• L’État du monde et son expression artistique

    On poursuit l’itinéraire culturelo-artistique montréalais avec cette exposition incertaine (ou improbable si vous préférez) qui propose comme contexte de présentations d’œuvres d’art moderne et de photographie... L’ouvrage publié annuellement par les éditions La Découverte : L’état du monde ou l’EDM pour les intimes, pour lequel visionscarto fait une (très) modeste contribution.

    Quelques unes de ces œuvres valent le détour. Voilà comment le Musée d’art contemporain (MAC) présente l’initiative :

    Tous les ans, depuis 1981, paraît un annuaire économique et géopolitique mondial intitulé L’état du monde. Cette année [il s’agissait en fait - sans doute - de l’édition 2016-2017 et non pas celui sur les alternatives paru en septembre et qui couvre 2017-2018, les sujets d’actualité abordés en profondeur sont notamment liés à la fin du communisme, à la mondialisation et à la révolution numérique. Dans un paysage international en mutation, incessamment modelé par des rapports de forces économiques et des problématiques géopolitiques imposant de nouveaux défis, la question du pouvoir paraît plus opaque que jamais. Qui gouverne désormais ?

    Il s’agit d’une question complexe abordée en 2017 dans l’ouvrage référencé et régulièrement traitée par les artistes qui produisent des œuvres perméables au monde dans lequel ils évoluent [...] L’intérêt des artistes à produire des images reflétant l’état du monde est récurrent dans l’histoire de l’art. De pertinentes propositions d’artistes privilégiant cette approche ont été acquises dans la collection du Musée d’art contemporain. En première partie d’exposition, les œuvres de Lynne Cohen, Jean Arp, Robert Longo et Claude-Philippe Benoit proposent, chacune à sa manière, une réflexion sur l’état du monde, les institutions, l’économie et la citoyenneté.

    J’ai parcouru cette courte expo en appréciant grandement les œuvres suivantes :

    « Usine, 1994. » Lynne Cohen (1944-2014) qui explique dans Faux indices (MACM, 2014) : Je ne photographie jamais des personnes réelles, elles sont absentes de mes œuvres ; seules peuvent y être observées des traces que ces personnes ont laissé dans des endroits qu’elles occupaient ou aurait ou occuper - à moins qu’elles n’y figurent sous forme de substituts : leurres, mannequins ou autres silhouettes. Je m’intéesse à l’aspect des lieux où les gens passent leur temps et ce qu’ils en font, aussi bien à la manière dont ces lieux agissent en retour sur ceux qui les fréquentent. »

    « Tableau noir, 1997-2002. » Lynne Cohen (1944-2014) again dans_Faux indices_ (MACM, 2014) : C’est une photographie prise dans une salle de cours d’université et fait partie du livre Occupied territory. Ces flèches convergentes et divergentes me font l’effet d’un diagramme servant à illustrer une philosophie de la vie. Le sérieux absolu de cette itération absurde, exprimée sur un ton très docte, me semble inimitable. »

    « Conférence au sommet, 1958. » Jean Arp (1887-1966) : l’œuvre a priori appartient au registre de l’abstraction, de simple tâches sombres posées sur un fond jaune. Mais elle renvoie en fait à un événement précis. En juillet 1958, sur la page titre du journal Le Monde diplomatique [c’est assez ancien, je peux citer...] on pouvait lire une question posée par Nikita Krouchtchev dans une lettre au président américain, Dwight Eisenhower, à Charles de Gaulle et au premier ministre britannique Harold Mac Millan :

    "la conférence au sommet aura-t-elle lieu ?"

    La conférence aura lieu deux ans plus tard avec au programme des débats : l’Allemagne, les relations Est-Ouest et les essais nucléaires.

    Jean Arp envisage ici les relations internationales comme une abstraction dont l’exercice du pouvoir sculpte la carte du monde. »

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