#9-3

  • En Seine-Saint-Denis, le virus de la ségrégation raciale - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/07/en-seine-saint-denis-le-virus-de-la-segregation-raciale_1787705

    Lorsqu’au début du confinement, des personnalités et des articles annoncent dans les médias qu’en Seine-Saint-Denis, l’incivilité est généralisée, que nul ne respecte le confinement, et que les policiers venus le faire respecter sont attaqués, pourquoi ne pas les croire ? Cela fait tellement longtemps qu’on entend ou qu’on lit que dans ce département, pourtant situé aux portes de Paris, la police n’oserait plus intervenir alors que la drogue et son argent couleraient à flots, et - sans s’inquiéter de la contradiction - que les filles n’auraient plus le droit de sortir dans les rues que tiendraient les salafistes…

    En France, l’ordre racial est une composante de l’ordre social qui se mesure précisément au fait que la majorité des médias et sans doute de l’opinion est d’avance disposée à croire qu’il se passe en Seine-Saint-Denis des choses proprement extraordinaires, totalement différentes de ce qui se passe ailleurs, évidemment dangereuses et inquiétantes ! A tort, pourtant, car dans ce département, des gens vivent et travaillent normalement, à ceci près que le stigmate qui leur est imposé rend tout plus compliqué.

    D’un côté, le silence sur les inégalités raciales vis-à-vis de la contamination, et de l’autre, le vocabulaire de l’indiscipline mobilisé pour décrire le non-respect du confinement des banlieues populaires. Cette représentation tranche avec l’indulgence avec laquelle on décrit de simples « promeneurs » parisiens, que l’on humanise volontiers pour permettre l’identification.

    Celles et ceux qui nous invitent à penser une société meilleure pour demain ne semblent pas avoir mesuré la dette immense que Paris aura vis-à-vis du « 9-3 », et toutes les agglomérations vis-à-vis de leurs « quartiers ». Aucune société plus égalitaire et plus juste ne sera bâtie sur des fondations héritées de la ségrégation raciale. Il faudra enfin s’y attaquer, car s’il y a fort à parier que dans la France de demain, les « statistiques ethniques » resteront l’épouvantail qu’en ont fait des générations de politiques, cela n’empêchera pas les proches des victimes de cette crise de demander des comptes.
    Rokhaya Diallo journaliste et réalisatrice , Jérémy Robine maître de conférences en géopolitique

    #racisme #premiers_de_corvée #93 #9-3