Le conflit qui ensanglante la #Syrie depuis cinq ans nécessite beaucoup d’armes. On le sait, une partie d’entre elles viennent des #Balkans. Jeudi, un consortium de journalistes d’investigation des Balkans publiait des chiffres éloquents : depuis l’escalade du conflit syrien en 2012, des contrats estimés à 1,2 milliard d’euros lieraient quatre pays de l’Union européenne (la #République_tchèque, la #Bulgarie, la #Croatie et la #Slovaquie) ainsi que la #Serbie, la #Bosnie et le #Monténégro à l’#Arabie_saoudite, aux #Emirats_arabes, à la #Turquie et à la #Jordanie.
Ce vaste circuit de vente d’armes est d’autant plus sinistre que ces pays, qui s’enrichissent à millions, ferment sans vergogne leurs frontières aux personnes que le conflit armé oblige à fuir : depuis des mois, la frontière des Balkans reste close et le président tchèque Zeman se redisait hier opposé à « tout accueil de migrants », alors que son pays est l’un des premiers bénéficiaires de la vente d’armes documentée.
Ce #cynisme rappelle celui des embargos décrétés contre les pays en guerre, tel celui déclaré par l’UE contre les belligérants syriens, allégrement contourné, on le voit. La Suisse n’est pas en reste puisque des grenades produites par l’entreprise #Ruag, contrôlée par la Confédération, ont été retrouvées en Syrie, puis en Turquie, lors du premier attentat de l’#État_islamique. En 2012, interrogé sur cette vente de grenades aux Emirats arabes, le Conseil fédéral reconnaissait que ceux-ci, en « offrant » une partie des grenades à la Jordanie en 2004, n’avaient pas respecté la déclaration de non-réexportation que la Suisse jugeait suffisante. Comme certaines armes, ces ventes sont à sous-munitions : destinées initialement à une certaine zone, elles couvrent au final un territoire bien plus vaste que prévu.
La #Suisse, elle aussi, est prise dans ce tissu d’incohérences. Au premier semestre de cette année, ses ventes d’armes ont augmenté de 11% par rapport à la même période l’an dernier. En avril, la Suisse violait le traité onusien sur le commerce des armes (#TCA), pourtant ratifié, en vendant du matériel de guerre à l’Arabie saoudite, principal bailleur de fonds des rebelles syriens et impliqué dans le conflit avec le #Yémen. Les ventes à l’#Inde et au #Pakistan ont également augmenté au premier semestre. Si ces deux pays ne sont pas officiellement en guerre, le Pakistan est reconnu comme l’une des plaques tournantes de l’islamisme mondial. Les terroristes qui frappent nos démocraties continueront donc encore longtemps à utiliser aussi nos armes. Alors que des discours martiaux accompagnent chaque nouvel attentat terroriste, ce sont des décisions cohérentes qu’il faut prendre.