#5_étoiles

  • LETTRE OUVERTE À HUGUES JALLON, PRÉSIDENT DES EDITIONS DU SEUIL, À PROPOS DE CESARE BATTISTI
    Serge #Quadruppani
    paru dans lundimatin#185

    ... je suis sûr que je ne t’apprendrai rien, cher Hugues, en rappelant que la défense de #Battisti et de tous les exilés menacés d’#extradition (à propos, on compte toujours sur toi pour signer en faveur de ceux qui pourraient être menacés aujourd’hui), entrait et entre toujours dans une bataille contre le #révisionnisme historique dominant en Italie, qui refuse d’admettre que dans les années 60-70, une partie minoritaire mais conséquente de la population de la péninsule est entrée en sécession contre la vieille société. Pour ces centaines de milliers, ces millions d’ouvriers, étudiants, paysans, habitants de quartiers populaires, femmes et homosexuels en lutte, le fait qu’on veuille s’en prendre physiquement à des gros commerçants qui jouaient au shérif en tirant sur des petits voyous braqueurs et qui s’en vantaient, ou à des matons tortionnaires, n’était discutable que d’un point de vue stratégique, pas éthique. Il faut dire que ces Italiens-là savaient que les auteurs des attentats massacres, les penseurs de la #stratégie_de_la_tension, les assassins d’ouvriers dans les usines, de paysans dans les champs et de détenus dans les prisons, étaient à chercher du côté de l’Etat et de ses forces de l’ordre. Faire porter le chapeau d’une violence sociale généralisée à Battisti et à quelques centaines d’individus ensevelis sous les peines de prison et contraints souvent à des rétractations honteuses, est le tour de passe-passe auquel l’#Italie officielle, celle du PC et de la démocratie chrétienne regroupés aujourd’hui dans le PD ont réussi jusqu’ici, y compris à présent avec l’appui des fascistes de la #Ligue et des sinistres bouffons xénophobes #5_étoiles. Le Seuil n’était pas obligé d’apporter sa caution de vieille maison d’édition à cette vérité officielle-là.

    #innocentisme #édition #gauche #strage_di_stato #prison #isolement #écriture #littérature

    https://lundi.am/Lettre-ouverte-a-Hugues-Jallon-President-des-Editions-du-Seuil-a-propos-de

    • Note d’Irène Bonnaud sur FB sur l’écriture, "ceux qui ont la culture" (et ceux qui "ne l’ont pas"), en complément au texte de Serge Quadruppani : "Merci à Serge Quadruppani qui dit ici l’essentiel. J’ajouterais que la prison coûte cher (cantiner, faire venir la famille au fin fond de la Sardaigne, payer les avocats, etc), et qu’un écrivain enfermé dans des conditions carcérales pareilles (isolement, surveillance visuelle 24h/24), sous le feu d’une campagne de propagande massive, quel recours a-t-il sinon écrire et publier pour faire entendre sa voix ? Dans ce contexte, on peut trouver la décision du Seuil encore un peu plus infâme. "L’heure pour Cesare Battisti n’est pas à la littérature" : mais quelle dose de stupidité peut-on avoir dans la cervelle pour prononcer cette phrase ? À moins que cela ne fasse au fond partie du problème.

      Car cette focalisation délirante des autorités italiennes sur le cas Battisti, alors qu’il n’était qu’un parmi des milliers dans les années 70, et qu’un parmi des dizaines d’autres réfugiés en France, est liée à son refus des deux attitudes qu’on lui offrait : se taire, et accepter d’être objet silencieux du discours des autres, tant la production culturelle sur les « années de plomb » était florissante à l’orée des années 2000, ou se repentir, expier en public les erreurs passées, endosser le rôle d’épouvantail aux oiseaux et d’organisateur de l’autocritique des autres, repenti perpétuel et juge du repentir d’autrui, bref servir l’ordre social existant.

      Ce refus était un scandale, et la provocation immense, d’être devenu écrivain sans y avoir été convié. Pour l’Etat italien, il devenait alors urgent de le remettre à sa place, que tout le monde oublie ses livres et qu’il ne soit plus que « le terroriste », « l’assassin », ou au mieux « l’ex terroriste », « l’ex militant d’extrême-gauche », etc. La négation de Cesare Battisti comme écrivain, le fait que ses livres depuis 2002, et les meilleurs et parmi les plus nettement autobiographiques, Cargo Sentimental, Face au mur, ne soient pas publiés en Italie, n’est pas un hasard d’édition. Sans cesse les articles de presse haineux au Brésil comme en Italie insistaient sur le même thème : ce type est mégalomane, il fait le malin, il crâne, il nous nargue, il fanfaronne, il se prétend écrivain, il "joue à l’écrivain" - sous-entendu : il n’est pas un vrai écrivain, sérieux, respectable, bourgeois, c’est un voyou mal élevé et, comme on dirait dans un mauvais polar, « on va lui montrer où est sa place ». Cesare Battisti a le malheur de ne pas être issu de la bourgeoisie intellectuelle. Fils de paysans pauvres, il fait décidément mauvais genre, ragazzo di vita à la Pasolini, squatteur, chômeur, autodidacte, pas idéologue ni théoricien pour un sou, bref pas sérieux, pas présentable.

      Et comment accepter que ces « années de plomb » dont il paraît si important de faire une décennie de tragédies et de désolation aient pu transformer un enfant de prolo en écrivain ? Ce serait laisser voir qu’elles ont été aussi, pour des dizaines de milliers de jeunes gens, un chemin d’émancipation, un air de liberté. Refuser d’aller travailler aux champs ou à l’usine, rompre avec un Parti Communiste qui chantait la dignité du travail et s’alliait avec la droite réactionnaire la plus corrompue, quitter sa famille, son lycée, vivre dans des squats, braquer des magasins pour « se réapproprier les richesses », mais surtout pour refuser l’obéissance aux contremaîtres, aux patrons, aux syndicats - toute cette politique au jour le jour qui a marqué la décennie de l’après 68 et qui a été une formidable source de créativité et de culture, en Italie plus que partout ailleurs dans le monde, est la matrice des romans de Cesare Battisti, leur sujet parfois, mais surtout ce qui les a rendus possibles.

      "J’ai toujours cru que je n’avais pas le droit d’écrire. Je n’en ai pris conscience qu’après février 2004, dans cette situation extrême. Mon arrestation et toutes les infamies qui s’ensuivirent m’avaient rejeté trente-cinq ans en arrière. A l’époque où mon père, qui n’avait jamais terminé l’école primaire, me disait : « On n’écrit que lorsqu’on a une chose importante à dire, et pas n’importe comment. On peut faire beaucoup de dégâts avec un écrit. Il faut laisser cela à ceux qui ont la culture et les responsabilités." (Cesare Battisti, Ma Cavale)

      Du stalinisme paternel à cette décision du Seuil aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une certaine continuité, une façon de dire aux "classes dangereuses" et autres subalternes : "la littérature ne vous appartient pas, la littérature est l’affaire des gens respectables, la littérature est notre affaire". Inutile de dire que c’est tout l’inverse, et que ces gens du Seuil viennent de prouver qu’ils ne comprennent, mais alors rien à la littérature."

    • Selon son avocat, Davide Steccanella, les aveux de Cesare Battisti sont avant tout motivés par sa volonté de soulager sa conscience : « Pendant quarante ans, il a été décrit, en Italie, comme le pire des monstres. Avec ce geste, il veut se réapproprier son histoire. » Agé de 64 ans et sans perspective autre que celle de « pourrir en prison » – selon la promesse faite par Matteo Salvini le jour de son retour en Italie –, l’ancien fugitif n’a en effet plus rien à perdre, et pas grand-chose à gagner.

      La demande, présentée par son avocat, de considérer comme prescrite sa condamnation à six mois d’isolement a été rejetée par la justice italienne. Depuis janvier, l’ancien activiste est emprisonné à Oristano, dans une des prisons les plus difficiles du pays, dans une cellule de 3 mètres par 3, où il fait l’objet d’un traitement « sur mesure », surveillé 24 heures sur 24 par les gardiens, il n’a pas grand-chose de plus à espérer qu’un geste de clémence.

      Pour l’ancien membre des Brigades rouges Enrico Porsia (dont la condamnation à quatorze années de prison est prescrite depuis 2013), qui a bien connu Battisti lors de ses années parisiennes, l’ancien membre des PAC a surtout cédé à la pression à laquelle il est soumis depuis son retour en Italie : « Il a été exhibé lors de son arrestation, il est enfermé dans un “aquarium” et soumis à un traitement inhumain, très proche du “41 bis” réservé aux mafieux… En fait, avec ces aveux, l’Etat italien dit : il nous a suffi de trois mois pour le briser. »

      Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)

      https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/25/italie-cesare-battisti-reconnait-sa-responsabilite-dans-quatre-meurtres_5441

    • L’AUTODAFÉ DE CESARE BATTISTI, Paolo Persichetti
      https://lundi.am/L-autodafe-de-Cesare-Battisti

      (...) Présentée comme un changement radical après sa libération en mars 2004, la décision soudaine et brutale de faire recours à la catégorie de l’innocence fut assumée dès le début aux dépens de ses compagnons de destin, comme pour souligner que la distance intervenue avec sa vieille communauté serait devenue une valeur ajoutée. Les autres réfugiés furent accusés de l’avoir mis sous pression, carrément bâillonné, le tout sans épargner les jugements dénigrants à l’égard des autres formations politiques armées des années 70 différentes de celles de son petit groupe d’appartenance. Tandis que ses vieux avocats et compagnons d’exil le mettaient en garde, devant le risque que représentait ce choix, en lui rappelant que la procédure d’extradition n’était pas une anticipation du jugement du procès, ni un dernier degré du procès, mais une instance juridique où les requêtes provenant d’Italie étaient évaluées en fonction de leur conformité aux normes internationales et internes, certains de ses soutiens laissaient entendre que la défense nécessaire n’avait pas été développée auparavant parce qu’elle aurait pu « nuire à la protection collective accordée sans distinction des actes commis », à la « petite communauté des réfugiés italiens, protégée pendant plus de 20 ans par la parole de la France » (Le Monde du 23 novembre 2004). En plus d’insinuer, devant l’opinion publique, que la communauté des exilés était une communauté de « coupables » qui empêchaient l’unique « innocent » de se défendre, on leur attribuait un rôle de censeurs jusqu’à dépeindre les exilés comme une bande de cyniques inquisiteurs qui lançaient des excommunications. (...)

      LES AVEUX

      Dans le système judiciaire italien, la notion de culpabilité a été renversée par l’imposant arsenal législatif des récompenses. Le discriminant essentiel est devenu de fait le comportement du prévenu, la démonstration de sa soumission, le degré de repentir ou de collaboration. A égalité de délit et de responsabilité pénale, sont rendus des jugements et des traitements pénitentiaires très différents. La logique des récompenses a modifié les frontières de la culpabilité et de l’innocence. On peut être coupable et récompensé, innocent et puni. Ce que l’on est compte plus que ce qui a été fait. Battisti, malheureusement, n’a pas eu la force de se battre contre cette situation.

  • Stefano Palombarini : « Les gilets jaunes constituent une coalition sociale assez inédite » | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/les-gilets-jaunes-constituent-une-coalition-sociale-assez-inedite-664558

    Sachant que :
    – Une des caractéristiques économiques de l’Italie est son fort taux de TPE / PME.
    – L’économie Française a été marquée ces dernières années par un développement sans précédent de l’entreprise individuelle.
    – Que le revenu moyen des auto-entrepreneurs se trouve en dessous du Smic (et avoisine parfois le seuil de pauvreté)

    Je formule l’hypothèse que la récente apparition d’un mouvement " 5 étoiles " en Italie et d’un mouvement " Gilets Jaune " en France est la résultante d’une recherche d’expression politique de cette forme de prolétariat qui se sent peu représenté par les partis historiques de gauche, plus enclins à la défense du salariat traditionnel.

    Existe t-il des analyses sociologiques qui font se rapprochement ?

    #gilets_jaunes #5_étoiles #sociologie_politique

  • Rapport d’observation sur les conditions de vie dans le #squat du “#5_étoiles” à #Lille

    La Cimade Lille est allée le 18 octobre à la rencontre des personnes vivant ce squat afin d’en savoir plus sur leurs accès à un certain nombre de droits fondamentaux.

    Alertée par des personnes étrangères accompagnées dans le cadre de ses activités et interpellée par des associations et citoyens, La Cimade Lille a mené une enquête le 18 octobre dernier sur le squat dit du « 5 étoiles » à Lille.

    Ce dernier est situé dans les locaux d’un ancien entrepôt et a été ouvert suite à l’évacuation le 24 octobre 2017 des personnes installées sur le site de l’ancienne gare Saint Sauveur.

    Les membres de l’association y ont rencontré 79 personnes, soit environ la moitié des personnes estimées sur le site, et les ont questionnées sur leur accès à un certain nombre de droits fondamentaux (accès à l’eau, à la lessive, aux toilettes, à une douche, nourriture, soins et hébergement) et sur leur statut (nationalité, âge, date d’arrivée en France et sur le squat, situation administrative).

    Nos constats, repris dans un rapport d’observation rendu public le 5 novembre, sont édifiants. Les lieux sont insalubres et les conditions de vie sur place précaires et indignes. Toutes les personnes ont exprimé des difficultés d’accès à l’eau et à l’hygiène. En effet, le seul point d’eau du squat, rétabli le 20 juillet 2018 après une coupure de plusieurs mois, ne garantit pas un accès suffisant à de l’eau potable. Le site n’est équipé ni de WC, ni de douches, alors que les accueils de jour présents sur la ville de Lille sont débordés. La faim fait partie du quotidien de plus de la moitié des personnes du squat qui ne mangent qu’une seule fois par jour, et pas toujours un repas chaud. En outre, alors que l’hiver arrive et que le froid se fait déjà ressentir, toutes les personnes présentes sur le squat n’ont pas de couverture et certaines dorment à même le sol, sans matelas.

    Originaires de 15 pays différents (principalement d’Afrique subsaharienne et plus particulièrement de Guinée), les personnes présentes sont âgées à 80% de moins de 30 ans et sont arrivées en France et sur le squat, pour la grande majorité, depuis moins de 3 mois, orientées sur le squat par le bouche à oreille, mais aussi par des agents du département et de la Préfecture.

    24% de personnes rencontrées se sont déclarées mineures. En attente d’un rendez-vous pour évaluer leur minorité ou en cours d’évaluation, la moitié de ces personnes auraient dû être prises en charge par le département dans le cadre de l’accueil provisoire d’urgence prévu à l’article L. 223-2 du Code de l’action sociale et des familles (seuls 2 mineurs l’étaient).

    Les autres personnes, majeures, sont quasiment toutes en demande d’asile et devraient à ce titre être hébergées durant toute la durée de la procédure d’asile dans le cadre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, conformément aux articles L 744-1 et suivants du Code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile.

    Ces conditions de vie amplifient la détresse morale des personnes vivant sur le squat et favorisent un climat d’insécurité et de tensions. Si 4 habitants sur 5 appellent le 115, aucune place ne leur est proposée, faute d’hébergement disponible au titre de la veille sociale. Alors que le délai d’attente est sur la métropole lilloise de 90 à 100 jours pour obtenir une première place d’hébergement d’urgence, rejoindre le squat semble être devenu la seule alternative à la rue.

    Notre rapport d’observation a été adressé aux autorités compétentes, dont Monsieur le Préfet du Nord et Madame la Maire de Lille. Nous appelons à des solutions d’hébergement pérennes pour l’ensemble de ces personnes conformément à la législation, et demandons, dans l’attente, que soient prises des mesures urgentes afin de garantir le respect de la dignité de ces personnes, notamment en termes d’alimentation, d’hygiène, de santé et d’accompagnement.


    https://www.lacimade.org/rapport-dobservation-sur-les-conditions-de-vie-dans-le-squat-du-5-etoiles-
    #France #logement #hébergement #asile #migrations #réfugiés