un peu plus que tous les petits porteurs réunis, qui en détiennent 41,9 %. La participation du grand public est donc plus importante que pour les deux compagnies américaines, mais elle reste inférieure à celle des principaux actionnaires. En tout, les actionnaires institutionnels (y compris les 25) possèdent 51,4 % de Total, un pourcentage inférieur à celui des grandes compagnies pétrolières américaines. Les salariés actionnaires en détiennent 6,64 %.
    Les gestionnaires de fonds sont connus pour agir en meute
    Pour BP, 25 actionnaires détiennent 45,02 % de l’entreprise. Ce sont essentiellement des investisseurs institutionnels qui font partie des 75 % possédant l’entreprise alors que les petits porteurs n’en possèdent que 22,4 %.

    Pour Shell, les 25 principaux actionnaires (en grande majorité des investisseurs institutionnels) détiennent 37,78 % de l’entreprise, mais c’est toujours plus que les 33,6 % détenus par le grand public. Les investisseurs institutionnels (y compris les 25) détiennent en tout 64,1 % de la compagnie.

    Ainsi, les actionnaires détenant entre 38 % et 50 % de chacune des grandes compagnies pourraient se retrouver tous autour d’une table de banquet dans un restaurant chic de Manhattan – et peut-être le font-ils parfois. Ces propriétaires n’ont pas besoin de contrôler la majorité des actions ; une part substantielle est presque toujours suffisante.

    Pourquoi ? Parce que les gestionnaires de fonds sont bien connus pour agir en meute, et sont d’ailleurs très bien payés pour cela. Tant que chacun d’eux n’est pas plus mauvais que le gestionnaire moyen, ils peuvent généralement conserver leur emploi. Ainsi, l’incitation à éviter les risques et à faire ce que font les autres est plus que séduisante.

    Des gestionnaires de fonds en costume-cravate sombre

    Si la table de banquet des institutionnels décide de vendre, que fera l’actionnaire individuel (le prétendu « petit porteur ») ? Il peut simplement rester assis là à perdre de l’argent, ou faire ce que font les gros bonnets. Et ce ne sera guère différent pour les milliers d’autres investisseurs institutionnels qui ne sont pas à la table…

    Le restaurant mythique de Manhattan pourrait accueillir les véritables propriétaires de Shell pour le petit-déjeuner, les maîtres de BP pour le déjeuner, les détenteurs de Chevron pour un verre l’après-midi, ceux qui contrôlent Total pour le dîner et servir du whisky tard dans la nuit aux gars d’Exxon.

    Y a-t-il des Texans fanfarons en bottes de cow-boy et chapeau Stetson, ou des cheikhs arabes en robe blanche flottante et lunettes de soleil à cette table mythique ? Peut-être quelques-uns. Mais presque tous les autres ressembleraient plutôt à ces gestionnaires de fonds en costume-cravate sombre de BlackRock à Manhattan, de J.P. Morgan Chase sur Park Avenue, ou de Vanguard près de Philadelphie. Ces trois fonds américains figurent en effet toujours parmi les 25 principaux investisseurs institutionnels des cinq « supermajors », d’après une analyse détaillée publiée par l’ONG allemande Urgewald et 17 ONG partenaires le 7 juillet.

    Une difficile transition vers les énergies renouvelables

    Selon Urgewald, « les investisseurs institutionnels américains détiennent collectivement 2 800 milliards de dollars dans des entreprises de combustibles fossiles dans 62 pays et représentent 65 % du total des investissements institutionnels dans les entreprises de combustibles fossiles ». C’est 11 fois plus que les investisseurs institutionnels canadiens (254 milliards de dollars), 53 fois plus que les investisseurs institutionnels français (71 milliards de dollars).

    Selon un article de Bloomberg du 7 février, ces cinq grandes compagnies pétrolières « ont dépensé 113,8 milliards de dollars en paiement de dividendes et rachat d’actions en 2023 malgré l’effondrement des prix du #pétrole brut ». Ainsi, les prix du pétrole ont baissé, mais les versements aux 25 de la table du restaurant mythique ont augmenté.

    Ce que l’ONG Global Witness a condamné en ces termes dans un communiqué de presse du 19 février : « Une somme sans précédent de 200 milliards de dollars… a été versée aux investisseurs, ratant une opportunité exceptionnelle d’investir dans les énergies vertes et les emplois. » Le fait qu’une poignée de gestionnaires de fonds institutionnels contrôle cinq compagnies pétrolières majeures empêche-t-il la transition de ces compagnies vers les #énergies_renouvelables ? L’argent fait-il la loi ?

    #fonds_communs_de_placement #fonds_de_pension #assureurs

    • Selon Exxon, la quantité de pétrole consommé en 2050 sera la même qu’aujourd’hui
      https://www.rfi.fr/fr/environnement/20240826-selon-exxon-la-quantité-de-pétrole-consommé-en-2050-sera-la-même-qu-auj

      Deux visions du futur de l’#industrie_pétrolière. Deux visions opposées. D’un côté, l’AIE, l’Agence internationale de l’#énergie, rappelle qu’aucun nouveau projet ne doit voir le jour pour respecter l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5°. En 2050, avec les infrastructures déjà existantes, 24 millions de barils de pétrole seraient alors consommés par jour.

      De l’autre côté, les plus grandes entreprises du secteur anticipent une demande soutenue. Exxon s’attend même à ce qu’elle soit équivalente à celle d’aujourd’hui : 100 millions de barils quotidiens. Et malheureusement pour le #climat et ceux qui vont en subir les conséquences, les projections des pétroliers semblent plus pragmatiques.

      Matthieu Auzanneau est le directeur du Shift Project et auteur d’Or noir – la grande histoire du pétrole. « Si on regarde les dures réalités du marché, dit-il, les pétroliers sont plus réalistes que l’AIE. La demande mondiale de pétrole est plus forte que jamais, on a un déclin relativement lent dans les vieilles nations industrialisées, à l’exception très notable des États-Unis, mais sinon, dans le reste du monde, au mieux ça se maintient, et dans le pire des cas, en Asie en particulier, la croissance de la demande reste soutenue. »

      Une inconnue cependant, la production pourra-t-elle tenir un rythme aussi élevé ? Exxon répond sans surprise que oui, à condition de continuer à investir dans le secteur.

      #biodiversité #énergie_fossile

  • 100 ans de #Total_Energies - #Extractivisme et #violences coloniales

    Le 25 mars dernier, à l’occasion du centième anniversaire de Total Énergie, Avis de Tempête a été invité à réaliser un enregistrement en direct d’un épisode. 🎙️

    La Fête à Total était organisée par Extinction Rébellion, dans le cadre de leur campagne Carnage Total. Au programme : des stands, des cantines, des tables rondes, des ateliers thématiques pour revenir sur 100 ans de pratiques criminelles de TotalEnergies, penser la lutte contre la #multinationale et rêver à un avenir débarrassé des #énergies_fossiles.

    https://audioblog.arteradio.com/blog/177155/podcast/226376/s3-episode-hors-serie-3-100-ans-de-total-energies-extractivisme

    #audio #podcast #TotalEnergies #Total #pétrole #industrie_pétrolière #colonialisme #néo-colonialisme #violence #multinationales #écologie_décoloniale

  • Des #mines pour sauver la planète ?

    Pour réaliser la #transition_énergétique, il faudrait extraire en vingt ans autant de métaux qu’au cours de toute l’histoire de l’humanité. C’est « l’un des grands #paradoxes de notre temps », constate #Celia_Izoard.

    Journaliste, traductrice et philosophe, Celia Izoard examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques du développement des nouvelles technologies. Ce nouvel ouvrage s’intègre dans cette veine en explorant les effets délétères de la transition énergétique et numérique.

    La #transition verte nécessite d’extraire du #sous-sol des quantités colossales de #métaux. Ils seront ensuite destinés à la production des énergies bas carbone qui sauveront la planète. Cette course aux métaux supposée sauver la planète du dérèglement climatique n’aggrave-t-elle pas le chaos écologique, les dégâts environnementaux et les inégalités sociales ?

    Celia Izoard mène une vaste enquête sur ce phénomène mondial, inédit et invisible. Si d’autres ouvrages ont également mis en avant l’insoutenabilité physique d’une telle transition, la force de ce livre est d’élaborer un panorama de cette question grâce à des enquêtes de terrain et une analyse fournie sur les aspects culturels, politiques, économiques et sociaux des mines et des métaux.

    Le #mythe de la #mine_verte

    Au début du livre, Celia Izoard part à la recherche des mines du XXIe siècle, « responsables », « relocalisées », « 4.0 », ou encore « décarbonées, digitales et automatisées ». Par un argumentaire détaillé et une plongée dans des mines en #Espagne ou au #Maroc, l’autrice démontre que derrière ce discours promu par les institutions internationales, les dirigeants politiques et les milieux d’affaires se cache un autre visage. Celui de la mine prédatrice, énergivore et destructrice. Celui qui dévore l’habitat terrestre et le vivant.

    De façon locale, le processus de « radicalisation » de la mine industrielle est détaillé par le prisme de ses ravages sociaux. La mine est avant tout « une gigantesque machine de #déracinement » (p. 54), qui vide des espaces en expropriant les derniers peuples de la planète. En outre, la mine contemporaine expose les populations à diverses maladies et à l’intoxication. Dans la mine de #Bou-Azzer au Maroc, on extrait du « #cobalt_responsable » pour les #voitures_électriques ; mineurs et riverains souffrent de cancers et de maladies neurologiques et cardiovasculaires.

    L’ampleur globale de la #prédation du #secteur_minier au XXIe siècle est aussi esquissée à travers la production grandissante de #déchets et de #pollutions. Le secteur minier est l’industrie la plus polluante au monde. Par exemple, une mine industrielle de #cuivre produit 99,6% de déchets. Stockés à proximité des #fosses_minières, les stériles, de gigantesques volumes de roches extraits, génèrent des dégagements sulfurés qui drainent les #métaux_lourds contenus dans les roches et les font migrer vers les cours d’#eau. Les tuyaux des usines crachent en permanence les #résidus_toxiques qui peuvent, en fonction du #minerai traité, se composer de #cyanure, #acides, #hydrocarbures, #soude, ou des #poisons connus comme le #plomb, l’#arsenic, le #mercure, etc. Enfin, les #mines_zéro_carbone sont des #chimères car elles sont toutes très énergivores. La quantité nécessaire pour extraire, broyer, traiter et raffiner les métaux représentent environ 8 à 10% de l’#énergie totale consommée dans le monde, faisant de l’#industrie_minière un principal responsable du dérèglement climatique.

    La face sombre de la transition énergétique

    Dans la seconde partie, Celia Izoard montre que les élites sont « en train d’enfouir la crise climatique et énergétique au fond des mines » (p. 62). Cet impératif d’extraire des métaux pour la transition coïncide avec le retour de la question des #matières_premières sur la scène publique, dans un contexte où les puissances occidentales ont perdu leur hégémonie face à la Chine et la Russie.

    Depuis quand la transition implique-t-elle une relance minière et donc le passage des #énergies_fossiles aux métaux ? Cet argument se diffuse clairement à la suite de la publication d’un rapport de la Banque mondiale en 2017. En collaboration avec le plus gros lobby minier du monde (l’ICMM, International Council on Mining and Metals), le rapport stipule que l’industrie minière est appelée à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique – en fournissant des technologies bas carbones. #Batteries électriques, rotors d’éoliennes, électrolyseurs, cellules photovoltaïques, câbles pour la vague d’électrification mondiale, toutes ces infrastructures et technologies requièrent néanmoins des quantités faramineuses de métaux. La transition énergétique des sociétés nécessiterait d’avoir recours à de nombreux métaux de base (cuivre, #nickel, #chrome ou #zinc) mais aussi de #métaux_rares (#lithium, #cobalt, #lanthanide). L’#électrification du parc automobile français exige toute la production annuelle de cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de lithium.

    Au XXIe siècle, la matière se rappelle donc brusquement aux puissances occidentales alors qu’elles s’en rêvaient affranchies dans les années 1980. Pourtant, les sociétés occidentales n’avaient évidemment jamais cessé de se fournir en matières premières en s’approvisionnant dans les mines et les industries délocalisées des pays du Sud. Ce processus de déplacement avait d’ailleurs contribué à rendre invisible la mine et ses pollutions du paysage et de l’imaginaire collectif.

    Sous l’étendard de la transition qui permet d’anticiper les contestations environnementales et de faire adhérer les populations à cette inédite course mondiale aux métaux se cache le projet d’une poursuite de la croissance et des modes de vie aux besoins énergétiques et métalliques démesurés. Cette nouvelle légende de l’Occident capitaliste justifie une extraction de métaux qui seront également destinés aux entreprises européennes du numérique, de l’automobile, l’aérospatial, l’armement, la chimie, le nucléaire et toutes les technologies de pointe.

    « Déminer le #capitalisme »

    Ce #livre explore ensuite dans une troisième partie l’histoire du capitalisme à travers celle de la mine et des métaux. Elle montre comment s’est fondé un modèle extractiviste reposant sur des idéologies : le Salut, le Progrès, le Développement – et désormais la Transition ? L’extractivisme est permis par l’élaboration et le développement d’un ensemble de croyances et d’imaginaires qui lui donnent une toute puissance. C’est ce que Celia Izoard nomme : la « #cosmologie_extractiviste » (p. 211). Accompagnée par une législation favorable et des politiques coloniales menées par l’État et la bourgeoisie, puis par l’industrialisation au XIXe siècle, cette matrice a favorisé notre dépendance à un régime minier. Aux yeux du peuple amazonien des Yanomamis, les Blancs sont des « mangeurs de terre » (p. 215).

    Comment sortir de cette vision du monde occidental structuré autour de la mine dont l’objectif est l’accumulation de capital et de puissance. La solution minière, comme technologique, à la crise climatique est un piège, affirme Celia Izoard. Le mouvement climat doit passer par la #décroissance_minérale, par un « sevrage métallique autant qu’un sevrage énergétique » (p. 291). La réduction des consommations énergétiques et matérielles est une solution réaliste. Le quotidien des occidentaux est surminéralisé à l’instar de l’objet emblématique de notre surconsommation quotidienne de métaux : le smartphone. Il contient à lui seul, sous la forme d’alliage complexe, plus de 50 métaux. Les métaux ne devraient-ils pas être réservés aux usages déterminés comme essentiels à la vie humaine ?

    Pour sortir du #régime_minier, il est d’abord urgent de rendre visible la surconsommation de métaux dans le débat public. D’une part, cela doit passer par des mesures politiques. Instaurer un bilan métaux au même titre que le bilan carbone car l’idéologie de la transition a créé une séparation illusoire entre les ressources fossiles toxiques (charbon, pétrole et gaz) et l’extraction métallique, considérée comme salutaire et indispensable. Ou encore cibler la surconsommation minérale des plus riches en distinguant émissions de luxe et émissions de subsistance, comme le propose déjà Andreas Malm. D’autre part, pour « déminer le capitalisme » (p. 281), cela devra passer par un processus de réflexions et de débats collectifs et démocratiques, de mouvements sociaux et de prises de consciences individuelles, en particulier dans les pays hyperindustrialisés dont la surconsommation de métaux est aberrante.

    Non content de contourner l’obstacle de la « transition énergétique », l’extractivisme pousse les frontières toujours plus loin, justifiant la conquête de nouveaux eldorados : le Groenland, les fonds océaniques, voire les minerais extraterrestres. Face au processus de contamination et de dégradation de la planète mené par le secteur minier et industriel, les luttes contre les projets s’intensifient. Récemment, ce sont les Collas, peuple indigène du Chili, qui s’opposent aux géants miniers. Ces derniers ont pour projet d’extraire du lithium dans le salar de Maricunga ; cela entraînera le pompage de millions de mètres cubes d’eau dans les profondeurs des déserts de sel, ces emblèmes de la cordillère des Andes. La communauté colla en sera d’autant plus affaiblie d’autant plus qu’elle souffre déjà de l’exode urbain et de l’assèchement de la région. Les éleveurs devront aussi abandonner leurs élevages et s’engager vers les immenses cités minières de la région. En outre, la transhumance, la biodiversité, une quarantaine d’espèces sauvages locales (le flamant rose chilien, les vigognes ou les guanacos, etc.), sont menacées. Appuyés par leur porte-parole Elena Rivera, ils ne comptent pas se laisser faire et ont fait un recours au Tribunal environnemental de Santiago, qui traite des nombreuses controverses écologiques dans le pays. Au XXIe siècle, les débats et luttes organisés autour de l’extraction au Chili, deuxième pays concentrant le plus de lithium sur la planète, prouvent que les pauvres et les derniers peuples de la planète sont en première ligne face aux effets délétères sous-jacents à la « transition verte ».

    https://laviedesidees.fr/Des-mines-pour-sauver-la-planete
    #changement_climatique #climat #extractivisme

  • The atlas of unburnable oil for supply-side climate policies | Nature Communications
    https://www.nature.com/articles/s41467-024-46340-6

    To limit the increase in global mean temperature to 1.5 °C, #CO2 emissions must be drastically reduced. Accordingly, approximately 97%, 81%, and 71% of existing coal and conventional gas and oil resources, respectively, need to remain unburned.

    #climats #énergies_fossiles

  • Le Mensonge #Total. Enquête sur un criminel climatique

    L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée. C’est aussi celle où #TotalEnergies a annoncé le plus gros #bénéfice de son histoire : 19 milliards d’euros. Alors que le géant pétrolier rejette chaque année plus de gaz à effet de serre que l’ensemble des Français, il veut nous faire croire, à coups de vastes opérations de #greenwashing, qu’il est devenu un acteur majeur de la transition écologique.

    À partir d’enquêtes solides et accablantes, Mickaël Correia décrit dans ce livre l’arsenal des stratagèmes déployés par le fleuron industriel français pour continuer à nous submerger d’énergies fossiles : gaz faussement « neutre en carbone » ; forage de 400 nouveaux puits de pétrole en #Ouganda ; plantation d’une forêt en République du Congo pour s’acheter une image verte au détriment de paysans expropriés ; torpillage de politiques climatiques ; entrisme jusqu’au coeur de l’Élysée, etc.

    Comment stopper l’entreprise dans sa course climaticide vers toujours plus de profits ? Faut-il aller jusqu’à nationaliser voire démanteler cette multinationale privée qui pourrait à elle seule faire dérailler les accords mondiaux sur le climat ?

    https://www.seuil.com/ouvrage/le-mensonge-total-mickael-correia/9782021555141
    #livre #énergie #énergies_fossiles #pétrole

  • « La ruée minière au XXIe siècle » : le #mensonge de la #transition_énergétique

    La transition énergétique telle qu’elle est promue par les entreprises, les institutions et les gouvernements partout dans le monde repose sur l’extraction d’une quantité abyssale de #métaux. C’est ce paradoxe que décortique la journaliste et philosophe #Celia_Izoard dans son essai intitulé La ruée minière au XXIe siècle, qui paraît cette semaine au Québec aux Éditions de la rue Dorion.

    « Pour régler le plus important problème écologique de tous les temps, on a recours à l’industrie la plus polluante que l’on connaisse », résume l’autrice en visioconférence avec Le Devoir depuis son domicile, situé en pleine campagne dans le sud-ouest de la France.

    Cette dernière examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques des nouvelles technologies. Elle a notamment publié un livre sur la vie des ouvriers de l’entreprise chinoise Foxconn, le plus grand fabricant de produits électroniques au monde. Ironiquement, nos outils numériques font défaut au cours de l’entrevue, si bien que nous devons poursuivre la discussion par le biais d’une bonne vieille ligne téléphonique résidentielle.

    Les métaux ont beau être de plus en plus présents dans les objets qui nous entourent, dont les multiples écrans, l’industrie minière fait très peu partie de l’imaginaire collectif actuel, explique Mme Izoard d’un ton posé et réfléchi. « Je croise tous les jours des gens qui me disent : “Ah bon, je ne savais pas que notre système reposait encore sur la #mine.” Ça me conforte dans l’idée que c’était utile de faire cette enquête. Notre système n’a jamais autant reposé sur l’#extraction_minière qu’aujourd’hui. »

    L’extraction de métaux a déjà doublé en vingt ans et elle n’est pas en voie de s’amenuiser, puisque les #énergies dites renouvelables, des #batteries pour #voitures_électriques aux panneaux solaires en passant par les éoliennes, en dépendent. Elle est susceptible d’augmenter de cinq à dix fois d’ici à 2050, selon une évaluation de l’Agence internationale de l’énergie.

    « Électrifier le parc automobile français nécessiterait toute la production annuelle de #cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de #lithium dans le monde. Donc soit cette transition prendra beaucoup trop longtemps et ne freinera pas le réchauffement climatique, soit elle se fera dans la plus grande violence et une destruction incroyable », rapporte l’autrice.

    On bascule d’une forme d’extraction, du pétrole, à une autre, des métaux. « Cela n’a pas plus de sens que d’essayer de venir à bout de la toxicomanie remplaçant une addiction par une autre », juge-t-elle.

    Une justification officielle

    Les pouvoirs publics ne semblent pas y voir de problème. Ils font largement la promotion de cette #ruée_minière, promettant le développement de « #mines_responsables ». La #transition est la nouvelle excuse pour justifier pratiquement tous les #projets_miniers. « Une mine de cuivre est devenue miraculeusement une mine pour la transition », souligne Mme Izoard. Pourtant, le #cuivre sert à de multiples usages au-delà de l’#électrification, comme l’électronique, l’aérospatiale et l’armement.

    C’est dans ce contexte que la journaliste est partie à la recherche de mines responsables. Elle s’est documentée, elle a visité des sites d’exploitation, elle a consulté des experts de ce secteur d’activité et elle a rencontré des travailleurs, tout cela en #France, au #Maroc, au #Suriname et en #Espagne.

    Malgré les engagements publics et les certifications de plusieurs #entreprises_minières envers des pratiques durables et les droits de la personne, Celia Izoard n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait. Au cours de cette quête, elle a publié une enquête pour le média Reporterre au sujet d’une mine marocaine mise en avant par les constructeurs automobiles #BMW et #Renault comme étant du « #cobalt_responsable ». Or, il s’est avéré que cette mine empoisonne les sols à l’#arsenic, dessèche la #nappe_phréatique et cause des maladies aux travailleurs.

    « La #mine_industrielle est un modèle qui est voué à avoir des impacts catastrophiques à moyen et long terme. Ce n’est pas parce que ces entreprises sont méchantes et malhonnêtes, mais parce qu’il y a des contraintes physiques dans cette activité. Elle nécessite énormément d’#eau et d’énergie, elle occupe beaucoup d’espace et elle déforeste. »

    #Boues_toxiques et pluies d’oies sauvages

    Dans son livre, Mme Izoard décrit de nombreux ravages et risques environnementaux qui sont matière à donner froid dans le dos. Les premières pages sont notamment consacrées au phénomène du #Berkeley_Pit, une ancienne mine de cuivre devenue un lac acide causant la mort de milliers d’oies sauvages.

    « Rappelons-nous la rupture de digue de résidus de la mine de cuivre et d’or de #Mount_Polley en 2014, lors de laquelle 17 millions de mètres cubes d’eau chargée en #métaux_toxiques ont irréversiblement contaminé de très grandes superficies et des ressources en eau d’une valeur inestimable, a-t-elle souligné au sujet de cette catastrophe canadienne. Or, des bassins de résidus de même type, il y en a 172 rien qu’en #Colombie-Britannique, et les boues toxiques qui y sont stockées représentent l’équivalent d’un million de piscines olympiques. Malheureusement, avec le chaos climatique, les risques de rupture accidentelle de ces barrages sont décuplés. » Elle considère d’ailleurs que le Canada est « au coeur de la tourmente extractiviste ».

    Les gouvernements du #Québec et du #Canada soutiennent généralement que le développement minier sur leur territoire respectera des #normes_environnementales plus strictes, en plus d’utiliser de l’énergie plus propre. Cet argument justifierait-il l’implantation de nouvelles mines ? Non, estime Mme Izoard.

    « Aucun État puissant industriellement ne relocalise sa #production_minière ni ne s’engage à cesser d’importer des métaux. Ce qui est en train de se passer, c’est que les besoins en métaux explosent dans tous les domaines et que les entreprises minières et les États se sont mis d’accord pour créer des mines partout où il est possible d’en créer. Ce n’est pas parce qu’on accepte une mine dans sa région qu’il n’y aura pas de mine pour la même substance à l’autre bout du monde. » Il est peu probable, par exemple, que des batteries produites au Québec s’affranchissent totalement des métaux importés.

    Pour une #décroissance_minérale

    Celia Izoard estime plutôt qu’une grande partie des mines du monde devraient fermer, puisqu’elles sont situées dans des zones menacées par la sécheresse. Nous n’aurions alors pas d’autre choix que de nous engager dans une désescalade de la consommation de métaux, « une remise en cause radicale de la manière dont on vit ». Selon cette vision, il faudrait contraindre l’ensemble du secteur industriel à se limiter, tout comme on lui demande de réduire ses émissions de GES. Les métaux devraient être réservés aux usages alors déterminés comme étant essentiels. Les immenses centres de données, les avions, les VUS électriques et les canettes d’aluminium sont-ils nécessaires à la vie humaine ?

    « Il faut arrêter de se laisser intimider par le #déterminisme_technologique, soit l’idée que le #progrès suit cette direction et qu’on ne peut rien changer. Ce sont des choix idéologiques et politiques très précis avec du financement public très important. Il faut cesser de penser que les technologies sont inéluctablement déployées et qu’on ne peut pas revenir en arrière. »

    https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique
    #mines #extractivisme #terres_rares #pollution

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • « Affirmer que la #transition_énergétique est impossible, c’est le meilleur moyen de ne jamais l’engager »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/22/affirmer-que-la-transition-energetique-est-impossible-c-est-le-meilleur-moye

    Partant du double constat selon lequel il n’y a jamais eu, par le passé, de remplacement d’une source d’énergie par une autre ; et que les transformations énergétiques se sont toujours faites de manière additive (les énergies s’ajoutant les unes aux autres), certains historiens en déduisent, à tort selon nous, qu’il n’y aurait aucun horizon pour une sortie des fossiles. Cette sortie des fossiles (le « transitioning away from fossil fuels », dans le langage forgé à la COP28) serait donc condamnée par avance.

    Tel est le message récurrent de Jean-Baptiste Fressoz [chroniqueur au Monde] notamment, dans ses ouvrages ou tribunes, qui visent toutes à réfuter ce qu’il considère comme « la fausse promesse de la transition ».

    Or, ce déclinisme écologique est non seulement grandement infondé, mais également de nature à plomber les ambitions dans la lutte contre le changement climatique. Affirmer que la transition est impossible, c’est le meilleur moyen de ne jamais l’engager. A rebours de ce défaitisme, nous voulons ici affirmer, avec force, qu’il est possible de réussir cette transition.

    Certes, à l’exception des années de crise – financière en 2008-2009, sanitaire en 2020-2021 –, les émissions de CO2 n’ont jamais cessé d’augmenter, bien que sur un rythme ralenti, d’environ + 1 % annuel au cours des années 2010, contre + 3 % annuels dans les années 2000. Car, dans le même temps, la population mondiale continuait à augmenter, tout comme la satisfaction des besoins énergétiques d’une part croissante de cette population.

    Pourtant le désempilement des énergies a déjà lieu dans certaines régions du monde : c’est le cas en Europe, par exemple, qui a engagé sa transition énergétique. Parallèlement, des acteurs de plus en plus nombreux – Etats, entreprises, chercheurs, citoyens – intègrent aujourd’hui la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans leurs stratégies et comportements. L’ambition n’est pas encore assez affirmée, la mise en œuvre des transformations pas assez rapide et efficace, mais le mouvement est enclenché. Comment l’ignorer ?

    Sobriété, efficacité et investissements
    Le 11 janvier, Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), indiquait que les capacités installées dans l’année en énergies renouvelables avaient augmenté de 50 % entre 2022 et 2023. Pour la part des renouvelables dans la production d’électricité, l’AIE attend le passage de 29 % à 42 % en 2028 (de 12 % à 25 % pour les seules énergies éolienne et solaire). Depuis 1975, le prix des panneaux photovoltaïques est passé de 100 dollars par watt à moins de 0,5 dollar par watt aujourd’hui, soit une réduction de 20 % du coût pour chaque doublement des capacités installées ; c’est la mesure du taux d’apprentissage de la technologie. Et alors que la question du stockage de l’électricité devient de plus en plus cruciale, on constate le même taux d’apprentissage pour les batteries : depuis 1992, chaque fois que double le nombre de batteries produites, leur coût diminue de 18 %.

    Il est clair que ces progrès spectaculaires ne contredisent pas la thèse de l’additivité des énergies : si depuis 2016 les investissements dans les énergies décarbonées dépassent largement les investissements dans les énergies fossiles, ces derniers ont à nouveau augmenté après la baisse de 2020. Et la sortie des fossiles ne se vérifiera vraiment que le jour où l’augmentation de la production d’énergie décarbonée sera supérieure en volume à celle de la consommation totale d’énergie.

    Pour atteindre cet objectif, sobriété et efficacité énergétique sont indispensables afin de maîtriser la croissance de la demande. Mais il est également évident que sobriété et efficacité ne suffiront pas. Pour atteindre le plafonnement des émissions avant 2030, il faudra décupler les investissements dans ces énergies décarbonées, et notamment dans les pays du Sud, afin de faire baisser le volume des énergies fossiles : c’est la condition sine qua non pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un processus long et difficile, mais osons le dire : il n’y a pas d’autre solution, et nous pouvons y arriver.

    De nouvelles alliances s’imposent
    Serions-nous condamnés par l’histoire ? Faut-il prendre acte de notre impuissance supposée, ou poser un renversement complet du système comme condition préalable à la transition ? Dans les deux cas, cela serait très risqué, et franchement irresponsable.

    Car il n’y a pas de fatalité ! On trouve sur le site du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) une citation d’Albert Camus : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prédire, mais de le faire. » C’est dans cette perspective que s’inscrivent tous les acteurs des COP et des négociations internationales – que certains stigmatisent comme un « grand cirque » –, pour qui « dire, c’est faire ».

    Evidemment, dire ne suffit pas, et il faut aussi mobiliser des moyens puissants, politiques et financiers. Il faut également affronter ceux – lobbys industriels et politiques – qui, par fatalisme ou par intérêt, freinent cette transformation. Enfin, comme le suggère le philosophe Pierre Charbonnier, la création de nouvelles alliances s’impose entre ceux qui ont compris que la transition servait leurs intérêts, et surtout ceux de leurs enfants.

    La démarche des sciences de la nature et de la physique consiste à s’appuyer sur des constats d’observation pour en tirer des lois immuables. Elle s’applique mal cependant aux sciences sociales. Mais ces obstacles ne doivent pas empêcher de penser l’avenir, à la manière de Gaston Berger, le père de la prospective, qui ne cessait de rappeler : « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. »

    Signataires : Anna Creti, économiste, chaire Economie du climat, université Paris-Dauphine ; Patrick Criqui, économiste, CNRS, université Grenoble-Alpes ; Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, Sciences Po ; François Gemenne, politiste, HEC Paris ; Emmanuel Hache, économiste, IFP énergies nouvelles et Institut de relations internationales et stratégiques ; Carine Sebi, économiste, chaire Energy for Society, Grenoble Ecole de Management.

  • Occupied
    https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021466/occupied

    La #Russie occupe la #Norvège avec l’assentiment de l’UE [les E-U ont quitté l’Otan, ndc] pour s’approprier son #pétrole. Face à cette occupation “douce”, citoyens et politiques norvégiens doivent faire un choix : résister ou collaborer ? Série scandinave captivante, Occupied est un #thriller #géopolitique imaginé par le maître du polar Jo Nesbø.

    Une suggestion chronophage, avec manipulations et cliffhanger partout, toutes mes excuses. Une longue liste d’ingrédients, entre technocratie européenne et héritiers de l’okhrana et du KGB, le Kompromat comme si on y était ! avec espionnage et opérations spéciales, anti-terrorisme et campagnes en ligne, love affair et fermes à trolls, oligarques russes et coups d’état militaires, « conflits d’intérêt » (comme on dit pudiquement) et écologie sous l’angle exclusif du climat et des énergies fossiles (à la manière de Sabotage, ce film inspiré par la thèse de Malm), manifs (ridicules) et politique institutionnelle façon marigot mortel. De quoi stimuler notre passion pour des décideurs, tantôt marionnettistes, tantôt marionnettes.

    #série #énergies_fossiles #écologie #impuissance

  • # Le gouvernement veut délaisser les #énergies #renouvelables électriques au profit du #nucléaire

    Ce texte est une véritable bombe à plusieurs niveaux

    1-On dit clairement au monde : on s’en fout du climat, tout ce qu’on veut c’est relancer le nucléaire. C’est bien juste après la clôture de la cop28.
    2-RTE a dit plusieurs fois récemment que la relance du nucléaire c’était presque trop tard pour stopper le réchauffement climatique, faut surtout, dans l’urgence actuelle, tenter de sécuriser le parc nucléaire existant pour développer les ENR à côté (https://www.rte-france.com/actualites/bilan-previsionnel-transformation-systeme-electrique-2023-2035).
    RTE c’est un peu le corps d’ingénieure de l’état le plus respecté dans le monde de l’énergie par la qualité de son expertise et la pertinence de ses prévisions. Donc là on chie sur ce qu’ils ont pondu, on sent les bonnes habitudes prises pendant le covid (vous inquiétez pas, ça va passer)
    3- On vire TOUS les objectifs : réduction de CO2, production d’ENR...sauf qu’on s’est engagé au niveau européen (il me semble, j’en suis pas 100% sûr). Je n’imagine même pas le merdier politico-diplomatique que ça va foutre à l’échelle européenne.

    Je suis totalement estomaqué

    https://www.liberation.fr/environnement/climat/le-gouvernement-veut-delaisser-les-energies-renouvelables-electriques-au-
    https://www.liberation.fr/resizer/LDMXyje8ds9FsOqnL_jubsH88tc=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(3045x2605:3055x2615)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/GW2BSH7FU5EVNA53OKKVV4S6DQ.jpg

    Sans doute peu confiant dans la capacité de l’#atome à diminuer la dépendance du pays aux hydrocarbures, l’exécutif affaiblit aussi l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans le code de l’énergie : il ne s’agirait désormais plus de « réduire » mais de « tendre vers une réduction de » ces émissions. Soit une vague obligation de moyens et non de résultats.

  • Sans #transition. Une nouvelle #histoire de l’#énergie

    Voici une histoire radicalement nouvelle de l’énergie qui montre l’étrangeté fondamentale de la notion de transition. Elle explique comment matières et énergies sont reliées entre elles, croissent ensemble, s’accumulent et s’empilent les unes sur les autres.
    Pourquoi la notion de transition énergétique s’est-elle alors imposée ? Comment ce futur sans passé est-il devenu, à partir des années 1970, celui des gouvernements, des entreprises et des experts, bref, le futur des gens raisonnables ?
    L’enjeu est fondamental car les liens entre énergies expliquent à la fois leur permanence sur le très long terme, ainsi que les obstacles titanesques qui se dressent sur le chemin de la #décarbonation.

    https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557
    #livre #Jean-Baptiste_Fressoz

    • « #Transition_énergétique » : un #mythe qui nous mène dans le mur

      Transition énergétique, ce mot est partout aujourd’hui. Dans les discours du gouvernement, la communication des entreprises fossiles, des multinationales, dans les rapports scientifiques.. Le message est clair, face à l’urgence climatique, il nous faut opérer une transition énergétique pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et décarboner les économies d’ici à 2050. La notion de de #transition part de l’idée que nous devrions répéter les transition du passé, du bois au charbon puis du charbon au pétrole pour désormais aller vers le nucléaire et les renouvelables et ainsi échapper au chaos climatique. Pour Jean-Baptiste Fressoz, chercheur au CNRS, la transition énergétique n’est qu’une #fable créée de toute pièce par le capital et que toute l’histoire déconstruit. Dans son livre “ Sans transition” il écrit “Rien de plus consensuelle que la transition énergétique, rien de plus urgent que de ne pas y croire” L’historien des sciences le rappelle “après deux siècles de “transitions énergétiques”, l’humanité n’a jamais brûlé autant de pétrole et de gaz, autant de charbon et même de bois”. À l’échelle mondiale, il faut dire que la transition énergétique est invisible. Depuis le début du XXème siècle, les énergies et les ressources que l’on utilise se sont accumulées sans se remplacer. L’histoire de l’énergie est donc une histoire d’accumulation et de symbiose. Même la consommation de charbon, considéré comme l’énergie de la révolution industrielle, a battu un nouveau record en 2023. Les énergies renouvelables ne remplacent pas les fossiles, elles s’ y additionnent. Et les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter Alors la transition énergétique n’est-elle qu’une illusion ? Pour Jean Baptiste Fressoz, en se basant sur une lecture fausse du passé selon laquelle chaque énergie serait venue en remplacer une autre, nous nous empêchons de construire une politique climatique rigoureuse. Pourquoi la transition énergétique nous empêche de penser convenablement le défi climatique ? Comment cette notion s’est-elle imposée ? Et en quoi est-il urgent de ne pas y croire et de penser autrement nos réponses au plus grand défi du siècle ? Réponses dans cet entretien de Paloma Moritz avec Jean Baptiste Fressoz.

      https://www.blast-info.fr/emissions/2024/transition-energetique-un-mythe-qui-nous-mene-dans-le-mur-Inu5q1eWT0WwT7X

      #audio #podcast

    • Énergies : le #mythe de la #transition

      La notion de « transition énergétique » a été dévoyée, estime l’historien des sciences #Jean-Baptiste_Fressoz. Il explique pourquoi #charbon et #pétrole n’ont jamais remplacé le #bois. Et que la lutte contre le #changement_climatique doit se fonder sur des techniques disponibles et bon marché.

      Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de votre livre Sans transition – Une nouvelle histoire de l’énergie, qui vient d’être traduit en anglais et a obtenu le prix d’histoire du Sénat ?
      Jean-Baptiste Fressoz1 La nécessité de mettre l’histoire de l’énergie à la hauteur du défi climatique. Il y a un genre dominant, dans ce domaine : celui de la grande fresque énergétique de l’humanité, qui narre les transitions successives que l’on aurait accomplies par le passé – du bois au charbon, puis du charbon au pétrole – et qui préluderaient à la transition à venir en dehors des #énergies_fossiles. Le problème de cette approche, que je qualifie de « phasiste », est qu’elle minore la nouveauté radicale de ce qu’il faut accomplir maintenant, face au changement climatique.

      On dispose aussi d’une riche historiographie mono-énergétique sur le bois à l’époque préindustrielle, sur le charbon au XIXe siècle et sur le pétrole au XXe. Mais ces histoires des énergies et des matières ne peuvent se comprendre les unes sans les autres, elles sont interdépendantes, se complètent et se cumulent. En outre, 95 % du charbon a été extrait après 1900. Et le bois-énergie a énormément cru au XXe siècle, et plus fortement encore depuis les années 2000.

      Il faut donc arrêter de se focaliser sur les transitions et les basculements, de penser les énergies comme étant en compétition. Cela peut être le cas dans certains domaines (par exemple, les moteurs Diesel remplacent les machines à vapeur dans l’entre-deux-guerres), mais, globalement, aux XIXe et XXe siècles, l’histoire de l’énergie est celle de l’expansion.

      Il y a pourtant bien eu des ruptures – entre la bougie et l’électricité, par exemple ?
      J.-B. F. Tout à fait, mais ce sont des ruptures technologiques qui masquent la permanence des matières et des énergies. Donc, oui, l’#électrification représente une vraie révolution, qui rend obsolètes les lampes à pétrole. Mais, paradoxalement, elle entraîne une énorme croissance de la consommation de pétrole pour l’éclairage ! Dans les années 2000, les seuls phares des automobiles (le parc mondial est de 1,5 milliard de voitures) consomment bien plus de pétrole que le monde entier en 1900 quand tout le monde ou presque s’éclairait au pétrole. Et nos ampoules LED, aussi efficaces soient-elles, envoient presque 1 milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère – des milliers de fois plus qu’à l’époque du gaz d’éclairage et des lampes à pétrole…

      Quelles que soient les #innovations_technologiques, les #matières_premières n’ont pour le moment jamais été obsolètes. Les exceptions à cette règle sont rarissimes. L’#huile_de_baleine est un exemple unique de disparition d’une source d’énergie. Il y a aussi la laine de mouton, qui a reculé d’un tiers depuis les années 1950 face aux fibres synthétiques. Ou l’amiante, qui a diminué grâce à des interdictions. Mais, au bout du compte, l’éventail des matières consommées s’élargit et chacune est consommée en quantité croissante. On estime que le poids total des matières premières utilisées par l’économie au XXe siècle (l’extraction de biomasse, d’énergies fossiles, de minerais et de granulats ; on ne compte pas l’eau et l’air) a été multiplié par 12 !

      Mais si on prend le cas de la #révolution_industrielle, le charbon a bien remplacé le bois ?
      J.-B. F. Eh bien, non, pour une raison simple : pour exploiter des mines de charbon, il était indispensable d’étayer les galeries avec énormément de bois. Sous la pression des roches, les étais pliaient et devaient être remplacés régulièrement. Au début du XXe siècle, les mines britanniques engloutissent chaque année entre 3 et 4,5 millions de mètres cubes d’étais, alors qu’un siècle auparavant, les habitants ne brûlaient « que » 3,6 millions de mètres cubes de bois de feu. Comme la production de bois d’œuvre (c’est-à-dire de construction) requiert 4 fois plus de surface que celle du bois de feu (il faut attendre que les arbres grandissent), on peut estimer que l’Angleterre utilisait 6 à 7 fois plus d’espace forestier pour produire son énergie en 1900 qu’un siècle et demi auparavant.

      En Chine, le manque de bois sera pendant longtemps un obstacle majeur à l’extraction du charbon. Et les « chemins de fer » auraient dû être appelés « chemins de bois », car ils consommaient bien plus de bois que de fer, du fait des traverses qui devaient être fréquemment remplacées.

      Aujourd’hui encore, le bois est source d’énergie ?
      J.-B. F. Effectivement, cette utilisation du bois-énergie n’a fait que croître dans les pays riches au XIXe et aussi au XXe siècle. À cause de la production de papier et de carton d’emballage, et aussi parce qu’on produit de plus en plus d’électricité à partir de bois. De nos jours, la centrale thermique à bois de Drax, au Royaume-Uni, consomme à elle seule au moins quatre fois plus de bois que le pays tout entier deux siècles plus tôt. Un beau résultat, après deux siècles de transition énergétique…

      En France, l’entreprise Vallourec (fabricant de tubes en acier pour l’industrie du pétrole et du gaz) possède d’immenses plantations d’eucalyptus au Brésil. Cette seule entreprise consomme 1,2 million de mètres cubes de bois (transformés en granulés) par an, soit trois fois ce que la sidérurgie française tout entière consommait à son pic de consommation de charbon de bois, en 1860 ! Dans ce cas, on a du bois qui sert à faire de l’acier pour extraire… du pétrole.

      Enfin, le charbon de bois a l’image d’une énergie pré-industrielle. Pourtant, on n’en a jamais autant produit qu’aujourd’hui, notamment pour cuisiner, dans les pays en voie de développement. Depuis 1960, dans le monde, la quantité de bois de feu est passée de 1 à 2 milliards de mètres cubes. En Afrique, des mégalopoles de 10 millions d’habitants (Lagos, au Nigeria, Kinshasa, en République démocratique du Congo, Dakar, au Sénégal, Dar es-Salaam, en Tanzanie) consomment à elles seules plus de bois que des pays européens entiers un siècle plus tôt !

      Comment expliquer que l’on a ainsi présenté de façon erronée l’histoire des énergies ?
      J.-B. F. La raison est simple : les historiens se sont intéressés à l’énergie du point de vue économique, pour comprendre les racines de l’industrialisation et de la croissance. Pour ce faire, ils convertissent les tonnes de bois, de charbon, de pétrole en unités énergétiques, et considèrent l’évolution du mix en relatif. Et, effectivement, en 1900, dans les pays industrialisés, l’apport énergétique du bois, par exemple, devient négligeable par rapport à celui du charbon.

      Mais, du point de vue des arbres, de la biodiversité et du climat, ce sont les valeurs absolues qui importent. Or le nombre d’arbres abattus ne fait que croître. En outre, ils n’ont pas étudié les inter-relations entre les énergies – par exemple, tout le bois nécessaire à extraire le charbon ou tout le charbon nécessaire pour extraire et utiliser le pétrole.

      Malgré tout, dans les pays riches, la surface des forêts augmente. Elles ne semblent pas menacées ?
      J.-B. F. Oui, certains géographes parlent d’ailleurs de « transition forestière » pour décrire ce phénomène encourageant. Le problème, c’est qu’une bonne part de cette reforestation repose sur une déforestation dans les pays tropicaux, sur des transferts de biomasse (soja, pâte à papier…) vers les pays du Nord. En outre, la foresterie a été révolutionnée par le pétrole. C’est grâce à cette énergie qu’à partir des années 1950 de nouvelles tronçonneuses, légères, et des véhicules dotés de bras hydrauliques remplacent la force musculaire des bûcherons. Dans les années 1970, des engins capables d’abattre, d’ébrancher et de tronçonner un arbre en moins d’une minute rendent l’industrie forestière hyper productive. Reste à développer des milliers de kilomètres de routes forestières, avec des bulldozers roulant au diesel, et à accroître la productivité, grâce à des engrais de synthèse parfois épandus sur les forêts par avions…

      La sylviculture est devenue une branche de l’agriculture intensive. Avec une essence clé : l’eucalyptus, dont les rendements en climat tropical et dopés aux engrais sont faramineux. En ce sens, la transition forestière, n’est forcément pas une bonne nouvelle pour le climat.

      Le pétrole ne remplace pas plus le charbon que ce dernier n’a remplacé le bois ?
      J.-B. F. Non, car le pétrole sert avant tout à faire avancer des voitures qui consomment énormément de charbon pour leur fabrication. En outre, les carburants des années 1930 incorporent beaucoup de benzol, issu de la distillation de la houille. Les automobiles ont besoin de routes, donc de ciment, et d’acier, donc de charbon. Enfin, grâce au pétrole, utiliser le ciment est plus aisé (pensons au camion toupie) et le charbon devient moins cher, car plus facile à transporter grâce au camion à benne levante.

      Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a une symbiose entre toutes ces énergies. C’est avec des engins en acier, fabriqués avec l’énergie du charbon et mus par celle du pétrole, que la plupart des matières premières (bois, produits agricoles, métaux) sont produites, extraites, transportées. En 2020, les trois quarts de l’acier mondial sont produits avec… 1 milliard de tonnes de charbon.

      Le charbon a donc toujours de beaux jours devant lui ?
      J.-B. F. Je ne suis pas prospectiviste. Mais la production de charbon s’est effectivement beaucoup modernisée depuis les années 1980. Il s’exporte maintenant massivement. Il est probable que sa plus forte croissance historique soit passée. Mais rappelons que la Chine brûle à elle seule autant de charbon que le monde entier en 1980, et que la part des énergies fossiles dans le mix énergétique mondial demeure supérieure à 80 % aujourd’hui.

      Alors, d’où vient cette notion de transition énergétique ? Quand est-elle lancée ?
      J.-B. F. Elle vient de la futurologie atomique américaine des années 1950-1970. Elle est inventée par un petit groupe de savants qui sont passés par le projet Manhattan et sont persuadés que le surgénérateur nucléaire2 est la clef de survie de l’humanité pour faire face à la fin des ressources fossiles. Ils sont très minoritaires, et n’imaginent pas une telle transition avant trois ou quatre siècles. Mais l’idée de transition se diffusera dans le sillage de la crise pétrolière.

      Un discours de Jimmy Carter va jouer un grand rôle dans la fortune de cette expression. Le 18 avril 1977, devant les caméras de télévision, il commente trois courbes représentant trois systèmes énergétiques se succédant harmonieusement, et explique en substance que la première transition a eu lieu il y a 200 ans, quand nous sommes passés du pétrole au charbon, la deuxième avec l’utilisation du pétrole et du gaz naturel, et que, face à la raréfaction du pétrole, il est temps d’accomplir une troisième transition, vers le solaire et les économies d’énergie. Le Président ancre ce récit dans une histoire fausse.

      Pourquoi ce concept de transition, infondé, a-t-il connu un tel succès ?
      J.-B. F. C’est une expression simple et très inclusive. Dans la décennie 1970, tout le monde peut s’y retrouver : partisans du nucléaire, défenseurs du solaire, mais aussi promoteurs du charbon. Le scandale est que cette notion a été recyclée pour penser le défi climatique. Rappelons que les atomistes américains des années 1960 imaginaient une transition en trois ou quatre siècles. Or, face au réchauffement, il faut accomplir cette transition en trois ou quatre décennies, alors que les énergies fossiles sont abondantes.

      La raison de ce transfert est facile à comprendre : à partir de la fin des années 1970, ce sont des économistes – William Nordhaus étant le plus célèbre – qui ont fait leur classe pendant la crise énergétique qui s’emparent de la question climatique. Ils vont utiliser les mêmes raisonnements pour penser des problèmes qui étaient pourtant très différents. Le réchauffement climatique est une tragédie de l’abondance, et non de la rareté.

      Les énergies renouvelables ont-elles un rôle à jouer ?
      J.-B. F. Oui, bien évidemment. Les énergies renouvelables, surtout le solaire, coûtent de moins en moins chères et ont la capacité d’être déployables rapidement. Bien sûr, elles dépendent des ressources fossiles (acier, ciment, silicium), mais cela représente relativement peu de dioxyde de carbone (CO2). La vraie question est : que fait-on ensuite de cette électricité décarbonée ? Si on l’utilise pour faire rouler des voitures de 2 tonnes qui ont besoin de ponts en acier et de routes en ciment, on réduit l’intensité carbone de l’économie, certes, mais on ne règle pas le problème des émissions de CO2 !

      Et quid des véhicules électriques ?
      J.-B. F. La voiture électrique est avant tout une affaire de souveraineté énergétique. La moitié du parc mondial roule en Chine, où les deux tiers de l’électricité sont produits à partir du charbon. Pour l’instant, la voiture électrique a eu pour effet de renforcer la part du charbon face au pétrole dans la mobilité mondiale.

      Les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ont-ils proposé des solutions technologiques ?
      J.-B. F. Quand on se plonge dans leurs rapports, on est surpris par la technophilie incroyable qui y règne. Dans leur dernier document, il est fait référence au train hyperloop d’Elon Musk, l’hydrogène est partout, on y parle bitcoin et intelligence artificielle, mais le sujet de la sobriété est tout à fait marginal.

      Les experts du groupe III3 ont imaginé des solutions éminemment contestables à propos de la capture et du stockage du CO2 (CCS)4, poussés par l’industrie fossile, les cimentiers et la sidérurgie. Après avoir souligné, en 2001, que l’électricité au charbon avec capture du carbone reviendrait plus cher que l’électricité nucléaire, ils présentent en 2005 les capacités de stockage (dans les sous-sols ou au fond des océans) comme gigantesques et finalement pas si onéreuses !

      Surgit ensuite une idée encore plus extravagante : pomper du CO2 de l’atmosphère grâce à la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECSC)5. Concrètement, on brûle du bois pour faire de l’électricité, puis on récupère le CO2 à la sortie des cheminées pour l’enfouir dans le sol. Dans le rapport de 2014, le Giec prévoit ainsi (dans ses scénarios médians) des émissions négatives à hauteur de 10 milliards de tonnes de CO2 par an grâce à la BECSC ! Pourtant, il faut savoir que la production mondiale de bois, c’est 4 milliards de mètres cubes seulement. Donc, il faudrait au moins tripler ou quadrupler la production mondiale pour produire le bois qui serait ensuite brûlé dans ces centrales électriques équipées de dispositifs de CCS !

      Ces « solutions » sont donc irréalistes ?
      J.-B. F. On pourrait s’en amuser si elles n’influençaient pas les décisions politiques internationales et ne détournaient pas l’attention des véritables mesures à prendre. Les états ont adopté en 2015 l’Accord de Paris, qui reposait sur des promesses technologiques intenables inscrites dans le rapport du Giec de 2014.

      Aucun scientifique ne met en doute ces fausses solutions ?
      J.-B. F. Si, bien sûr. En 2017, une association des académies des sciences européennes les critique explicitement, soulignant qu’elles risquent d’aboutir à l’attentisme. Alors, dans le rapport de 2022, les experts du Giec les limitent un peu et ne parlent plus « que », selon les scénarios, de 170 à 900 gigatonnes6 de CO2 qu’il faut stocker d’ici à 2100. Mais ça reste énorme !

      La technologie ne nous permettra pas de lutter contre le réchauffement ?
      J.-B. F. Mon livre n’est pas technophobe. Le progrès technologique existe et il a même été gigantesque au XXe siècle. Par exemple, le passage de la machine à vapeur au moteur électrique divise par 10 l’intensité carbone de la force mécanique dans l’entre-deux-guerres. De nos jours, les renouvelables divisent par 12 l’intensité carbone de l’électricité par rapport au gaz. Ce que l’on fait avec les renouvelables, c’est diminuer l’intensité carbone de l’économie. Ni plus ni moins.

      La politique climatique doit être fondée sur des techniques disponibles, bon marché – peu importe qu’elles soient anciennes ou récentes. Par exemple, il ne sert probablement à rien de rêver d’avions à hydrogène ou de fusion nucléaire à l’horizon 2050. En revanche, on sait déjà décarboner l’électricité et, dans ce domaine, on peut sans doute parler de transition énergétique. Mais l’électricité ne représente que 40 % des émissions.

      Quelles solutions proposez-vous ?
      J.-B. F. C’est la question clé à laquelle mon livre ne répond absolument pas. Quelle politique climatique mener une fois que l’on comprend que la neutralité carbone est en grande partie illusoire et qu’on peut ralentir le changement, mais sans doute pas l’arrêter ? Si l’on veut réduire les émissions de secteurs comme l’aviation, le ciment, l’acier, le plastique, l’agriculture, autant de secteurs très difficiles à décarboner, il faut parler de niveau de production et donc de répartition. Il faut distinguer entre le CO2 utile et le CO2 inutile. Il faut transformer les comportements, et il faut sans doute plus d’égalité pour que ces transformations très profondes soient socialement acceptables. ♦

      https://lejournal.cnrs.fr/articles/energies-le-mythe-de-la-transition
      #transition_énergétique #énergie #histoire

  • L’OPEP déclenche l’indignation de plusieurs Etats à la COP28 après avoir demandé à ses membres de refuser tout accord ciblant les énergies fossiles
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/09/a-la-cop28-le-chef-de-l-opep-demande-aux-membres-de-refuser-tout-accord-cibl

    « Je suis stupéfaite de ces déclarations de l’OPEP, et je suis en colère », a déclaré la ministre de la transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher, à Dubaï. « Les énergies fossiles sont responsables de plus de 75 % des émissions de CO2. (…) Il faut en sortir si on veut limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, a-t-elle rappelé. La position de l’OPEP met en péril les pays les plus vulnérables et les populations les plus pauvres, qui sont les premières victimes de cette situation. »

    Pour rappel :
    https://disclose.ngo/fr/article/petrole-et-paradis-fiscaux-les-interets-caches-de-la-ministre-de-la-transi

    #climat #pétrole #énergies_fossiles #sans_vergogne

  • Dubaï : le temple fossile du capitalisme
    https://reporterre.net/COP28-La-grande-messe-pour-le-climat-dans-le-temple-du-capitalisme

    Dubaï, qui accueille la COP28 jusqu’au 12 décembre, est l’incarnation des effets délétères du capitalisme, qu’ils soient climatiques, environnementaux ou sociaux.

    L’information a de quoi choquer : Dubaï, ville des stations de ski créées ex nihilo, des travailleurs migrants surexploités et des influenceurs en quête de soleil et d’exil fiscal, accueille jusqu’au au 12 décembre la vingt-huitième conférence internationale pour le climat. L’occasion pour la première ville des Émirats arabes unis (EAU), sixième pays le plus riche au monde par habitant, d’être sur le devant de la scène internationale.

    De quoi mettre en exergue, aussi, la capacité jamais démentie du capitalisme à incorporer à sa sauce, de façon cynique, les valeurs au nom desquelles il est critiqué. Bien que symbolique du néolibéralisme dans tout ce qu’il a de plus délétère, c’est Dubaï et un président qui est aussi PDG d’une compagnie pétrolière qui accueillent des négociations cruciales pour l’avenir de la planète et de ceux qui y vivent.

    #Dubaï #énergies_fossiles #greenwashing #COP28

    (Source image : @redfrog@mamot.fr)

  • #TotalÉnergies : la #carte des #projets qui vont faire flamber le climat

    La date choisie n’est pas anodine : le 18 mai 2021 coïncide avec la parution du rapport Net Zero 2050 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ce document, réalisé par une organisation intergouvernementale qui défend la soutenabilité énergétique de la planète, préconisait l’arrêt immédiat du développement ou de l’extension de tout nouveau projet pétrogazier afin de contenir le réchauffement global des températures mondiales en dessous de 1,5 °C. Fixé par les scientifiques, ce seuil permettrait d’éviter un niveau insoutenable de réchauffement, qui se traduirait par la multiplication des catastrophes naturelles. Dix jours plus tard, le 28 mai, lors de l’assemblée générale de TotalÉnergies, son PDG, Patrick Pouyanné, avait assuré vouloir transformer le groupe en « une major de l’énergie verte » pour faire face à « la révolution énergétique en cours ». Pour marquer son ambition, l’entreprise Total s’était rebaptisée TotalÉnergies.
    Feu vert pour treize projets

    Depuis, il n’y a pourtant pas eu de tournant vert, encore moins de révolution. Bien au contraire.

    Comme le montre la carte de Reporterre, TotalÉnergies a annoncé ou reçu une « décision finale d’investissement », ce qui correspond à un feu vert pour lancer la production d’hydrocarbures, pour au moins treize nouveaux projets fossiles dont la compagnie française est l’opératrice ou l’actionnaire.

    Le 1er février 2022, elle a par exemple annoncé sa décision finale d’investir dans le forage de 400 puits dans le cadre des projets pétroliers de Tilenga et Kingfisher en Ouganda, rattachés à l’oléoduc East African Crude Oil Pipeline (Eacop), long de 1 440 kilomètres. Ils devraient rentrer en production en 2025 et atteindre une production cumulée de 230 000 barils par jour.
    Au moins une gigatonne de CO2 supplémentaire

    Quelques mois plus tôt, elle avait officialisé le lancement de la quatrième phase du projet Mero, situé en eaux profondes à 180 kilomètres des côtes de Rio de Janeiro, dans le bassin de Santos : une unité flottante de production d’une capacité de traitement liquide de 180 000 barils par jour. Son démarrage est prévu d’ici à 2025.

    Si l’on en croit les données du cabinet Rystad Energy, une société indépendante de recherche énergétique et de veille économique, communiquées à Reporterre par l’ONG Reclaim Finance, le projet North Field South, au Qatar, a obtenu sa décision finale d’investissement en 2023. Celui-ci fait partie de l’ensemble de projets North Field, pour lesquels TotalÉnergies a été sélectionné comme premier partenaire international de Qatar Energy, leur opérateur. Ils constituent, selon le Guardian et les scientifiques de l’université de Leeds, la troisième plus grosse « bombe carbone » au monde, et la première à ne pas déjà être en exploitation.

    Au total, si l’intégralité du pétrole et du gaz des projets validés par TotalÉnergies depuis mai 2021 était brûlée, cela représenterait au minimum une gigatonne de CO2 supplémentaire rejetée dans l’atmosphère. C’est 2,5 fois plus que les émissions annuelles de gaz à effet de serre de la France. L’estimation des émissions par projet provient des calculs estimatifs réalisés par Reporterre via les métriques King.
    Seize projets dans les starting blocks

    Le groupe français était, en 2022, la troisième firme mondiale ayant approuvé le plus de nouveaux projets pétrogaziers. Il était même la première entreprise privée, derrière les sociétés publiques saoudienne et iranienne.

    Reporterre a fait le choix de ne pas retenir, dans sa carte et ses calculs d’émissions, les projets ayant obtenu une décision finale d’investissement avant le 18 mai 2021, même s’ils sont entrés en phase de production entre temps. N’y figure pas, par exemple, le projet North Field East, que Total a rejoint en juin 2022, mais qui avait reçu sa décision finale d’investissement en février 2021.

    Nous avons aussi trouvé seize autres projets, au minimum, qui sont dans les starting blocks, en attente d’une décision finale d’investissement. Celle du projet d’extraction et d’exportation de gaz Papua LNG est prévue pour le début de 2024 en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Feu vert serait alors donné à l’installation de neuf puits, d’une usine de traitement du gaz, d’un gazoduc long de 320 kilomètres — majoritairement offshore — et de quatre trains de liquéfaction. La production, à hauteur de 6 millions de tonnes de gaz liquéfié par an, pourrait démarrer fin 2027 ou début 2028. « C’est une catastrophe pour les communautés papouasiennes, qui ont déjà les pieds dans l’eau », déclarait à Reporterre Peter Bosip, représentant du Centre pour les droits communautaires et la loi environnementale (Celcor), une ONG locale.

    « TotalÉnergies méprise autant les conclusions et recommandations scientifiques que la vie des citoyens »

    Signe d’une volonté inépuisable de poursuivre la production d’énergies fossiles, nous avons aussi relevé une soixantaine de projets d’exploration de nouveaux gisements pétrogaziers de la part de TotalÉnergies. Nous avons décidé de ne pas faire figurer les projets pour lesquels l’exploration n’a pas été probante et sur lesquels il est de notoriété publique que TotalÉnergies compte se retirer. Ces résultats sont corroborés par le rapport « Global Oil and Gas Exit List » publié le 15 novembre par l’ONG allemande Urgewald, qui montre que la compagnie française est celle qui explore ou développe de nouveaux champs dans le plus grand nombre de pays : 53.

    « Avec ces nouveaux projets pétroliers et gaziers, TotalÉnergies méprise autant les conclusions et recommandations scientifiques internationales que la vie des citoyens, dénonce Hadrien Goux, chargé de recherche et de plaidoyer carbone pour Bloom. Elle a pour réponse systématique que l’entreprise sera « neutre en carbone » à l’horizon 2050, laissant entendre que cela constitue un engagement suffisant, mais c’est faux : elle omet la nécessité de réduire ses émissions de CO2 de 45% d’ici 2030. Continuer d’investir dans les hydrocarbures est un choix criminel. »

    Le Programme de l’ONU pour l’environnement (PNUE), dans son rapport publié le 20 novembre sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions, pointe un décalage entre l’urgence climatique et les actions actuellement menées. Son constat est proche de celui contenu dans « l’avertissement » de Total : il montre que le monde va faire face à un réchauffement de 2,5 °C à 2,9 °C d’ici 2100.

    Mais, tandis que TotalÉnergies continue d’aller chercher du #gaz et du pétrole dans les sols, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a une autre analyse. Il appelle à arracher d’urgence « les racines empoisonnées de la crise climatique : les énergies fossiles ».

    #visualisation #cartographie #industrie_pétrolière #énergie #énergies_fossiles #projets_pétroliers #pétrole #monde

  • Le « Lancet Countdown » mesure les effets alarmants du changement climatique sur la santé
    https://archive.ph/2023.11.15-065408/https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/15/le-lancet-countdown-mesure-les-effets-alarmants-du-changement-climatique-sur

    Le nombre de personnes de plus de 65 ans mortes à cause de la chaleur a augmenté de 85 % depuis le début des années 1990 ; si le changement climatique n’avait pas lieu, cette hausse n’aurait été que de 38 %. En 2021, par rapport à la période 1981-2010, 127 millions de personnes supplémentaires à travers la planète se sont déclarées en situation d’insécurité alimentaire, une augmentation directement corrélée à la multiplication des vagues de chaleur et des mois secs.

    Ces indicateurs sont parmi les plus alarmants recensés dans le rapport 2023 du Lancet Countdown, issu des travaux de 114 experts de 52 pays et agences de l’Organisation des Nations unies (ONU), consacré aux impacts passés et futurs du changement climatique sur la santé, qui doit être publié mercredi 15 novembre par le journal médical britannique The Lancet.

    Autre enseignement, le nombre d’heures de travail perdues à cause des températures extrêmes a augmenté de 42 % entre les années 1990 et 2022. D’après The Lancet, cela représente un manque à gagner de 863 milliards de dollars (808 milliards d’euros) pour 2022. Dans les pays présentant les plus faibles indices de développement, l’agriculture représente 82 % du temps de travail supprimé.

    « Pollution de l’air domestique »

    La surface de terres touchées par la sécheresse extrême a augmenté de 29 % depuis les années 1950, relève le rapport. « Cela menace notre sécurité hydrique, notre sécurité alimentaire et évidemment les réseaux d’assainissement, avec un impact majeur sur la santé des populations, en particulier dans des zones telles que la Corne de l’Afrique », a déclaré Marina Romanello, directrice exécutive du Lancet Countdown et chercheuse au University College London, en présentant le rapport à la presse le 9 novembre.

    Quelque 92 % des foyers dans les pays les plus pauvres, et 66 % dans les pays à revenu intermédiaire, dépendent encore de la combustion de biomasse pour satisfaire leurs besoins en énergie, « ce qui conduit à des niveaux incroyablement élevés de #pollution de l’#air_domestique », selon Mme Romanello. Dans 62 pays étudiés, la pollution de l’air intérieur a causé 140 morts pour 100 000 habitants en 2022. La combustion en plein air a conduit, elle, à 1,2 million de morts l’année dernière – en légère baisse depuis 2005 (1,4 million).

    Les pays les plus développés ne sont pas à l’abri. Aux #Etats-Unis, la saison favorable à la transmission de parasites responsables du #paludisme s’est allongée de plus d’un tiers depuis les années 1950. Aux #Pays-Bas, les bébés de moins de 1 an ont subi 40 % de jours de vague de chaleur en plus entre 2013 et 2022 par rapport aux enfants du même âge pendant les années 1990-2000. La portion de côtes japonaises favorables au développement de bactéries pouvant causer des maladies telles que le choléra a augmenté de 20 % par rapport à la période 1982-2010, et s’étend maintenant sur 400 kilomètres.

    Nombre de morts causées par la chaleur multiplié par 4,7

    The Lancet a aussi estimé les effets, dans un proche avenir, d’une hausse de la température de 2 °C d’ici à la fin du siècle. Dans ces conditions, en 2050, le nombre de morts annuelles causées par la chaleur serait multiplié par 4,7. Le nombre d’heures de travail perdues du fait des températures extrêmes doublerait. Plus d’un demi-milliard de personnes supplémentaires feraient l’expérience d’une insécurité alimentaire modérée ou sévère. La probabilité de transmission de #maladies infectieuses telles que la dengue augmenterait de 37 %.

    « On voit déjà aujourd’hui les effets du changement climatique, ils sont un symptôme précurseur des dangers futurs », selon Marina Romanello. Or « le monde ne va pas dans la bonne direction, car la consommation d’énergies fossiles est encouragée par certains acteurs », ajoute-t-elle.

    De fait, selon le rapport, l’intensité #carbone du secteur de l’énergie a augmenté de 0,9 % en 2022, après avoir baissé significativement pendant la pandémie liée au Covid-19. Les pays les plus riches tirent 11 % de leur électricité de sources renouvelables, mais ce taux n’est que de 2,3 % dans les pays les plus pauvres.

    Les chercheurs relèvent que
    les entreprises productrices d’énergies fossiles sont désormais sur une trajectoire d’exploitation qui les conduira à dépasser de 173 %, en 2040, le niveau de production compatible avec la limite de 1,5 °C de réchauffement à la fin du siècle, fixée par l’accord de Paris. Cette prévision de dépassement en 2040 était plus basse l’année dernière, à 112 %.

    Mener « une action climatique centrée sur la santé »

    Parmi les rayons d’espoir, The Lancet souligne que la mortalité due à la pollution de l’air par les énergies fossiles a baissé de 16 % depuis 2005, 80 % de cette baisse étant imputée à une moindre consommation de charbon. Les emplois dans les énergies renouvelables ont augmenté de 5,6 % en 2021, à 12,7 millions d’employés. Le secteur a aussi reçu près de 500 milliards de dollars d’investissements en 2021. Les relations entre changement climatique et #santé font l’objet de trois fois plus de publications scientifiques aujourd’hui qu’en 2012. Et 94 % des villes ont désormais engagé ou terminé un processus d’évaluation des risques climatiques.

    Marina Romanello veut ainsi croire qu’« une action climatique centrée sur la santé peut encore assurer un avenir faste à tous ». En attendant, souligne-t-elle, « chaque tonne de #CO2 que nous continuons d’émettre empire nos perspectives ».

    Le rapport du Lancet « met au jour combien la communauté de la santé identifie des ramifications nombreuses et préoccupantes avec la question climatique, notamment les coûts sanitaires exorbitants en lien avec notre dépendance aux #énergies_fossiles », analyse l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) dans un commentaire écrit adressé au Monde. L’Iddri souligne que la 28e Conférence des parties sur le climat de l’ONU (COP28), organisée à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre et dont une journée sera consacrée à la santé, sera un « moment important pour envoyer un signal vers la sortie des énergies fossiles ».

    Le président désigné de la COP28, Sultan Al-Jaber, ainsi que le directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, et l’envoyée spéciale de l’OMS pour les changements climatiques et la santé, Vanessa Kerry, ont d’ailleurs signé dimanche dans Le Monde une tribune rappelant que, d’après l’OMS, une mort sur quatre à travers la planète « peut être attribuée à des causes environnementales évitables, et que les changements climatiques exacerbent ces risques ».

    « En 2030, si nous n’agissons pas, les changements climatiques conduiront bientôt à la submersion des systèmes de santé du monde entier », alertent-ils, en déplorant qu’une très petite partie des fonds multilatéraux destinés à l’action climatique soient dirigés vers le secteur sanitaire.

    #climat

  • Qui sont les poseurs de « bombes climatiques » ? - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=SKpFVE9UV2E

    Qui se cache derrière les « bombes carbone » ? Ces bombes sont des mégaprojets d’extraction de ressources fossiles dont les émissions de gaz à effet de serre sont estimées à plus d’un milliard de tonnes. Baptisées également « bombes climatiques », elles ont été référencées par Kjell Kühne, auteur d’une étude parue en 2022 dans la revue Energy Policy.

    Le Monde et un collectif de médias internationaux ont eu accès en exclusivité à des données fusionnées et analysées par les ONG Data for Good et Eclaircies (dont celles de Kjell Kühne). Les résultats de ce travail sont publiés sur CarbonBombs.org et révèlent l’implication des entreprises, banques et Etats dans le développement de ces bombes.

    A un mois de l’ouverture de la 28e conférence mondiale sur le climat (COP28), le 30 novembre, ces données permettent de montrer l’ampleur des bombes #carbone en développement, et la constellation d’acteurs qui leur permettent d’aller de l’avant.

    #CO2
    #climat
    #énergies_fossiles
    #criminels

  • En #Afrique, l’exploitation des #énergies #fossiles reste massivement destinée aux besoins de l’Occident
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/11/15/en-afrique-l-exploitation-des-energies-fossiles-reste-massivement-destinee-a

    Novembre 2022

    « De la Mauritanie au Mozambique, l’addiction de l’Europe aux énergies fossiles est un puissant moteur du développement de projets d’infrastructures de production de gaz naturel liquéfié (GNL) sur le continent, déplore Amos Wemanya, du club de réflexion Power Shift Africa. Ces projets de plusieurs milliards de dollars conduisent les pays africains à s’endetter davantage et les détournent d’une transition vers les énergies renouvelables. C’est mauvais pour le climat comme pour le développement de l’Afrique. »

    Le plaidoyer contre les énergies fossiles n’est pas seulement mené au nom de la lutte contre le dérèglement climatique. Il s’appuie aussi sur le bilan de décennies d’expérience au terme desquelles 600 millions d’Africains demeurent sans accès à l’électricité ; quand l’exploitation pétrolière ne s’accompagne pas, de surcroît, de désastres écologiques, comme dans le delta du Niger au Nigeria.

  • Dérèglement climatique : la Californie poursuit cinq compagnies pétrolières
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/16/changement-climatique-la-californie-poursuit-cinq-compagnies-petrolieres_618

    Exxon Mobil, Shell, BP, ConocoPhillips et Chevron sont visées par les poursuites. Cette action en justice fait suite à de nombreuses autres à l’initiative de villes, comtés et d’Etats américains contre des intérêts liés aux #énergies_fossiles.
    Elles auraient causé des milliards de dollars de dégâts et trompé l’opinion en minimisant les risques pour le #climat dus aux énergies fossiles. La Californie a engagé, vendredi 15 septembre, des #poursuites contre cinq des plus grosses compagnies pétrolières du monde, a rapporté le New York Times (NYT).

    [...]

    Depuis le début, il y a six ans environ, de la vague de procédures de ce genre contre des firmes pétrolières et gazières, le secteur a cherché à contrer les attaques en justice en jouant sur la procédure.
    Mais cet effort a connu un revers majeur en mai quand la Cour suprême américaine a dans deux cas refusé d’examiner un appel, laissant de ce fait les plaintes suivre leur cours en justice. Les poursuites s’inspirent de celles engagées avec succès contre les grandes entrepreprises du tabac, ou contre l’industrie pharmaceutique dans le cas de la prolifération des opioïdes.

  • Carbon cash machine

    As the world burns, shareholders are getting record cash pay outs from their fossil fuel investments. Cash earnings made by shareholders in the UK’s two largest oil companies BP and Shell are now triple the amount they were when the Paris Agreement was signed in December 2015.

    This is the headline finding of our new report written and researched in collaboration with Corporate Watch.

    The report uses a unique analysis of financial data to calculate the combined earnings of shareholders derived from dividend pay outs and share buybacks.

    We found that shareholders in BP and Shell have earned a total of £131 billion in dividends and share buybacks combined since the Paris Agreement was signed. And this is just the value of cash earnings; the value of their shares has risen significantly in this period.

    In the same period, the top 8 shareholders have significantly expanded their holdings in BP and Shell; those 8 companies alone have raked in a total of £28.7bn in cash earnings from both BP and Shell. The report analyses the environmental and social strategies of those top eight shareholders in BP and Shell and raises major questions about the failure of fossil fuel divestment strategies and market solutions to climate change.

    Those shareholders are not likely to be influenced by campaigners demanding divestment since they all use passive investment strategies. Passive investing is the strategy of buying and holding stocks and based on sector and market benchmarks, such as stock market indices such as Dow Jones, S&P 500 or Nasdaq. Passive investment strategies therefore involve fewer judgement calls and are more automated, making them less responsible to non-financial considerations.

    Asset management firms deploying passive investment strategies have ensured that the tidal wave of fossil fuel investment has not abated, despite growing demands for divestment. While some investors have decreased their shareholding in Shell and BP since 2016, a large majority have retained or increased their stakes in the two companies.

    The report concludes that we will not be able to stem the flow of oil unless we stem the flow of cash to rich investors. The report therefore raises fundamental questions about the limits facing divestment campaigns. While investment and divestment patterns will be explored in more detail in a follow-up report next month, the analysis we present here demonstrates that a move away from fossil fuels at a pace necessary to abate climate change is simply not possible while power is becoming even more concentrated in the hands of asset managers.

    https://ccccjustice.org/2023/08/08/carbon-cash-machine

    Pour télécharger le #rapport :
    https://ccccjustice.org/wp-content/uploads/2023/08/Carbon-Cash-Machine.pdf

    #énergies_fossiles #investissement #pétrole #combustibles_fossiles #énergie_fossile #BP #Shell #profits #dividendes #business

  • Vous voyez cette carte ?
    https://piaille.fr/@charles@akk.de-lacom.be/110808035782655614

    Elle représente le trafic maritime tel qu’il était il y a quelques minutes (source : marinetraffic.com).
    L’immense majorité de ces bateaux tourne aux fossiles.
    Et vous voyez les rouges ?
    Ils servent à transporter des carburants fossiles 🤷
    https://static.piaille.fr/cache/media_attachments/files/110/808/035/678/415/784/original/2098f9257bc680ad.png
    #climat

    #transport_maritime #carte #carburant #énergies_fossiles