L’#extrême_droite s’enracine dans les #universités
Pour sa première rencontre avec des étudiants, le nouveau ministre français de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, #Patrick_Hetzel, a choisi de se rendre à une conférence de l’#Union_nationale_interuniversitaire (#UNI), un syndicat radicalisé à l’extrême droite, dont des adhérents ont commis des violences et dont un ancien responsable s’est affiché avec un néonazi. C’est faire peu de cas de la présence de plus en plus agressive de l’extrême droite dans les universités. Un des derniers exemples en date : l’agression d’un étudiant de Solidaires à Paris fin septembre.
Cela faisait à peine quatre jours qu’Axel, étudiant en sciences politiques à l’université Paris-Panthéon-Assas, avait repris les cours. Ce vendredi 27 septembre peu avant midi, cet adhérent de Solidaires étudiants sort de la fac pour sa pause déjeuner. « Juste devant le portail, il y avait une petite dizaine de militants d’extrême droite qui tractaient pour une manif en faveur de Philippine (jeune femme tuée une semaine auparavant par un homme sous OQTF, dont l’extrême droite a fait un symbole du « laxisme » en matière d’immigration, NDLR). C’étaient des militants que l’on a déjà vu tracter pour les #Natifs (groupuscule qui regroupe d’anciens de #Génération_identitaire, dissous en 2021) et la #Cocarde_étudiante (#syndicat d’extrême droite). J’ai montré assez fermement que je ne voulais pas de leur #tract. Puis j’ai vu sur un panneau un #sticker de la Cocarde. Je l’ai recouvert d’un sticker antifa. J’ai été alpagué par un des gars qui m’a mis un coup d’épaule, pas violent mais intimidant, en me demandant ce que je faisais là. J’ai suivi mon chemin sans rien dire, me faisant traiter de baltringue et de connard. » A 12h02, Axel envoie alors un message que nous avons consulté à des amis, prévenant de la présence de fachos agressifs devant la fac.
Mais arrivé au métro quelques dix minutes plus tard, il sent une présence derrière lui, et a à peine le temps de se retourner qu’il se retrouve propulsé au sol et frappé sur le corps et au visage. « J’ai hurlé, et ils ont pris la fuite, ça a duré quelques secondes mais c’était très violent. » Il a deux dents cassées et 10 jours d’arrêt de travail. Il a déposé plainte le lendemain, et deux passants ont témoigné en sa faveur.
Les fantômes d’Assas la brune
Dans cette université d’Assas, où est né le GUD (Groupe Union Défense, une bande de gros bras agressant violemment les étudiants de gauche) il y a 56 ans, l’incident rappelle de bien mauvais souvenirs. Dans les années 1970 et 1980, l’établissement était devenu le fief de l’extrême droite, avec une neutralité bienveillante de la direction et du corps enseignant -beaucoup de profs étaient ouvertement d’extrême-droite, comme le député Front national Jean-Claude Martinez. Les étudiants de gauche rasaient les murs, jusqu’à une relative normalisation dans les années 2000. « Aujourd’hui, hormis en droit, explique une étudiante, les étudiants sont soit peu politisés, soit plutôt de gauche. »
Mais depuis quelques années, les traditions brunes de l’établissement semblent connaître un certain renouveau. Le 23 mars 2023, des étudiants d’Assas qui se rendaient à la manifestation contre la réforme des retraites, ont été agressés au niveau du Panthéon par une quinzaine de gros bras. « Un étudiant a eu le nez cassé. Les agresseurs étaient casqués, masqués, et avec des gants coqués », raconte un militant. Sur les réseaux sociaux, l’action est revendiquée par l’extrême droite, sous un sigle nauséabond : « #Waffen_Assas ».
Les références nauséabondes au nazisme ont refleuri depuis le 7 octobre. La semaine dernière, un « Heil Hitler » a été tagué dans les toilettes. L’an dernier, sur les murs ont été collés des stickers détournant le logo d’uue association étudiante, marquée à gauche (« #Assas_in_Progress », transformé en « SS in progress ») et agrémentés d’une #croix_gammée.
Des enseignants se sont aussi lâchés. Des étudiants ont signalé à la direction un chargé de TD qui aurait fait un #salut_nazi, quelques jours après la tuerie perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023.
Pour les étudiants engagés à gauche, les liens étroits entre le #GUD et la Cocarde étudiante sont clairs : « La veille des élections des conseils de l’université de novembre 2022, une croix celtique du GUD avait été taguée devant la fac et le lendemain, des hommes habillés en noir et masqués avec des parapluies distribuaient agressivement des tracts pour la Cocarde Assas, bousculant les gens qui refusaient les tracts. » Sur les réseaux sociaux, #Luc_Lahalle, actuel assistant parlementaire de l’eurodéputée RN Catherine Griset, une intime de Marine Le Pen, posait en compagnie de Alois Vujinovic, un proche du chef du GUD, #Marc_de_Cacqueray, condamné à six mois de prison ferme en janvier 2019 pour des dégradations commises autour de l’Arc de Triomphe lors de la manifestation des gilets jaunes du 1er décembre 2018.
À Lorient, des étudiants de l’UNI partisans de Zemmour impliqués dans des agressions et menaces
Le 9 octobre dernier, à Lorient, Les Soulèvements de la Terre organisait une rencontre dans un bar-restaurant végétarien de la ville. Des étudiants d’extrême droite sont repérés à un arrêt de bus, à quelques 100 mètres du lieu. Des militants de gauche les photographient. Parmi eux, l’un est reconnu : Brieg L.
« À un moment, raconte un militant de gauche présent ce jour-là, les camarades qui les observent les voient passer des cagoules et commencer à charger dans notre direction. Ils nous ont prévenus, des participants sont sortis, et les agresseurs ont finalement renoncé. Ils sont restés en embuscade dans une rue perpendiculaire, mais repérés, ils ont fini par fuir ». Une pantalonnade de pieds nickelés qui néanmoins inquiète, tant la situation à la fac de Lorient est tendue depuis un an.
Dans la nuit du 30 septembre, les murs de l’université ont été recouverts de tags signés du GUD - « Radicalisez-vous contre la vermine gauchiste » - et s’en prenant à l’Union pirate, syndicat étudiant de gauche, la bête noire de l’extrême droite.
En décembre dernier, des tracts anonymes avaient été retrouvés dans la fac, avec ces mots : « Comment déglinguons-nous l’Union pirate ? ». Avec un QR code qui, une fois scanné, renvoyait à une vidéo où l’on voyait un homme tirer sur le drapeau de ce syndicat, avec ce commentaire : « Comment nous déglinguons l’Union pirate. » « C’est un appel au meurtre », juge un étudiant. Or, la vidéo en question a été postée sur les réseaux sociaux via un compte utilisé par un certain Brieg L. - le même qui a tenté de s’en prendre aux Soulèvements de la Terre. Il a récemment été entendu par la police dans l’affaire de la vidéo du simulacre d’exécution.
Or Brieg L., qui a milité pour Zemmour lors de la campagne pour la dernière présidentielle, est aussi de l’Union nationale interuniversitaire (UNI), comme en témoigne cette photo où il pose fièrement après un collage d’affiches. L’UNI : le syndicat auquel le ministre de l’Enseignement supérieur a rendu visite le 12 octobre dernier…
L’UNI, syndicat radicalisé
L’UNI, auquel le ministre dit avoir rendu visite pour « entendre [leurs] propositions et inquiétudes », est un syndicat historiquement lié à l’aile dure de la droite gaulliste qui s’est radicalisé à l’extrême droite. Créé en 1968 pour contrer le gauchisme dans les facs avec l’aide du Service d’Action civique (SAC, sorte de police parallèle, dissous en 1982), l’UNI, malgré des positions très droitières, était jusqu’à très récemment toujours resté fidèle à la droite dite « « républicaine ». #Olivier_Vial, son président - qui conseille par ailleurs les maires de stations de montagne dans leurs actions de lobbying anti-écologiste, est membre du bureau politique des Républicains.
En 2013, il déclarait s’opposer à toute « alliance et accord avec l’extrême droite ». Une ligne balayée moins d’une décennie plus tard : au deuxième tour de la présidentielle de 2022, l’UNI a appelé à voter contre Emmanuel Macron.
« L’UNI et #Génération_Z, quand j’y étais, c’était la même chose », explique Christopher, qui a un temps adhéré aux deux organisations, avant de partir, effrayé par leur extrémisme raciste. Étudiant à Dijon en 2022, c’est par le biais de l’UNI qu’il a fini par rejoindre les jeunes zemmouriens : « L’UNI joue un peu le rôle de rabatteur, se souvient-il. Ils se présentent comme un syndicat étudiant de droite, mais sans plus. Ils sont cools, ils organisaient des fêtes sympas, mais ils étaient aussi chez Zemmour, et c’est tout naturellement que j’ai fini aussi chez Génération Z. A Dijon, c’était la même organisation ». Propos racistes et antijuifs, croix gammées taguées dans une cité, chants nazis, homophobes et négrophobes : Christopher est reparti effrayé par ce qu’il a vu et a fini par tout raconter à Blast et au média local Kawa TV.
Un ancien responsable de l’UNI pose près d’une croix gammée
À Dijon, l’un des plus fervents partisans des Zemmour est un certain #Iannis_Moriaud. Lui aussi un ancien responsable de l’UNI dans ses années étudiantes - il s’est présenté sur une des listes du syndicat en 2014 - et resté très proche de ses amis militants de l’époque . Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des sympathies néonazies : en 2022, il se fait photographier avec #Maxime_Brunerie, le militant d’extrême droite qui a tiré sur Jacques Chirac le 14 juillet 2002. Mais, stupide étourderie, l’agrandissement de la photo révèle un élément inattendu de la décoration intérieure : un drapeau nazi, et des tasses ornées de la croix gammée.
Nombreux sont les militants d’extrême droite adhérents ou proches de l’UNI, ce syndicat choyé par le ministre. Ainsi, le 7 avril dernier, deux activistes du groupuscule #Nemesis ont perturbé le carnaval de Besançon en brandissant des pancartes xénophobes devant la tribune : « Violeurs étrangers dehors » et « Libérez nous de l’immigration ». L’une d’elle, #Yona_Faedda, placée en garde à vue, collait il y a quelques mois encore des affiches pour l’UNI.
À un niveau plus institutionnel, le président de l’UNI dans les Alpes maritimes, #Andrea_Orabona, est devenu le suppléant du député RN #Lionel_Tivoli, réélu aux dernières législatives, tandis que dans ce même département, le secrétaire général de l’UNI, #Gabriel_Tomatis, était en même temps responsable départemental du #RNJ (les jeunes du Rassemblement national) et collaborateur de la députée RN #Alexandra_Masson.
C’est donc certains des plus radicaux des étudiants qu’Hetzel a choisi d’honorer de sa présence en priorité, bien loin désormais de ce qui reste la droite dite républicaine. Ancien prof de gestion à Assas et Lyon III, les deux universités françaises les plus gangrenées par l’extrême droite, ancien recteur d’université, Patrick Hetzel évolue dans le monde universitaire depuis trois décennies. Il en connaît parfaitement tous les rouages et tous les acteurs, et sait donc parfaitement à qui il parle lorsqu’il s’adresse à l’UNI…
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