• David Chopin » Blog Archive » La peur de la puissance administrative de l’Allemagne (1914-2014 ?)
    http://alternatives-economiques.fr/blogs/chopin/2014/11/11/la-peur-de-la-puissance-administrative-de-lallemagne-1914-2

    Urgence militaire et nationale de développer les sciences administratives

    “Les historiens Stéphane Rials et Stéphane Drago ont porté une thèse (1) sur les travaux de Fayol que l’on ne peut ignorer : « La guerre n’a sans doute pas enfanté à proprement parler la doctrine administrative : mais elle lui a donné l’occasion de s’approfondir, elle lui a donné une audience, elle lui a donné le début d’une consécration ». Nous allons ci-après faire comprendre l’émergence des questions administratives d’Henri Fayol liées aux questions de son temps, celles d’une nécessaire réaction dans un temps de luttes militaires et d’humiliation de la Nation française toute entière.

    Panique nationale et incurie administrative
    “D’un point de vue strictement économique, la guerre est une source de croissance économique inespérée pour l’usine de Commentry-Fourchambault et Decazeville, qui a pour client principal la Défense Nationale ; d’un autre côté, l’effort de guerre a mobilisé toute la main d’œuvre de France, qui devient rare et cher. Les industries françaises ont été dévastées, mais bien plus que la guerre, certaines s’en sont sortis mieux que d’autres ; la différence en revient dans sa capacité d’administration : « c’est donc à ses méthodes industrielles et à sa prévoyance que votre Société doit d’avoir maintenu son existence, alors que des transformations profondes dans les procédés sidérurgiques provoquaient la création et le développement d’une puissante métallurgie sur les riches gisements lorrains ; bien que nous ne possédions pas d’établissements en territoire envahi nous y sommes directement atteints par les hostilités en raison des intérêts importants que nous avons dans le Pas de Calais et en Meurthe et Moselle » (2) . L’emprise des thèses fayoliennes sur son époque, c’est le symptôme d’un moment de rage et de panique d’une Nation : les hommes étant partis à la guerre, il restait sur le territoire, les femmes, les mutilés, et la main d’œuvre étrangère ; dans l’usine d’Henri Fayol, vinrent à partir de 1914 des ouvriers africains, belges, espagnols, polonais, grecs et même chinois.

    “Une fois écrit son recueil de textes et de recommandations, la fortune idéologique d’Henri Fayol sera nourrie d’une crainte irracible : la peur de l’industrialisme américain et allemand, tel que le résume Victor Cambon « Les expériences entreprises et les conclusions posées par Taylor causèrent aux Etats-Unis une énorme sensation, qui ne tarda pas d’ailleurs à traverser l’Atlantique. L’Allemagne les a accueillis avec une faveur marquée. Depuis plus de quinze ans, les revues, les journaux, de sciences et de techniques allemands lui ont consacré des pages et des pages de documentation, y ajoutant d’intarissables commentaires dont le résultat fut l’adoption de ces idées ou d’idées similaires qui répondaient pleinement aux habitudes d’ordre, de précision et de discipline de ce peuple. Une partie de ces progrès leur est dû. Les préparatifs de la guerre actuelle, ses opérations offensives, le rendement formidable des manufactures allemandes qui les appuient, sont des applications incontestables du taylorisme dont nos ennemis sont pénétrés » (3)......

    La #peur de la puissance #administrative de l’#Allemagne ( #1914-2014 )

  • Débat Chevènement-Minc dans Le Nouvel Observateur : « Hégémonique, l’Allemagne ? »
    http://www.chevenement.fr/Debat-Chevenement-Minc-dans-Le-Nouvel-Observateur-Hegemonique-l-Allemagn

    http://www.chevenement.fr/photo/titre_3638023.jpg?v=1299437831

    Le Nouvel Observateur : Jean-Pierre Chevènement vous avez une façon très originale de présenter l’histoire du siècle de 1914 à 2014 puisque vous partez de la première mondialisation britannique pour arriver à la mondialisation d’aujourd’hui, qui explique, selon vous, le déclin de l’Europe. Alain Minc vous écrivez une ode à l’Allemagne.
    Jean-Pierre Chevènement : La question de l’hégémonie est au cœur des deux mondialisations. On ne peut rien comprendre sans cela à l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Les dirigeants du Second Reich ont commis la bévue de déclencher une guerre préventive contre la France et la Russie : en violant la neutralité belge, pour abattre la France en six semaines, les dirigeants du Reich ont, en fait, allumé un conflit mondial, en entraînant dans la guerre l’Empire britannique qui se sentait menacé depuis 1903 puis, trois ans après, les Etats-Unis. Le conflit de 1914-1918 ne se comprend lui-même que comme le début d’une guerre de trente ans (1914-45) : l’entreprise de Hitler, en effet, sera d’abord une surenchère sur la défaite de 1918 Mais on a eu tort de déduire des deux conflits mondiaux le discrédit des nations européennes. Ainsi le peuple allemand lui-même en 1914 n’a pas voulu la guerre. Ses dirigeants l’ont convaincu qu’il menait une guerre défensive contre une menace russe grossièrement exagérée.
    Alain Minc : le seul homme d’Etat capable de dompter le « tigre allemand » était Bismarck. Il se méfiait de la capacité impérialiste de l’Allemagne et l’avait enserré dans un système extrêmement sophistiqué, que seule une intelligence d’envergure pouvait contrôler. Quand Bismarck a disparu il y avait une dynamique inhérente à la puissance allemande qui aboutit à la guerre de 1914.

    Fallait-il pour autant imposer un Traité de Versailles aussi sévère ?
    JPC : Le traité de Versailles était beaucoup moins dur que celui de Brest-Litovsk. Il préservait l’unité de l’Allemagne conformément aux principes de Wilson mais l’absence de la garantie américaine promise à Clemenceau par Wilson battu aux élections a d’emblée ruiné son équilibre. Mais ce n’est pas Versailles que la droite et l’extrême droite allemande ont refusé, c’est tout simplement la défaite. Ne soyons pas dupes des arguments de Hitler.
    AM : Les opinions cela existe, un homme politique le sait mieux que quiconque. Les Allemands ont perdu la guerre tout en occupant le territoire de leurs ennemis, ce qui est un cas sans précédent dans l’histoire. L’Allemagne a accepté sa résurrection démocratique après 1945 parce qu’elle a senti physiquement le poids de sa défaite. Or, en 1918 l’opinion allemande ne comprend pas qu’elle a perdu la guerre. Il fallait en tenir compte dans les exigences de réparation.

    Ces divergences historiques vous portent à avoir une vision tout aussi éloignée de l’Allemagne contemporaine. Jean-Pierre Chevènement vous la percevez comme une puissance dominante tandis que vous Alain Minc la dépeignez comme une grosse Suisse.
    AM : la position de domination économique allemande n’était pas un fait acquis. En 2002 The Economist écrivait avec beaucoup de concupiscence : « l’Allemagne, le malade de l’Europe » comme pour prouver que le seul modèle était le libéralisme anglo-saxon. En 1985, les paramètres économiques de la France et de l’Allemagne sont identiques : même dette, même taux de chômage, le commerce extérieur légèrement déséquilibré. En 1995, la France avait un avantage de compétitivité de dix points sur l’Allemagne, aujourd’hui le rapport est inversé. Pourquoi ? Parce que la France a crée son propre handicap en faisant les 35 heures. L’Allemagne, elle, a fait les réformes Schröder. Mais la relation franco-allemande est plus globale. La France est une puissance politico-stratégique alors que l’Allemagne se positionne de plus en plus comme une grosse Suisse. François Hollande aurait eu une belle opportunité avec son succès au Mali de pousser à un rééquilibrage. Il suffisait de dire à Angela Merkel que la France défendait l’Europe et que si elle devait consacrer 1% de son PIB à la Défense il serait normal qu’on réduise d’autant ses obligations de ne pas dépasser 3% d’endettement. La France ne peut pas payer deux fois !
    JPC : La puissance économique de l’Allemagne, sa capacité exportatrice sont des faits qui s’enracinent dans un très lointain passé et dans les qualités du peuple allemand. Je montre qu’il y a un premier décrochage français à la fin du 19ème siècle. La réunification fait à nouveau de l’Allemagne la puissance centrale en Europe et l’élargissement à vingt-huit de l’Union européenne lui a permis de reconstituer la Mitteleuropa qui faisait déjà sa force avant 1914.

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