• Coupes sombres dans le budget de l’Université d’Angers : les personnels sonnent l’alerte
    https://academia.hypotheses.org/62527

    Communiqué de presse de l’Assemblée Générale des personnels de l’université d’Angers réunie le 2 juin 2025 Face à l’austérité et au budget rectificatif de l’université d’Angers (UA) proposé en commission du budget le 27 mai 2025, qui impose des dizaines … Continuer la lecture →

    ##ResistESR #Actualités_/_News #Démocratie_universitaire #État_de_droit #Gouvernance_de_l'ESR #Serivces_publics #budets_universitaires #Université_d'Angers

  • Neuf États européens, dont l’#Italie et la #Belgique, veulent revoir la #Convention_européenne_des_droits_de_l'Homme

    L’Italie et huit autres États européens, dont le Danemark, la Pologne et la Belgique, ont publié jeudi une lettre ouverte (https://stm.dk/statsministeriet/publikationer/faelles-brev-om-konventioner) appelant à repenser la manière dont la Convention européenne des droits de l’Homme est interprétée, en particulier sur les #migrations. Plusieurs pays européens ont été condamnés ces dernières années par la justice européenne sur des affaires liées à l’immigration.

    « Nous voulons utiliser notre mandat démocratique pour lancer une nouvelle discussion ouverte sur l’#interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme ». Dans une lettre ouverte publiée jeudi 22 mai par les services de la Première ministre italienne, neuf dirigeants européens appellent à repenser la manière dont la Convention européenne des droits de l’Homme est interprétée, notamment en matière d’immigration.

    « Nous devons rétablir un juste équilibre. Et nos pays vont travailler ensemble pour faire aboutir cette ambition », indique le texte.

    Ce document a été diffusé à la suite d’une rencontre à Rome entre la chef du gouvernement #Giorgia_Meloni et la Première ministre danoise #Mette_Frederiksen, toutes deux ayant des positions très fermes sur l’immigration. Il a été également signé par les dirigeants de l’#Autriche, la #Belgique, l’#Estonie, la #Lettonie, la #Lituanie, la #Pologne et la #République_tchèque.

    « Nous appartenons à différentes familles politiques et sommes issus de différentes traditions politiques », ont écrit les signataires. Mais il est « nécessaire d’entamer une discussion sur la manière dont les conventions internationales répondent aux défis auxquels nous faisons face aujourd’hui », ont-ils ajouté.

    « Nous croyons aussi nécessaire de nous pencher sur la manière dont la #Cour_européenne_des_droits_de_l'Homme a établi son interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme ». Il s’agit notamment de voir « si la Cour, dans certains cas, a étendu la portée de la convention trop loin comparé aux intentions originelles fondant cette convention, faussant ainsi l’équilibre entre les intérêts à protéger ».

    « Nous croyons que l’évolution de l’interprétation de la Cour a, dans certains cas, limité notre capacité à prendre des décisions politiques dans nos propres démocraties », ont estimé les signataires.

    Les ONG n’ont pas manqué de réagir après la publication de cette lettre ouverte. « Il est triste de voir nos dirigeants européens s’unir pour saper les fondements mêmes de l’UE : les #droits_humains et l’#État_de_droit », a déclaré vendredi Silvia Carta, chargée de plaidoyer au PICUM (plateforme pour la coopération internationale sur les sans-papiers). « Si les dirigeants se soucient réellement de la sécurité des personnes et de la protection des victimes, ils devraient cesser de démanteler les systèmes de protection sociale et commencer à investir dans les soins, au lieu de faire des migrants des boucs émissaires à des fins politiques. »

    Des États condamnés par la #justice européenne

    La Première ministre italienne d’extrême droite a fait de la lutte contre l’immigration irrégulière sa priorité depuis sa prise de fonction fin 2022. Son projet visant à mettre en place des centres de rétention en Albanie s’est heurté à une série d’obstacles légaux.

    Des juges italiens ont refusé de valider la rétention en Albanie de migrants interpellés en mer par les autorités italiennes, renvoyant la question de la légalité de cette mesure à la Cour européenne de justice. Celle-ci ne s’est pas encore prononcée.

    Plusieurs pays européens sont aussi en attente d’un jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme (#CEDH). C’est le cas de la Pologne, de la Lettonie et de la Lituanie qui ont comparu en mars pour refoulements illégaux de migrants à leurs frontières. La décision n’a pas encore été rendue dans ces affaires.

    En janvier, dans un jugement inédit, la CEDH avait condamné la Grèce pour refoulement illégal de migrants, une pratique contraire au droit international et à la convention de Genève relative au statut des réfugiés.

    La Belgique, quant à elle, a été épinglée en septembre 2024 par le Conseil de l’Europe pour son non-accueil des demandeurs d’asile. Bruxelles a été sommée d’augmenter la capacité de son réseau d’accueil car elle ne respecte pas les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme. En 2023, cette même Cour avait condamné l’État belge après la plainte d’un demandeur d’asile guinéen. Celui-ci n’avait pas pu obtenir de place d’hébergement auprès des autorités, et a été contraint de dormir dehors pendant plus de quatre mois.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64737/neuf-etats-europeens-dont-litalie-et-la-belgique-veulent-revoir-la-con

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64737/neuf-etats-europeens-dont-litalie-et-la-belgique-veulent-revoir-la-con
    #attaque

    ping @reka @isskein

  • Joachim Steinhöfel gegen die BRD : „Die abgewählte Regierung hat keinen Respekt vor den Grundrechten“
    https://www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/joachim-steinhoefel-gegen-die-brd-die-abgewaehlte-regierung-hat-kei

    Après avoir lu l’article suivant on ne considère plus la RFA comme un état de droit. Lors ce que la justice condamne une administration á fournir certaines informations puis qu’elle refuse ensuite explicitement à respecter la décision des juges il n’y a pas d’autre interprétation possible.

    Mon expérience professionnelle me fait penser la même chose : Lors ce que des forces assez puissantes politiques ou économiques sont en jeu il est impossible de faire respecter la loi contre leur gré. Les lois censées protéger le commun des mortels ne sont en Allemagne qu’une façade érigée pour faire croire que le contrat social en place nous donne tous les mêmes droits. Dans la réalité on accumule les indices qui prouvent le contraire.

    D’ailleurs quand les protestations et revendications du petit peuple deviennt trop gênantes on introduit des lois pour rendre illégales leurs revendications. Exemple : après avoir refusé pendant longtemps à faire respecter la journée de travail de huit heures on change la loi pour légaliser les journées de douze heures. En même temps on abolit l’obligation de bien documenter les heures de travail et affaiblit ainsi la position des employés qui réclament qu’on les paye pour leur temps de travail entier.

    Nous vivons sous une dictature des riches et puissants.

    5.5.2025 von Tomasz Kurianowicz - Medienanwalt Joachim Steinhöfel legt sich immer wieder mit deutschen Behörden an. Will sich das Bundesamt für Justiz nun rächen? Ein Gespräch.

    Der Jurist Joachim Steinhöfel gehört zu den profiliertesten Medienanwälten dieses Landes. Er engagiert sich in schwierigen, heiklen Fälle, seine Erfolgsquote ist überragend hoch. Einer seiner jüngsten spektakulären Streitfälle betrifft das Bundesamt für Justiz. Obwohl die Bundesoberbehörde einen Rechtsstreit gegen Steinhöfel verloren hat, will sie sich an richterliche Entscheidungen nicht halten. Am Donnerstag wird ein weiterer Streitpunkt verhandelt.

    Berliner Zeitung: Herr Steinhöfel, seit mehr als zweieinhalb Jahren streiten Sie sich mit dem Bundesamt für Justiz. Dazu gibt es eine Vorgeschichte. 2022 nannten Sie auf Twitter den baden-württembergischen Antisemitismusbeauftragten Michael Blume „antisemitisch“. Warum?

    Joachim Steinhöfel: Die Fälle antisemitischer Entgleisungen Blumes sind umfangreich. Blume hat den britischen Generalmajor Orde Wingate, der in Israel aufgrund seines politischen und militärischen Engagements in den 30er-Jahren Nationalheldenstatus genießt, als ‚Mörder‘ und ‚Kriegsverbrecher‘ bezeichnet. Der frühere israelische US-Botschafter Michael Oren und andere israelische Offizielle forderten darauf seinen Rücktritt. Das Simon Wiesenthal Center führte Blume 2021 auf seiner Liste der „Top Ten der schlimmsten antisemitischen Vorfälle“ auf. Kritisiert wurde insbesondere, dass er Inhalte unterstützte, die Zionisten mit Nazis verglichen oder antisemitische Stereotype bedienten. Ein Holocaust-Überlebender kritisiert, Blume greife den regelmäßig gegen Juden angeführten antisemitischen Vorwurf auf, dass „die Juden sich für den Antisemitismus selbst die Schuld geben müssen“. Auf X verbreitete Blume die antisemitische Karikatur eines „Palästina-Portal“ über den israelischen Journalisten Benjamin Weinthal. Die antisemitische Bildsprache, die den Missbrauch der Israelflagge zeigte, retweetete Blume. „Blume ist ein ‚nützlicher Idiot‘ der Antisemiten“ befand Prof. Dr. Michael Wolffsohn in der „Neuen Zürcher Zeitung“.

    „Wie ein Oppositionsverbot“: Steinhöfel kritisiert AfD-Entscheidung

    Causa Alischer Usmanow: Münchner Merkur unterzeichnet Unterlassungserklärungen

    X (früher Twitter) löschte den Tweet, sie gingen dagegen vor und argumentierten, bei dem Tweet handele es sich um eine „polemische Meinungsäußerung“. Wer hat gewonnen?

    Ich habe zunächst eine einstweilige Verfügung gegen X erwirkt und danach auch das Hauptsacheverfahren rechtskräftig gewonnen. Das Landgericht hat festgestellt, dass für die Bezeichnung von Blume als Antisemit „hinreichende Anknüpfungstatsachen“ vorliegen.

    Ist Ihr Tweet weiterhin öffentlich oder wurde er gelöscht?

    Der Tweet ist online.

    Baden-Württemberg leistet sich einen antisemitischen Antisemitismusbeauftragten. Wir erinnern uns auch, dass der Ministerpräsident ein Fan von Waschlappen ist. pic.twitter.com/yHbN011XfT
    — Steinhoefel (@Steinhoefel) September 30, 2022

    Sie beantragten beim BfJ Akteneinsicht, um herauszufinden, welche Personen beim BfJ mit der Beantragung zur Löschung des Tweets beteiligt waren. Konnten Sie die Namen herausfinden?

    Da das Bundesamt für Justiz eine unanfechtbare gerichtliche Entscheidung ignorierte... noch nicht.

    Nochmal fürs Protokoll: Sie gingen vor das Amtsgericht Bonn und verlangten Akteneinsicht beim BfJ. Das Gericht gewährte Ihnen die Akteneinsicht. Doch die Behörde blockte ab. Richtig?

    Das Bundesamt für Justiz hat durch eine inkompetente und untergeordnete Mitarbeiterin mitgeteilt, man werde die Akteneinsicht trotz unanfechtbarer Entscheidung zunächst nicht gewähren.

    Daraufhin haben Sie die Öffentlichkeit auf X über den Vorgang informiert. Sie schrieben in einem Tweet: „Ich habe rechtskräftig gegen die BRD, vertreten durch das Bundesamt für Justiz, ein Verfahren gewonnen, wonach mir Akteneinsicht zu gewähren ist. Eine inkompetente Sachbearbeiterin (Profil verlinkt) dort meint nun, sie könne diese Entscheidung ignorieren.“ Sie nannten die Referentin, die Ihnen die E-Mail schrieb, eine „untergeordnete“ und „inkompetente Sachbearbeiterin“. Außerdem veröffentlichten Sie ein Profilbild der Referentin, das sie mit einem Kopftuch zeigt.

    Ich habe das von der Sachbearbeiterin selbst erstellte und öffentlich gemachte Profil auf LinkedIn, in dem sie auch ihren Arbeitgeber nennt und ein Foto zeigt, verlinkt. Die Öffentlichkeit hat einen Anspruch darauf, zu erfahren, wer in einer dem Justizministerium untergeordneten Behörde glaubt, eine gerichtliche Entscheidung ignorieren zu können.

    Das BfJ hat nach Ihrem Protest auf X Beschwerde gegen Sie bei der Hanseatischen Rechtsanwaltskammer eingelegt und gesagt, Sie hätten die Referentin des BfJ, deren Profil sie öffentlich machten, verleumdet. Üble Nachrede und Beleidigung wird Ihnen vorgeworfen, es werden Disziplinarmaßnahmen gefordert. Wie entgegneten Sie dem Vorwurf?

    Mit einem Antrag auf Erlass einer einstweiligen Anordnung gegen diese Persönlichkeitsrechtsverletzungen. Dem unmittelbar an die Grundrechte gebundenen Staat verbietet es das allgemeine Persönlichkeitsrecht, sich ohne rechtfertigenden Grund herabsetzend über einen Bürger zu äußern, etwa eine von diesem vertretene Meinung abschätzig zu kommentieren. Noch drastischer war es, dass der Staat hier wegen zulässiger Meinungsäußerungen sogar anwaltsgerichtliche Schritte forderte. Das war ebenso impertinent und übergriffig wie rechtlich lächerlich.

    Das „Lügenverbot“ der Bundesregierung: Angriff auf die Meinungsfreiheit und Gefahr für die Demokratie

    Hat die Hanseatische Rechtsanwaltskammer Sanktionen gegen Sie beschlossen?

    Natürlich nicht. Meine Äußerungen sind nicht nur glasklar zulässig und zutreffend. Sie sind auch von der Meinungsfreiheit gedeckt.

    Sie haben mehr als ein Dutzend Fälle im Jahr 2024 gegen die Bundesrepublik gewonnen. Sehen Sie den Kampf des BfJ gegen Sie als Racheakt der Bundesrepublik?

    Das ist spekulativ, aber das kann man wohl so sehen. Der „Spielstand“ der Verfahren, die ich in 2024 gegen die Bundesrepublik bis zum Verfassungsgericht gewonnen habe, lautet 16:0. Das ist natürlich besonders demütigend. Es ist ein Beleg dafür, dass die abgewählte Regierung keinen Respekt vor den Grundrechten von Bürgern und Journalisten hat.

    Wie Sie sagten, haben Sie einen Antrag auf Erlass einer einstweiligen Anordnung gegen die Bundesrepublik Deutschland eingereicht. Dieser wird vor dem Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen am Donnerstag verhandelt. Was beinhaltet der Antrag und wann ist eine Entscheidung zu erwarten?

    Ich verlange die Untersagung verschiedener Äußerungen des Staates in der an die Anwaltskammer gerichteten Beschwerdeschrift. Darunter die Behauptung der Begehung von „Straftaten“ der Beleidigung und Verleumdung und die Forderung, ich sei „berufsrechtlich zur Verantwortung zu ziehen“. Womit man bei der Anwaltskammer – natürlich – grandios gescheitert ist.

    Wie bewerten Sie das Vorgehen des BfJ gegen Sie?

    Eine dem Justizministerium unmittelbar untergeordnete Behörde meint, sie müsse unanfechtbare Gerichtsentscheidungen nicht beachten und legt dann eine durch die Behördenspitze genehmigte, völlig aussichtslose Beschwerde gegen den Anwalt ein, der ihr diese Niederlage vor Gericht zugefügt hat. Das zeigt, dass die Inkompetenz nicht nur bei der untergeordneten Mitarbeitern zu lokalisieren ist, sondern auch in der Behördenspitze.

    Zur Person

    Der Autor ist einer der renommiertesten und erfolgreichsten deutschen Medienrechtler. Laut Zeit hat er mit seinen Prozessen gegen die sozialen Medien „Rechtsgeschichte geschrieben“, die Welt stellte fest: „Um die Meinungsfreiheit dürfte sich in Deutschland kaum ein Jurist so verdient gemacht haben wie Steinhöfel“. Im Jahre 2024 hat er 16 presse- und persönlichkeitsrechtliche Verfahren gegen die Bundesrepublik Deutschland geführt und diese vor dem Bundesverfassungsgericht, Oberverwaltungs- und Zivilgerichten sämtlich gewonnen. Sein im Mai 2024 erschienenes Sachbuch „Die digitale Bevormundung“ (Julian Reichelt: „Ein Manifest der Meinungsfreiheit“) erreichte Platz 1 der Spiegel-Bestsellerliste und gehört zu den meistverkauften Sachbüchern des Jahres 2024.

    #Allemagne #administration #état_de_droit

  • Voilà une justice de classe qui se tient sage ! Mantes-la-Jolie : non-lieu dans l’enquête sur les conditions d’interpellations d’une centaine de lycéens en 2018
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mantes-la-jolie-non-lieu-dans-l-enquete-sur-les-conditions-d-interpellation

    Dans une vidéo devenue virale, un policier les avait qualifiés de « classe qui se tient sage ». Un non-lieu a été ordonné dans l’enquête sur les conditions d’interpellation de quelque 150 lycéens à Mantes-la-Jolie (Yvelines) fin 2018, a appris l’AFP lundi 7 avril 2025 de source proche du dossier.

    Les trois policiers, témoins assistés dans ce dossier, faisaient face lors de ces interpellations, dans un contexte de manifestations houleuses contre certaines réformes, à des « circonstances exceptionnelles » du fait du nombre de personnes interpellées et du « déficit de matériel et de policiers », a estimé le juge dans l’ordonnance de non-lieu que l’AFP a consultée. « Dans de telles circonstances, le maintien des personnes interpellées, à genoux puis assis, dans l’attente du transport (...) poursuivait un but légitime (...) et était nécessaire et proportionné », poursuit ce document.

  • « Lorsqu’il s’agit d’arbitrer entre intérêts économiques et protection de la nature, l’Etat de droit se fait tout à coup très discret »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/04/06/lorsqu-il-s-agit-d-arbitrer-entre-interets-economiques-et-protection-de-la-n


    Le chantier de l’autoroute A69 près de Puylaurens (Tarn), le 14 mars 2025. ED JONES / AFP

    Un jugement exécutoire controversé, une magistrate dénigrée et jetée en pâture sur les réseaux sociaux, des critiques contre les juges qui fusent dans le monde politique et les médias, une loi en préparation pour circonvenir la décision de justice… La séquence des événements qui ont suivi la condamnation en première instance de Marine Le Pen à quatre ans de prison, dont deux ferme, et cinq ans d’inéligibilité, et le jugement du 27 février du tribunal administratif de Toulouse annulant le projet autoroutier A69 se ressemblent, trait pour trait.

    A ce détail près que, dans le premier cas, plusieurs voix se sont élevées pour condamner une remise en question caractérisée de l’#Etat_de_droit, alors que, dans le second, la conversation publique s’est plutôt focalisée sur l’absurdité supposée d’annuler un projet déjà si avancé. Bien sûr, les conséquences politiques de l’une et l’autre décisions sont sans commune mesure, mais les deux caractérisent un même genre d’atteinte à l’Etat de droit. L’une peut être jugée gravissime, au point de déclencher la mobilisation de partis de gauche ; l’autre passe complètement inaperçue.

    https://archive.ph/gXdmj

    #écologie #droit

  • Trois idées reçues sur les rapports entre le droit et la politique (et sur le « gouvernement des juges ») - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2025/04/02/trois-idees-recues-sur-les-rapports-entre-le-droit-et-la-politique-et-sur-le-

    Par Lauréline Fontaine, juriste

    Le verdict de culpabilité à peine prononcé à l’endroit des dirigeants du Rassemblement national et de leur organisation, la petite musique du « gouvernement des juges » se faisait bruyamment entendre. C’est l’occasion de montrer comment cet argumentaire dangereux et fallacieux a été progressivement inscrit au sein de notre espace démocratique pour saper, en opposant droit et politique, un des fondements de l’État de droit : la séparation des pouvoirs.

    De la décision rendue par le Tribunal correctionnel de Paris le 31 mars 2025, dans l’affaire des assistants parlementaires du groupe Rassemblent National au Parlement européen, entre 2014 et 2016, les médias et leurs acteurs font leurs gros titres des peines prononcées, et notamment de celles concernant l’inéligibilité des élus concernés, au premier rang desquels Marine Le Pen. Bien sûr, c’est oublier que le fait le plus important est que les élus aient été reconnus coupables de détournement de fonds publics (et les collaborateurs de recel de détournement de fonds publics).

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    Cette condamnation, prononcée par un collège de trois juges, fait suite à la décision prise par des élus d’instituer des mécanismes destinés à assurer la probité de ceux qui ont l’honneur d’exercer un mandat public, que leur ont confié la majorité des électeurs qui se sont exprimés. Mais cet oubli de la condamnation et de son fondement n’est ni un « glissement », ni une « dérive » de la vie politique contemporaine. C’est la suite presque mécanique de ce qui se joue dans notre espace politique depuis déjà quelques temps, transcendant même les clivages politiques.

    Certes, la conception française de la « démocratie » a toujours donné aux élus la priorité de légitimité sur tout autre acteur, y compris les juges, mais le système avait été néanmoins acquis à l’idée qu’il était préférable qu’il existe une justice, rendue par des juges, et non par les électeurs seulement, à propos des acteurs politiques et de leurs actions. Ce sont ces acteurs qui ont ainsi forgé, progressivement, tout un ensemble de règles destinées à leur être appliquées, répondant à l’idée de restaurer « la confiance dans la vie politique », ainsi que s’intitulait la loi du 15 septembre 2017.

    Mais cette progressivité de l’élaboration d’un droit applicable à la vie politique a donné lieu, dans le même temps, à des déclarations qui entrent en contradiction avec cette intention. Je ne prendrai ici que quelques exemples récents, en illustrant que le « gouvernement des juges » décriés par les partisans (mais pas seulement il est important de le noter) de Marine Le Pen, bénéficiait, dans la classe politique, avant le jugement du 31 mars 2025 d’une cote de popularité déjà exceptionnelle. Pour le comprendre, il faut revenir sur la manière dont sont pensés les rapports entre le droit et la politique, qui ne donnent pas seulement lieu à beaucoup d’idées reçues, mais qui sont aussi la source de discours à haute valeur démagogique, jusqu’à se laisser aller à de pures inventions. Petits extraits choisis.

    A l’occasion d’un débat filmé et organisé par le journal Le Figaro le 30 novembre 2024 entre Marcel Gauchet et Arnaud Montebourg – un débat intitulé « L’État de droit contre la démocratie. La souveraineté européenne contre le peuple », rien que ça ! – on peut entendre le premier affirmer que le Conseil constitutionnel, en 1971, a « choisi » de se référer à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et qu’il aurait pu tout aussi bien choisir celle de 1793 ou celle de 1795, deux autres déclarations de l’époque révolutionnaire. Il induisait ainsi l’arbitraire total du Conseil, qui lui permettrait de décider contre les politiques, puisque la décision prise en 1971 censurait une loi fraîchement adoptée.

    Cet énoncé, délivré sous l’œil approbateur et satisfait de ses interlocuteurs, est pourtant, sur ce point, parfaitement inexact. Le véritable « choix » du Conseil à l’époque avait été de se fonder sur le préambule de la Constitution de 1958 (ce qu’il avait déjà décidé depuis 1970), un préambule qui se réfère explicitement à la Déclaration de 1789 à laquelle le peuple français (que le texte de 1958 dit être son auteur) « proclame solennellement son attachement ». Pas de référence, même implicite, aux autres déclarations élaborées pendant l’époque révolutionnaire. Sur ce point au moins, il n’y a donc pas eu fantaisie du Conseil.

    Mais il apparaît que l’essentiel pour Marcel Gauchet n’était pas d’être « juste », mais de jouer la partition pour laquelle il avait été invité avec Arnaud Montebourg, dont le titre disait bien l’intention des uns et des autres. Dans leurs propos, on décèle bien l’intention qui est la leur : si le politique n’agit pas dans un sens jugé par le politique, lui-même considéré implicitement comme favorable aux « citoyens » et à l’action de l’État, c’est qu’il en est empêché. Arnaud Montebourg le confirme : il égrène les autorités et juridictions qui « bombardent de décisions sur ce qu’il faudrait faire » (Autorités administratives indépendantes, Europe, juges). Et, affirme-t-il, les juges comme les hauts-fonctionnaires, au prétexte de leurs connaissances et de leurs études, ne seraient pas là pour lui dire « ce qu’on peut faire et ne pas faire », mais pour se « débrouiller pour le faire ».

    En portant ce discours anti-juge et anti-droit, il se présente comme un bon éligible potentiel puisque lui prétend en finir avec cette raison du « tout juge », avec cette raison qui empêche le politique d’agir dans le bon sens. N’est-ce pas du bon sens d’ailleurs ? Le droit ne devrait pas entraver l’action politique. Pour qu’il en soit ainsi, tout frein de droit, même dûment constaté par le juge, doit être disqualifié, ou plutôt requalifié, puisque, dans le même temps, il ne faut pas avoir l’air de remettre en cause la fonction de juger : non, le juge doit bien juger, mais, s’il juge « contre » le politique, alors son travail est illégitime parce que, en décidant ainsi, il ferait de la politique.

    Cette petite musique est devenue une antienne : on la ressasse comme un mantra dont on n’interroge plus depuis longtemps le bienfondé. On la trouve évidemment au cœur des institutions. Citons, par exemple, ce rapport de mars 2022, intitulé à l’identique de la mission d’information du Sénat qui avait été constituée quelque temps auparavant, « La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l’état de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie ? » (Rapport d’information de P. Bonnecarrère, fait au nom de la MI Judiciarisation, n° 592 (2021-2022) – 29 mars 2022). Ce rapport donne rapidement le ton : « La volonté de toujours mieux protéger les droits fondamentaux peut parfois compromettre la capacité de mener des politiques publiques efficaces au service de l’intérêt général ». Est donc reproché au juge d’empêcher l’action entreprise ou décidée par les autorités politiques et administratives, la question du respect du droit et des droits ne devenant pas seulement secondaire, mais illégitime.

    Citant un professeur, le rapport sénatorial parle d’« invasion des juridictions dans la vie publique ». A l’appui de la thèse générale du rapport, quelques décisions de justice sont citées : sans surprise une décision émanant de la Cour de Justice de l’Union Européenne (arrêt du 6 octobre 2020, Quadrature du Net, affaire C-511/18), mais aussi une décision du Conseil d’État (Ordonnance n° 452210 du 22 juin 2021, suspendant l’application d’un décret du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage) ou encore une décision du Conseil constitutionnel (décision du 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC).

    Nul doute que la décision du Tribunal correctionnel de Paris rendue le 31 mars fera donc date dans le discours sur le gouvernement des juges. En écoutant ou en lisant les hommes et femmes politiques et ceux qui entendent porter leur parole, je note que ce sont toujours les quelques mêmes décisions qui reviennent. Comme celle du Conseil constitutionnel sur la fraternité, sans surprise évoquée dans le débat Gauchet/Montebourg que je mentionnais plus haut, une décision devenue un « standard » pour la critique du gouvernement des juges. Elle est à cet égard encore citée dans une chronique récemment publiée par le maire de Cannes, David Lisnard, qui ne fait dissimule à peine que pour lui, c’est parce qu’elle est liée à la question migratoire que cette décision est problématique (« De l’État de droit au gouvernement des juges ? », L’opinion, 5 mars 2025). En effet, le législateur avait créé un dispositif pénalisant l’aide apportée aux migrants, que les observateurs avaient rapidement appelé « délit de solidarité ». Saisi à cette fin d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil l’avait déclaré contraire à la Constitution, sur le fondement du principe de fraternité figurant dans la devise républicaine (article 2).

    Même s’il faut minimiser la portée réelle de cette décision (elle est importante pour ceux qu’elle concerne mais les hypothèses d’application de cette loi étaient assez peu nombreuses dans les faits, car la tendance des autorités était plutôt de ne pas activer souvent le dispositif, même si c’était sans doute encore trop), le fait est qu’elle se caractérise par une abrogation d’un dispositif souhaité par le législateur. Il est vrai que, dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a paru sortir le principe de fraternité de son chapeau, parce que non seulement il n’en n’avait jusque-là jamais fait usage, et qu’il ne s’agirait de toutes les façons pas d’une véritable « règle », les termes de la devise républicaine ayant un simple caractère déclaratoire.

    A cet endroit, le raisonnement devient néanmoins glissant, et toutes sortes d’impasses, d’erreurs et de torsions sont permises, à partir desquelles ce discours anti-juge et anti-droit prospère allègrement. Il n’a pourtant rien du « bon sens » ou, tout du moins, fait passer des vessies pour des lanternes. Et à ce jeu, nous nous laissons souvent prendre. Si on le leur demandait en effet, peu qui propagent ce discours, volontairement ou involontairement, pourraient adhérer à l’hypothèse qu’il vaut mieux une société sans droit qu’une société de droit. Et pourtant, c’est bien ce qui se joue.

    1ère idée reçue : les juges freinent l’exercice du pouvoir
    A envisager l’ensemble des décisions de justice rendues par les différentes instances juridictionnelles compétentes, le bilan global est que les juges ne s’opposent que très ponctuellement à l’action publique : dans la très grande majorité des cas, au contraire, ils la valident et en renforcent l’inéluctabilité. Les juges, et singulièrement le juge administratif et le juge constitutionnel, ménagent les autorités en charge d’exercer le pouvoir, en façonnant le droit à cette fin.

    Ainsi par exemple de la notion d’« intérêt général », dont use le Conseil constitutionnel depuis 1979 (Cons. const., 12 juill. 1979, n° 79-107 DC), est orientée vers la validation des restrictions apportées aux droits et libertés par le législateur. La notion d’intérêt général présente un avantage très net pour le législateur, puisque c’est à lui qu’il revient d’en définir le contenu, dispensant le juge d’en apprécier la pertinence. Si donc on s’intéresse à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, on doit constater que, au regard du nombre de lois et de dispositions législatives adoptées, très rares sont les censures et encore plus concernant des dispositifs de grande importance (dès lors que l’exécutif est impliqué dans ces dispositions, car celles seulement voulues par le Parlement échappent un peu moins à la censure, qui reste de toutes les façons rare). Devant la juridiction administrative également, l’État gagne le plus souvent à la fin, sauf exceptions, comme à propos de « l’affaire du siècle », l’affaire de Grande-Synthe (CE, 1er juill. 2021, n° 427301), qui jouent le rôle d’un miroir grossissant d’une réalité fantasmée.

    Les auteurs du rapport d’information du Sénat cité plus haut l’admettent d’ailleurs : beaucoup plus loin dans le document et n’en faisant pas leurs « gros titres », ils concèdent que le phénomène de la judiciarisation de la vie publique ne doit pas être « surestimé ». Et de rappeler par exemple que, pendant la crise sanitaire, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel n’ont pas posé d’obstacles réels aux décisions prises par le gouvernement et le législateur d’alors, ce qu’en effet nous avions tous pu constater. Le juge est alors loué pour ce qu’il « est donc capable de procéder à l’interprétation constructive des textes non pas pour empêcher mais au contraire pour faciliter l’action des pouvoirs publics au regard des circonstances » (je souligne). On ne saurait être plus clair.

    Dans une sorte d’aveu de lucidité, il est également dit dans le rapport que « les changements qui ont conduit au renforcement du rôle des juridictions ont été démocratiquement décidés », et qu’« il n’y a pas de « prise de pouvoir » par les juges : ils usent seulement des prérogatives qui leur ont été attribuées ». Autrement dit, on doit convenir que les juges sont accusés d’exercer des compétences que les politiques leur ont attribuées.
    Le juge n’empêche donc pas le pouvoir d’agir. D’ailleurs, comment expliquerait-on autrement la normalisation du droit d’exception sécuritaire par la loi « SILT » (Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme), les refontes successives du droit du travail depuis notamment les premières « ordonnances Macron » en 2017 (cinq ordonnances prises sur le fondement de la loi n°2017-1340 du 15 septembre 2017), qui ont fait du travail un coût pour les entreprises et de la spéculation un bienfait ? Comment expliquerait-on la réforme de l’instruction et de la peine, qui conduit aujourd’hui des procureurs à prononcer les peines alors qu’ils ne sont pas juges, et les prévenus à convenir eux-mêmes de leur peine sans possibilité de réformation (dispositif de la composition pénale) ? Comment expliquerait-on une production législative et réglementaire qui semble inarrêtable, si le juge constituait vraiment un frein à l’action publique ?

    Le juge n’empêche ainsi que rarement le pouvoir d’agir et, même, il est le bras armé du politique souvent. Par exemple, tout avocat spécialisé dans le contentieux des étrangers en fait l’expérience. Et on pense aussi à un phénomène inquiétant de ces dernières années, qui se développe de manière alarmante en même temps que la rhétorique du gouvernement des juges : le fait que la simple évocation d’une affaire terroriste autorise la police judiciaire à saisir, perquisitionner ou mettre en garde à vue des personnes sans respecter les garanties de droit commun, ou à interdire des manifestations. Le fait aussi que les procédures visant à réprimer le fameux délit d’apologie du terrorisme se soient multipliées (on est passé de 15 procédures environ par an avant 2014 à plus de 300), d’autant qu’elle concerne de plus en plus souvent des acteurs de la vie politique, militante ou syndicale, dont l’activité se trouve ainsi entravée et pour lesquels l’effet de menace paraît être particulièrement opérant.

    Pourquoi alors quand même dire que les juges en font trop ? Je me hasarderais à faire un parallèle avec la tonalité du discours libéral, néo-libéral ou ultra-libéral, qui fustige constamment l’action publique comme un frein à la libre concurrence et aux échanges, alors que celle-ci a posé un cadre juridique quasi-idéal et le fait constamment évoluer dans un sens favorable aux plus grands opérateurs économiques. Le ressort de cette rhétorique est éprouvé : en dénonçant le « trop », on s’assure de ce que l’action reste minimale, celle publique s’agissant du marché, celle judiciaire vis-à-vis des politiques publiques.

    Le communiqué délivré le 1er avril par la Cour d’appel de Paris ne doit pas être compris autrement : l’« affaire » sera bien jugée avant que ne commencent les opérations en vue des élections présidentielles de 2027. Si jamais la Cour devait alors, ou infirmer la condamnation, ou infirmer le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité, concernant Marine Le Pen principalement, le jugement du Tribunal aurait été un « coup pour rien » et on repartirait comme avant, là où les politiques peuvent agir sans craindre l’application judiciaire du droit. Suivant cette logique, ce sont les juges qui doivent se freiner (le fameux « self restraint »), parce qu’ils ne doivent pas freiner l’exercice du pouvoir.

    2ème idée reçue : les juges ne doivent pas freiner l’exercice du pouvoir
    A maxima, freiner l’exercice du pouvoir veut dire l’empêcher complètement ; a minima, cela implique d’en ralentir la cadence, d’en exclure certains aspects. Dans les discours qui finissent par fustiger toute incidence des décisions de justice sur l’activité politique est souvent mise en avant la question des intérêts légitimes à protéger contre le droit : intérêts de la nation surtout, déclinés à l’envie par les politiques. C’est par exemple ce qui pousse Gérald Darmanin à dire en 2024 qu’il n’appliquera pas une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (comme le Parlement de Russie l’avait d’ailleurs décidé il y a quelques années en adoptant une loi autorisant la cour constitutionnelle à ne pas appliquer les décisions de la juridiction européenne). Ces intérêts, non définis a priori, car définis variablement en fonction des majorités électorales ou des circonstances qui font « système » : crise économique, pandémie, risque terroriste principalement. Fréquemment, le politique, et le juge avec, invoquent des impératifs – qu’il s’agisse par exemple de l’efficacité ou de l’urgence – qui permettent de surmonter les procédures et les règles inscrites dans les règles de droit.

    Le principe selon lequel la validité/légitimité de la décision publique dépend d’autres valeurs que celle du respect du droit fait tranquillement son chemin, de sorte qu’on ne s’étonne finalement presque pas que des parlementaires puissent dire que « la volonté de toujours mieux protéger les droits fondamentaux peut parfois compromettre la capacité de mener des politiques publiques efficaces au service de l’intérêt général », comme dans le rapport sénatorial précité.

    Comment et où faut-il alors tracer le chemin de la justice lorsqu’elle est confrontée au politique ? S’il s’agit de prendre le mot d’ordre au sérieux, tout contrôle dont le résultat ne consisterait pas à valider l’action politique et administrative telle qu’elle est envisagée ou déjà en cours, serait illégitime. En suivant, le droit ne devrait jamais être un obstacle à la volonté d’une majorité politique donnée. Il suffit de faire parler un peu le personnel politique pour que cet aveu involontaire soit fait. Mécaniquement, le contrôle du juge n’en serait pas un, puisque devrait s’y substituer un simple enregistrement formel, dont le « vernis » juridique servirait, ironie de la chose, à renforcer sa légitimité ! Parce que, si on n’aime pas le droit quand il empêche ou freine le politique, on le convoque en soutien lorsqu’il ne le contrarie pas. On l’a vu récemment avec la nomination du Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel par le président de la République : les parlementaires s’étaient prononcé contre à 58 voix sur 97, c’est-à-dire à près de 60%, mais « en droit », il manquait une voix pour bloquer la nomination. Et si c’est légal – ici constitutionnel –, alors ce serait légitime, dans une confusion que l’on ne dénonce même plus.

    Le fondement réel de toutes ces affirmations est évidemment le sentiment du politique de bénéficier d’une légitimité supérieure à celle du juge, du fait de son élection, une légitimité dont se parent d’ailleurs les ministres par ricochet, même s’ils ne sont pas élus et, pour nombre d’entre eux, ne l’ont même jamais été. C’est à cause de l’élection que certains courants de pensée estiment que seul le peuple pourrait être vraiment un juge de l’action politique des représentants, car il n’y aurait rien d’autre au-dessus des représentants. On pourrait bien sûr discuter de ce surcroît de légitimité dont bénéficient les élus et ceux qui travaillent avec eux, tant l’organisation du système politique par l’élection n’a pas pour effet de créer un lien réel entre tous les individus composant le pays et les dits « élus ». On pourrait donc discuter aussi de ce qui fonde cette légitimité. Par exemple, qu’est-ce qui, dans les faits, justifie que l’élection, par un tout petit nombre de personnes rapporté à l’ensemble de la population, soit considérée comme fondant mieux la légitimité que la validation d’un ensemble de compétences s’agissant des juges (sauf pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat, dont la composition ne rime pas avec qualifications spécifiques) ? Sans préjuger des éléments de réponse, et sans préjuger non plus de ce que d’autres sources de légitimité pourraient être pensées (certains par exemple militent pour le tirage au sort des politiques), cela mériterait au moins discussion, une discussion qui aurait des conséquences sur notre problématique.

    Il apparaît en tout cas que l’édification moderne de nos systèmes politiques repose sur une philosophie à laquelle n’adhèrent manifestement pas les titulaires de l’exercice du pouvoir politique, et qui a pour effet que l’un de ses piliers, le juge, soit constamment en position de fragilité vis-à-vis des autres. L’édifice menace ainsi à tout moment de s’effondrer s’il n’est pas acquis que les « juges » doivent juger, y compris l’action du personnel politique, à partir des compétences qui leur ont été données par le droit, c’est-à-dire le résultat de décisions politiques. En effet, ce sont des textes juridiques (et notamment la Constitution, les lois adoptées par le législateur et les règlements de l’exécutif), c’est-à-dire des textes adoptés par les autorités politiques elles-mêmes, qui organisent la compétence des juges.

    Par exemple, l’article R.311-1 du code de justice administrative français est issu d’un décret adopté le 30 septembre 1953 en Conseil des ministres (et de nombreuses fois modifié par la suite), qui portait « réforme du contentieux administratif », et qui indique aujourd’hui que « Le Conseil d’État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort (…) Des recours dirigés contre les ordonnances du Président de la République et les décrets ». Quoi qu’il le veuille ou ne le veuille pas, le Conseil d’État doit donc juger de ces actes du Président de la République, s’il est saisi par un justiciable dont il est établi qu’il a un intérêt légitime à agir (ce peut par exemple être le cas d’une association qui s’est donné pour objet la défense de certains intérêts environnementaux, éducatifs, touristiques, etc.). Les juges ne volent donc pas leur compétence, « on » la leur donne. Et parfois, « on » la leur retire. Le « on » vise principalement le Parlement, et le pouvoir exécutif lorsque ce dernier est – juridiquement – compétent.

    Évidemment, on comprend que si ça ne tenait qu’aux titulaires effectifs du pouvoir à un moment donné, ils retireraient bien aux juges leur compétence. Ils le font parfois, en transférant les compétences d’un juge à un autre, et pour des raisons diverses ou inavouées : économies budgétaires, proximité avec les justiciables, mais aussi désir de minimiser le contrôle sur l’action administrative, comme lorsque le juge judiciaire – moins clément avec l’administration – est dessaisi au profit du juge administratif. Mais l’édifice politique, tel qu’il résulte notamment de la Constitution et de l’histoire, oblige à conserver le juge. Alors, puisqu’il ne peut s’agir de le faire disparaître, et puisque presque toutes les ficelles sont tirées pour en minimiser les effets, il faut plomber son image, le décrédibiliser comme juge, ce qui n’est pas la même chose que de pointer – comme je l’ai fait dans La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel (Amsterdam, 2023) – que l’instance censée être un juge ne dispose d’aucune qualité pour pouvoir être qualifiée ainsi.

    La critique du gouvernement des juges a clairement cette fonction de délégitimation de leur travail en tant qu’ils ont une compétence acquise pour juger les actes du politique, depuis l’acte de l’administration locale (compétence d’un tribunal administratif) jusqu’à la loi adoptée par le Parlement (compétence du Conseil constitutionnel), en passant par l’opération de police (compétence du juge judiciaire). Le mot d’ordre du politique à l’égard du juge repose donc sur une volonté de ne pas reconnaître sa soumission au droit : à la Constitution bien sûr (et il est à cet égard très bien servi par le Conseil constitutionnel qui n’est pas un « contre-pouvoir » mais qui est tout contre le pouvoir), mais aussi à toutes les autres normes, nationales ou européennes, chaque fois qu’elles contrarient ses ambitions. Pour juger tout à la fois la philosophie et les ressorts de ce mot d’ordre, il faut donc revenir sur la réalité des rapports entretenus entre les deux idées de « droit » et de « politique ».

    3ème idée reçue : le droit, ce n’est pas de la politique
    Parmi les distinctions malheureuses qui neutralisent l’espace de la critique à l’égard des pratiques et usages politiques au regard du droit, il y a donc celle qui marque l’existence d’une frontière entre le droit et la politique. Si cela concerne tout le droit, cela est particulièrement évoqué lorsqu’il s’agit de dire que les actes des plus hautes autorités politiques ou administratives sont contrôlés par des juges. La problématique à cet sujet est que, par la force des choses, la décision des juges ayant un impact sur la continuité de l’action politique et administrative, cela conduit les autorités en question à se plaindre de ce que le juge fait de la politique.

    Pour se sortir de ce cercle vicieux autrement qu’en admettant ce qui se passe, à savoir que, sauf dans d’assez rares cas finalement, les juges sont plutôt portés à renforcer la légitimité de l’action politique et administrative en lui donnant le sceau du droit (contrariant la première idée reçue), on comprend qu’il faudrait rendre le contrôle « acceptable », et donc, nécessairement, revoir la manière dont nous pensons la distinction. Car celle-ci n’est pas du tout ontologique, elle n’est pas une distinction « vraie », ou de nature, elle est le résultat de nos représentations.

    Dans l’imaginaire légal commun – car il en existe incontestablement un – on fait souvent appel au droit comme s’il avait une force et une signification propre, détachées de tout intérêt contingent. En ce sens, le droit ne serait donc pas de la politique. Sans creuser la chose, et parce qu’on admet comme une évidence la distinction, on est ainsi facilement conduit à s’indigner contre ces juges qui, par leurs décisions freinant et même parfois empêchant les politiques d’agir, feraient indûment de la politique. Mais la réalité du droit n’est pas cette chose neutre, objective, dont l’application aurait la même coloration, c’est-à-dire aucune. Le droit rencontre perpétuellement des questions « politiques », dont il n’est pas concevable qu’il en soit détachable : « il est pensé, fabriqué, modifié, effacé par le personnel « politique », selon des considérations morales, philosophiques, éthiques, économiques ou sociales, qui donnent leur sens à la règle ou à la procédure qui a été choisie » (La constitution au XXIè siècle. Histoire d’un fétiche social, Amsterdam, 2025).

    On pourrait multiplier les exemples pour le montrer. La règle de droit est le résultat d’une pensée (bonne ou mauvaise, approfondie ou non, cultivée ou non) autour du moyen adéquat pour parvenir à une fin déterminée. Le droit n’est donc pas et simplement la somme des actes expressément interdits ou implicitement permis, somme à laquelle on ajouterait toutes les règles destinées à assurer l’application du droit (règles relatives aux institutions et administrations). Il s’agit, comme l’indiquait l’anthropologue Clifford Geertz, d’un « code culturel de significations », d’un mode de lecture de la société.

    Il n’importe donc pas tant de savoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, mais de savoir pourquoi. Pour rester sur le terrain constitutionnel, il faut par exemple admettre que les premières règles de procédure relatives à l’adoption de la loi reposent sur des principes, qui ne sont peut-être plus interrogés aujourd’hui, mais qui, historiquement et philosophiquement, sont déterminés : pour adopter une « bonne » loi, c’est-à-dire, pour reprendre ce qui fut énoncé par Montesquieu, pour garantir la liberté, il faut deux éléments incompressibles, le temps et la confrontation entre des intérêts différents.

    C’est cette philosophie (ou au moins fut-ce affirmé à l’époque), qui a présidé à la révision du texte de la Constitution en 2008, pour obliger à ce qui ne paraissait plus être intégré par les politiques : un délai de six semaines minimum entre le dépôt d’un texte de loi et son examen en séance publique a donc été inscrit dans le texte de la Constitution, et la main a été redonnée au Parlement, au nom de ce qu’il représenterait des intérêts distincts du Gouvernement, pour modifier un texte déposé par le Gouvernement.

    Presque vingt années plus tard, le discours ambiant est tout différent, qui voudrait qu’une bonne loi soit adoptée rapidement et parce qu’elle est le vœu d’une majorité, donc homogène. Ce faisant, les pratiques politiques actuelles tendent donc à tordre le droit constitutionnel, sous couvert de ce même droit. Notamment, puisqu’il existe une procédure accélérée, dont l’organisation actuelle dépend d’ailleurs aussi de la révision constitutionnelle de 2008, alors autant l’utiliser, quitte à en banaliser l’usage, réduisant ainsi à néant tant le texte que la philosophie qui l’a initié, fondamentale pour penser l’exercice du pouvoir.

    Mais, on fait comme si, une fois adoptée, la règle n’était plus que « juridique ». Il y aurait ainsi une manière de comprendre ce qui relève du droit proprement dit et ce qui relève de la politique. La solution la plus simple, pour ne pas dire simpliste, et en réalité complètement infondée, est de séparer les règles formelles qui sont adoptées des considérations politiques, philosophiques, éthiques, historiques, économiques, culturelles, etc., qui ont nourri leur adoption. Il resterait la « technique » et les procédures, c’est-à-dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qu’on peut faire ou ne pas faire, mais jamais pourquoi il faut le faire ou ne pas le faire. Le droit est réduit à des procédures, désincarnées, soutenant au passage l’idée selon laquelle les juristes eux-mêmes ne seraient que des procéduriers.

    Et le fait est qu’ils ne demandent qu’à l’être, en se désengageant de leur objet proprement politique. Si les politiques présentent une très grande résistance à l’idée que le droit puisse être autre chose que cette chose désincarnée et procédurale – parce que cela les obligerait à réfléchir aux limites que l’on a voulues, par le droit, poser à leur action –, les juristes ne sont pas en reste, qui se défendent de faire de la politique, de la philosophie, de l’économie, etc. Ils ne sauraient donc que dire que telle procédure a effectivement été suivie ou non, respectée ou non. Le pourquoi ne les concerneraient pas. Cette attitude ne serait pas si problématique s’il n’en résultait pas que les acteurs politiques ne se sentent plus liés par les règles pour de « bonnes » raisons. Ils sont seulement liés à des procédures, dont ils peuvent allègrement ignorer ou nier la raison d’être. Et il n’y aurait, en droit, rien à leur opposer d’« objectif » puisque la politique, la philosophie, l’économie, la culture, etc., ne seraient pas tels. En bref, le droit, qui en est pétri, parviendrait, par un effet de magie, à s’en extraire. Si les acteurs de l’exercice du pouvoir n’ont pas endossé l’éthique qui doit être la leur en fonction du texte constitutionnel et de la raison qui l’a animé et initié, c’est-à-dire s’il leur manque l’éthique de la fonction gouvernante, c’est aussi parce que ni les juristes ni les juges n’ont endossé leur propre rôle. Il y a une dévaluation et de la norme et du travail autour de la norme qui, pour être interprétée et appliquée, se trouve privée de ce qui l’a fait venir à l’existence.

    Cette idée que, dans nos sociétés modernes, le droit est séparé de la politique, a donc prospéré sans avoir de fondement sérieux. Car la politique ce n’est pas toujours du droit, mais le droit c’est toujours de la politique. On comprend que cela ennuie le personnel politique, parce que, en suivant ce raisonnement, il apparait que, en cherchant à appliquer la norme, le juge ne ferait que valider une question politique. Faire du droit, c’est nécessairement faire de la politique, sans que l’on puisse dire le juge interfère dans la décision politique. Il ne fait que repérer comment la règle a été pensée pour imaginer remplir un objectif déterminé : cette intention mise en parole, parce qu’elle l’a été sous forme de droit, de règles, s’impose désormais donc à tous, y compris au politique lorsqu’il est soumis à la décision du juge. S’il veut ensuite la changer quand elle ne lui convient plus, il a ce pouvoir de le faire, puisque c’est lui qui fabrique le droit. Mais la séparation des pouvoirs étant ce qu’elle est, il ne l’applique pas, c’est le rôle du juge. Si on devait dire que le politique d’aujourd’hui ne peut pas être lié par le politique d’hier (en général au nom d’une qualité représentative qui le lierait au peuple), alors cela signifierait que le droit perdrait son statut de norme contraignante, pour devenir une manifestation parmi d’autres, contingente et changeante, des volontés et caprices des autorités politiques et administratives. Le rôle du juge est d’être ce petit grain de sable dans la tentation d’ignorer le droit.

    La société actuelle n’a semble-t-il pas bien défini ce qu’elle entend par une société gouvernée par le droit plutôt que par les hommes. La culture du droit, dans la connaissance de son rôle, de ses évolutions, des conditions de sa fabrication dans une organisation donnée, manque le plus souvent, et aux politiques singulièrement, qui manient des mots et des idées dans la plus grande contradiction. L’organisation de la justice par le pouvoir politique n’est pas comprise pour ce qu’elle devrait être, à savoir la mise en œuvre du contre-pouvoir qu’elle est censée représenter, même si ça ne convient pas toujours à l’action du politique, par définition contingente, souvent adossée aux modes du moment. Rappelons que ce sont bien les dérives autoritaires, totalitaires et mortifères des autorités politiques en Europe au XXe siècle qui sont à l’origine du développement extraordinaire du concept d’État de droit, destiné à faire du juge, non pas une puissance nulle, mais un véritable contre-pouvoir, dans le respect de l’esprit de Montesquieu.

    Lauréline Fontaine
    juriste, professeure de droit public et constitutionnel à la Sorbonne nouvelle

  • La guerre à l’#accès_aux_droits des étrangers

    Pour les avocats spécialisés en #droit_des_étrangers, la tâche est ardue. Ils occupent une position dominée dans leur champ, les lois évoluent très vite, et une nouvelle forme de #violence se fait jour, y compris contre les magistrats : des campagnes diffamatoires par des médias d’extrême droite – jusqu’à rendre publics les noms des « coupables de l’invasion migratoire ».
    Le gouvernement Bayrou, dans une continuité incrémentale avec l’orientation répressive déjà actée par les gouvernements Attal puis Barnier, est entré dans une #guerre ouverte contre les étrangers.

    L’arsenal lexical et juridique déployé en témoigne : de la #rhétorique de la « #submersion » à l’enterrement du #droit_du_sol à #Mayotte, en passant par la restriction drastique des conditions pour l’#admission_exceptionnelle_auséjour, l’attitude belliqueuse de l’exécutif et de ses alliés dans l’hémicycle n’a de cesse de s’affirmer et de s’assumer, quitte à remettre en cause l’#État_de_droit qui, selon Bruno Retailleau, ne serait désormais ni « intangible, ni sacré ».

    Il faut dire aussi que le vent xénophobe qui souffle sur l’Europe ne fait qu’encourager ces choix nationaux décomplexés : le Nouveau Pacte européen sur l’asile et l’immigration, adopté au printemps 2024 et dont le Plan français de mise en œuvre n’a pas été rendu public malgré les diverses sollicitations associatives, a déjà entériné le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, la banalisation de l’#enfermement et du #fichage des étrangers[1],dans un souci de résister « aux situations de #crise et de #force_majeure ».

    C’est donc dans ce contexte politique hostile, caractérisé entre autres par une effervescence législative remarquable qui les oblige à se former constamment, que les avocats exercent leur métier. Ainsi, défendre les droits des personnes étrangères est difficile, d’abord et avant tout parce qu’ils en ont de moins en moins.

    Deuxièmement, les conditions pour exercer le métier afin de défendre ce qui reste de ces #droits peuvent être difficiles, notamment à cause des contraintes multiples d’ordre économique, symbolique ou encore procédural. Tout d’abord, ces professionnels savent qu’ils pratiquent un droit doublement « des pauvres » : d’une part, cette matière est plutôt dépréciée par une grande partie des collègues et magistrats, car souvent perçue comme un droit politique et de second rang, donnant lieu à des contentieux « de masse » répétitifs et donc inintéressants (on aurait plutôt envie de dire « déshumanisants ») ; d’autre part, ces mêmes clients ont souvent réellement des difficultés financières, ce qui explique que la rémunération de leur avocat passe fréquemment par l’#Aide_Juridictionnelle (AJ), dont le montant est loin d’évoluer suivant le taux d’inflation.

    Concernant les obstacles d’ordre procédural, la liste est longue. Que ce soit pour contester une décision d’éloignement du territoire ou une expulsion de terrain devenu lieu de vie informel, le travail de l’avocat doit se faire vite. Souvent, il ne peut être réalisé dans les temps que grâce aux collaborations avec des bénévoles associatifs déjà débordés et à bout de souffle, mais proches des situations de terrain, et donc seuls à même de collecter les nombreuses pièces à déposer pour la demande de l’AJ ou encore pour apporter les preuves des violences subies par les justiciables lors d’évacuations ou d’interpellations musclées. Pour gagner ? Pas autant de fois qu’espéré : les décisions de #justice décevantes sont légion, soit parce qu’elles interviennent ex post, lorsque la #réparation du tort n’est plus possible, soit parce qu’elles entérinent l’#impunité des responsables d’abus, soit parce que, même lorsqu’elles donnent raison aux plaignants, elles ne sont pas exécutées par les préfectures, ou encore elles ont peu de pouvoir dissuasif sur des pratiques policières ou administratives récidivantes.

    Enfin, même lorsque des droits des étrangers existent toujours sur le papier, en faire jouir les titulaires est un parcours du combattant : l’exemple de la #dématérialisation des services publics est un exemple flagrant. Assurément, Franz Kafka en aurait été très inspiré : toutes les démarches liées au #droit_au_séjour des étrangers doivent désormais se faire en ligne, alors que dans certaines préfectures l’impossibilité de prendre un rendez-vous en des temps compatibles avec le renouvellement du #titre_de_séjour fait plonger dans l’#irrégularité beaucoup de personnes parfois durablement installées et insérées professionnellement en France.

    Même la Défenseure des droits, dans un rapport rendu public le 11 décembre 2024, a épinglé l’#Administration_numérique_des_étrangers_en_France (#ANEF) en pointant du doigt sa #responsabilité en matière d’« #atteintes_massives » aux droits des usagers. Parmi ces derniers, les étrangers sont de plus en plus nombreux à faire appel à des avocats censés demander justice en cas de risque ou de perte du droit au séjour à la suite des couacs divers en #préfecture, dans sa version numérique ou non, comme dans le cas des « #refus_de_guichet ». Et encore une fois, pour les avocats il s’agit d’intenter des #procédures_d’urgence (les #référés), qui engorgent la #justice_administrative à cause de dysfonctionnements généralisés dont les responsables sont pourtant les guichets de ce qui reste du #service_public.

    Ces dysfonctionnements sont au cœur d’une stratégie sournoise et très efficace de #fabrication_de_sans-papiers, et les craintes des personnes étrangères sont d’ailleurs bien fondées : avec l’entrée en vigueur de la nouvelle #loi_immigration, dite Darmanin, les refus ou pertes de titre de séjours sont assorties d’obligations de quitter le territoire français (#OQTF), avec, à la clé, le risque d’enfermement en #Centre_de_Rétention_Administrative (#CRA) et d’#éloignement_du_territoire.

    Au vu du nombre grandissant d’étrangers déjà en situation irrégulière ou craignant de le devenir, des nouvelles entreprises privées y ont vu un marché lucratif : elles vendent en effet à ces clients potentiels des démarches censées faciliter leur #régularisation ou encore l’accès à la nationalité française. À coup de pubs sur les réseaux sociaux et dans le métro, puis de slogans aguicheurs (« Devenez citoyen français et démarrez une nouvelle vie ! ») et de visuels bleu-blanc-rouges, ces entreprises facturent des prestations de préparation de dossier à plusieurs centaines voire milliers d’euros, sans toutefois vérifier systématiquement l’éligibilité de la personne au titre demandé et donc sans même garantir le dépôt effectif du dossier[2].Qui sont donc ces magiciens autoproclamés des procédures, qui se font payer à prix d’or ? Les équipes sont présentées sur les sites de ces entreprises comme étant composées d’« experts spécialisés en démarches administratives », et encore de « conseillers dévoués ». Si l’accompagnement d’un avocat est nécessaire ou souhaité, mieux vaut aller voir ailleurs avant d’avoir signé le premier chèque…

    Les temps sont donc troubles. Et ils le sont aussi parce que les vrais professionnels du droit, celles et ceux qui ne cessent de se mettre à jour des derniers changements législatifs ou procéduraux, et de travailler en essayant de tenir les délais de plus en plus serrés de la justice (au rabais) des étrangers, sont ouvertement menacés.

    Le cas du hors-série n° 1 du magazine Frontières est exemplaire d’une attitude fascisante et décomplexée, déterminée à jeter le discrédit sur les avocats, les #magistrats et les #auxiliaires_de_justice (accompagnés bien sûr des ONG, associations, et universitaires « woke »), coupables de défendre les droits de celles et ceux que la fachosphère voudrait bien rayer de la catégorie de justiciables : les #étrangers. Discrédit qui devient #menace et #mise_en_danger, lorsque les noms, les prénoms, la fonction et le lieu d’exercice de ces maîtres à abattre sont rendus publics : en effet, ces supposés coupables du « #chaos_migratoire » sont explicitement identifiés dans ces pages. Plus précisément, plusieurs dizaines d’« #avocats_militants », profitant des dossiers de l’aide juridictionnelle pour « passer des vacances au soleil toute l’année », sont nommément pris à parti. Les magistrats ne sont pas épargnés dans cette cabale, et le magazine les épingle également.

    Plusieurs sonnettes d’alarme ont été tirées, du Conseil des barreaux européens (CCBE) au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA) : cette dernière instance relevant du Conseil d’État, généralement très discrète, s’est exprimée publiquement le 11 février dernier pour dénoncer sans ambiguïté les injures et menaces proférées nominativement à l’encontre d’avocats et #juges, ainsi que la mise en cause de l’#indépendance et de l’#impartialité de la justice administrative, estimant que « toutes les suites pénales susceptibles d’être engagées doivent l’être ». La matière pour le faire ne semble pas manquer, et des #plaintes avec constitution de partie civile ont déjà été déposées par le passé par des magistrats, donnant lieu à des contentieux pénaux dont certains sont encore en cours. Mais face à la montée des récriminations violentes contre les juges « rouges », plusieurs juridictions s’organisent pour attribuer la #protection_fonctionnelle à leur personnel.
    Et ce n’est pas bon signe.

    Malgré le soutien de #Gérald_Darmanin aux magistrats menacés, dans ses nouvelles fonctions de Ministre de la Justice, son homologue de l’Intérieur a repris un vieux cheval de bataille qui revient à fustiger la supposée « #confiscation_du_pouvoir_normatif » par les juridictions européennes ou nationales : en défendant la légitimité du #non-respect_du_droit lorsqu’il est considéré incompatible avec les principes nationaux, une brèche de plus a été ouverte par #Bruno_Retailleau pour qui « on doit changer la loi. Aujourd’hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française ».

    En réalité, Gérald Darmanin doit en partager le raisonnement, puisque, lorsqu’il était lui-même à l’Intérieur, il avait osé autoriser l’expulsion d’un ressortissant Ouzbèke soupçonné de radicalisation malgré la décision contraire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pour ensuite être débouté par le juge des référés du Conseil d’État qui avait enjoint sa réadmission. Ce #contrôle_juridictionnel est considéré par un nombre croissant d’élus, et d’internautes violents, comme excessif et nuisible à l’efficacité du maintien de l’ordre. De là à traiter les avocats et magistrats « fautifs » de trop brider les ambitions sécuritaires du gouvernement comme des ennemis intérieurs, il n’y a qu’un pas.

    Les plus optimistes pourront toujours considérer le #Conseil_Constitutionnel comme le dernier rempart vis-à-vis des risques d’ingérence de l’exécutif sur le judiciaire. Mais que peut-on attendre de cette institution et de son #impartialité, lorsque l’on sait que les « Sages » sont souvent d’anciens professionnels de la politique, peu ou pas formés au droit, dont #Richard_Ferrand, à peine nommé, est un exemple parfait ?

    L’histoire nous le dira. En attendant, il serait opportun de penser à faire front.

    https://aoc.media/analyse/2025/03/16/la-guerre-a-lacces-aux-droits-des-etrangers
    #mots #vocabulaire #terminologie #Etat_de_droit #xénophobie #contrôles_frontaliers #avocats #juges_rouges
    ping @reka @isskein @karine4

  • Plan égalité. Au Ministère de l’ESR, après l’espoir, la douche froide. Analyse CGT
    https://academia.hypotheses.org/60522

    Extraits de “8 mars 20258 mars 2025. Bilan des négo Égalité. L’État, employeur exemplaire  ?” de la CGT UFSE Deux ans de négociation avec les organisations représentatives des trois Comités Sociaux d’Administration ministériels (MEN, MESR et MJSOP) concernés. Dès les … Continuer la lecture →

    #Academic_Feminist_Fight_Club #Actualités_/_News #État_de_droit #Expression_syndicale #Gouvernance_de_l'ESR #Libertés_académiques_:_pour_une_université_émancipatrice #Opinions,_motions,_propositions,_expression_syndicale #Serivces_publics #égalité_femme-homme

  • #Externalisation_de_l’asile : une coopération au mépris de la #protection_internationale et de l’#état_de_droit

    Les velléités anciennes des États européens d’externaliser le traitement des demandes d’asile se sont
    récemment concrétisées à travers les « #accords » #Royaume-Uni/#Rwanda et #Italie/#Albanie. Alors que l’initiative britannique a été abandonnée, celle de l’Italie est temporairement bloquée. Après l’annulation des deux premiers transferts d’exilés dans les camps en Albanie et dans l’attente de la décision de la Cour de cassation de Rome sur le recours du gouvernement italien, celui-ci a rappelé le personnel mobilisé sur place.

    Ces #expérimentations, que l’application du Pacte européen sur la migration et l’asile pourrait favoriser, se
    heurtent pour l’instant au droit. Malgré ces revers et leur coût exorbitant, elles suscitent un engouement décomplexé des responsables européens qui ne se cachent plus de vouloir repousser hors de leurs territoires les personnes en demande de protection internationale.

    La médiatisation et l’instrumentalisation de ces feuille- tons politico-juridiques normalisent les violations des droits des exilé·e·s, mais aussi du #droit_international qui les définit et de la hiérarchie des normes qui les garantit, face à une #souveraineté_nationale prétendument bafouée. De même, dans les pays « tiers » parfois autoritaires, les « #partenariats » migratoires conclus par l’Europe contribuent à délégitimer et irrégulariser les personnes exilées, au mépris des droits.

    L’absence de transparence et la rhétorique hypocrite, souvent humanitaire, accompagnant l’externalisation des politiques migratoires européennes ont pu donner l’illusion d’un rempart préservant le #droit_d’asile. Qu’elles concernent explicitement l’asile ou non, celles-ci engendrent pourtant non seulement l’érosion de la protection internationale, mais aussi le délitement de l’état de droit, en Europe comme au-delà.

    https://migreurop.org/article3304.html
    #externalisation #asile #migrations #réfugiés #Migreurop #pays_tiers

  • Bulletin de jurisprudence universitaire #1 : septembre 2024
    https://academia.hypotheses.org/57621

    Le carnet Academia accueille désormais dans ses colonnes le Bulletin de jurisprudence universitaire. Le #BuJU est une publication mensuelle qui propose une sélection de décisions de justice concernant l’enseignement supérieur et la recherche. Son orientation se veut originale : il ne … Continuer la lecture →

    #Billets #État_de_droit #CNESER #CNRS #conditions_de_travail #recrutements

  • Dix déclinaisons pour un même plat du jour servi par l’#état_de_droite

    Discours de politique générale : ce que Michel Barnier veut changer | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/discours-de-politique-generale-michel-barnier-veut-changer/00112622

    Gouvernement Discours de politique générale : ce que Michel Barnier veut changer
    Le 02 Octobre 2024
    19 min

    Malgré un discours qui s’inscrit dans la continuité de la politique macroniste, Michel Barnier a annoncé quelques (mini et maxi) ruptures. Alternatives Economiques fait le point sur dix d’entre elles.

    https://justpaste.it/210j9

    • https://www.liberation.fr/idees-et-debats/yanis-varoufakis-le-nfp-na-pas-dit-aux-francais-que-leur-programme-impliq

      Couper plus de 40 milliards d’euros dans le prochain budget, comme Michel Barnier l’envisage, est-ce de l’austérité sévère ?

      Michel Barnier n’existe pas. C’est un algorithme. Nous l’avons vu pendant les négociations du Brexit, il n’avait pas la moindre idée originale. Il les conduisait comme un comptable algorithmique qui passait en revue une « checklist » donnée par Bruxelles. Il cochait les cases et a enflammé le Brexit. Il est le meilleur exemple de ce qu’il ne faut pas faire en tant qu’être humain en position de pouvoir. Aujourd’hui, on lui a donné une nouvelle check-list consistant à détruire ce qui reste du tissu social en France afin de faire semblant de respecter les règles.

      Il parle néanmoins de « justice fiscale »…

      Quand les politiques reçoivent des ordres d’en haut pour causer des dommages à la société, ils inventent de délicieuses contradictions. Lorsque les conservateurs ont gagné en 2010 au Royaume-Uni, le ministre des Finances a inventé l’expression de « contraction budgétaire expansionniste ». Ne soyez pas surpris si Barnier trouve des manières de déguiser des mesures préjudiciables au plus grand nombre pour le compte d’un petit nombre.

  • L’hallucination du jour sur Le Monde :

    En direct, Michel Barnier : les chefs de LR demandent au premier ministre une « politique de droite » avec « plus de sécurité » et « moins d’immigration »

    #mais_quelle_surprise !
    Moi qui pensait qu’ils allaient demander de donner tout le pouvoir aux soviets !

    Allez, faites-vous du mal :
    https://www.lemonde.fr/politique/live/2024/09/12/en-direct-michel-barnier-les-republicains-demandent-au-premier-ministre-une-

  • Abschiebungen erleichtern : Berliner Polizisten verlangen Abschaltung des „Frühwarnsystems“
    https://www.berliner-zeitung.de/mensch-metropole/wenige-abschiebungen-berliner-polizisten-verlangen-abschaltung-des-

    Quand la police veut faire disparaitre des sources d’information sur les règles et droits en vigeur pour citoyens
    Handbook Germany s’adresse aux étrangers vivant en Allemagne. La base financière de son actualisation est désormais menacée.

    Asylantrag abgelehnt | Handbook Germany
    https://handbookgermany.de/de/rejected-asylum

    5.9.2024 von Andreas Kopietz - Die Bundesregierung verspricht, die Asylpolitik zu verschärfen – und finanziert Tipps, wie sich abgelehnte Migranten einer Abschiebung entziehen können.

    Nancy Faeser, die Bundesinnenministerin, Olaf Scholz, der Bundeskanzler, und sogar Bundespräsident Frank-Walter Steinmeier fordern Verschärfungen im Aufenthalts- und Asylrecht. Das ist eine Reaktion auf den islamistischen Messeranschlag in Solingen am 23. August durch einen abgelehnten Asylbewerber.

    Mehr Abschiebungen hatte Bundeskanzler Scholz schon im vergangenen Herbst gefordert. Doch die Praxis ist ein Desaster. Zu diesem Schluss kommt die Gewerkschaft der Polizei (GdP). Laut dem Berliner Landesvorsitzenden Stefan Weh scheitern „unglaublich viele“ geplante Abschiebungen, weil Polizisten die Personen nicht an den bekannten Aufenthaltsorten antreffen. Sie seien vorher im Internet, auf Social-Media-Kanälen und über Messenger gewarnt worden. „Wenn wir dieses Frühwarnsystem nicht abschalten, wird es nicht mehr Abschiebungen geben“, sagt Weh. Dieses Frühwarnsystem wird aber zum Teil von der Bundesregierung selbst finanziert.

    So gibt etwa die Internetseite „Handbook Germany“ Tipps, wie abgelehnte Asylbewerber ihre Abschiebung verhindern können. Auf der Seite, über die das Online-Magazin Apollo News zuerst berichtete, heißt es in einem Eintrag vom Februar 2023 unter anderem: „Bitte beachten Sie: Eltern dürfen nur gemeinsam mit ihren Kindern abgeschoben werden. Wenn zum Beispiel ein minderjähriges Kind zum Zeitpunkt der Abschiebung vermisst wird, darf der Rest der Familie nicht abgeschoben werden.“ Dies kann man als Tipp verstehen, wie man eine Abschiebung blockiert.

    Werde der Asylantrag abgelehnt, könne man, so die Empfehlung, einen Asylfolgeantrag stellen, „wenn Sie unter einer schweren Kriegstraumatisierung leiden, die bislang nicht erkannt wurde“.

    Zudem werden detailliert die Klagewege erläutert – legitime Rechte eines jeden, die aber juristische Schlupflöcher bieten. Bei Asylanträgen, die nach der Dublin-Regelung als unzulässig eingestuft wurden, beginne die sechsmonatige Überstellungsfrist erneut, sobald ein Asylbewerber einen Eilantrag einreiche, heißt es etwa. Dies hatte auch der islamistische Messerstecher von Solingen ausgenutzt, der gar nicht in Deutschland hätte sein dürfen. Der abgelehnte syrische Asylbewerber tötete drei Menschen und verletzte acht.
    Weiterleitung auf linksradikale Webseite

    Unter dem Punkt „Was kann ich tun, wenn ich abgeschoben werde?“ empfehlen die Autoren, bei „Abschiebungsbeobachter*innen“ um Hilfe zu bitten und leiten auf eine linke Webseite weiter. Darauf werden handfeste Tipps gegeben, wie man seine Abschiebung verhindern kann – etwa indem man sich im Flugzeug auf den Boden legt: „Menschen können sich selbst gegen ihre Abschiebung wehren, indem sie sich im Flugzeug nicht hinsetzen und klarmachen, dass sie nicht freiwillig fliegen. Immer wieder bricht der oder die Pilot*in daraufhin die Abschiebung ab, damit das Flugzeug starten kann.“ Das ist eine Aufforderung zum Widerstand gegen Vollstreckungsbeamte, eine Straftat.

    Das „Handbook Germany“ wird vom Bundesinnenministerium und der Integrationsbeauftragten der Bundesregierung gefördert sowie von der EU und dem International Rescue Committee kofinanziert. Es ist ein Projekt des Vereins „Neue deutsche Medienmacher*innen“.

    Wie passt die staatliche Förderung mit dem erklärten Ziel der Bundesregierung zusammen, Personen schneller abzuschieben, die hier nicht aufenthaltsberechtigt sind?

    „Die Formulierungen des Zuwendungsempfängers Handbook Germany sind darauf ausgerichtet, Betroffene über ihre rechtlichen Möglichkeiten aufzuklären“, teilt eine Sprecherin der Integrationsbeauftragten mit. „Das ist in einem Rechtsstaat selbstverständlich.“

    Zu dem Link auf die linksradikale Webseite sagt sie: Der angeführte Link öffne eine Übersicht auf einer Webseite, die Telefonnummern, Mobiltelefonnummern und Mailadressen aufführe. „Für die Inhalte der Seiten ist Handbook Germany verantwortlich, nicht der Zuwendungsgeber.“

    Eine Anfrage dieser Zeitung an Nancy Faesers Innenministerium ließ das BMI unbeantwortet.
    Weisung an die Bundespolizei: Wer sich widersetzt, ist wieder frei

    Tatsächlich scheinen die mit Steuergeld finanzierten Empfehlungen von Erfolg gekrönt, wie ein Schreiben der Landesaufnahmebehörde Niedersachsen an die Bundespolizei vom 26. Juli zeigt, das der Berliner Zeitung vorliegt. Darin heißt es unter anderem: „Wenn sich der Betroffene weigert, in das Flugzeug zu steigen bzw. auf eine andere Art versucht, sich der Abschiebung zu widersetzen (aktiver/passiver Widerstand), kann dieser auf freien Fuß gesetzt werden und eigenständig zu der im zugewiesenen Unterkunft zurückreisen. Der Betroffene hat sich umgehend bei der für ihn zuständigen Ausländerbehörde zu melden.“

    Die Aufnahmebehörde beruft sich auf den Paragraf 71.3.1.3.2 der Allgemeinen Verwaltungsvorschrift zum Aufenthaltsgesetz vom 26. Oktober 2009, wonach bei einem Scheitern der Abschiebung, die zuständige Behörde das weitere Verfahren regelt.

    Illegale Migration laut BKA um rund ein Drittel gestiegen

    Entsprechendes zeigt sich auch in der Hauptstadt. Der Berliner Landesverband der Gewerkschaft der Polizei veröffentlichte am Mittwoch neue Zahlen zu den in Berlin erfolgten Abschiebungen. Demnach vollzog die Landespolizei in der ersten Hälfte dieses Jahres 516 Abschiebungen. Davon erfolgten 395 durch Festnahmen nach Ersuchen des Landesamtes für Einwanderung (LEA). Im Januar waren es 26, im Februar 11, im März 124, im April 87, im Mai 130 und im Juni 17.

    Im vergangenen Jahr waren es in diesem Zeitraum 635 Abschiebungen nach 487 erfolgreichen Festnahmen. Allerdings war die Zahl der Festnahmeersuchen durch das LEA in beiden Jahren etwa viermal so hoch. Den Rückgang der Abschiebungen um knapp 19 Prozent in diesem Jahr erklärt die Polizei damit, dass im Juni ihre Kapazitäten durch die Fußball-Europameisterschaft gebunden waren.

    Über 16.000 Menschen sind in Berlin ausreisepflichtig

    Laut GdP konnte die Polizei in der vergangenen Woche gerade einmal 42 von 330 geplanten Abschiebungen per Charter nach Moldau vollziehen. In der Nacht zum Mittwoch gelang die Abschiebung nach Georgien bei zehn von 35 Ersuchen. Beide Staaten gelten für Deutschland als „sichere Herkunftsländer“, weil den Menschen dort so gut wie keine politische Verfolgung droht.

    Angesichts der niedrigen Zahlen wirft Berlins GdP-Chef Stefan Weh der Politik „Augenwischerei“ vor: „Wer wirklich etwas an der desaströsen Situation ändern möchte, müsste Maßnahmen ergreifen, anstatt Sachen anzukündigen, die rein rechtlich nicht umsetzbar sind.“

    Weh fordert eine verpflichtende Erfassung der An- und Abwesenheiten in Flüchtlingsunterkünften. Betreiber von Unterkünften sollen verpflichtet werden, bei der Durchführung von Abschiebungen mitzuhelfen. Wichtig sei auch ein Abschiebegewahrsam mit entsprechenden räumlichen und personellen Kapazitäten am Hauptstadtflughafen BER.

    Nach Angaben des LEA sind derzeit 16.209 Menschen in Berlin ausreisepflichtig. Ein Großteil davon wird jedoch geduldet. Laut Senatsinnenverwaltung sind das 13.838 Personen.

    #Allemagne #état_de_droit #asile_politique #expulsion #droit

  • Désobéissance civile : citoyens hors la loi

    LSD explore les aspirations de la désobéissance civile. #Blocages, #sabotages, actions coup de poing : quelle place pour la possibilité de désobéir en #démocratie ?

    Du chantier de l’autoroute A69 aux assemblées générales de Total, pour soutenir les personnes exilées ou les femmes victimes de violences, des #luttes ont aujourd’hui en commun d’assumer publiquement d’enfreindre le cadre. De désobéir pour se faire entendre.

    La désobéissance civile n’est pas un phénomène nouveau. Ses aînés s’appellent #Act_Up, #Jeudi_noir, #Faucheurs_volontaires. Ses ancêtres #Gandhi, #Martin_Luther_King, #Hubertine_Auclert. Elle est le fruit d’une histoire longue, faite de multiples #combats. Elle connaît aujourd’hui un essor particulier, dans des luttes environnementales, sociales, féministes, qui ont toutes leurs spécificités, mais qui partagent une arme, celle de l’action illégale, politique, publique et non violente dans le but de changer la loi : la désobéissance civile.

    Avec cette série, c’est ce mode de lutte que nous avons voulu comprendre : questionner son essor, sa pratique, son efficacité, et sa place en démocratie. Pour ses partisans la désobéissance est un dernier recours, illégal, mais légitime. Pour ses opposants, elle est l’ennemie de l’Etat de droit, car comment vivre en société si l’on accepte que la règle commune soit niée, en conscience ?

    Cette tension entre #illégalité et légitimité, entre #interdiction et #nécessité, se manifeste avec force dans la #répression policière et judiciaire à laquelle les personnes désobéissantes s’exposent. Répression qui faisait dire en février dernier à Michel Forst, rapporteur des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, qu’elle constitue “une #menace majeure pour la démocratie et les droits humains”.

    Elle s’est aussi incarnée à l’été 2023 dans les déclarations bien différentes de deux des plus hautes autorités françaises en matière de justice. D’un côté le Conseil d’Etat, lorsqu’il a suspendu la dissolution des Soulèvements de la terre, a estimé que les actions du mouvement s’inscrivaient “en faveur d’initiatives de désobéissance civile”. De l’autre le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti, auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, disait en avoir “ras le bol de la petite musique de la désobéissance civile”, et poursuivait : “On a le droit, selon certains, quand on est porteur d’une cause que l’on estime légitime, de ne plus obéir à la loi. Rien n’est plus liberticide que cela.”

    Alors comment démêler les fils de la désobéissance ? Est-elle une remise en cause de l’#Etat_de_droit, ou une composante essentielle de la démocratie, comme l’affirmait son premier théoricien #Henry_David_Thoreau ?

    En partant sur la montagne de #Lure, auprès d’#Utopia_56 ou des #Robin_des_bois_de_l’énergie à la rencontre de celles et ceux qui vivent la désobéissance civile dans leurs luttes, en suivant avec ses spécialistes les chemins d’une pensée désobéissante sans cesse réinventée, en explorant avec #José_Bové, #Cédric_Herrou et les #Soulèvements_de_la_terre ce qui se joue lors des #procès, nous comprenons à quel point la tension est le cœur battant de la désobéissance civile. “Je reconnais tout de suite que le mot tension ne m’effraie pas”, écrivait Martin Luther King dans sa célèbre lettre de la prison de Birmingham, assumant que son combat voulait “engendrer une #tension telle que la communauté soit forcée de regarder la situation en face”.

    Aujourd’hui encore, il s’agit pour les actrices et acteurs de la désobéissance civile de révéler au grand jour les tensions déjà existantes. De sentir avec force qu’il serait possible d’agir ensemble. Leurs actions se préparent, se pensent, s’organisent en s’inspirant d’expériences passées, en utilisant les médias, les tribunaux et la puissance du collectif. La désobéissance civile dénonce l’illégitimité ou l’insuffisance des lois. Écouter ses battements, d’hier et d’aujourd’hui, nous raconte comment penser au-delà du cadre pourrait peut-être, parfois, parvenir à le faire changer.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-desobeissance-civile-citoyens-hors-la-loi

    #désobéissance_civile #loi #légalité #légitimité #désobéissance #violence #non-violence #femmes #dissidence
    #audio #podcast
    ping @karine4

  • Appel des scientifiques du Comité national de la recherche scientifique à faire barrage à l’extrême droite aux élections législatives
    https://academia.hypotheses.org/56999

    MOTION Coordination des responsables des instances du #CoNRS (C3N) Version .pdf Objet : Appel des scientifiques du Comité national de la recherche scientifique à faire barrage à l’extrême droite aux élections législatives À l’approche des élections législatives des 30 juin … Continuer la lecture →

    #Démocratie_universitaire #État_de_droit #Gouvernance_de_l'ESR #législatives_2024

  • Menaces sur la liberté académique et la liberté d’expression dans l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR)
    https://academia.hypotheses.org/55835

    Communiqué du SNTRS Paris-Nord Chère collègue, cher collègue, Le SNTRS-CGT s’alarme du climat de restriction de la liberté scientifique et de la liberté d’expression qui s’est installé dans le paysage de l’ESR depuis la reprise d’un conflit de haute intensité … Continuer la lecture →

    ##ResistESR #Actualités_/_News #Démocratie_universitaire #État_de_droit #Gouvernance_de_l'ESR #Libertés_académiques_:_pour_une_université_émancipatrice #CNRS #EHESS #libertés_académiques #libertés_d'expression #Université_de_Savoie_Mont_Blanc_USMB_

    • Au même moment, à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), une véritable vague de haine et d’insultes a visé une anthropologue reconnue, spécialiste de la Palestine, pour avoir relayé le communiqué d’un syndicat étudiant sur la liste de discussion politique et syndicale interne à l’École. En réponse à ce qui ne peut être qualifié autrement que de délation calomnieuse, la direction du CNRS a initié une procédure disciplinaire accélérée contre notre collègue, pour des motifs aussi graves et choquants qu’« apologie du terrorisme » et « incitation à la haine raciale » ! Lors de cette procédure, la défense précise assurée par le SNTRS-CGT a permis de démontrer l’absurdité de ce qui était reproché à notre collègue, et de rappeler les grands principes et la jurisprudence sur la liberté d’expression, en particulier dans le monde universitaire. La direction du CNRS s’est ainsi contentée de prononcer une sanction minime – un avertissement – mais, a toutefois décidé de la publier au Bulletin Officiel, contre l’avis de la CAP.

    • « Il est logique de reconnaître aux Maires la possibilité d’exiger des devoirs en contrepartie de droits, le respect de son pays et des morts pour la France en fait partie. »

      Le front de l’air est vraiment putride.
      Bientot le RSA conditionné à la présence lors des commemoration de Pétain et Maurras. La CAF à condition de dire notre fierté pour Depardieu....
      Bientôt tu pourra crever la dalle si t’es pas Charlie

    • Le tribunal administratif de Toulon a (...) validé le 26 janvier 2024, cette décision du maire, adoptée en septembre 2022, par la majorité des élus de #droite. Cette mesure avait été cependant contestée par la suite par la préfecture qui dénonçait : "une ingérence dans les libertés d’association et de conscience".

      Le tribunal administratif de Toulon a estimé que cette dernière favorisait "l’engagement des associations lors d’événements ayant un intérêt public local" sans enfreindre "le principe de neutralité".

      #Associations #subventions

      Droits et devoirs : la rupture Macron
      https://www.mediapart.fr/journal/france/250322/droits-et-devoirs-la-rupture-macron

      Pour le président-candidat, « les devoirs valent avant les droits ». Cette logique, qui va à l’encontre des principes fondamentaux de l’État social et l’#État_de_droit, irrigue l’ensemble de son projet de réélection. En distinguant les bons et les mauvais citoyens.
      Romaric Godin et Ellen Salvi
      25 mars 2022


      EmmanuelEmmanuel Macron a rarement parlé de « droits » sans y accoler le mot « devoirs ». En 2017 déjà, il présentait les contours de sa future réforme de l’assurance-chômage, en expliquant vouloir « un système exigeant de droits et de devoirs ». Deux ans plus tard, au démarrage du « grand débat national », pensé comme une campagne de mi-mandat pour endiguer la crise des « gilets jaunes », il déplorait l’usage de l’expression « cahier de doléances », lui préférant celle de « cahiers de droits et de devoirs » [le droit de se plaindre, et surtout le devoir de la fermer et d’obéir, ndc]..
      À l’époque, le chef de l’État prenait encore soin, au moins dans son expression, de maintenir un semblant d’équilibre. Mais celui-ci a volé en éclats au printemps 2021, en marge d’un déplacement à Nevers (Nièvre). Interpellé par un homme sans papiers, le président de la République avait déclaré : « Vous avez des devoirs, avant d’avoir des droits. On n’arrive pas en disant : “On doit être considéré, on a des droits.” » Avant d’ajouter, sans l’ombre d’une ambiguïté : « Les choses ne sont pas données. »

      Jeudi 17 mars, le président-candidat a de nouveau invoqué la question des devoirs en abordant le volet régalien de son projet. Rappelant son engagement à accueillir des familles ukrainiennes fuyant la guerre, il a immédiatement prévenu vouloir « changer les modes d’accès aux titres de séjour » et notamment les titres de séjour longs, qui seront désormais accordés « dans des conditions beaucoup plus restrictives ». Parce que non, définitivement, « les choses ne sont pas données ».
      Cette rhétorique du donnant-donnant irrigue aujourd’hui l’ensemble du programme d’Emmanuel Macron. Elle s’impose ainsi dans le volet économique de celui-ci. La mesure la plus représentative en la matière étant sans doute la mise sous condition de travail ou de formation du revenu de solidarité active (#RSA). Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a d’ailleurs explicitement indiqué que cette proposition s’inscrivait dans cette « logique de droits et devoirs » proposée par le candidat.
      Une logique, ou plus exactement une précédence, que le chef de l’État a lentement installée, l’étendant des sans-papiers à tous les citoyens et citoyennes. « Être #citoyen, ce n’est pas demander toujours des droits supplémentaires, c’est veiller d’abord à tenir ses devoirs à l’égard de la nation », avait-il lancé en août 2021. « Être un citoyen libre et toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits », insistait-il en décembre, à destination des personnes non vaccinées.

      Une vision digne de l’Ancien Régime

      Emmanuel Macron a balayé, en l’espace de quelques mois, l’héritage émancipateur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pour les rédacteurs de cette dernière, rappelait l’avocat Henri Leclerc dans ce texte, « les droits qu’ils énoncent sont affaire de principe, ils découlent de la nature de l’homme, et c’est pourquoi ils sont imprescriptibles ; les devoirs eux sont les conséquences du contrat social qui détermine les bornes de la liberté, par la loi, expression de la volonté générale ».
      « Ce sont les sociétés totalitaires qui reposent d’abord sur l’#obéissance à des impératifs non négociables qui, en fait, ne sont pas des devoirs auxquels chacun devrait subordonner librement ses actes, écrivait-il en guise de conclusion. Les sociétés démocratiques reposent sur l’existence de droits égaux de citoyens libres qui constituent le peuple d’où émane la souveraineté. Chacun y a des devoirs qui, sans qu’il soit nécessaire de les préciser autrement, répondent à ses droits universels. »
      Début 2022, face aux critiques – Jean-Luc Mélenchon avait notamment tweeté : « Les devoirs avant les droits, c’est la monarchie féodale et ses sujets. Le respect des droits créant le devoir, c’est la République et la citoyenneté » –, Gabriel Attal avait assuré un nouveau service après-vente. Dans Le Parisien, le porte-parole du gouvernement avait expliqué vouloir « poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs qui passent avant les droits, du respect de l’autorité aux prestations sociales ».

      La conception conservatrice du « bon sens »

      Cette « redéfinition de notre contrat social » se traduit par plusieurs mesures du projet présidentiel : le RSA donc, mais aussi l’augmentation des salaires du corps enseignant contre de nouvelles tâches – « C’est difficile de dire : on va mieux payer tout le monde, y compris celles et ceux qui ne sont pas prêts à davantage s’engager ou à faire plus d’efforts », a justifié Emmanuel Macron [avant d’introduire la notion de #salaire_au_mérite dans la fonction publique, ndc]–, ou même la réforme des retraites qui soumet ce droit devenu fondamental à des exigences économiques et financières.
      Cette vision s’appuie sur une conception conservatrice du « bon sens », qui conditionne l’accès aux droits liés aux prestations sociales à certains comportements méritants. Elle va à l’encontre total des principes qui fondent l’État social. Ce dernier, tel qu’il a été conçu en France par le Conseil national de la Résistance, repose en effet sur l’idée que le capitalisme fait porter sur les travailleurs et travailleuses un certain nombre de risques contre lesquels il faut se prémunir.

      Ce ne sont pas alors d’hypothétiques « devoirs » qui fondent les droits, c’est le statut même du salarié, qui est en première ligne de la production de valeur et qui en essuie les modalités par les conditions de travail, le chômage, la pénibilité, la faiblesse de la rémunération. Des conditions à l’accès aux droits furent toutefois posées d’emblée, l’État social relevant d’un compromis avec les forces économiques qui ne pouvaient accepter que le risque du chômage, et sa force disciplinaire centrale, ne disparaisse totalement.
      Mais ces conditions ne peuvent prendre la forme de devoirs économiques, qui relèvent, eux, d’une logique différente. Cette logique prévoit des contreparties concrètes aux aides sociales ou à la rémunération décente de certains fonctionnaires. Et ce, alors même que chacun, y compris Emmanuel Macron, convient de la dévalorisation du métier d’enseignant. Elle conduit à modifier profondément la conception de l’aide sociale et du traitement des fonctionnaires. À trois niveaux.
      Le premier est celui de la définition même des « devoirs ». Devoirs envers qui ou envers quoi ? Répondre à cette question, c’est révéler les fondements philosophiques conservateurs du macronisme. Un bénéficiaire du RSA aurait des devoirs envers un État et une société qui lui demandent de vivre avec un peu plus de 500 euros par mois ? Il aurait en quelque sorte des « contreparties » à payer à sa propre survie.
      Si ces contreparties prenaient la forme d’un travail pour le secteur privé, celui-ci deviendrait la source du paiement de l’allocation. C’est alors tout le centre de gravité de l’État social qui évoluerait, passant du travail au capital. En créant la richesse et en payant l’allocation, les entreprises seraient en droit de demander, en contrepartie, du travail aux allocataires au RSA, lesquels deviendraient forcément des « chômeurs volontaires » puisque le travail serait disponible.

      Les allocataires du RSA devront choisir leur camp

      Ce chômage volontaire serait une forme de comportement antisocial qui ferait perdre à la société sa seule véritable richesse : celle de produire du profit. On perçoit, dès lors, le retournement. La notion de « devoirs » place l’allocataire du RSA dans le rôle de #coupable, là où le RMI, certes imaginé par Michel Rocard dans une logique d’insertion assez ambiguë, avait été pensé pour compléter l’assurance-chômage, qui laissait de côté de plus en plus de personnes touchées par le chômage de longue durée.

      Ce retournement a une fonction simple : #discipliner le monde du travail par trois mouvements. Le premier, c’est celui qui veut lui faire croire qu’il doit tout au capital et qu’il doit donc accepter ses règles. Le second conduit à une forme de #criminalisation de la #pauvreté qui renforce la peur de cette dernière au sein du salariat – un usage central au XIXe siècle. Le dernier divise le monde du travail entre les « bons » citoyens qui seraient insérés et les « mauvais » qui seraient parasitaires.
      C’est le retour, déjà visible avec les « gilets jaunes », à l’idée que déployait Adolphe Thiers dans son discours du 24 mai 1850, en distinguant la « vile multitude » et le « vrai peuple », « le pauvre qui travaille » et le « vagabond ». Bientôt, les allocataires du RSA devront choisir leur camp. Ce qui mène à la deuxième rupture de cette logique de « devoirs ». Le devoir suprême, selon le projet d’Emmanuel Macron, est de travailler. Autrement dit de produire de la valeur pour le capital.

      Individualisation croissante

      C’est le non-dit de ces discours où se retrouvent la « valeur #travail », les « devoirs générateurs de droits » et le « #mérite ». Désormais, ce qui produit des droits, c’est une capacité concrète à produire cette valeur. Il y a, dans cette démarche, une logique marchande, là où l’État social traditionnel voyait dans la protection sociale une fenêtre de démarchandisation – c’est parce qu’on devenait improductif qu’on devait être protégé. À présent, chacun, y compris les plus fragiles, doit faire preuve de sa capacité constante de production pour justifier son droit à survivre.

      Cette #marchandisation va de pair avec une individualisation croissante. Dans le modèle traditionnel, la pensée est systémique : le capitalisme produit des risques sociaux globaux dont il faut protéger tous les travailleurs et travailleuses. Dans le modèle des contreparties, chacun est mis face à l’injonction de devoir justifier individuellement ses droits par une mise à l’épreuve du marché qui est le juge de paix final. On comprend dès lors pourquoi Christophe Castaner prétend que l’allocation sans contrepartie est « la réponse des lâches ».
      Car ce choix laisserait les individus sans obligations devant le marché. Or, pour les partisans d’Emmanuel Macron, comme pour Friedrich Hayek, la seule façon de reconnaître un mérite, c’est de se confronter au marché qui donne à chacun ce à quoi il a droit. La vraie justice est donc celle qui permet d’être compétitif. C’est la vision qu’a d’ailleurs défendue le président-candidat le 22 mars, sur France Bleu, en expliquant que la « vraie inégalité » résidait dans « les inégalités de départ ». L’inégalité de résultat, elle, n’est pas remise en cause. [voir L’égalité des chances contre l’égalité http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4443]

      Le dernier point d’inflexion concerne l’État. Dans la logique initiale de la Sécurité sociale, la protection contre les risques induits par le capitalisme excluait l’État. De 1946 à 1967, seuls les salariés géraient la Sécu. Pour une raison simple : toutes et tous étaient les victimes du système économique et les bénéficiaires de l’assurance contre ces risques. Le patronat cotisait en tant qu’origine des risques, mais ne pouvait décider des protections contre ceux qu’il causait. Ce système a été progressivement détruit, notamment en s’étatisant.
      Le phénomène fut loin d’être anecdotique puisqu’il a modifié le modèle initial et changé la nature profonde de l’État : désormais, le monde du travail est redevable à celui-ci et au patronat de ses allocations. Ces deux entités – qui en réalité n’en forment qu’une – exigent des contreparties aux allocataires pour compenser le prix de leur prise en charge. L’État étant lui-même soumis à des choix de rentabilité, l’allocataire doit devenir davantage rentable. Dans cet état d’esprit, cette « #rentabilité » est synonyme « d’#intérêt_général ».
      Les propositions sur le RSA et le corps enseignant entrent dans la même logique. Emmanuel Macron agit en capitaliste pur. Derrière sa rhétorique des droits et des devoirs se profilent les vieilles lunes néolibérales : marchandisation avancée de la société, discipline du monde du travail et, enfin, idée selon laquelle l’État serait une entreprise comme les autres. Le rideau de fumée de la morale, tiré par un candidat qui ose parler de « dignité », cache mal le conservatisme social de son système de pensée.

      Romaric Godin et Ellen Salvi

      #subventions #associations #contrepartie #droits #devoirs #égalité #inégalité

  • L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • De l’état des droits à l’Etat de droit

    Menacé par la non constitutionnalité de lois votées au Parlement, l’Etat de droit subit aussi une menace plus concrète et quotidienne : les difficultés posées dans l’#accès_aux_droits : droit au logement, droits sociaux... Ces registres sont-ils comparables ?

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sous-les-radars/de-l-etat-des-droits-a-l-etat-de-droit-3499438

    #Etat_de_droit #France #audio #podcast

  • Habitat indigne : l’incroyable cadeau du gouvernement aux marchands de sommeil | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/180124/habitat-indigne-l-incroyable-cadeau-du-gouvernement-aux-marchands-de-somme

    Publié au plein cœur de l’été, le 29 juillet 2023, le décret habitat 2023-695 va entraver la lutte contre les marchands de sommeil et autres propriétaires abusifs en tirant vers le bas toutes les normes de qualité des logements mis en location.

    Censé harmoniser les deux textes qui régissent aujourd’hui les normes des habitations en location, le décret « décence » et le règlement sanitaire départemental, il était pourtant attendu depuis des années. Il aurait dû être l’occasion d’intégrer de nouvelles normes qualitatives, notamment liées au dérèglement climatique, en prenant en compte l’impact des fortes chaleurs dans le bâti. Personne n’avait imaginé qu’il ferait sauter les garde-fous existants, au prétexte de la crise du logement.

    Enfin, personne… parmi les naïfs.
    #logement #pourritures

  • Contrôle de l’accès à l’Université de Strasbourg : les élu∙es préoccupé∙es
    https://academia.hypotheses.org/54118

    Sujet : [infos-élus-cac] contrôle accès et sûreté Unistra Date : Thu, 23 Nov 2023 16:55 De : Liste Refonder Pour : president@unistra.fr Monsieur le Président Ces derniers jours, nous ont été rapportés des faits … Continuer la lecture →

    #Démocratie_universitaire #État_de_droit #Gouvernance_de_l'ESR #Libertés_académiques_:_pour_une_université_émancipatrice #droits_étudiants #expression_politique #libertés_publiques #sécurité #Université_de_Strasbourg