• Projet Aurora : un cabinet américain chiffre la “relocalisation” des Palestiniens hors de la bande de Gaza
    7 juillet 2025 - Agence Media Palestine
    https://agencemediapalestine.fr/blog/2025/07/07/projet-aurora-un-cabinet-americain-chiffre-la-relocalisation-de

    (...) C’est un nouveau scandale qui pourrait entacher la réputation déjà bien affaiblie du Boston Consulting Group. Ce cabinet de conseil mondialement connu aurait, d’après des révélations du Financial Times, modélisé financièrement le coût d’un plan de “déplacement volontaire” des Palestiniens de la bande de Gaza.

    La modélisation financière du déplacement des Palestiniens

    Ils seraient une douzaine de collaborateurs du BCG à avoir travaillé sur ce projet, nom de code “Aurora”, entre octobre 2024 et la fin du mois de mai. Le montant des travaux réalisés par le cabinet équivaut à quatre millions de dollars. Parmi ces travaux, une modélisation financière a été réalisée pour estimer les coûts liés à la “relocalisation” de centaines de milliers de Palestiniens de la bande de Gaza et à l’impact économique d’un tel déplacement de population.

    L’idée de ce modèle de “réinstallation volontaire” était d’offrir une forme de compensation financière aux Palestiniens de Gaza en échange de l’abandon de leur terre d’origine. Cette compensation a été désignée par le BCG comme un “package de relocalisation” pour chaque Palestinien qui quitterait l’enclave. Le cabinet a considéré qu’un quart des Gazaouis (environ 500.000 personnes) accepteraient de partir et que 75% de ces derniers ne reviendraient plus sur leurs terres. Prix du package ? 9000 dollars par personne, soit un coût d’environ cinq milliards de dollars pour encourager les Gazaouis à partir. (...)

    #Aurora

  • Ne plus soigner : une tendance actuelle | Alexandre Monnin
    https://environnementsantepolitique.fr/2025/06/13/ne-plus-soigner-une-tendance-actuelle-2

    Derrière les discours d’efficience, d’autonomie et de prévention, un glissement insidieux s’opère : celui d’une médecine qui renonce à soigner. Aux États-Unis comme en France, le soin devient conditionnel, réservé aux existences jugées « optimisables ». En s’appuyant sur le cas du programme MAHA, les dérives du One Health, le concept d’« abandon extractif » et l’émergence d’un « eugénisme doux », cet article analyse les ressorts politiques et idéologiques d’un renoncement systémique au soin. Et si la médecine contemporaine, loin de ses promesses de progrès, tendait désormais vers une stratégie assumée de non-soin ? Cette hypothèse, encore largement impensée, commence pourtant à se matérialiser sous nos yeux. Et ce, pas uniquement comme une conséquence malheureuse de restrictions budgétaires ou d’une (...)

  • #Tunisie : l’#enfer des exilés

    En Tunisie, la vie des exilés venus d’Afrique sub-saharienne, est devenue un enfer. Un enfer peu documenté : les autorités tunisiennes empêchant les journalistes de travailler sur ce thème.

    Pourtant, des ONG accusent le pays de provoquer le naufrage d’embarcations en pleine mer et d’aller jusqu’à livrer au désert des exilés arrêtés au large de la Tunisie, pendant leur tentative de traversée de la Méditerranée.
    Julien Goudichaud et Davide Mattei se sont rendus en Tunisie, en se faisant passer pour des touristes, pour mener une enquête exceptionnelle. Ils ont réussi à prouver ces exactions en parvenant à filmer des bus chargés de migrants et en retrouvant des victimes en plein désert.
    Livrés à eux-mêmes, sans eau ni nourriture ni abri, beaucoup d’entre eux périssent de soif et d’insolation.
    Le président tunisien Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en 2021, mène depuis une politique anti-migrants répressive, qui s’appuie sur la théorie xénophobe du « grand remplacement » pour lutter contre la présence des exilés dans le pays. Pour sécuriser sa frontière méditerranéenne, l’UE a négocié un accord de coopération avec la Tunisie, qui porte notamment sur la gestion des frontières et la lutte contre le trafic d’êtres humains. En contrepartie, la Tunisie bénéficie de plus de 100 millions d’euros de financement européen. Depuis l’entrée en vigueur de cet accord, la violence des autorités semble avoir explosé.

    https://www.arte.tv/fr/videos/125279-000-A/tunisie-l-enfer-des-exiles
    #vidéo

    #migrations #réfugiés #abandon #expulsions #renvois #déportation #désert #Sahara #désert_du_Sahara #exernalisation #frontières

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    ajouté à la métaliste sur les « #left-to-die in the Sahara desert »...
    https://seenthis.net/messages/796051

  • L’#Algérie a refoulé 16 000 migrants dans le #désert nigérien en deux mois

    Depuis le mois d’avril, plus de 16 000 migrants en situation irrégulière, dont des enfants et des femmes, ont été expulsés d’Algérie vers le Niger, selon les autorités. Et ces expulsions représentent plus de la moitié des 31 000 migrants refoulés sur toute l’année 2024 par Alger, souvent dans « des conditions brutales », rappelle l’ONG locale Alarme Phone Sahara.

    L’Algérie a refoulé plus de 16 000 migrants irréguliers africains vers le #Niger depuis avril 2025, dont des femmes et des enfants, soit plus de la moitié des expulsions de 2024, ont annoncé mercredi 4 juin les autorités nigériennes.

    Dimanche et lundi, 1 466 migrants au total sont arrivés à #Assamaka, localité frontalière de l’Algérie, ont indiqué mercredi les autorités préfectorales d’Arlit, une ville du nord du Niger. Le premier groupe, arrivé dimanche, comptait 688 ressortissants d’une dizaine de pays ouest-africains, parmi lesquels 239 Nigériens, ont précisé les autorités.

    Le deuxième groupe, qui rassemblait 778 Nigériens dont 222 mineurs, est arrivé lundi à bord de 13 camions et d’une fourgonnette, ont-elles ajouté.

    Entre le 1er et le 30 mai déjà, 8 086 migrants (5 287 Nigériens et 2 799 personnes d’autres nationalités africaines) avaient été expulsés par Alger, selon un décompte des autorités. En avril, 6 737 autres avaient été refoulés.

    Toutes ces expulsions représentent plus de la moitié des 31 000 migrants refoulés sur toute l’année 2024 par Alger, souvent dans « des conditions brutales », selon l’ONG locale Alarme Phone Sahara. Elle a récemment dénoncé une « violation des droits humains » et exigé « l’arrêt immédiat des rafles et des expulsions massives » par l’Algérie.

    Accélération des retours « volontaires »

    Face à ces arrivées massives - qui ont cours depuis des années -, le Niger avait annoncé en mai vouloir appuyer l’#Organisation_internationale_de_la_migration (#OIM) pour accélérer le #rapatriement dans leur pays d’origine - d’ici juillet - d’environ 4 000 migrants. Les autorités nigériennes disent vouloir éviter un « désastre humanitaire ».

    Mais ces retours « volontaires » prennent du temps. De manière générale, l’OIM est tributaire des processus imposés par les États d’origine pour délivrer les #laissez-passer. Chaque nouvelle exigence de ces derniers - entretiens en vidéoconférence avec le migrant, formulaires rébarbatifs, etc. - entraîne un peu plus de retard pour les migrants originaires de ces pays, bloquant ainsi tout le processus et provoquant l’embolie du système d’accueil onusien sur le territoire nigérien.

    Cette surpopulation de migrants - notamment à Assamaka et #Agadez - concentre toutes les frustrations.

    Cette situation « perturbe l’équilibre sécuritaire » du pays, avait déclaré fin janvier le général Mohamed Toumba, ministre nigérien de l’Intérieur de ce pays gouverné depuis près de deux ans par un régime militaire.
    Le double discours d’Alger

    Les autorités algériennes, elles, affichent un double discours sur leur politique migratoire. D’un côté, Alger expulse ces sans-papiers dans le désert, de l’autre, le pays communique sur leur accueil et leur intégration.

    Les personnes expulsées doivent survivre dans des conditions de vie particulièrement difficiles. Dans un environnement désertique, elles sont confrontées à un climat très hostile qui cumule de très fortes températures (souvent 47°C- 48°C), l’absence d’abri ainsi qu’un manque d’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins.

    Abandonnés par Alger dans la zone dite du « #Point_Zero » - un lieu désertique en Algérie à une quinzaine de kilomètres de la frontière avec le Niger, les migrants doivent ensuite parcourir à pied pendant des heures le chemin vers Assamaka où se trouve le #centre_de_transit de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui assiste les retours volontaires des migrants vers leur pays d’origine.

    L’Algérie n’est pas le seul pays de la région à abandonner des migrants dans le désert. La #Libye aussi. Entre le 28 mars et le 25 avril 2025, 792 migrants, majoritairement nigériens, ont débarqué dans des zones désertiques de la région de #Siguidine (centre-est du Niger) après avoir été renvoyés du sol libyen. Parmi eux, on comptait plusieurs femmes et mineurs.

    En Libye, les exilés peuvent être interpellés dans la rue, sur leur lieu de travail, dans leur appartement... puis placés dans des camions de marchandises à destination du sud du pays, près de la frontière nigérienne. D’autres sont expulsés directement depuis les centres de détention libyens, selon Alarme phone Sahara.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64971/lalgerie-a-refoule-16-000-migrants-dans-le-desert-nigerien-en-deux-moi
    #asile #migrations #réfugiés #abandon #expulsions #renvois #déportation #désert #Sahara #désert_du_Sahara #retour_volontaire #désert_du_Ténéré

  • #Mayotte : derrière le #Cyclone, la faillite de l’État
    https://lvsl.fr/mayotte-derriere-le-cyclone-la-faillite-de-letat

    Après la catastrophe du 14 décembre, la situation d’urgence sanitaire et sociale de Mayotte atteint son paroxysme. Les racines de cette tragédie sont à rechercher plus loin, et notamment dans l’inactivité politique du gouvernement, dont le plan stratégique établi en 2018 et les opérations « Wuambushu » n’ont rien réglé. Entre multiples effets d’annonce non aboutis – […]

    #Société #Abandon #Comorres #néolibéralisme #Outre-Mer #Wuambushu

  • UK university drops #Elsevier deal

    #Surrey says Jisc-negotiated deal “not sustainable in the current financial climate”

    The #University_of_Surrey has opted out of a subscription deal with the academic publishing giant Elsevier, saying the arrangement is not financially sustainable.

    The move, coming after the University of Sheffield cancelled its subscription deal with Elsevier, further spotlights how the crisis in university finances is beginning to impact on universities’ subscription deals with publishers—and on the publishing industry.

    Surrey had been part of arrangements negotiated by #Jisc, which negotiates publisher deals on behalf of the UK’s higher education sector and other partners. A spokesperson for Elsevier told Research Professional News that it currently has an agreement with over 150 institutions in the UK, and that the publisher was “delighted” to have Jisc “as customers going into 2025”.

    However, a spokesperson for Surrey told RPN that the university continuously reviews all it commercial subscriptions for value for money, and had concluded that the Jisc-negotiated ‘Read and Publish’ deal with Elsevier was “not sustainable in the current financial climate”.

    “We will continue to subscribe to the most-used individual Elsevier journal titles and will enable our students and researchers to read articles via post-cancellation access to previous subscribed content, via open access and via inter-library loans,” the spokesperson said.

    “We also look forward to continuing to work with Jisc and with publishers on future publishing deals which are financially sustainable, open, transparent and equitable.”

    RPN understands that publication by Surrey researchers in Elsevier journals will not be affected by the move.

    Last month, the Sheffield cancelled its Jisc-negotiated subscription deal, citing concerns over the “sustainability of the current commercial scientific publishing model”. A spokesperson for Sheffield also said publication for its researchers would be unaffected.

    An Elsevier spokesperson said it was “aware of the difficult financial conditions some institutions are under”, adding the company has “worked closely with Jisc to provide relief, and we’ll continue to work with them on a case-by-case basis to support UK institutions”.

    https://www.researchprofessionalnews.com/rr-news-uk-universities-2025-1-uk-university-drops-elsevie
    #édition_scientifique #UK #Angleterre #Elsevier #recherche #université #résistance #abandon #abonnement #arrêt #coût #prix

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    ajouté à la métaliste sur la #publication_scientifique :
    https://seenthis.net/messages/1036396

  • Dans l’Indre, un maire enterre « la mort dans l’âme » un projet de centre d’accueil de demandeurs d’asile

    Après deux ans de vives tensions alimentées par l’extrême droite politique et groupusculaire, le projet d’ouvrir un #Cada à #Bélâbre, dans l’Indre, a été abandonné. Menacé de mort, le maire de la commune, #Laurent_Laroche, revient sur cette décision, qu’il regrette.

    Le 18 décembre, Laurent Laroche, maire de la petite commune de Bélâbre (#Indre) a annoncé, aux côtés du préfet, l’#abandon du #projet de création d’un #centre_d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Depuis deux ans, la transformation d’une ancienne usine de chemises abandonnée en structure d’accueil a provoqué de vives tensions, dans le sillage de l’extrême droite partisane et groupusculaire.

    Le médiatique avocat #Pierre_Gentillet, candidat du Rassemblement national (RN) aux élections législatives de 2024 dans une circonscription voisine, a utilisé ses réseaux pour attirer la lumière sur ce projet, tandis que des militants d’extrême droite promettaient de faire de Bélâbre « un nouveau #Callac ». En 2023, un projet d’accueil de familles réfugiées a été abandonné dans cette commune bretonne, après une campagne de protestation et de harcèlement des élu·es par l’extrême droite.

    Après deux ans à porter l’initiative avec son conseil municipal, le maire divers gauche de Bélâbre, Laurent Laroche, revient sur l’épilogue de ce projet. Amer, il regrette que la mobilisation de l’extrême droite et les difficultés financières de l’association en charge du futur Cada aient mis un terme à ce projet d’accueil, qui aurait permis de redynamiser la petite commune.

    Mediapart : Pourquoi le projet de Cada a-t-il finalement été abandonné fin décembre ?

    Laurent Laroche : L’association #Viltaïs, qui était en charge du projet, rencontrait d’importantes difficultés financières, malgré sa reprise par le groupe SOS. Les travaux de rénovation de l’ancienne chemiserie étaient trop coûteux. À l’été, nous avions fait une proposition alternative à Viltaïs : transformer un ancien hôtel de Bélâbre en Cada, un projet moins coûteux, à plus petite échelle.

    J’en avais parlé au préfet de l’Indre, qui l’a très mal pris. J’ai été vraiment blessé par ses propos, il disait qu’il n’était pas favorable à ce projet, que ça allait raviver les tensions et réveiller les opposants alors qu’il avait ramené la paix à Bélâbre. On a fini par se voir le 18 décembre, et on a enterré le projet en actant l’incapacité de Viltaïs à le mener à bien. La mort dans l’âme.

    Les opposants au projet revendiquent un succès, à l’image de Pierre Gentillet, qui savoure la victoire d’« une communauté enracinée » qui fait « plier la volonté de gouvernants déconnectés ». Comment réagissez-vous ?

    On était inquiets depuis longtemps, quand on est élu on sait que ce qui compte, c’est quand on pose la dernière pierre d’un projet. Toute cette histoire nous avait un peu préparés à cette issue. Mais l’amertume que j’ai aujourd’hui, c’est de voir les opposants qui disent qu’ils ont gagné. Ils n’ont pas gagné, on cède face à la situation économique que rencontre l’association Viltaïs. Même si dans mon for intérieur, je me dis que l’État a quand même un peu cédé à la pression de l’extrême droite. Ce qui me rend amer, c’est que je n’aurais pas l’occasion de prouver aux Bélabrais que l’installation des demandeurs d’asile aurait pu très bien se passer.

    Aujourd’hui, le préfet, lui, est enchanté, il peut maintenant se glorifier en disant qu’il a ramené le calme à Bélâbre. Mais dans l’Indre, il nous a annoncé qu’on risquait 200 fermetures de classes d’ici 2030. Ce projet de Cada, il servait aussi à ça, à redynamiser le territoire. On ne s’est pas levés un matin avec le conseil municipal en se disant « tiens, si on ouvrait un centre pour accueillir des demandeurs d’asile », on y a réfléchi.

    Quel bilan tirez-vous de ces deux années de tension autour de ce projet de centre d’accueil ?

    Personnellement, je pense que l’erreur qu’on a commise, c’est que ce projet a été bien préparé mais qu’on aurait pu mieux communiquer dessus. On a sous-estimé qu’au lendemain d’une élection présidentielle où le RN fait des très gros scores sur la commune, forcément, il y a un habitant sur trois qui vote RN. Et la campagne présidentielle s’est beaucoup faite sur l’immigration, sur le rejet de l’autre. Moi, je me disais que ce vote s’expliquait beaucoup par la désertification médicale, le retrait des services publics, et j’ai sous-estimé cet aspect.

    Il y a eu un noyau d’opposants, pas très nombreux mais très bons en #communication, qui a réussi à entraîner des gens, de l’#attention_médiatique et qui a profondément divisé la commune. On s’est retrouvés avec les caméras de #Valeurs_actuelles, des militants du #RN et de #Reconquête, c’était beaucoup.

    Comment avez-vous vécu personnellement cette période ?

    Je suis peut-être naïf, mais j’ai été très surpris par l’ampleur que cette histoire a prise. Tout ça pour ça… L’extrême droite nous a inscrits, dès le début, comme une commune avec des élus « à abattre », le but était de faire « un nouveau Callac », c’était très inquiétant. On a reçu des centaines de #menaces, de courriers, de mails, d’appels téléphoniques injurieux ou menaçants, évidemment je ne peux pas dire que je l’ai bien vécu. On n’avait jamais vu ça, on s’est retrouvés sur notre petite commune avec des manifestations encadrées par 80 gendarmes.

    Le moindre fait divers impliquant un demandeur d’asile ou un étranger était instrumentalisé, des militants de l’#Action_française de Poitiers sont même venus s’introduire dans la chemiserie, faire des tags et poser avec une banderole « Stop immigration ».

    J’ai reçu des #menaces_de_mort et j’ai été placé sous #protection_policière. Une personne avait appelé à mon domicile pour me menacer, elle a été condamnée, tout comme une autre qui avait menacé de venir brûler ma maison. J’ai également eu un suivi psychologique, que j’ai toujours un peu, grâce à l’Association des maires de France.

    Mon erreur, c’est qu’au plus fort de la crise, quand on avait des #manifestations tous les mois et qu’on m’insultait en permanence, j’ai refusé de porter #plainte. J’étais encore dans une sorte de #déni, et je ne voulais pas porter plainte contre des habitants de la commune. C’était un tort, les gendarmes m’ont conseillé de le faire mais j’ai refusé. Ça aurait peut-être permis de dissuader les gens, de calmer un peu le jeu. L’imbécile qui a appelé chez moi au mois d’octobre ne l’aurait peut-être pas fait si j’avais déposé plainte plus tôt.

    Ces événements vous ont-ils fait vous poser la question de la démission ?

    La question de la démission m’a effleuré l’esprit évidemment, j’étais parfois au trente-sixième dessous. C’est grâce à l’équipe du conseil municipal que j’ai pu tenir aussi, j’ai des amitiés qui sont nées de ce combat, ça a été important. Et démissionner aurait fait trop de plaisir aux opposants au Cada.

    Pour la suite, les élections municipales de 2026, ma décision n’est pas encore prise. La cheffe de file des anti-Cada a déjà annoncé sa candidature, soutenue par le RN. Mais même si je ne fais pas de troisième mandat, j’essaierai de m’investir pour qu’une liste émerge de l’équipe municipale actuelle.

    Si je n’ai pas encore pris ma décision, c’est aussi qu’il reste encore beaucoup de projets à mener. L’objectif de l’extrême droite, ils le disaient, c’était de nous « pourrir la vie ». Des gens me l’ont dit en face. Leur but c’était de me faire #peur, de me pousser à la démission ou à ne pas me représenter, et de paralyser la vie de la commune.

    Certes, on n’a pas mené le projet de Cada jusqu’au bout et ça nous rend tristes. Mais on a ouvert une maison médicale avec trois médecins en plein désert médical, on a un projet de médiathèque... La vie communale ne s’est pas arrêtée pour autant. On a réussi ça, on a continué à mener des projets.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020125/dans-l-indre-un-maire-enterre-la-mort-dans-l-ame-un-projet-de-centre-d-acc
    #accueil #réfugiés #migrations #France #extrême_droite

    via @karine4

  • #Mayotte : #histoire_coloniale, fractures sociales et désastre environnemental

    Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en #crise, où la #misère humaine et les #catastrophes_naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – #séismes, #tornades, #montée_des_eaux – ne sont que la face visible d’un #effondrement plus global. Ils révèlent une #vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des #inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.

    En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’#Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.

    L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette #départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des #infrastructures et des #services_publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.

    Effondrement des services publics

    L’#éducation, en particulier, est le symbole de cet #échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le #système_scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du #système_éducatif alimente un sentiment d’#abandon et de #mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’#égalité_républicaine reste une illusion.

    Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une #pression_démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les #bidonvilles, des espaces d’#exclusion où se forment des #bandes_de_jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de #violences et d’#émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du #droit_du_sol, ces enfants peuvent acquérir la #nationalité_française.

    La #colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’#environnement. Mayotte est une île en pleine #dégradation_écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’#assainissement, rejettent leurs #déchets dans une #mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des #mangroves (due à un #développement_urbain incontrôlé et au #changement_climatique) et en conséquence des #récifs_coralliens, essentiels pour limiter l’#érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.

    Une gestion écologique devenue symbole technocratique

    À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du #parc_naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la #biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette #conservation comme une nouvelle forme de #colonialisme : une « #colonisation_bleue » où la priorité est donnée à la #nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le #sentiment_d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.

    Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les #sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en #eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.

    Un avenir impensable et tragique

    Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le #présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’#urgence et l’incapacité d’anticiper.

    Mayotte incarne cette #temporalité_brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’#impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.

    La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’#hypercriticité : un état où les #tensions_sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un #effondrement_global.

    Ce terme désigne non seulement l’accumulation des #vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’#accès_à_l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.

    Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la #globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses #fractures_coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans "Une planète, plusieurs mondes" (https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/une-planete-plusieurs-mondes), ce croisement marque une #rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.

    Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’#effondrement_insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la #double_identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’#hybridité_culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.

    https://theconversation.com/mayotte-histoire-coloniale-fractures-sociales-et-desastre-environne
    #Comores #colonialisme #environnement

  • Nord de la France : l’État abandonne un projet de #barrage_flottant anti-migrants près de #Gravelines

    L’État a abandonné le projet d’installer un nouveau barrage flottant sur le #canal_de_l’Aa, entre Gravelines et #Grand-Fort-Philippe, dans le Nord de la France, à mi-chemin entre #Calais et #Dunkerque. Trois de ces dispositifs visant à empêcher les exilés de traverser la Manche existent déjà sur ce territoire.

    Très décrié par les associations et les plaisanciers, le projet de nouveau barrage flottant situé entre Gravelines et Grand-Fort-Philippe a été abandonné, selon le Phare dunkerquois. Ce projet avait été annoncé début novembre lors d’un déplacement de représentants de la préfecture maritime, des forces de l’ordre et du Royaume-Uni.

    Et il avait immédiatement suscité la controverse. Il a été dénoncé dans un premier temps par les plaisanciers locaux. Début novembre, environ 200 personnes se sont réunies à la marina de Gravelines pour manifester contre ce projet sur le chenal de l’#Aa.

    Les associations d’aide aux migrants sont aussi contre ces dispositifs jugés « inutiles ». « Ce genre de dispositif pousse les exilés à aller encore plus loin. Ça ne fait que doubler le temps de traversée et les risques qui vont avec », expliquait Pierre Roques, délégué général de l’Auberge des migrants, à InfoMigrants. « Il y a toujours autant de personnes qui passent quelles que soient les dispositions », résume Pierre Roques.

    « Cela va juste empêcher les départs depuis le chenal de l’Aa et déplacer l’endroit de la traversée va forcément amener les exilés à prendre plus de risques », abondait de son côté Angèle Vettorello, coordinatrice d’Utopia 56 à Calais dans la Voix du Nord.

    Contrer les « taxi-boats »

    Concrètement, le barrage consiste en l’installation d’une ligne de bouées qui traversent le fleuve de part en part, fixées à deux piliers en béton. Avec ce dispositif, les autorités visent un mode opératoire utilisé par les passeurs en particulier : celui des « taxi-boats ». Il s’agit de bateaux pneumatiques partant plus au sud du littoral, où les contrôles sont moins fréquents, avec quelques personnes seulement – passeurs ou migrants – à bord.

    Ils mettent dans un premier temps le cap au nord, vers les plages plus proches de Calais, où se cachent les passagers ayant payé pour la traversée. Ceux-ci se jettent alors à l’eau pour embarquer : selon le droit maritime, les policiers ne peuvent pas interpeller les bateaux déjà en mer. Selon la préfecture, ce phénomène « dangereux et illégal » est « monté en puissance » en 2023.

    Le nord de la France compte trois autres installations de ce type : un au niveau du #Pont_Rose_d’Étaples, sur les berges de la #Canche, un dans l’#Authie construit en amont du port de la #Madelon (près du #Fort-Mahon) et un autre dans le #canal_des_Dunes, près de Dunkerque inauguré en 2021. Selon la préfecture du département, ce genre de dispositif a « des résultats satisfaisants ».

    Année meurtrière

    En tout cas, les traversées vers le Royaume-Uni depuis le littoral français sont toujours très nombreuses. Si la semaine dernière, aucune embarcation n’est arrivée sur les côtes anglaises, la semaine d’avant a été au contraire sujettes à de nombreuses traversées, selon le Home Office. En seulement trois jours, du 12 au 14 décembre, pas moins de 1 067 personnes ont réussi à atteindre les côtes anglaises à bord de 17 embarcations. Dans le même temps, 1 140 ont été empêchés de partir par les forces de l’ordre françaises, toujours selon les chiffres des autorités anglaises.

    Et depuis janvier, plus de 30 000 personnes ont ainsi débarqué au Royaume-Uni après une périlleuse traversée de la Manche. Ce chiffre dépasse déjà celui de 2023, mais on est encore loin du record enregistré en 2022 avec l’arrivée de 45 000 personnes.

    L’année 2024 est, en revanche, la plus coûteuse en terme de vies humaines depuis l’apparition en 2018 du phénomène des traversées de la Manche sur des « small boats ». Au moins 73 candidats à l’exil sont décédés en tentant de traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre depuis le début de l’année, selon les chiffres de la préfecture du Pas-de-Calais.

    Un chiffre qui pourrait encore être revu à la hausse après l’identification des corps, pour le moment anonymes, retrouvés sur les plages. Plusieurs exilés sont notamment portés disparus, notamment depuis le naufrage du 23 octobre, lors duquel trois décès ont été officiellement déclarés.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/61884/nord-de-la-france--letat-abandonne-un-projet-de-barrage-flottant-antim
    #murs #barrières_frontalières #frontières #France #UK #Angleterre #abandon #migrations #réfugiés #murs_flottants #asile

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    Août 2023 :
    Nord de la France : le barrage flottant, nouveau dispositif pour freiner les traversées de la Manche
    https://seenthis.net/messages/1013665

  • Fact checking : Bachar al-Assad peut-il toucher le chômage après son abandon de poste ?
    https://www.legorafi.fr/2024/12/16/fact-checking-bachar-al-assad-peut-il-toucher-le-chomage-apres-son-abandon-

    MONDE LIBREFact checking : Bachar al-Assad peut-il toucher le chômage après son abandon de poste ?
    C’est la question que se pose la France entière, après que le chef d’État syrien a quitté son poste sans respecter le préavis prévu dans son contrat. La rédaction du Gorafi a mené l’enquête.

    Le droit du travail est formel : il y a abandon de poste dès lors qu’un salarié ne se rend plus au travail pendant 48 heures ou plus, sans justificatif. “Depuis le mois d’avril 2023, l’abandon de poste ne donne plus droit au chômage » décrypte Loïc Le Guerrec, conseiller France Travail dans le Doubs. « Toutefois, la loi contient quelques exceptions, sans préciser si “fuir à l’étranger en pleine nuit après le renversement du régime par une coalition de rebelles” en fait partie”.

    Si ses droits au chômage sont incertains, Monsieur al-Assad pourra toutefois s’inscrire auprès de France Travail pour être suivi par un conseiller et accéder en priorité à des postes de tourneur fraiseur en intérim ou des services civiques dans la communication, précise Loïc Le Guerrec.

    Pour l’heure, l’avenir de Bachar al-Assad pourrait déjà être assuré, puisque Vladimir Poutine lui aurait déjà promis un poste de secrétaire général au sein de sa fondation destinée à venir en aide aux dictateurs déchus.

    #abandon_de_poste #chômage

  • Une immense papeterie à l’abandon, c’est une ville dans la ville.

    D’énormes quantités de démantèlements ont eu lieu et certains bâtiments ont été réduits à l’état de gravats. Malgré tout, on peut visiter deux sites de production : une cartonnerie et un hangar de fabrication de papier glacé. L’immense majorité des machines a été démontée et donc, il ne subsiste à ce jour que de vastes cathédrales de béton.

    Le seul matériel restant, et il est à ce titre formidable, c’est la machinerie de la raperie. Des espèces de broyeurs géants étaient destinés à réduire en purée des troncs d’arbres. La pâte était alors utilisée afin de produire les différentes couches nécessaires à la fabrication du carton. Lorsque l’on voit les photos anciennes, un seul constat, c’était énorme et absolument plein de machines.

    Le site est immense c’est le moins qu’on puisse dire, mais il se visite rapidement du fait que toutes les machines ont été exportées vers l’Asie lors de la liquidation judiciaire. L’avenir du site est une démolition totale en vue de construire un véritable centre-ville. Pour l’instant cette municipalité n’en possède pas car tout est organisé le long d’une seule rue. Le projet aurait dû être lancé en 2015 et donc cela fait presque 10 ans que tout aurait dû être purement et simplement démoli. Pour des raisons que nous ignorons, ce n’est pas le cas.

    Le caractère serein du lieu ainsi que la faiblesse du vandalisme en font une usine pour le moins agréable. Une visite toute en sérénité pour qui veut faire une belle promenade en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=4eG_BNEwOBk

  • « Les Jeux de Londres ont été le terrible signe avant-coureur de l’isolationnisme qui a mené le pays au Brexit », Will Self
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/07/27/will-self-les-jeux-de-londres-ont-ete-le-terrible-signe-avant-coureur-de-l-i

    Une des expériences les plus formatrices de ma vie a été de visiter Montréal, au Québec, à l’âge de 16 ans, de louer un vélo et de passer un après-midi à me balader autour des infrastructures laissées à l’#abandon après que ce grand festival international de course et de saut s’en est allé parasiter une autre ville. Oui, les Jeux olympiques (#JO) n’avaient eu lieu qu’un an auparavant [en 1976], et pourtant, tous ces stades, salles de compétition, vélodromes, piscines et pistes de course étaient déjà tellement peu utilisés, voire carrément abandonnés, qu’ils avaient pris l’aspect d’étranges ruines modernistes.
    Cette expérience m’a conforté dans une pensée qui m’a accompagné tout au long de ma vie d’adulte : tout ce qui est solide se dissout dans l’air, et toute idée que le progrès moral peut être accompli en construisant quelque chose se volatilise aussi.

    Après Montréal, je suis allé voir les infrastructures olympiques de Los Angeles, Barcelone, Atlanta, Sydney, Vancouver, Athènes et, bien sûr, de ma ville natale, Londres. Oui, c’est vrai : certaines villes qui ont accueilli les Jeux s’en sont mieux sorties que d’autres, mais je doute que quiconque, mis à part les athlètes de saut à la perche ou les politiciens dont les carrières ont été opportunément propulsées, s’intéresse véritablement à l’« héritage » de ces Jeux.

    Ardent critique des JO de 2012 à Londres, j’ai à l’époque dénoncé ce qui était une évidence pour tous : la ville a investi dans ces Jeux au détriment d’investissements dans des structures sportives destinées à tous les jeunes gens afin qu’ils puissent rester en forme. Les Jeux londoniens ont plus ou moins coïncidé avec la dernière ligne droite, sinistre, de la politique lancée sous le régime Thatcher de liquidation de toutes sortes d’actifs de l’Etat britannique.

    Privatisation des biens publics

    On parle souvent, évidemment, des logements construits par les municipalités, mais quantité de terrains de jeu appartenant à des établissements scolaires, de piscines, d’aires de jeu et de biens municipaux d’une manière générale ont été vendus pour une bouchée de pain, et ce avec un enthousiasme croissant, en particulier à Londres, pour atteindre, autour de l’année 2010, une forme d’apothéose.
    Cette grande braderie répondait à l’impératif de privatiser les biens publics, qui a mené le Royaume-Uni à avoir des inégalités de revenus et de richesse en général bien plus importantes que la France, des services publics de moindre qualité, et une population qui, dans sa majorité – étant la plus obèse et la plus physiquement inactive d’Europe –, se montre plus rebondie que ces affreuses doudounes qu’elle ne quitte plus.

    Si vous pensez que je ne suis qu’un vieux gaucho de plus qui pleure la fin d’un contrat social n’ayant jamais existé, détrompez-vous. Mieux, allez à Stratford, dans le quartier d’East London, visiter le parc olympique, mais aussi écoutez les immortels vers de Percy Shelley dans Ozymandias, qui ventriloque la voix immémoriale de la vanité pharaonique.
    Ozymandias, pharaon éponyme du poème en question, adjure son auditoire de contempler les ruines éparses dans le désert : « Voyez mon œuvre, ô puissants, et désespérez ! » » Si seulement le fanfaron pharaon de Londres – son maire, Boris Johnson – avait tenu compte de cet avertissement ! Hélas, il a été le plus grand chantre des Jeux – même si la candidature londonienne a été retenue avant son entrée en fonctions –, ayant bien compris que, à l’ère moderne, le pouvoir est largement devenu une affaire de geste, et que, pour poursuivre son ascension dans la hiérarchie britannique, les Jeux constituaient une perche bienvenue. Elle lui a permis de faire un grand saut, jusqu’à atteindre la loge de la souveraine de l’époque [Elizabeth II] et de son premier ministre, donnant ainsi l’impression d’être, lui aussi, taillé pour les plus hautes fonctions.

    Oui, le désastreux mandat de Boris Johnson a commencé par les désastreux JO de Londres – mais quand lui n’a fait que donner davantage de substance à sa propre insipidité, les Jeux, eux, se sont dissous dans l’air. Le gigantesque centre aquatique, conçu par l’architecte Zaha Hadid, est très peu utilisé, comme la plupart des autres enceintes – à l’exception du stade principal, qui, avant les Jeux déjà, était en passe d’être cédé à West Ham, club de football du championnat d’Angleterre, avec un coût considérable pour le contribuable britannique qui a financé sa construction. Comme pour tous les grands projets britanniques de ce genre, si l’on cherche à suivre la trace olympique dans les documents écrits, on se perd vite dans un bourbier de bureaucratie. Contentons-nous de dire que personne ne pense que les Jeux ont généré des profits d’aucune sorte, qu’ils soient culturels, sociaux ou simplement financiers.

    Cavalcade consumériste effrénée

    Outre cette ribambelle d’infrastructures quasiment à l’abandon, on s’est dit que ce grand événement allait « régénérer » ce quartier de l’est de Londres supposément déshérité. En réalité, les marais de Stratford constituaient une fascinante zone intermédiaire entre la ville et la campagne, d’une grande diversité écologique, et forment à présent une nouvelle zone néolibérale d’« espace planifié », avec un centre commercial géant planté au-dessus de la gare de Stratford International – une gare que les Français venant à Londres sont des milliers à traverser sans jamais sortir pour jeter ne serait-ce qu’un œil au site olympique.
    Je suppute même que s’ils y accordent la moindre pensée, c’est uniquement pour hocher la tête de tristesse et songer – comme nous, Britanniques, songeons – que les Jeux ont été le terrible signe avant-coureur de l’isolationnisme qui, les années suivantes, a mené le pays au Brexit – et en a fait un acteur émasculé sur la scène mondiale.

    La notion même de « Jeux olympiques modernes » est un oxymore : il n’est pas d’équivalence possible entre le rôle des Jeux dans la Grèce antique et cette cavalcade consumériste effrénée – une cavalcade, quoi qu’en disent les organisateurs, follement insoutenable et destructrice pour l’environnement. A chaque instant, les « idéaux olympiques », dont les organisateurs, les compétiteurs et les spectateurs se battent l’œil, sont trahis par la marchandisation instantanée de ces moments victorieux, transformés en autant d’occasions de vendre quelque chose à quelqu’un, quelque part dans le monde.
    Et puis il y a toutes ces drogues, tous ces cris, ces coups, ces abus généraux qui vont de pair avec la culture de l’athlétisme de haut niveau – une culture qui a si peu à voir avec les idéaux de la paideia grecque [l’éducation civique et sportive en Grèce antique] que l’analogie est absurde. Dans le monde anglophone, le shibboleth [mot de passe] sur toutes les bonnes lèvres progressistes est : « On ne peut être ce que l’on ne peut voir. » Mais la vérité, c’est que seul un athlète au talent inné peut gagner une médaille olympique, car un phénotype donné doit se démarquer d’un génotype partagé par plus de huit milliards d’individus.

    Dans l’année qui précède chacun de ces Jeux, des millions d’enfants dans le monde nourrissent le rêve de décrocher une médaille olympique – car, oui, c’est bien de cela qu’il s’agit véritablement. Le théoricien situationniste Guy Debord disait que le #capitalisme spectaculaire se sert des grands événements sportifs annuels pour enfermer les gens dans un cycle, comme les saisons agricoles enfermaient les paysans dans un cycle avant l’industrialisation. Et Debord avait raison. Il était même prophétique puisque, si Internet et le Web étaient censés être des technologies libératrices et égalitaires qui allaient rendre l’esprit du temps – et donc l’exercice du pouvoir – ouvert à tous, la survivance des JO témoigne de la mesure dans laquelle les gens rejettent cette bénédiction et préfèrent rester vautrés sur leur canapé.

    Montaigne disait de se méfier d’une personne qui prend le jeu trop au sérieux, car elle ne prend pas la vie suffisamment au sérieux. Ainsi faut-il se méfier de l’élite politique française, qui a choisi d’accueillir les JO en 2024, et ne prend pas la vie suffisamment au sérieux. Mais cela, nous le savions déjà, non ? Si ces hommes et ces femmes prenaient la vie au sérieux, pas simplement la leur, mais aussi celle de la planète et de ceux qui y habitent, ils n’auraient pas proposé d’organiser les JO d’hiver de 2030 dans les Alpes françaises, qui seront alors pratiquement dépourvues de… neige.

    Traduit de l’anglais par Valentine Morizot
    Will Self est un romancier et journaliste britannique, né à Londres en 1961. Il est notamment l’auteur de « Will » (Ed. de l’Olivier, 2021) et de « Requin » (Ed. de l’Olivier, 2017).

  • Juillet 2024 : #Keir_Starmer confirme l’#abandon du projet d’expulsions de migrants du #Royaume-Uni vers le #Rwanda

    Au lendemain de sa nomination au poste de premier ministre le leader travailliste a déclaré vouloir arrêter ces « mesures gadget ».

    Le nouveau premier ministre britannique Keir Starmer a confirmé samedi qu’il n’était "pas prêt" à poursuivre le projet du précédent gouvernement conservateur d’expulser des migrants au Rwanda. Ce projet "était mort et enterré avant même de commencer. Il n’a jamais été dissuasif (...), je ne suis pas prêt à continuer avec des mesures gadget", a affirmé Keir Starmer lors d’une conférence de presse organisée après le premier conseil des ministres du gouvernement travailliste.

    Lorsqu’il était dans l’opposition, le chef du parti travailliste avait déjà annoncé son intention de mettre fin ce projet controversé des conservateurs, lancé en 2022 mais encore jamais mis à exécution.

    Le sujet de l’immigration a été un des principaux thèmes de la campagne électorale qui vient de s’achever au Royaume-Uni et qui a vu le Labour remporter une très large majorité à la Chambre des Communes. Au printemps, le précédent parlement britannique avait adopté une loi permettant ces expulsions – après un précédent texte retoqué par la Cour suprême du pays fin 2023. Il prévoyait d’envoyer des migrants ou demandeurs d’asile dans ce pays d’Afrique de l’Est, sans possibilité de revenir au Royaume-Uni.
    D’autres mesures pour lutter contre l’immigration illégale

    Le précédent premier ministre, Rishi Sunak, comptait débuter les expulsions cet été et les autorités avaient commencé début mai à arrêter des migrants susceptibles d’y être envoyés. Mais, avec l’incertitude que faisait peser le scrutin législatif, la justice avait ordonné la libération de dizaines d’entre eux.

    Les travaillistes ont promis durant la campagne de lutter contre l’immigration illégale, en particulier contre l’arrivée de migrants sur de petits bateaux via la Manche. Le nouveau gouvernement prévoit notamment de déployer des moyens inspirés de la lutte antiterroriste pour contrer les groupes de passeurs. Et il veut encore renforcer la coopération avec l’Europe, notamment la France.

    Il s’est aussi engagé à augmenter les moyens de traitement des demandes d’asile au Royaume-Uni, alors que le système est engorgé depuis plusieurs années.

    Depuis le début de l’année, plus de 13 500 migrants ont traversé la Manche pour arriver au Royaume-Uni. Après avoir baissé l’an dernier, le nombre d’arrivées est reparti à la hausse depuis janvier.

    Le parti anti-immigration et anti-système Reform UK de Nigel Farage, qui a fait de l’immigration la racine de nombreux maux du Royaume-Uni, a remporté cinq sièges lors des législatives et va ainsi faire son entrée au Parlement.

    https://www.letemps.ch/monde/europe/keir-starmer-confirme-l-abandon-du-projet-d-expulsions-de-migrants-du-royaum

    #migrations #asile #réfugiés #externalisation #UK #Angleterre

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    ajouté à la métaliste sur la mise en place de l’#externalisation des #procédures_d'asile au #Rwanda par l’#Angleterre (2022) :
    https://seenthis.net/messages/966443

    elle-même ajouté à la métaliste sur les tentatives de différentes pays européens d’#externalisation non seulement des contrôles frontaliers (https://seenthis.net/messages/731749), mais aussi de la #procédure_d'asile dans des #pays_tiers :
    https://seenthis.net/messages/900122

    • Civil servants obliged to carry out Tory Rwanda deportations, court rules

      Union for civil servants claimed Home Office staff could be open to prosecution if Strasbourg rulings on Rwanda ignored

      Guidance drawn up by Conservative ministers which told civil servants to ignore Strasbourg rulings and remove asylum seekers to Rwanda is lawful, the high court has ruled.

      The FDA trade union, which represents senior civil servants, brought legal action claiming senior Home Office staff could be in breach of international law if they implement the government’s Rwanda deportation bill.

      Lawyers for the union said civil servants could also be in violation of the civil service code – and open to possible prosecution – if they followed a minister’s demands to ignore an urgent injunction from Strasbourg banning a deportation.

      In Friday’s ruling, prepared before the general election, Mr Justice Chamberlain dismissed the FDA’s challenge. He said that while civil servants were obliged to refuse to follow instructions that would be unlawful under domestic law, there was no equivalent rule regarding international law.

      The judge continued: “Any such rule would make it practically impossible for a minister to act contrary to international law. Since the implementation of ministerial decisions almost always requires the assistance of civil servants, it would transform almost every obligation binding on the United Kingdom on the international plane into a domestic constraint on ministerial action.”

      Last month the high court heard the challenge brought against the Cabinet Office and the now departed prime minister Rishi Sunak, in his role as minister for the civil service, over whether the guidance was lawful.

      The guidance says that if a minister decides to ignore a rule 39 indication from the European court of human rights (ECHR) to stop a person’s removal to Rwanda, “it is the responsibility of civil servants under the civil service code to implement that decision”.

      A rule 39 indication from Strasbourg is an interim measure to prevent “imminent risk of irreparable harm”, with one such order contributing to the grounding in 2022 of the first flight expected to carry asylum seekers to Rwanda.

      Lawyers for the FDA said civil servants were required by their code to comply with measures from the ECHR, “and an instruction from a minister not to do so would override this obligation”.

      In his 33-page ruling, Chamberlain said no application to adjourn the case was made in light of the general election being announced, with the departing Conservative government having told the court in London it planned to begin removals on 24 July.

      Commenting on the outcome of the judicial review, the FDA’s general secretary, Dave Penman, said: “Whilst it is of course disappointing that the claim was denied, the judge has upheld two important principles. Firstly, that if a minister refused to implement a rule 39 order from the European court of human rights, this would indeed be a breach of international law. Secondly, that civil servants’ statutory obligation to ‘comply with the law’ includes international law.”

      Labour’s election victory is likely to mean the end of the stalled plan to send people to Rwanda, without a single asylum seeker being deported from the UK.

      https://www.theguardian.com/politics/article/2024/jul/05/civil-servants-obliged-carry-out-tory-rwanda-deportations-court-rules

  • #COLD_CASES

    These three videos 2021-22 investigate the politics of ‘cold’ through the examination of a series of cases and contexts in which the thermostatic condition of cold and its differential experiences and effects are entangled with legal questions, human rights violations, but also claims for social and environmental justice.

    Through the analysis of a series of contemporary as well as historic ‘cold cases’ the project explores the strategic role of temperature and speculates about the emergence of a new thermo-politics defined by cold.

    Each of these COLD CASES exposes the degree to which temperature becomes a register of violence. One that includes the leagcies of climate colonialism, longstanding socio-economic inequalities, and ongoing structural racism.

    https://susanschuppli.com/COLD-CASES-1

    #architecture_forensique #froid #décès #violence #température #thermopolitique #thermo-politique #racisme_structurel #Susan_Schuppli #mourir_de_froid #peuples_autochtones #eau #abandon #Canada

    ping @reka @fil @karine4

  • Comment des migrants sont abandonnés en plein désert en #Afrique

    Une enquête de plusieurs mois menée par « Le Monde », le média à but non lucratif « Lighthouse Reports » et sept médias internationaux montre comment des dizaines de milliers de migrants en route vers l’Europe sont arrêtés et abandonnés en plein désert au Maroc, Tunisie et Mauritanie.

    https://www.dailymotion.com/video/x8yrqiy

    #vidéo #migrations #désert #abandon #Mauritanie #Maroc #Tunisie #réfugiés #externalisation #frontières #rafles #racisme_anti-Noirs #Fès #déportations #Rabat #forces_auxiliaires #refoulements #arrestations_arbitraires #enlèvements #centres_de_détention #Ksar #détention_administrative #Espagne #bus #Algérie #marche #torture #Gogui #Mali #accords #financements #expulsions_collectives #Nouakchott #forces_de_l'ordre #Sfax #Italie #équipement #aide_financière #UE #EU #Union_européenne #forces_de_sécurité #gardes-côtes #gardes-côtes_tunisiens #droits_humains #droits_fondamentaux

    ping @_kg_

  • Lumière sur les #financements français et européens en #Tunisie

    Alors que la Tunisie s’enfonce dans une violente #répression des personnes exilées et de toute forme d’opposition, le CCFD-Terre Solidaire publie un #rapport qui met en lumière l’augmentation des financements octroyés par l’Union européenne et les États européens à ce pays pour la #sécurisation de ses #frontières. Cette situation interroge la #responsabilité de l’#UE et de ses pays membres, dont la France, dans le recul des droits humains.

    La Tunisie s’enfonce dans l’#autoritarisme

    Au cours des deux dernières années, la Tunisie sous la présidence de #Kaïs_Saïed s’engouffre dans l’autoritarisme. En février 2023, le président tunisien déclare qu’il existe un “un plan criminel pour changer la composition démographique de la Tunisie“, en accusant des “hordes de migrants clandestins“ d’être responsables “de violences, de crimes et d’actes inacceptables“.

    Depuis cette rhétorique anti-migrants, les #violences à l’encontre des personnes exilées, principalement d’origine subsaharienne, se sont exacerbées et généralisées dans le pays. De nombreuses associations alertent sur une montée croissante des #détentions_arbitraires et des #déportations_collectives vers les zones frontalières désertiques de l’#Algérie et de la #Libye.

    https://ccfd-terresolidaire.org/lumiere-sur-les-financements-francais-et-europeens-en-tunisie
    #EU #Union_européenne #externalisation_des_frontières #migrations #réfugiés #désert #abandon

    ping @_kg_

  • EFFECTS OF EXTERNALISATION IN TUNISIA. Racism, Ordeal of Migrants and No End in Sight

    Extreme violence and an openly racist policy against Black people have been ongoing in Tunisia for more than a year now. The already existing racism in Tunisia escalated in the beginning of 2023, catalysed by a racist and discriminatory speech against people on the move from sub-Saharan Africa, which the Tunisian President Kais Saied gave on February 21. In the days following the speech, groups of marginalised young men targeted Black people in different Tunisian cities. Black people were subjected to acts of violence, including pogroms of armed mobs. They faced several forms of institutional violence like racial profiling and arbitrary detention by security forces. Even valid residence papers did not protect Black people from violence: numerous people were arrested regardless of their residence status. Some were seriously injured, houses were set on fire and an unknown number of people disappeared. Many found themselves without shelter and food and were deprived of their right to health and transportation.

    The ongoing violence culminated in illegal mass deportations to the desert areas bordering Libya and Algeria executed by Tunisian authorities. In July 2023 alone, Al Jazeera reported in a video that about 1.200 Black people were stuck at the Libyan border without food, water, and shelter. Since then, numerous deaths have been recorded and deportation to the border areas are still ongoing. Simultaneously, departures from Tunisia to Europe increased massively in summer 2023. During the four summer months alone, more than 83,000 people crossed the sea – figures that we have not seen in this region since around the mid-2010s – and besides people from Sub-Saharan countries were Tunisians themselves. In April 2023, civil search and rescue organisations and migrant solidarity networks voiced in a joint statement that Tunisia is neither a safe country of origin nor a place of safety for those rescued at sea. Violence and insecurity remain; in the following part we aim to provide an overview of the current situation.

    In reaction to the increased number of crossings, border violence along the Tunisian route increased and means of control of migratory movements were reinforced. On the water, the number of interceptions by the Tunisian coast guard, with nearly 70,000 interceptions in 2023, doubled as compared to the year before. Reports of the violent behaviour of the Tunisian coast guard – boats being pushed away and rammed, people being beaten with sticks and intimidated with gunshots, coast guard stealing engines from rubber dinghies and leaving people adrift at sea – are piling up.

    What can be further observed is that the Tunisian coast guard is more actively involved in the EU-implemented “push-back by proxy regime” in the Central Mediterranean, which means that the EU is outsourcing interceptions at sea to non-European actors to reduce the number of crossings. A detailed analysis published by the CivilMRCC elaborates how four elements – strengthening the capacities of the Tunisian coastguard (equipment and training), setting up a coastal surveillance system, creating a functional MRCC, and declaring a Tunisian Search and Rescue Region – are used by the European Union and its member states to replicate in Tunisia the regime of refoulement by proxy set up in Libya just a few years earlier.

    After being intercepted and brought back to land, the Central Mediterranean Analysis by the Alarm Phone, published in February 2024 states that “the deportation of people intercepted at sea by the Tunisian coastguards has become a systematic practice in recent months.” The situation for Black migrants is far from being safe on land as well. After the peak of deportations of Black migrants to the Libyan-Tunisian and Algerian-Tunisian border zones in July and September 2023, which we have also documented on migration-control.info, expulsions continue, as the Tunisian civil rights organisation FTDES reports. At the Libyan border, people are handed over by Tunisian authorities to Libyan militias, where they end up in detention centers run by armed groups. Deportations to the Algerian border zone also continue in Tunisia’s west. It is hard to assess the number of deportations, as most of the time the Tunisian authorities rob sub-Saharans, take their money, and confiscate their cell phones. Migrants therefore have little chance of providing evidence of these illegal deportations.

    In addition, chain deportations from Tunisia via Algeria to Niger are documented. Algeria’s long-standing illegal practice of deporting people to Niger has been well documented by the Alarm Phone Sahara. In October 2023, the APS reported that the “practice of pushbacks continues to this day, and many of the people who found themselves stranded in Niger after being deported from Algeria report that they were already in Tunisia beforehand and had been deported from there to the Algerian border.” The activist group confirmed its observations in December, drawing on an interview with a “Guinean migrant who was initially in Tunisia, pushed back to Algeria and then pushed back to Niger.” According to an article published by the Guardian in mid-March 2024, this deportation practice has led to the separation of children from their parents by the police. “Their mums and dads go out to beg and then the police catch them and take them to Algeria,” a person is quoted in the article. In 2023, almost 1,500 unaccompanied children approached the Tunisian offices of the UNHCR to seek support.

    Then there are also those who have fled their countries of origin, for whom the living conditions in Tunisia are so terrible that they would rather return than remain in Tunisia. In 2023, the International Organisation for Migration (IOM) repatriated 2,557 migrants. These “voluntary returns” are occurring in a context of violence and impossibility of earning a living, without safe alternatives of staying or moving somewhere else. In fact, the returns cannot be considered “voluntary.”

    The migrants who are still waiting in Tunisia’s coastal areas for an opportunity to cross endure ongoing hardships and face police brutality. In a video posted on March 6, 2024 on X by Refugees in Tunisia, an alliance of migrants in Tunisia, one can see a person walking through olive groves, where many people waiting for a possible departure seek shelter. The video shows destroyed cabins made of plastic sheeting while a person reports that “the police came inside here today, burned our houses down, took some phones, money…They burned down all our houses. It’s not easy for us.”

    Despite these documented violations of human rights, the European Union and its member states continue trying to curb the arrivals by the sea. The big promises that von der Leyen and Meloni made on their visit in Tunis in June 2023 flopped. Tunisia is still not willing to take migrants back and is not in for externalised asylum procedures. Frontex is not welcome. The EU is picking up the pieces. In a document that migration-control.info obtained, the EU admits that apart from delivery of spare parts and equipment for the coast guard, not much else has been achieved. But instead of acknowledging the freedom of movement for all, the EU continues to control migration movements and wants to finance a control center between Libya and Tunisia to limit the mobility of migrants between these countries.

    While acknowledging the ongoing violence exercised by the border regime, 2023’s “little summer of migration” also shows how fragile the European closure is. People could make their way from North Africa to Europe within a very short period and the collective arrivals had the power to tear down institutions of the border regime. In September 2023 in Lampedusa, for example, the hotspot was opened due to the number of arrivals and people were transferred to the mainland quickly from where they could continue their journeys. The people affected, Tunisians, and migrants in Tunisia are constantly opposing the policies violating their human rights.

    In January 2024, Al Jazeera reported on protests by families whose relatives (most of whom were reported to be from the small village of El Hancha in the Sfax Governorate) went missing when trying to leave Tunisia. The families erected roadblocks and burned tires around the village to pressure the authorities to continue their search efforts, and brought their protest to the capital to criticize the “official silence about their missing relatives.” In February, Refugees in Tunisia published a video showing a group of migrants demonstrating in Zarzis, a coastal town in Tunisia’s south, demanding rights and pressuring authorities and international organizations such as the UNCHR to provide humanitarian support and protection. Their organization and protest actions are part of years of migrant and anti-racist struggles in Tunisia and North Africa as well as in the countries of origin and European diasporas.

    When the number of arrivals fell during the winter, mainly due to weather conditions, some analysts linked this to European borderwork. However, just in these days, end of March 2024, quite a few boats arrived in Lampedusa, coming from Tunisia. At the same time, there were reports on an increased number of interceptions and by-land-operations by Tunisian Coastguard and Security forces. So the race between the security forces and migrant movements has started again, in early spring 2024. Let’s support their moving and resistance, let’s continue our struggle against the violence exercised by the border regime and our struggle against the European externalisation. Freedom of Movement for all!

    Further reading:

    - Echoes, Issue 7, July 2023: A Critical Look at the Situation in Tunisia and the New EU-Tunisia Deal
    - migration-control.info, June 2023: “This is a shame for humanity” – Update on the ongoing protest of the Refugees in Tunisia
    - migration-control.info, April 2023: “If we stay here we are going to die”– Testimonies from refugees in Tunisia about their protest sit-in at the UNHCR in Tunis and its violent eviction

    https://civilmrcc.eu/political-developments/effects-of-externalisation-in-tunisia
    #Tunisie #racisme #externalisation_des_frontières #migrations #réfugiés #frontières #racisme_anti-Noirs #violence #renvois #expulsions #désert #abandon_dans_le_désert #Algérie #Libye #déportations

    via @_kg_

  • #Etats-Unis : #Harvard, #Yale et #Berkeley décident de se retirer du prestigieux #classement des facultés de droit

    Trois grandes #universités américaines ont annoncé quitter la liste des meilleures facultés de droit, invoquant une méthodologie qui dissuaderait notamment des milliers d’étudiants de postuler à cause des frais de scolarité trop élevés.

    Trop cher et élitiste l’enseignement supérieur aux Etats-Unis ? Deux de ses principaux piliers, les universités de Harvard et Yale, appartenant à l’Ivy League (groupe réunissant les huit établissements privés américains les plus prestigieux), semblent en prendre soudainement conscience. Jeudi, elles ont annoncé leur décision de se retirer du classement annuel des meilleures facultés de droit, publié dans le magazine US News & World Report. Vendredi, c’était au tour de l’université de Berkeley de se joindre à elles. En cause ? Une méthodologie qui ne prend pas en compte le droit d’intérêt général (droit pro bono, emplois dans des organismes à but non lucratif…) et dissuade les étudiants les plus démunis de postuler dans ces cursus aux frais de scolarité élevés. Des effets pervers qui semble leur sauter soudain aux yeux après presque trente ans de présence dans cette liste.

    Le classement est important aux yeux des étudiants mais aussi des employeurs, qui se basent chaque année sur le US News & World Report. Il prend en compte plusieurs paramètres tels que la vie étudiante, la qualité des programmes des établissements, les frais de scolarité, la réputation, les notes des étudiants et des résultats au Law School Admission Test (le concours d’admission à la faculté de droit), les taux de réussite au barreau et d’insertion professionnelle. L’obtention d’un diplôme dans l’une des universités les mieux classées ouvre ainsi les portes à des stages prestigieux et des emplois d’associés très bien rémunérés dans de grands cabinets d’avocats.
    Un classement « profondément défectueux »

    Néanmoins, US News & World Report dissuaderait des milliers d’étudiants qui n’ont pas les moyens de s’inscrire à de grandes universités aux frais de scolarité astronomiques. Heather Gerken, la doyenne de la faculté de droit de Yale, explique dans une déclaration publiée mercredi sur le site de l’université que ce classement serait « profondément défectueux et découragerait les étudiants de la classe ouvrière ». Un avis partagé par son homologue de Berkeley, Erwin Chemerinsky. Le classement inciterait les écoles à accepter les candidatures d’étudiants aux revenus élevés qui n’ont pas besoin d’emprunt bancaire pour financer leur cursus.

    « En raison de l’importance accordée à la sélectivité, et plus particulièrement aux résultats au concours d’admission et à la moyenne générale des étudiants admis, les écoles sont incitées à refuser des étudiants prometteurs qui n’ont peut-être pas les ressources nécessaires pour participer à des cours de préparation aux examens », a déclaré Heather Gerken. Les écoles sont ainsi encouragées à attirer les étudiants les mieux notés avec des bourses au mérite plutôt de cibler des bourses pour ceux qui ont le plus besoin d’une aide financière, comme les étudiants qui sont issus de familles de la classe moyenne ou ouvrière.

    Après cette annonce qui a eu l’effet d’une bombe dans le monde de l’enseignement supérieur, d’autres établissements se demandent maintenant s’il ne serait pas temps de se retirer aussi de ce classement. Le doyen de l’université de Pennsylvanie, également membre de l’Ivy League, a indiqué vouloir « évaluer ce problème et évaluer un processus avant de prendre [une] décision. ».
    50 000 dollars de frais par an

    Ce n’est pas la première fois que le sujet des frais de scolarités est abordé aux Etats-Unis. Le démocrate Bernie Sanders, sénateur du Vermont, plaide depuis dès années pour la gratuité des frais de scolarité en master. Selon US News Data, les frais auraient augmenté de 4 % dans les universités privées, comparé à l’année dernière. En moyenne, les frais de scolarité s’élèveraient à près de 50 000 dollars par an (pareil en euros) pour les étudiants qui fréquentent les plus grandes facultés de droit privé, sans compter toutes les dépenses faites pour les livres et le logement. A Harvard, c’est plus de 70 000 dollars ; 69 000 pour Yale et Berkeley.

    En 2017, Sanders, ainsi que plusieurs de ses collègues, ont présenté au Congrès le plan « College for All », une législation qui rendrait entre autres l’enseignement supérieur gratuit pour des millions de personnes. Malgré le soutien de plusieurs associations, la proposition de loi n’a pas encore abouti. La décision de Harvard, Yale et Berkeley pourrait relancer le débat.

    https://www.liberation.fr/international/amerique/etats-unis-harvard-yale-et-berkeley-decident-de-se-retirer-du-prestigieux
    #ranking #USA #retrait #abandon #université #ESR

    • University of Zurich withdraws from international university ranking

      The University of Zurich is withdrawing from the university ranking published by the #Times_Higher_Education magazine. The ranking creates false incentives, the university announced on Wednesday.

      According to the Swiss university, rankings often focus on measurable output, creating an incentive to increase the number of publications rather than prioritise the quality of content.

      The university added that rankings also suggest that they comprehensively measure the university’s diverse achievements in research and teaching. The University of Zurich will therefore no longer provide data to the ranking.

      In the last ranking for 2024 published in September 2023, the University of Zurich was ranked 80th among the world’s best universities.

      https://www.swissinfo.ch/eng/education/university-of-zurich-quits-international-university-ranking/73693006
      #Suisse #Zurich #université_de_Zurich

    • Why UU is missing in the THE ranking

      You may have heard: Utrecht University has not been included in the Times Higher Education (THE) World University Ranking 2024.
      Too much stress on competition

      UU has chosen not to submit data. A conscious choice:

      – Rankings put too much stress on scoring and competition, while we want to focus on collaboration and open science.
      – In addition, it is almost impossible to capture the quality of an entire university with all the different courses and disciplines in one number.
      – Also, the makers of the rankings use data and methods that are highly questionable, research shows. For example, universities have to spend a lot of time providing the right information.

      What are further reasons for not participating? How are other universities dealing with this? And what is the position of university association UNL? DUB wrote an informative article (Dutch). UNL shared this position earlier as well as an advisory report
      external link
      (pdf, Dutch) to deal responsibly with rankings. In addition, AD wrote the article ’Utrecht University no longer appears in world rankings and this is why’ (Dutch, paywall).
      Sticking together

      It is important that universities - more so than now - join forces when it comes to dealing responsibly with rankings (in line with the aforementioned advice from UNL). We advise students to mainly compare the content and nature of programmes and researchers to look at the nature and quality of research programmes.

      https://www.uu.nl/en/news/why-uu-is-missing-in-the-the-ranking
      #Utrecht

  • Interview de Rony Brauman :

    https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/gaza-les-pays-occidentaux-sont-en-train-de-devenir-activement-complices

    ...

    Les livraisons d’armes, de munitions, continuent à flux tendu.

    Tous les jours, Il y a une sorte de pont aérien entre les États-Unis notamment, mais aussi l’Europe vers Israël, qui permet de tirer des milliers, des milliers et des milliers de missiles, de munitions diverses.

    Il y a quelque chose d’un peu contradictoire à appeler d’un côté à la trêve et de l’autre à continuer à ravitailler en armes et en munitions la partie la plus puissante, celle qui détient tous les leviers pour la décision du lendemain.

    ....

    Je me demande si les Nations unies vont surmonter cette épreuve .

    Ça renvoie un peu à ce qui s’est passé en 1935 après l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie fasciste de Mussolini qui a signé la fin de Société des Nations.

    Est-ce que les Nations unies vont survivre à cette épreuve, sachant qu’un organe des Nations unies parle de génocide plausible actuellement perpétré dans la bande de Gaza et que des membres du groupe de membres permanents du Conseil de sécurité continuent de ravitailler la partie qui est exclusivement coupable de génocide.

    #Occident #Abandon-de-l'application-du-Droit #Mise-à-mort-des-Nations-Unies #Israël #Gaza #Fascisme

  • #José_Vieira : « La #mémoire des résistances face à l’accaparement des terres a été peu transmise »

    Dans « #Territórios_ocupados », José Vieira revient sur l’#expropriation en #1941 des paysans portugais de leurs #terres_communales pour y planter des #forêts. Cet épisode explique les #mégafeux qui ravagent le pays et résonne avec les #luttes pour la défense des #biens_communs.

    Né au Portugal en 1957 et arrivé enfant en France à l’âge de 7 ans, José Vieira réalise depuis plus de trente ans des documentaires qui racontent une histoire populaire de l’immigration portugaise.

    Bien loin du mythe des Portugais·es qui se seraient « intégré·es » sans le moindre problème en France a contrario d’autres populations, José Vieira s’est attaché à démontrer comment l’#immigration_portugaise a été un #exode violent – voir notamment La Photo déchirée (2001) ou Souvenirs d’un futur radieux (2014) –, synonyme d’un impossible retour.

    Dans son nouveau documentaire, Territórios ocupados, diffusé sur Mediapart, José Vieira a posé sa caméra dans les #montagnes du #Caramulo, au centre du #Portugal, afin de déterrer une histoire oubliée de la #mémoire_collective rurale du pays. Celle de l’expropriation en 1941, par l’État salazariste, de milliers de paysans et de paysannes de leurs terres communales – #baldios en portugais.

    Cette #violence étatique a été opérée au nom d’un vaste #projet_industriel : planter des forêts pour développer économiquement ces #territoires_ruraux et, par le même geste, « civiliser » les villageois et villageoises des #montagnes, encore rétifs au #salariat et à l’ordre social réactionnaire de #Salazar. Un épisode qui résonne aujourd’hui avec les politiques libérales des États qui aident les intérêts privés à accaparer les biens communs.

    Mediapart : Comment avez-vous découvert cette histoire oubliée de l’expropriation des terres communales ou « baldios » au Portugal ?

    José Vieira : Complètement par hasard. J’étais en train de filmer Le pain que le diable a pétri (2012, Zeugma Films) sur les habitants des montagnes au Portugal qui sont partis après-guerre travailler dans les usines à Lisbonne.

    Je demandais à un vieux qui est resté au village, António, quelle était la définition d’un baldio – on voit cet extrait dans le documentaire, où il parle d’un lieu où tout le monde peut aller pour récolter du bois, faire pâturer ses bêtes, etc. Puis il me sort soudain : « Sauf que l’État a occupé tous les baldios, c’était juste avant que je parte au service militaire. »

    J’étais estomaqué, je voulais en savoir plus mais impossible, car dans la foulée, il m’a envoyé baladé en râlant : « De toute façon, je ne te supporte pas aujourd’hui. »

    Qu’avez-vous fait alors ?

    J’ai commencé à fouiller sur Internet et j’ai eu la chance de tomber sur une étude parue dans la revue de sociologie portugaise Análise Social, qui raconte comment dans les années 1940 l’État salazariste avait pour projet initial de boiser 500 000 hectares de biens communaux en expropriant les usagers de ces terres.

    Je devais ensuite trouver des éléments d’histoire locale, dans la Serra do Caramulo, dont je suis originaire. J’ai passé un temps fou le nez dans les archives du journal local, qui était bien sûr à l’époque entièrement dévoué au régime.

    Après la publication de l’avis à la population que les baldios seront expropriés au profit de la plantation de forêts, plus aucune mention des communaux n’apparaît dans la presse. Mais rapidement, des correspondants locaux et des éditorialistes vont s’apercevoir qu’il existe dans ce territoire un malaise, qu’Untel abandonne sa ferme faute de pâturage ou que d’autres partent en ville. En somme, que sans les baldios, les gens ne s’en sortent plus.

    Comment sont perçus les communaux par les tenants du salazarisme ?

    Les ingénieurs forestiers décrivent les paysans de ces territoires comme des « primitifs » qu’il faut « civiliser ». Ils se voient comme des missionnaires du progrès et dénoncent l’oisiveté de ces montagnards peu enclins au salariat.

    À Lisbonne, j’ai trouvé aussi une archive qui parle des baldios comme étant une source de perversion, de mœurs légères qui conduisent à des enfants illégitimes dans des coins où « les familles vivent presque sans travailler ». Un crime dans un régime où le travail est élevé au rang de valeur suprême.

    On retrouve tous ces différents motifs dans le fameux Portrait du colonisé d’Albert Memmi (1957). Car il y a de la part du régime un vrai discours de colonisateur vis-à-vis de ces régions montagneuses où l’État et la religion ont encore peu de prise sur les habitants.

    En somme, l’État salazariste veut faire entrer ces Portugais reculés dans la modernité.

    Il y a eu des résistances face à ces expropriations ?

    Les villageois vont être embauchés pour boiser les baldios. Sauf qu’après avoir semé les pins, il faut attendre vingt ans pour que la forêt pousse.

    Il y a eu alors quelques histoires d’arrachage clandestin d’arbres. Et je raconte dans le film comment une incartade avec un garde forestier a failli virer au drame à cause d’une balle perdue – je rappelle qu’on est alors sous la chape de plomb du salazarisme. D’autres habitants ont aussi tabassé deux gardes forestiers à la sortie d’un bar et leur ont piqué leurs flingues.

    Mais la mémoire de ces résistances a peu été transmise. Aujourd’hui, avec l’émigration, il ne reste plus rien de cette mémoire collective, la plupart des vieux et vieilles que j’ai filmés dans ce documentaire sont déjà morts.

    Comment justement avez-vous travaillé pour ce documentaire ?

    Quand António me raconte cette histoire d’expropriation des baldios par l’État, c’était en 2010 et je tournais un documentaire, Souvenirs d’un futur radieux. Puis lorsqu’en 2014 un premier incendie a calciné le paysage forestier, je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette.

    J’ai travaillé doucement, pendant trois ans, sans savoir où j’allais réellement. J’ai filmé un village situé à 15 kilomètres de là où je suis né. J’ai fait le choix d’y suivre des gens qui subsistent encore en pratiquant une agriculture traditionnelle, avec des outils de travail séculaires, comme la roue celte. Ils ont les mêmes pratiques que dans les années 1940, et qui sont respectueuses de l’écosystème, de la ressource en eau, de la terre.

    Vous vous êtes aussi attaché à retracer tel un historien cet épisode de boisement à marche forcée...

    Cette utopie industrialiste date du XIXe siècle, des ingénieurs forestiers parlant déjà de vouloir récupérer ces « terres de personne ». Puis sous Salazar, dans les années 1930, il y a eu un débat intense au sein du régime entre agrairistes et industrialistes. Pour les premiers, boiser ne va pas être rentable et les baldios sont vitaux aux paysans. Pour les seconds, le pays a besoin de l’industrie du bois pour décoller économiquement, et il manque de bras dans les villes pour travailler dans les usines.

    Le pouvoir central a alors même créé un organisme étatique, la Junte de colonisation interne, qui va recenser les baldios et proposer d’installer des personnes en leur donnant à cultiver des terres communales – des colonies de repeuplement pour résumer.

    Finalement, l’industrie du bois et de la cellulose l’a emporté. La loi de boisement des baldios est votée en 1938 et c’est en novembre 1941 que ça va commencer à se mettre en place sur le terrain.

    Une enquête publique a été réalisée, où tout le monde localement s’est prononcé contre. Et comme pour les enquêtes aujourd’hui en France, ils se sont arrangés pour dire que les habitants étaient d’accord.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces forêts ? Subsiste-t-il encore des « baldios » ?

    Les pinèdes sont exploitées par des boîtes privées qui font travailler des prolos qui galèrent en bossant dur. Mais beaucoup de ces forêts ont brûlé ces dernière décennies, notamment lors de la grande vague d’incendies au Portugal de 2017, où des gens du village où je filmais ont failli périr.

    Les feux ont dévoilé les paysages de pierre qu’on voyait auparavant sur les photos d’archives du territoire, avant que des pins de 30 mètres de haut ne bouchent le paysage.

    Quant aux baldios restants, ils sont loués à des entreprises de cellulose qui y plantent de l’eucalyptus. D’autres servent à faire des parcs d’éoliennes. Toutes les lois promues par les différents gouvernements à travers l’histoire du Portugal vont dans le même sens : privatiser les baldios alors que ces gens ont géré pendant des siècles ces espaces de façon collective et très intelligente.

    J’ai fait ce film avec en tête les forêts au Brésil gérées par les peuples autochtones depuis des siècles, TotalEnergies en Ouganda qui déplace 100 000 personnes de leurs terres pour du pétrole ou encore Sainte-Soline, où l’État aide les intérêts privés à accaparer un autre bien commun : l’eau.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/021223/jose-vieira-la-memoire-des-resistances-face-l-accaparement-des-terres-ete-

    #accaparement_de_terres #terre #terres #dictature #histoire #paysannerie #Serra_do_Caramulo #communaux #salazarisme #progrès #colonisation #colonialisme #rural #modernité #résistance #incendie #boisement #utopie_industrialiste #ingénieurs #ingénieurs_forestiers #propriété #industrie_du_bois #Junte_de_colonisation_interne #colonies_de_repeuplement #cellulose #pinèdes #feux #paysage #privatisation #eucalyptus #éoliennes #loi #foncier

  • Le NHS britannique confie à l’entreprise américaine Palantir la fourniture d’un logiciel de gestion des données des patients - 21/11/2023 à 15:51 - AMP Boursorama
    https://www.boursorama.com/bourse/actualites/le-nhs-britannique-confie-a-l-entreprise-americaine-palantir-la-fournitu

    Le Service national de #santé britannique (NHS) a attribué un contrat à un groupe d’entreprises dirigé par la société américaine #Palantir Technologies PLTR.N , afin de développer un nouveau logiciel pour traiter les données des patients, a-t-il déclaré mardi.

    #données #data

  • « La #France nous a abandonnés, les bourreaux nous ont exécutés »

    En avril 1994, Gaudence Mukamurenzi et trois membres de sa famille sont assassinés par des génocidaires rwandais. Cette secrétaire de l’#ambassade de France à Kigali aurait pourtant pu être secourue par les militaires français. Deux de ses enfants rescapés témoignent pour la première fois.

    Au sortir des années 1970, Gaudence Mukamurenzi et Phocas Munyawera s’étaient installés dans une grande maison, à Nyakabanda, un quartier familial de l’ouest de Kigali, la capitale du Rwanda. Pour entrer dans le domicile, légèrement surélevé par rapport à la rue, il fallait ouvrir un portail, remonter un jardinet, au centre duquel trônait un avocatier, et passer par une petite terrasse. Une porte-fenêtre permettait d’accéder au salon. Dans son prolongement, la grande salle à manger précédait une cuisine. Au bout de celle-ci, un couloir desservait quatre chambres. Gaudence et Phocas occupaient la première, à droite. Les autres accueillaient leurs enfants : Josine, la plus grande, née en 1976, Nadine, arrivée deux ans plus tard, Patrick, né en 1983, et Aline, la petite dernière, née en 1989.

    À l’arrière de la maison, il y avait un grand jardin avec deux dépendances pour recevoir les invités. Dans un coin trônait une vieille Peugeot 504 hors d’état de marche. Sur la gauche, accolée à la maison, une autre grande chambre, indépendante, était occupée par Claude, le fils de Phocas issu d’une première union, et Mourani, le demi-frère cadet de Phocas. Dans les faits, Mourani, né en 1981, était l’oncle des enfants. Mais, de par sa proximité d’âge avec la fratrie, tout le monde le considérait plutôt comme un cousin. Juste à côté, une autre pièce permettait de stocker les provisions de la maison. Au bout du jardin, il y avait une butte en haut de laquelle se trouvait un potager et une petite bananeraie.

    Gaudence était secrétaire à l’ambassade de France, tandis que Phocas était comptable dans une entreprise de construction. Elle, grande et longiligne, le visage fin avec de grands yeux en amande, les cheveux mi-nuque, légèrement tirés vers l’arrière, aimait les longues robes colorées à motifs. Lui, au physique trapu, portait des chemisettes impeccables boutonnées presque jusqu’au cou. Une agrafe de stylo dépassait toujours de sa poche. Il avait le visage plutôt rond, les cheveux très courts, une petite moustache et des rouflaquettes bien taillées. Le père de famille aimait beaucoup recevoir. Il avait construit un petit bar dans le prolongement du mur d’enceinte en brique. Une ouverture donnait sur la rue, et une petite porte, à l’arrière, permettait d’y accéder directement depuis le jardinet. C’est dans ce maquis bien tenu que les amis du quartier se retrouvaient le soir pour boire quelques bières et écouter la radio.
    Des séquelles physiques et psychologiques

    « C’était le “bar du vieux” », se remémore Aline. La famille vivait confortablement. Des employés de maison s’occupaient des tâches quotidiennes. Si bien que, se souvient Patrick, « tous les moments que nous passions ensemble étaient doux et heureux, je ne me souviens pas avoir entendu maman se mettre en colère après nous ». Quand Gaudence rentrait d’une réception à l’ambassade, elle rapportait des gâteaux. « Elle me demandait d’aller lui chercher une bière, et on dégustait ça tous les deux sur la terrasse, c’était chouette », poursuit-il.

    Aline et Patrick habitent aujourd’hui à Charleroi, en Belgique. À 34 ans, la cadette de la famille attend son deuxième enfant. Patrick, tout juste 40 ans, est le père d’un garçon de 12 ans et d’une fille de 11 ans. Tous les deux ont longuement hésité avant d’accepter de raconter, pour la première fois, le destin de leur famille qui a tragiquement basculé au lendemain de l’attentat contre l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Le génocide qui a suivi a fait au moins 800 000 morts en trois mois, parmi lesquels quatre membres de la famille Munyawera : Phocas, Gaudence, Josine et Mourani.

    Leur histoire ressemble à celles de nombreux rescapés. L’horreur qu’ils ont vécue a laissé des séquelles physiques et psychologiques profondes. Mais, ce que ne comprennent toujours pas Aline et Patrick, ce qui les obsède depuis bientôt trente ans, c’est la raison pour laquelle la France, pour qui travaillait leur mère, n’a pas daigné venir les secourir alors qu’elle était en capacité de le faire et alors que leur oncle, Pierre Nsanzimana, également employé par l’ambassade de France, au sein du service des états civils du consulat, a, lui, été évacué au Burundi par l’armée française, déployée à Kigali du 8 au 14 avril 1994 dans le cadre de l’opération Amaryllis.

    « Nous étions voisins. Tous les matins, notre mère nous emmenait à l’école, et, le soir, nous étions accueillis chez eux quand elle ne pouvait pas nous récupérer », raconte Patrick. Gaudence était la petite sœur de Thérèse, la femme de Pierre. « Elles étaient très proches », ajoute Aline. Après les « événements », Pierre et Thérèse les ont adoptés. L’oncle et la tante ont gardé pour eux ce qu’ils savaient des parents d’Aline et Patrick. Ils ont rarement évoqué les circonstances de leur sauvetage. « Par pudeur, nous avons posé peu de questions. Thérèse a été très marquée par le génocide », estiment Aline et Patrick. Eux-mêmes ont reconstruit leur vie en enfouissant les détails de ces journées dramatiques. Pourtant, tout est là.
    « Vous allez voir, bientôt vous allez voir ! »

    Mercredi 6 avril 1994. Depuis plusieurs semaines, Kigali est en ébullition. Les accords de paix d’Arusha, signés moins d’un an plus tôt par le Front patriotique rwandais (FPR, né en Ouganda à la suite de l’exil de centaines de milliers de Tutsis) et par les autorités rwandaises patinent. Depuis 1990, le FPR tente, armes à la main, de renverser le régime extrémiste hutu d’Habyarimana. La constitution d’un gouvernement de transition, incluant des membres du FPR, prévue dans les accords d’Arusha, est constamment repoussée. Dans le « bar du vieux », les familles tutsies du quartier se réunissent le soir pour écouter Radio Muhabura, la radio du FPR. Plus les jours passent, plus elles sont inquiètes. Une voisine hutue a pris l’habitude de passer devant la maison des Munyawera en criant : « Vous allez voir, bientôt vous allez voir ! », tout en brandissant une bible. Les Tutsis, considérés comme des alliés du FPR, ont en mémoire les pogroms de 1959 (année où nombre d’entre eux se sont exilés dans les pays voisins), de 1962 et de 1990 (après une offensive du FPR). Elles craignent le pire et commencent à entasser des pierres dans leur jardin pour se protéger en cas d’attaque.

    L’avion du président rwandais – qui transportait aussi le président burundais, Cyprien Ntaryamira, plusieurs officiels des deux pays, et trois membres d’équipage français – est abattu au-dessus de Kigali, lors de sa phase d’atterrissage, vers 20 h 30, dans la soirée du 6 avril. Par qui ? À ce jour, aucune enquête n’a pu le déterminer avec certitude
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    . Juvénal Habyarimana rentrait d’une rencontre à Dar es-Salaam, en Tanzanie, où il venait de s’engager, à nouveau, à mettre en place ce fameux gouvernement de transition.

    Dans la nuit, Josine et Nadine, les deux grandes sœurs, se ruent dans la chambre de Patrick. « N’as-tu pas entendu ? Le président est mort ! », lui lancent-t-elles, alors qu’il ouvre à peine les yeux. Depuis la fenêtre de sa chambre, tous les trois assistent à l’embrasement du quartier. « On s’est dit que ça allait passer », confie-t-il. Le lendemain matin, le 7 avril, le bar de Phocas est pillé. Dans la maison, c’est la panique. Le père de famille décide d’aller porter plainte à la gendarmerie la plus proche. Claude, son fils issu d’une précédente union, l’accompagne. Gaudence intime aux autres enfants d’enfiler « le plus de vêtements possible » et de se tenir prêts. Vers 11 heures, « on a entendu des coups contre le portail. Il a fini par céder et on a vu une foule déferler… Maman, Nadine, Aline, Mourani et moi avons fui par l’arrière », raconte Patrick. La famille monte la butte et se dissimule dans la bananeraie. La maison est saccagée.
    « Notre voisine s’est acharnée sur le corps de papa »

    Selon le récit de Claude, qu’il a confié plus tard à ses frères et sœurs (il n’a pas souhaité témoigner), il serait revenu avec son père au domicile, accompagnés de militaires censés constater les dégâts. Face à la situation, Phocas aurait décidé de réunir les passeports de la famille quand ils auraient été pris à partie par les Interahamwe, ces milices civiles armées qui sillonnaient la ville à la recherche de leurs victimes. Claude a réussi à se cacher mais pas son père, qui a été assassiné. Qui l’a tué ? « Claude nous a juste raconté, bien plus tard, que la voisine qui brandissait sa bible s’est acharnée sur son corps, hurlant que ça aurait dû être à elle de le tuer… » Ils ne reverront plus Claude, et, pendant plusieurs mois, ils le croiront mort.

    Après la bananeraie, se trouve le jardin d’un couple dont le mari est un footballeur assez connu, Ibrahim Marizuku. Il évoluait au Kiyovu Sports Association. Lui est absent mais sa femme décide de les cacher dans une annexe de la propriété qui leur sert de débarras. En fin d’après-midi, tous les cinq s’installent sommairement au fond de la pièce, derrière une grande penderie. Patrick se rappelle que c’est la femme de Marizuku qui leur a appris la mort de leur père. Commencent alors de longues journées d’attente, ponctuées par les repas que leur apporte la voisine. À chaque fois, il faut tirer le meuble, puis le repousser. La nuit, ils s’autorisent une sortie discrète pour leurs besoins et la toilette. Une petite radio leur permet de s’informer.

    À une centaine de mètres de là, Pierre Nsanzimana, son épouse Thérèse leurs trois enfants ont également dû quitter leur domicile. Pierre est décédé en 2022 mais son fils, Étienne, 18 ans à l’époque, qui vit aujourd’hui à Paris, a accepté de raconter cet épisode, tel qu’il s’en souvient.

    Dès le matin du 7 avril, leur résidence – une grande propriété, avec des dépendances dans lesquelles logeaient d’autres Tutsis – est prise d’assaut par les Interahamwe. Thérèse ordonne aux enfants de se munir de vêtements chauds. Elle s’occupe de récupérer les passeports, tout l’argent liquide disponible et les albums photos. Pierre, un érudit passionné de lecture, s’affaire à prendre un maximum de livres quand sa femme l’interrompt brusquement : « Que vas-tu faire de ces livres ? On n’a pas le temps, on prend l’essentiel ! Et, si nous survivons, tu pourras retrouver tes livres. » À la maison, il y avait aussi le frère de Thérèse, Claver Karuranga, ses trois fils, et deux autres cousines. Tous avaient dû fuir leur domicile.

    Hussein, un voisin musulman d’un certain âge, réserviste des Forces armées rwandaises (FAR) et dont la maison est accessible par un petit chemin, accueille chez lui Pierre, Étienne et ses sœurs, ainsi que les cousines. « Moi et mon père, nous étions dans la cuisine, je me souviens encore du tas de charbon. Mes sœurs et mes cousines étaient installées dans une autre pièce. Ma mère, son frère et ses enfants ont été cachés chez un autre voisin hutu, dont la maison touchait celle d’Hussein », poursuit Étienne.
    « Mais non, on n’est pas encore morts ! »

    La Radio-Télévision libre des Milles Collines (RTLM), véritable outil de propagande des extrémistes hutus financé par l’homme d’affaires Félicien Kabuga
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    , déverse son lot de haine et diffuse des listes de noms de Tutsis à retrouver en priorité. Pierre figure sur une de ces listes. « Il était activement recherché… La situation devenait compliquée et dangereuse pour Hussein. Nous avons voulu rejoindre le collège Saint-André, à Nyamirambo [un district en périphérie de Kigali, NDLR], où, nous disait-on, d’autres Tutsis avaient trouvé refuge. Hussein a dit qu’il ne laisserait personne sortir de chez lui et qu’il garantirait notre protection », témoigne Étienne. Ce refus leur a probablement sauvé la vie : le 13 avril, presque tous les réfugiés qui se trouvaient au collège Saint-André ont été massacrés
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    Un soir où Étienne et son père se débarbouillent dehors, ils entendent une sonnerie dans la maison. À l’époque, les Rwandais possédant un téléphone sont peu nombreux. « Après négociation, Hussein a autorisé mon père à téléphoner… Il a donc joint l’ambassade, on devait être le 10 avril », se remémore-t-il.

    Selon Étienne, Pierre finit par parler à « un colonel qu’il connaissait bien pour l’avoir aidé dans ses démarches d’adoption ». Son nom ? Il ne s’en souvient pas. Au téléphone, le militaire français se serait dit surpris qu’il soit encore vivant. « Mon père a alors dit : “Mais non, mais non, on n’est pas encore morts !” » Son interlocuteur lui aurait promis d’envoyer une escorte militaire pour les sortir de ce guêpier. « Comment ? », s’enquiert Pierre. L’officier lui aurait proposé de donner sa localisation à des gendarmes rwandais pour qu’ils viennent les récupérer. « Mon père a sursauté, se souvient Étienne, il leur a répondu de ne surtout pas dire aux gendarmes qui ils allaient chercher et que ce n’était pas la bonne solution. » Les militaires rwandais, qu’ils soient gendarmes ou des FAR, ont participé activement aux massacres. Finalement, Pierre et son interlocuteur conviennent d’un autre plan : l’une des filles d’Hussein devrait aller se poster à un endroit précis du quartier où la rejoindrait une escorte militaire française.

    Dans la nuit du 8 au 9 avril 1994, les premiers militaires français de l’opération Amaryllis, dont la mission est d’évacuer les ressortissants français, ont pris possession de l’aéroport de Kigali. En fin d’après-midi, la première rotation vers l’étranger emporte 44 Français et 12 Rwandais, tous membres de la famille du président Habyarimana, dont sa veuve, Agathe Kanziga. C’est un camion bâché escorté par deux jeeps et conduits par des soldats de cette opération qui se sont chargés d’aller récupérer Pierre Nsanzimana et sa famille, le lendemain de l’échange téléphonique, le 11 avril. Toujours selon le témoignage d’Étienne, « les militaires ont retrouvé la fille d’Hussein qui les a guidés vers l’arrière de la maison, par un chemin a priori discret ». Une fois l’accès entre la maison et le convoi sécurisé, toute la famille de Pierre se presse vers le camion. « En fait, tout autour, il y avait des Interahamwe qui enrageaient. Ils avaient les yeux exorbités, injectés de sang. Pour eux, nous étions des trophées, et ils ne comprenaient pas comment l’armée française pouvait les priver de ça, se rappelle Étienne, encore choqué presque trente ans après. Il faudra que mon père et ma mère négocient dur pour que les autres membres de la famille puissent aussi monter avec nous. Un soldat lui a dit que leur mission était de sauver uniquement mon père, sa femme et ses enfants… Finalement, ils ont cédé. »
    « Il a éclairé nos visages, un par un »

    Non loin de là, à quelques centaines de mètres (« cent-cinquante mètres tout au plus », juge Étienne), sont toujours cachés dans l’angoisse Gaudence, ses filles Nadine et Aline, son fils Patrick et leur oncle Mourani. Pierre ne sait pas s’ils sont encore chez eux mais, avant de monter dans le camion d’Amaryllis, il demande aux soldats français d’aller chercher la petite sœur de sa femme. C’est du moins ce qu’affirme Étienne : « Il a eu beau insister, ils lui ont dit : “Venez avec nous à l’École française [le point de regroupement des ressortissants français, NDLR], ensuite vous demanderez à notre responsable et on reviendra”. » À l’École française, Étienne assure que son père est resté posté devant le portail et a insisté pour qu’un convoi reparte chercher Gaudence. « Un commandant a fini par lui dire que le FPR n’était pas loin et qu’il fallait qu’ils se préparent au combat. Voilà ce qu’il lui a répondu. Après ça, j’ai vu ma mère s’éteindre. » Le 12 avril, Pierre, Thérèse, Liliane, Pascaline, Étienne s’envoleront finalement vers le Burundi.

    Pendant ce temps, Gaudence et ses enfants survivent tant bien que mal. Combien de temps restent-ils dissimulés dans le débarras de Marizuku ? Difficile à dire mais, un jour, « la voisine est venue nous avertir que les Interahamwe savaient où nous étions et qu’il fallait qu’on parte, poursuit Patrick. On a fui la nuit. Nous avons traversé un champ. Des Interahamwe passaient avec des torches, on se couchait, puis on repartait. On a finalement pu se réfugier dans un autre local, mais on a vite su qu’on nous avait repérés, alors nous sommes retournés chez Marizuku. » L’étau se resserre jusqu’à ce qu’un groupe d’hommes finisse par exiger de leur voisine de pouvoir fouiller l’annexe dans laquelle se terre la famille. « Elle avait dévissé l’ampoule pour qu’ils ne puissent pas allumer et nous voir. Elle leur a montré l’intérieur et leur a dit : “Vous voyez, il n’y a personne !” Mais l’armoire n’avait pas été repoussée correctement et un homme est revenu avec une torche et nous a “torché” tous, un par un. On était tétanisés, paniqués. » Aline : « Ça, la torche dans les visages, je m’en souviens très bien. » Mais l’homme repart, sans un mot.

    C’est ce même soir, estime Patrick, que la nouvelle de l’évacuation de Pierre Nsanzimana est diffusée par la RTLM. « Nous avons entendu son nom. Les animateurs ont expliqué que toute la famille avait été évacuée par la France. Alors, il y a eu une sorte de soulagement. Ma mère était persuadée que nous serions les prochains. » Cette information a-t-elle été diffusée avant ou après le départ d’Amaryllis, le 14 avril ? Patrick ne sait pas. Quoi qu’il en soit, les militaires français savaient exactement où logeait la famille de Gaudence, et, depuis le 11 avril, deux télégrammes arrivés de Paris avaient élargi les évacuations aux employés locaux. Le premier avait été adressé en fin d’après-midi à l’ambassade de France et précisait « qu’il convient d’offrir aux ressortissants rwandais faisant partie du personnel de l’ambassade (recrutés locaux), pouvant être joints, la possibilité de quitter Kigali ». Le second avait été adressé en soirée au commandement d’Amaryllis et autorisait à « accélérer l’évacuation des ressortissants étrangers et des personnels de l’ambassade ». Mais personne n’a tenté de retrouver Gaudence et ses enfants.
    « Maman nous a dit de prier »

    « Maintenant que les Interahamwe savaient où nous étions cachés, la voisine a cherché à nous changer d’endroit, poursuit Patrick. Elle et son mari avaient logé deux autres familles tutsies dans deux dépendances, qui avaient fini par partir. Elle nous a donc logés dans une de ces annexes, en disant : “S’ils reviennent vous chercher, je dirai que la famille est partie avec la clé.” Il y avait un salon avec deux chambres, on s’est mis dans la dernière, tout au fond, et on a fermé la porte. » Ils y passent la nuit et, le lendemain matin, reprend Patrick, « on a entendu une foule qui arrivait ».

    La voisine a eu beau essayer de détourner leur attention, en leur disant qu’il n’y avait personne, « on a entendu la première porte se faire fracasser », continue Patrick. « Puis, ils ont cassé la porte de la première chambre. Maman nous a dit de prier. » Aline reprend le récit, la voix tremblante : « Je me souviens bien de ça. Je crois aussi que maman nous a fait : “Chut ! Taisez-vous !” Puis ils ont frappé fort contre notre porte et hurlé : “Ouvrez la porte ! Ouvrez la porte ou on balance une grenade !” Et, là, maman a ouvert la porte… Ils l’ont attrapée par les cheveux et l’ont traînée vers l’extérieur… Elle portait un long pagne coloré… Je ne me souviens plus de la couleur. Ils lui ont donné un coup sur la tête. Le sang a coulé. » « Avec Mourani, on était encore cachés sous le lit, ajoute Patrick. Ils sont venus nous tirer de là et, dehors, j’ai vu le sang sur le visage de maman. »

    Patrick, 11 ans à l’époque, s’est alors jeté contre les agresseurs de sa mère. « Mais l’un d’eux m’a pris par les pieds et m’a jeté contre le mur. » « Il y a tous les copains du quartier qui nous frappaient et nous disaient : “On vous cherche depuis longtemps !” » Alors que les Interahamwe alignent la famille, mains sur la tête, et l’emmènent sur la route, un peu en contre-haut, Aline réussit à s’enfuir. « Je crois que le sang sur le visage de maman a déclenché un instinct de survie, j’ai pris mes jambes à mon cou, puis je ne me souviens plus de grand-chose, je n’ai que des flashs. » Patrick se souvient bien avoir vu sa sœur courir et entendre leurs bourreaux s’exclamer : « Laissez-là, vu son gabarit elle ne survivra pas, ou quelqu’un d’autre s’en chargera ! » Mourani, 13 ans, tente lui aussi de s’échapper, mais un milicien tire dans sa direction et lui crie : « Si tu essaies encore de fuir, je te mets une balle dans la tête. »

    Gaudence, Patrick, Josine, Nadine et Mourani sont exhibés dans le quartier. « Il y avait les deux fils de la voisine, celle qui nous menaçait avec sa bible et qui s’est acharnée sur papa… Les insultes fusaient. » Sur la route, ils assistent à l’exécution de « la plus jolie fille du quartier », ajoute Patrick : « Un Interahamwe lui a dit : “Viens avec moi, je t’épouse”, et elle lui a répondu : “Je préfère que tu me tues, même pas dans tes rêves je t’épouserai !” Elle était très courageuse. Il lui a dit de se mettre à genou, elle a refusé… » Puis ils sont conduits sur une grande route où, explique Patrick, « c’était plus simple de faire venir les camions-bennes pour évacuer les corps ». « Une fois arrivés, ils nous ont demandé de nous coucher ventre à terre, le long d’un fossé, et ils ont commencé à nous tirer dessus avec des petits fusils automatiques. » La date où c’est arrivé est restée gravée dans la mémoire de Patrick : « C’était le mardi 19 avril 1994. »
    La danse macabre du camion-benne

    À côté de Patrick, sa mère meurt sur le coup. « J’ai vu son sang couler sur la terre. Je me suis dit que, maman, c’est fini. » Mourani et Josine également. Nadine bouge encore. Alors, les Interahamwe s’acharnent sur elle. Elle reçoit sept balles. Une balle a traversé le torse de Patrick, elle est passée à quelques centimètres de son cœur. « J’étais vivant, souffle-t-il. À ce moment, pour moi, personne n’a survécu, alors j’ai fait le mort. » Puis démarre la danse macabre du camion-benne. « On nous a jetés dedans. Par miracle, je me suis retrouvé sur le dessus. Quand le camion a redémarré, j’ai pu me redresser. »

    Mais certains de ses jeunes bourreaux s’en rendent compte. Ils interpellent le chauffeur, qui arrête le camion et dépose Patrick au milieu de la route. « Ils sont partis chercher des Interahamwe plus âgés. Je me suis traîné jusqu’au bord de la route, je n’arrivais pas à me lever. Il allait pleuvoir, j’ai imaginé me laisser porter par les flots dans le fossé… Mais je les ai entendus revenir, ils criaient : “Il y en a un qui est encore vivant !” Je me suis couché et j’ai de nouveau fait le mort. Ils m’ont donné des coups de pied, ils m’ont craché dessus, et l’un d’entre eux a dit : “Il est mort, on ne va pas gaspiller une balle pour lui”. » Patrick réussit ensuite à atteindre un petit abri.

    Un habitant du quartier, un Hutu musulman nommé Chali, qui connaissait bien Gaudence, tombe sur lui. « Il était paniqué… Il m’a apporté un thé avec un beignet. J’ai cru qu’il allait m’achever. Il est parti chercher un militaire pour m’emmener à l’hôpital… À nouveau, je me suis dit : “C’est fini”. » Chali arrête un pick-up. Un militaire en sort et s’exclame : « Mais on avait dit pas les civils, pas les enfants ! » Patrick reprend : « Il m’a mis à l’arrière de son pick-up où il y avait un autre corps. C’était celui d’une maîtresse du quartier. On lui avait tiré plusieurs fois dessus. Il y avait du sang partout. Le militaire conduisait vite. Je me suis accroché. Il y avait des dos d’âne et, à chacun d’eux, la tête de la maîtresse se soulevait et retombait lourdement sur la tôle. Il m’a déposé au CHUK [Centre hospitalier universitaire de Kigali] où j’ai été pris en charge. Le spectacle était catastrophique : il y avait des blessés partout, des enfants, les gens mouraient… Ils ont découpé mon tee-shirt, m’ont donné du sérum et de l’oxygène... »

    Il s’interrompt. « Je me suis allongé et je me suis mis à pleurer. À ce moment, j’ai réalisé ce qui venait de se passer. Autour de moi c’était pire : il y avait des enfants plus jeunes que moi, la tête à moitié arrachée, les bras… C’était l’enfer total. » Il pense être resté dans un état de semi-conscience environ deux ou trois semaines.
    « J’étais la petite esclave de la maison »

    Les flashs d’Aline permettent de retracer brièvement son histoire. Une vie parallèle à celle de son frère. Durant cette discussion de plusieurs heures, dans l’appartement d’Aline, à Charleroi, chacun découvre des détails qu’il ignorait de l’autre. Elle s’adresse à Patrick : « Tu nous avais raconté brièvement cette histoire mais je ne savais pas tout... » Après sa fuite, la jeune mère de famille se rappelle « avoir frappé à plusieurs portes jusqu’à ce qu’on [lui] ouvre. » « Puis, c’est le trou noir. Je ne me souviens pas combien de temps je suis restée chez les gens qui m’ont cachée... » Plusieurs fois, leur récit bute sur des périodes plus opaques que d’autres. Ces zones d’ombre correspondent bien souvent à des moments plus calmes : tandis qu’ils se rappellent avec précision de la fuite, des agressions, des angoisses liées à la traque, dès qu’ils se retrouvent dans une situation plus « sécurisée », les repères temporels et les détails disparaissent. Durant ces moments d’apaisement, les corps et les esprits se relâchent.

    « Ensuite, je me vois sur une route avec beaucoup de monde, reprend Aline. Je suis avec une dame, on me porte sur les épaules, j’étais si petite… » Cette marche au milieu d’un flot de réfugiés dure longtemps, dit-elle, jusqu’à la frontière avec le Zaïre (l’actuelle République démocratique du Congo, RDC). « Je crois que je suis d’abord accueillie chez une femme qui avait encore deux enfants en bas âge. Elle m’a donc confiée à une autre famille. C’était une petite maison, assez sale. Je revois la porte s’ouvrir, il y avait surtout des hommes. Elle leur a dit qu’elle ne pouvait pas s’occuper de moi, et m’a laissée chez eux. »

    Elle est à Bukavu, à la frontière, au sud du lac Kivu. Elle dit être devenue « la petite esclave de la maison ». « Je dormais par terre, sur un bout de tissu. Je ressens encore les morsures de ces grosses fourmis rouges qui rentraient la nuit. Les enfants de la maison vivaient plutôt bien mais, moi, je mangeais peu. On m’envoyait chercher des cigarettes en pleine nuit. Le matin, on me réveillait pour aller chercher de l’eau… La femme, je la vois comme une sorcière. Quand son mari était là, elle s’adoucissait un peu. Je me rappelle une scène très précise dans laquelle je cherche la cuisine dans l’obscurité et je vole une boule de riz pour manger. » Son calvaire va durer plus de deux ans. Et, pour en connaître le dénouement, il faut laisser Aline dans cette famille congolaise et écouter de nouveau le récit de Patrick.
    En volant ses bracelets, il a senti son pouls

    « À l’hôpital [de Kigali], je vois des visages qui passent devant moi, c’est assez flou. J’étais dans un mauvais état, à cause de ma blessure. Et je mangeais peu. » Un jour, il croit voir sa grande sœur, Nadine. « Je me suis dit que j’avais eu une hallucination. Pour moi, elle était morte. » En fait, Nadine, malgré ses blessures, s’en est sortie. Aujourd’hui, la grande sœur habite également à Charleroi. Elle n’a pas souhaité se joindre à la réunion pour raconter son histoire mais, avec son autorisation, il est possible de la reconstituer brièvement, grâce aux témoignages de Patrick et de son cousin Étienne, à qui elle s’est parfois confiée. Ainsi, lorsque le camion-benne qui transportait toute la famille est arrivé à la fosse commune, l’un des hommes chargés d’enterrer les corps a senti le pouls de Nadine en lui volant ses bracelets en ivoire. Pour une raison mystérieuse, il n’a rien dit et l’a conduite dans le même hôpital que Patrick, où elle s’est remise de ses blessures.

    « Nadine est quelqu’un de très fort… Malgré les sept balles, elle était debout quelques semaines après son hospitalisation », ajoute Patrick. Lui et Aline décrivent leur grande sœur comme une personne « très sociable », et qui a une certaine « clairvoyance », qui lui permet de réagir rapidement dans des situations d’urgence. Aline me montre un photo-montage : à droite il y a Nadine, photographiée il y a quelques années, et à gauche, il y a Gaudence. « Sur cette photo, elles ont à peu près le même âge, une quarantaine d’années. Elles se ressemblent tellement », soupire Aline. À l’hôpital, « elle s’était fait des amis parmi les soignants et parmi les militaires, ajoute son frère. Si bien que, quand les soldats allaient piller les maisons, ils lui ramenaient de la nourriture. C’est à partir de ce moment que j’ai recommencé à m’alimenter, et à me rétablir. »

    Le jour, Nadine s’occupe de son frère, veille à ce que les infirmières le soignent correctement. Elle-même continue de recevoir des soins. La nuit, ils dorment côte à côte. Lorsqu’il y a des suspicions sur leur origine, Nadine explique que son père est un Hutu qui a été assassiné injustement. « Plus tard, elle nous a montré comment elle fronçait son visage pour grossir son nez », ajoute Aline. Le physique était un critère pour affirmer qu’untel ou untel était tutsi. Sous couvert d’études scientifiques, les colons belges étaient persuadés que les Tutsis étaient grands, longilignes et avaient, notamment, le nez plus fin que celui des Hutus. Cette idéologie raciste a été soutenue par les extrémistes hutus.

    L’accalmie à l’hôpital fut de courte durée. « Au bout de trois ou quatre semaines, je commençais à aller mieux, poursuit Patrick. Mais, dans notre quartier, le bruit a couru que nous étions vivants. La voisine, celle qui nous menaçait en brandissant la bible, a envoyé ses fils à l’hôpital pour vérifier l’information. » Jusqu’au jour où un militaire vient les prévenir. Il leur dit que leurs bourreaux viendront les chercher le lendemain, comme d’autres Tutsis avaient déjà été sortis de force de l’hôpital et exécutés à l’extérieur. Il fallait à nouveau fuir. Mais où ?
    Il fallait fuir, encore une fois

    « Nadine a pensé à Pierre-Célestin Rwigema, le parrain de Josine, notre sœur ainée. C’était un ami très proche de papa. Sa femme était infirmière dans notre hôpital… Lui était hutu, elle était tutsie, mais on la laissait tranquille puisqu’elle soignait les gens », explique Patrick. Nadine retrouve l’infirmière, et ensemble elles organisent leur départ. Le militaire qui les avait avertis accepte de les emmener chez ce parrain. Ils passent de nombreux barrages avant d’arriver à destination, enfin. « On a ressenti un soulagement. Sa femme étant infirmière, elle a continué à nous soigner. » Ce n’est pourtant pas la fin du calvaire.

    Leurs bourreaux sont arrivés à l’hôpital. Constatant leur départ, ils sont repartis à leur recherche. « Cette voisine ne voulait pas nous lâcher, ils sont venus jusque chez notre parrain. » Devant la maison de Pierre-Célestin, ils font sortir tout le monde, et interrogent le père de famille qui leur indique que tous, sans exception, sont ses enfants. « Mais les fils de notre voisine nous avaient reconnus, évidemment. L’un des hommes a saisi Nadine pour l’emmener à l’abri des regards. Il a sorti un pistolet. Elle a crié. Le domestique est arrivé et l’homme est parti. Ils ont tous rebroussé chemin en disant qu’ils allaient revenir avec un blindé pour détruire la maison. » Il fallait fuir, encore.

    Ils se répartissent dans les deux véhicules que possède Pierre-Célestin Rwigema. Au milieu de ses enfants, Nadine et Patrick passent presque inaperçus aux barrières dressées par les miliciens, qui procèdent à des contrôles d’identité et à un tri ethnique. Beaucoup de massacres ont eu lieu sur ces barrages, parfois sur un simple critère physique. Mais l’un d’eux finit par suspecter la présence de « cafards », le terme utilisé par les tueurs pour désigner les Tutsis – « il a dit : “Je pense qu’il y a des cafards dans ce véhicule” », raconte Patrick. Il fait descendre tout le monde sur la route. Après discussions, tout le monde repart, mais à pied. « On est retournés à la maison, Nadine est revenue aussi avec les autres, un peu plus tard… On était au point de départ, mais sans voiture. » Leur hôte a finalement sollicité un autre ami, un gradé de l’armée, afin qu’il les sorte de ce mauvais pas. S’il a fallu négocier lors d’un contrôle, le statut du chauffeur a permis de passer les barrières sans trop de difficulté, jusqu’à l’Hôtel des Mille Collines. Là, c’est à nouveau le soulagement.

    Dès le début des massacres, de nombreux Kigalois se sont réfugiés dans cet hôtel de luxe qui appartenait à la compagnie aérienne belge Sabena. Postés devant l’hôtel, des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar) dissuadent les militaires et les miliciens d’y pénétrer. Plus de 1 200 personnes s’y sont réfugiées durant le génocide, dormant dans les 113 chambres, dans les couloirs ou au bord de la piscine, qui a servi de réservoir d’eau quand celle-ci ne coulait plus des robinets. L’histoire de cet hôtel a fait l’objet d’un film réalisé par Terry George, Hôtel Rwanda (2004). Cette œuvre a suscité la controverse : les faits auraient été enjolivés par le « héros » du film, le directeur de l’hôtel, Paul Rusesabagina. L’hôtel a bien sauvé des vies, mais il aurait aussi permis à son gérant de s’enrichir – c’est du moins l’avis de nombreux rescapés
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    Évacués vers un camp du FPR

    Malgré les difficultés quotidiennes et la pression des militaires rwandais, une parenthèse s’ouvre pour Nadine et Patrick. À l’extérieur, si les Interahamwe ont la consigne de laisser rentrer les Tutsis, ils ont ordre de tuer tous ceux qui en sortent. Est-ce à nouveau un piège qui se referme sur eux ? « Un jour, j’ai vu des militaires faire du repérage et noter des numéros de chambres. Alors, toutes les plaques ont été enlevées… Ils sont revenus avec des Interahamwe, ils ont commencé à fouiller les chambres, mais la Minuar est revenue avec plus d’hommes, ce qui les a fait partir. »

    Le 29 mai 1994, la Minuar organise un échange de réfugiés entre le gouvernement intérimaire et le FPR
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    . « Ils nous ont offert la possibilité de rejoindre un camp du FPR, à Kabuga [situé à quelques kilomètres à l’est de Kigali, NDLR]. On s’est donc inscrits sur la liste », poursuit Patrick. Lorsqu’un officiel rwandais se met à lire les noms, celui de « Munyawera » n’est jamais prononcé. « Nous voyions nos camarades d’infortune monter dans le camion. Nadine, une fois de plus, a eu le bon réflexe : elle est allée voir un Casque bleu pour lui dire qu’il y avait un problème. » L’officiel en question est l’équivalent d’un élu municipal du quartier de leur parrain, Pierre-Célestin Rwigema. Il avait décidé que la famille ne devait pas survivre. « Le Casque bleu a arraché la liste et repris la lecture… Cette fois, notre nom a été prononcé. Nous sommes montés dans le camion et avons pu rejoindre le camp du FPR. »

    Sur place, Patrick et Nadine se sentent enfin sortis d’affaire. Ils s’installent dans le camp, trouvent de la nourriture, cherchent un logement… « Trois semaines après, nous avons vu arriver notre grand frère Claude, une boisson au citron à la main ! » Lorsque leur père, Phocas, a été assassiné dans leur maison, Claude a réussi à se cacher. Quand il apparaît dans ce camp du FPR, la surprise est générale. Le frère aîné travaille alors au service d’un gradé du groupe armé. « On était sauvés. »

    Après la conquête du FPR, mi-juillet, et la constitution du gouvernement de transition « à base élargie », le 19 juillet 1994, Nadine et Patrick emménagent avec le parrain de Josine, Pierre-Célestin Rwigema, nommé ministre de l’Enseignement primaire et secondaire
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    . Quelques mois plus tard, la famille Nsanzimana, réfugiée au Burundi, retrouve enfin leur trace. « Étienne et Thérèse sont venus nous chercher, et nous sommes partis au Burundi », relate Patrick. En 1995, tous rentrent au Rwanda. Pierre réintègre l’ambassade de France, et la famille s’installe dans la maison d’un frère de Thérèse. Le couple a récupéré tous les enfants survivants des oncles et tantes. « Nous étions très nombreux, de tous les âges », se souvient Patrick.
    « J’ai compris que maman était morte »

    Reste Aline. Pendant plusieurs mois, la famille, l’espoir chevillé au corps que la petite dernière soit toujours vivante, va suivre plusieurs pistes, notamment dans les camps de déplacés en RDC, près de Goma. En vain. Fin 1996, alors que nombre de réfugiés sont rentrés au pays, « une femme est venue nous voir pour nous dire qu’elle était sûre qu’Aline était vivante et qu’elle savait où elle se trouvait », résume Patrick. La famille hésite un peu : dans cette période post-génocide, il y a beaucoup de rumeurs. « Certains affirmaient par exemple que maman était encore en vie... », précise Patrick. Les informations semblent cependant fiables et, pour Thérèse, il est inconcevable de ne pas aller vérifier. C’est ainsi que Claude, accompagné d’un ami et de la femme qui affirmait savoir où se trouvait Aline, sont partis à Bukavu.

    De son côté, Aline se remémore : « Je me souviens que le père de famille m’a demandé si je connaissais un certain Claude… J’ai tout de suite répondu que c’était mon frère. Ça n’a provoqué aucune réaction de ma part. À cette époque, je refoulais la moindre émotion, mon cerveau avait déconnecté pour se protéger. » Le soir, la famille congolaise met les petits plats dans les grands. « Un véritable festin ! Après tout ce temps à me maltraiter… Si ce n’est pas cynique ! » Le lendemain, « Claude est arrivé, il m’a mis sur ses épaules, et on est partis ».

    Au Rwanda, les retrouvailles sont euphoriques. « Tout le monde s’est jeté sur moi en pleurs, se rappelle Aline. Je pleurais également mais ni de joie, ni de tristesse. J’étais perdue, il y avait tant de monde ! Et je ne comprenais rien, je ne parlais plus kinyarwanda. » « Elle parlait swahili, reprend Patrick. On était tellement heureux de l’avoir retrouvée... » « Et puis j’ai entendu Nadine et Patrick appeler Thérèse “maman”. Là, ça été comme un déclic : j’ai compris que maman était morte. »

    Pierre et Thérèse adopteront Nadine, Patrick et Aline. Claude, l’aîné, qui avait alors une vingtaine d’années, reprendra le cours de sa vie de manière indépendante. La famille élargie s’organise, les plus jeunes reprennent leurs études, jusqu’à l’université, au Rwanda pour certains, comme Étienne, ou en France, près de Toulouse, comme Nadine. Plus tard, une grande partie de la famille s’installera dans le sud de la France. Ces jours sombres ne seront que rarement abordés. Aujourd’hui, tous souhaitent combler les trous béants de leur histoire. Ils veulent notamment savoir pourquoi la France ne les a pas secourus, en dépit de l’insistance de Pierre et de Thérèse. « Les bourreaux nous ont exécutés, mais c’est la France qui nous a abandonnés », conclut Patrick.

    https://afriquexxi.info/La-France-nous-a-abandonnes-les-bourreaux-nous-ont-executes
    #génocide #Rwanda #abandon #fuite #Minuar

  • Assamaka, Septembre et Octobre 2023 : Les expulsions régulières et massives d’Algérie au Niger continuent. Personnes expulsées piégées dans la misère.

    Au moins 5012 personnes expulsées d’#Algérie au #Niger du 26 Juillet jusqu’au 18 Octobre 2023

    Depuis le coup d’état du 26 Juillet 2023, la population au Niger vit dans une situation de précarité et d’incertitude imposée par des sanctions et des menaces de guerre de la part de la CEDEAO et les déplacements vers d’autres pays de la région sont également fortement limités. Néanmoins, l’état algérien continue d’expulser des gens en grand nombre au Niger et dans le désert de la zone frontalière.

    Selon les observations de l’équipe d’Alarme Phone Sahara à Assamaka, frontière nigéro-algérienne, au moins 5012 personnes expulsées d’Algérie, la grande majorité des citoyen.ne.s du Niger ainsi que d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, sont arrivées depuis le coup d’état jusqu’au 18 Octobre 2023. Avec ces chiffres, le nombre de personnes expulsées d’Algérie au Niger depuis début 2023 s’augmente à 24698.

    En septembre et octobre, le nombre d’expulsions a de nouveau augmenté massivement par rapport à une brève baisse dans les semaines qui ont suivi le putsch au Niger et il est à craindre que cette tendance se poursuive au vu de la situation politique dans les pays du Maghreb.

    Chasses aux migrant.e.s, refoulements massifs et mépris de droits humains dans les pays du Nord d’Afrique. Expulsions en chaîne jusqu’au Niger.

    Les expulsions d’Algérie au Niger font parti d’un scénario plus large de chasses aux migrant.e.s, d’expulsions massives et de violations systématiques de droits humains, y compris des actes de tuerie et de laisser-mourir, dans tous les pays du Nord d’Afrique.

    En juillet 2023, l’attention de l’opinion publique mondiale a été brièvement attirée par les expulsions massives en Tunisie vers les frontières libyenne et algérienne, au cours desquelles il a été prouvé que plusieurs personnes ont été cruellement tuées dans le désert en mourant de soif.

    Cette pratique de refoulements se poursuit encore aujourd’hui et plusieurs des personnes qui se sont retrouvées bloquées au Niger après avoir été expulsées d’Algérie rapportent qu’elles étaient déjà en Tunisie auparavant et avaient été refoulées de là vers la frontière algérienne.

    Cela témoigne d’une pratique de refoulements et d’expulsions en chaîne contraires aux droits humains, de la Tunisie au Niger en passant par l’Algérie.

    Certaines personnes ont déjà vécu une odyssée jusqu’au Maroc ou se sont réfugiées en Algérie après une période de détention inhumaine dans des camps de prisonniers libyens, avant d’être finalement expulsées vers la frontière nigérienne.

    Toutes ces pratiques sont largement encouragées par l’externalisation du régime des frontières des États de l’UE qui, par leur réforme dite RAEC, veulent externaliser les procédures d’asile à leurs frontières extérieures et travaillent actuellement, entre autres, à un accord avec la Tunisie pour repousser les migrant.e.s, accord qu’ils veulent étendre à d’autres états.

    Bloqué.e.s au Niger, des migrant.e.s lancent des appels aux gouvernements de leurs pays pour les aider à partir

    Des milliers de migrant.e.s et réfugié.e.s sont présentement bloqué.e.s au Niger. Face à la situation actuelle, beaucoup d’entre eux n’arrivent ni à continuer sur leur route, ni à retourner vers leurs pays.

    Déjà avant le coup d’état au Niger, les transports d’évacuation d’Assamaka par l’OIM ne fonctionnaient toujours que très lentement. L’OIM souligne que d’un part, suite aux réactions au coup d’État, plusieurs des frontières du Niger avec ses pays voisins sont fermées. De plus, la fermeture actuelle de l’espace aérien nigérien, décrétée pour se protéger d’une menace d’intervention militaire de la CEDEAO, ne permet pas actuellement d’évacuer par voie aérienne les personnes qui décident de rentrer dans leur pays d’origine.

    Ça crée une situation est extrêmement pénible pour les personnes qui sont restées bloquées plus longtemps dans cette petite localité d’Assamaka au milieu du désert, mais aussi à Arlit, Agadez et d’autres localités au Niger où des réfugié.e.s et migrant.e.s vivent également dans des conditions extrêmement précaires dans les camps de l’OIM et de l’HCR, dans des Ghettos de migrant.e.s ou même dans la rue.

    A plusieurs reprises, des migrant.e.s et réfugié.e.s, indigné.e.s par les retardements des retours dans leurs pays d’origine, ont réagi avec des manifestations devant les locaux de l’OIM, entre autres le 7 août à Assamaka et le 12 Septembre 2023 à Agadez.

    D’autres ont lancé des appels aux gouvernements de leurs pays que nous documentons ci-dessous :

    Parole de jeunes migrants camerounais expulsés à Assamaka du 14.09.2023 :

    https://www.youtube.com/watch?v=GJe6aDyMALQ&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Falarmephonesahara.i

    « Nous sommes des jeunes Camerounais, des migrants. La plupart d’entre nous, on a pris en Tunisie, d’autres en Algérie, d’autres sont partis du Maroc, où ils essayaient de faire la traversé par la Tunisie. (…) Mais on était refoulé. Et après notre refoulement, on s’est retrouvé ici dans un centre pour migrants du Niger dans la ville d’Assamaka. Actuellement ce n’est pas vivable, parce qu’il fait très chaud. Nous sommes conscients que les gens qui nous reçoivent dans le centre, ils font le mieux qu’ils peuvent, mais ce vidéo, c’est un cri d’alerte pour s’adresser à nos autorités, notamment le président de la République du Cameroun, pour le faire comprendre que nous le prions, vraiment nous espérons que ce vidéo arrivera à bon port.

    Nous sommes au nombre de près de 90 camerounais. Notre but majeur, c’est de rentrer, surtout avec l’instabilité qui est actuellement au Niger. On a la peur que ça prenne feu et qu’on ne puisse plus rentrer, puisqu’on nous a dit que les voies terrestres et les voies aériennes sont bloquées.

    Donc, ce vidéo est vraiment pour nous adresser à nos autorités. Au ministère de relations extérieures (…). On s’adresse à cet office et en plus au Président de la République, Monsieur Paul Biya. Nous prions de trouver les canaux nécessaires pour envoyer un avion pour nous récupérer ici. Afin qu’on puisse nous transporter à Arlit, étant donné qu’il y a un aéroport là-bas.

    (…) On n’a rien contre le Niger, c’est un pays d’amis et frères. Et pour nous, le plus important c’est vraiment de trouver des canaux nécessaires pour rentrer. (…) »

    Paroles de migrant.e.s malien.ne.s bloqué.e.s à Arlit après d’arriver en Algérie le 26 ou 27 mars 2023 et d’être expulsé.e.s à la frontière du Niger entre le 13 et le 18 avril 2023, message du 26 Septembre 2023 :

    Personne 1 :

    « Mon frère, je vous demande de nous aider, parce que je ne parle pas pour moi seul, j’ai des amis ici qui sont dans la même situation, ils ne cherchent rien, seulement rentrer chez eux. Ils sont traumatisés, malades, désespérés, tout.

    Ici, on n’a pas des soins, on est dans un désert où rien ne va. Que ça soit la nourriture, que ça soit l’eau potable, que ça soit l’hygiène, c’est simplement que rien ne va. (…)

    C’est pour cela on a décidé de retourner chez nous. Parce qu’il y a beaucoup de nos amis qui sont retourné en Algérie. Même aujourd’hui il y a des gens qui retournent en Algérie, beaucoup, beaucoup même. Mais si tu voies que nous avons décidé de retourner chez nous, c’est pour aller faire quelque chose. Toutes les difficultés qu’on a eu en allant en aventure, toutes les maltraitances, toutes les tortures qu’on a reçues, c’est pour cela on a décidé de rentrer chez nous. Mais si tu n’as pas les moyens, la première chose à faire d’abord c’est de rentrer chez toi. (…)

    Bon c’est pour ça, je vous en supplie : A mon nom propre, au nom de mes ami.e.s, de faire tout pour, de nous aider pour qu’on puisse rentrer chez nous. (…) »

    Personne 2, Hamidou Baté :

    « (…) Avec tout ce qu’on a subi [en Libye], torture, l’esclavage et tout, on n’a pas réussi de traverser la mer, notre objectif n’était pas atteint. On a essayé de s’en fuir de la Libye en Algérie, on voulait travailler un peu. (…) Le 27ième jour du mois de Carême on était expulsés, le 1ier village était Assamaka à la frontière avec l’Algérie. (…) 3 mois rien ne va. Maintenant nous sommes à Arlit. Il y a 3000, 4000 gens au Campo, je parle de Maliens (…) On a trop souffert, on a décidé de rentrer chez nous. Voilà ce propos, on cherche de l’aide. (…) Il y a des gens, ça ne va pas chez eux, mentalement et physiquement ça ne va pas. Ils ont perdu leur mentalité, ils ont perdu leur santé mentale. (…) J’ai beaucoup d’ami.e.s, c’est la même chose. »

    Personne 3 :

    « La situation, ça fait que moi, je n’ai pas les moyens pour rentrer au Mali. Quand j’étais à Tamanrasset sur le territoire algérien, je ne veux pas encore rentrer. Mais ici, si j’ai le pouvoir, je vais retourner chez moi, sinon je serai obligé de retourner encore en Algérie (…).

    Pour ça, j’ai besoin d’aide, parce que je n’ai rien. J’étais en Libye, avec la guerre civile là-bas, c’est pour cela que j’ai quitté la Libye pour aller en Algérie. Et c’est là-bas où on m’a rattrapé. Je suis entré en Algérie le 7ième jour du mois de Carême, et le 23ième ou 27ième jour du mois de Carême on m’a rattrapé pour me rapatrier. Jusqu’à nos jour jours, je ne suis pas rentré, je ne suis pas arrivé chez moi au Mali. Et on nous garde ici, rien ne va, avec le problème du Niger, tous les jours ça s’aggrave. Nous on a trouvé des gens, depuis fin du mois de décembre 2022 ils sont ici. Jusqu’au présent ils n’ont pas eu la chance de rentrer chez eux, tu vois. (…). »

    Personne 4 :

    « Tu voies, c’est moins de 3 mois qu’on est ici au Campo. (…) Nous-même on est arrêté, on nous a arrêté en Algérie le 23 du mois de Carême. »

    Personne 5 :

    « A l’heure actuelle, je suis à Arlit, au Niger. On nous a rattrapé en Algérie, pour migration. Ça fait plus de 6 mois qu’on est ici au Niger, dans le territoire nigérien. Ça fait 3 mois à Assamaka et puis ici, ça fait moins de 3 mois, parce que c’est deux mois qu’on est ici, ça fait deux mois et 28 jours, il restent deux jours pour compléter 3 mois ici. »

    En face de la situation précaire des personnes bloquées au Niger, Alarme Phone Sahara demande :

    - Arrêt immédiat de toutes les expulsions d’Algérie et d’autres pays vers le Niger !

    – Arrêt immédiat des refoulements massifs, des expulsions en chaîne, des chasses aux migrant.e.s et de toute sorte de violation des droits humains dans l’espace sahélo-saharien !

    - L’aide humanitaire, l’hébergement et les soins pour les migrant.e.s et les réfugiés au Niger doivent être garantis et pas suspendus en raison de sanctions contre le Niger !

    – Au-delà l’initiative de l’OIM pour un corridor humanitaire pour le retour de migrant.e.s dans leurs pays d’origine, Alarme Phone Sahara demande aussi des programmes d’évacuation et de réinstallation pour les personnes bloquées au Niger dans d’autres pays !

    – Une solution de paix pour le Niger et ses pays voisins, qui permette également de rétablir la liberté de circulation dans la région sahélo-saharienne et de créer des trajets de voyage et de fuite sécurisés !

    – Non aux sanctions et aux menaces de guerre contre le Niger ! Au lieu de cela, il faut des solutions qui garantissent le droit pour la population nigérienne de gérer elle-même son avenir sociopolitique !

    Annexe : chiffres des personnes expulsées d’Algérie au Niger entre 14 Septembre et 13 Octobre 2023 selon l’équipe d’Alarme Phone Sahara à Assamaka

    14.09.2023 : 103 personnes expulsées dans un convoi d’expulsion non-officiel arrivent à Assamaka, parmi eux une femme, 2 filles mineures, 2 garçons mineurs et 98 hommes.

    Les plus grands groupes d’expulsé.e.s étaient 28 Guinéen.ne.s et 25 Gambien.ne.s. Apart eux il y avaient 2 ressortissant.e.s du Burkina Faso, 8 du Sénégal, 5 du Cameroun, 13 du Mali, 6 du Nigéria, 4 du Bénin, 11 du Tchad et une personne de la Sierra Léone.

    14.09.2023 : Arrivée d‘un convoi d’expulsion officiel avec 258 personnes, y compris 2 femmes, et 256 hommes.

    17.09.2023 : 176 personnes expulsées dans un convoi d’expulsion non-officiel arrivent à Assamaka, parmi eux 20 femmes, 5 filles mineures et 145 hommes.

    Les plus grands groupes d’expulsé.e.s étaient 74 Guinéen.ne.s et 30 Gambien.ne.s. Apart eux il y avaient 11 ressortissant.e.s du Sénégal, 14 du Mali, 23 du Nigéria, 2 du Bénin, 8 de la Côte d’Ivoire, 5 de la Sierra Léone, 3 du Bangladesh, 2 du Soudan, 2 du Yémen, une personne du Tchad et une du Niger. Les gens du Bangladesh et du Yéménite étaient immédiatement refoulés en Algérie.

    19.09.2023 : Arrivée d‘un convoi d’expulsion officiel avec 319 personnes, y compris 2 femmes, 4 filles mineures, 13 garçons mineurs et 300 hommes.

    02.10.2023 : 406 personnes expulsées dans un convoi d’expulsion non-officiel arrivent à Assamaka, parmi eux 34 femmes, 12 filles mineures, 44 garçons mineurs et 316 hommes.

    Les plus grands groupes d’expulsé.e.s étaient 202 Guinéen.ne.s et 113 Malien.ne.s. Apart eux il y avaient 24 ressortissant.e.s du Sénégal, 16 du Nigéria, 4 du Bénin, 18 de la Côte d’Ivoire, 11 de la Sierra Léone, 7 du Tchad, 4 du Burkina Faso, 5 du Cameroun, une personne du Ghana et une de la Guinée Bissau.

    04.10.2023 : Arrivée d‘un convoi d’expulsion officiel avec 254 personnes, y compris 4 femmes, 9 filles mineures, 8 garcons mineurs et 233 hommes.

    Parmi les expulsé.e.s, il y avait 222 citoyen.ne.s du Niger et 32 ressortissant.e.s d’autres nationalités, dont 21 du Burkina Faso, 7 de la Guinée Conakry, 2 du Mali, une personne du Nigérian et une du Soudan.

    06.10.2023 : 132 personnes expulsées dans un convoi d’expulsion non-officiel arrivent à Assamaka, parmi eux 10 garçons mineurs et 122 hommes.

    Les plus grands groupes d’expulsé.e.s étaient 31Malien.e.s, 25 Guinéen.ne.s et 23 Gambien.ne.s. Apart eux il y avaient 21 ressortissant.e.s du Sénégal, 12du Burkina Faso, 2 du Bénin, 11 de la Côte d’Ivoire, 5 du Cameroun, une personne du Ghana et une du Nigéria.

    11.10.2023 : 925 personnes expulsées dans un grand convoi d’expulsion non-officiel arrivent à Assamaka, parmi eux 23 femmes, 10 filles mineurs, 3 garçons mineurs et 889 hommes.

    Les plus grands groupes d’expulsé.e.s étaient 259 Malien.e.s et 297 Guinéen.ne.s. Apart eux il y avaient 100 ressortissant.e.s de la Gambie, 138 du Sénégal, 3 du Burkina Faso, 8 du Bénin, 49 de la Côte d’Ivoire, 17 du Cameroun, 5 du Ghana, 12 du Nigéria, 26 de la Sierra Léone, 4 du Libéria, 3 du Togo, 3 du Soudan et une personne du Tchad.

    13.10.2023 : Arrivée d‘un convoi d’expulsion officiel avec 627 ressortissant.e.s du Niger, y compris 20 femmes, 40 filles mineures, 36 garçons mineurs et 531 hommes.

    18.10.2023 : 1133 personnes expulsées dans un grand convoi d’expulsion non-officiel arrivent à Assamaka, parmi eux 30 femmes, 10 filles mineures, 34 garçons mineurs et 1059 hommes.

    Les plus grands groupes d’expulsé.e.s étaient 328 Malien.e.s et 375 Guinéen.ne.s. Apart eux il y avaient 162 ressortissant.e.s de la Gambie, 93 du Sénégal, 43 du Burkina Faso,16 du Bénin, 37 de la Côte d’Ivoire, 11 du Cameroun, 21 du Nigéria, 19 de la Sierra Léone, 26 du Libéria, 3 du Togo, une personne de l’Éthiopie et une de la Somalie.

    https://alarmephonesahara.info/fr/blog/posts/assamaka-septembre-et-octobre-2023-les-expulsions-regulieres-et-

    #asile #migrations #réfugiés #abandon #expulsions #renvois #déportation #désert #Sahara #désert_du_Sahara
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    Ajouté à la métaliste des « #left-to-die in the Sahara desert »
    https://seenthis.net/messages/796051

  • Yann Arthus-Bertrand se sépare de sa femme : Une rupture à cause de Parkinson
    https://www.pleinevie.fr/loisirs/celebrites/yann-arthus-bertrand-se-separe-de-sa-femme-une-rupture-a-cause-de-parkinso


    Alerte #Gros_Con
    On rappelle qu’on attend des #femmes qu’elles se transforment en infirmière quand leur conjoint est diminué par une #maladie, alors que clairement, on attend juste des hommes qu’ils se défaussent — une fois de plus — tout en geignant sur leur sort.
    #abandon
    💩

    L’état de santé de son épouse a semé le trouble dans leur vie de couple et a eu raison de l’amour qui existait entre eux. Yann Arthus-Bertrand, avec douleur, a énoncé la réalité de leur union depuis la maladie de sa femme. La maladie a changé le caractère de sa bien-aimée, la poussant à se refermer sur elle. Toutefois, il a accepté la situation et a fait preuve de compassion envers son ex-compagne.
    Un mari pas très présent ?

    Les propos de Yann Arthus-Bertrand étaient plein de culpabilité. Il a reconnu n’avoir pas été très présent pour sa femme depuis le début de la maladie. Selon lui, son épouse ne supportait plus son travail et elle se plaignait de ne pas recevoir l’attention qu’elle espérait. Aujourd’hui séparé de sa femme, le photographe se sent coupable d’abandon.