Sandokan, Une histoire de camorra, Nanni Balestrini chez @entremonde
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Un extrait de la Préface de Roberto Saviano
Quand ce livre de Nanni Balestrini fut publié, plusieurs d’entre nous – qui vivions dans un territoire plongé dans l’ombre – ont eu la sensation qu’il se passait enfin quelque chose. Ce quelque chose était la littérature, capable d’ouvrir comme un passe-partout les grilles de l’histoire de ce territoire. Raconter était enfin possible. Et c’était même nécessaire pour tenter une quelconque résistance. « Ici il y a un petit pont qui relie notre village au village voisin et au milieu du pont il y a un panneau où il y a écrit Bienvenue à mais le nom du village ne se lit pas car il est effacé par une quantité de trous noirs ». C’est le panneau qui donne la bienvenue à Casal di Principe, village sous tutelle, où rien n’est permis, avec les trous des projectiles qui mettent en garde. Sous le pont qui conduit au village déferle le fleuve en crue des paroles de Nanni Balestrini, des mots entrelacés qui se superposent et s’enchaînent, sans aucun appui qui donnerait au lecteur la possibilité de se reposer et reprendre haleine.
Sandokan n’est pas un roman sur la camorra, ce n’est pas non plus un reportage romancé, ni une enquête ; c’est un flux d’expériences et de réflexions, une trace pérenne, une phénoménologie de l’existence à l’époque de la camorra. C’est en effet un récit sans ponctuation, comme peut l’être l’oralité d’une discussion échangée dans un bar de province dans la désolation d’un après-midi. Et d’ailleurs, il s’agit bien d’une discussion dans un bar. La voix du narrateur est celle d’un jeune homme qui voit sa vie se former et se construire dans le laps de temps où le clan des Casalesi a atteint, avec Antonio Bardellino, le sommet le plus élevé de l’économie mondiale et du pouvoir politique et militaire. Vendettas, escroqueries, opérations financières, morts innocents, élections truquées, une province d’Italie – celle qui ressort des paroles du jeune homme – qui facture des capitaux astronomiques ensuite investis n’importe où dans le monde grâce à la mortification de ce territoire. Une accumulation dont l’origine violente se métamorphose ensuite en économie légitime, en opulence bourgeoise.
Pas le courage de taper un extrait significatif et pas de pdf disponible. Ce texte est #beau (malgré les coquilles)