• Abeilles domestiques : #Bruxelles veut éviter la prolifération anarchique de ruchers
    https://www.rtbf.be/info/regions/detail_abeilles-domestiques-bruxelles-veut-eviter-la-proliferation-anarchique-d

    Au printemps, l’administration Bruxelles Environnement enlèvera les quelques ruchers qu’elle a en gestion dans les zones Natura 2000 de la Région. C’est la première mesure, symbolique, d’un plan nettement plus vaste de régulation de l’apiculture dans la capitale. L’étoile de l’abeille domestique aurait-elle pâli ? En tout cas, désormais, l’abeille mellifère n’est plus unanimement considérée comme l’icône de la biodiversité.

    Depuis dix ans, dans le monde entier, la communauté scientifique s’inquiète de la compétition entre abeilles domestiques et sauvages. "Il s’agit d’une concurrence sur les ressources alimentaires", pose Nicolas Vereecken, titulaire d’une chaire d’agroécologie à l’ULB. Une concurrence déloyale à en croire les scientifiques : nettement plus nombreuses et plus mobiles – elles butinent jusqu’à un kilomètre de la ruche - les abeilles domestiques s’approprieraient l’essentiel des ressources alimentaires.

    Voilà pour la théorie. Mais en pratique, cette concurrence s’applique-t-elle à la réalité bruxelloise ? Une bonne partie des apiculteurs bruxellois en doutent. « A Bruxelles, nous sommes 200 ou 300 apiculteurs à avoir une, deux ou trois ruches au fond du jardin ou dans le parc tout proche, affirme Yves Van Parys. Nous ne sommes pas de gros producteurs de miel. »

    Pour cet apiculteur qui exploite un rucher à Jette depuis 39 ans, il n’y a pas lieu de s’alarmer d’une prolifération de ruches, au contraire. « Ces trois dernières années, selon notre recensement, il y a plutôt une diminution du nombre de ruches à Bruxelles, de l’ordre de 30%. »

    Pourtant, selon Bruxelles Environnement et l’équipe de recherche de l’ULB, les premiers résultats d’analyse sur le terrain ne laissent aucun doute sur le fait que l’activité apicole se développe bel et bien à Bruxelles, au détriment de la préservation de la biodiversité et des 200 espèces d’abeilles sauvages recensées à Bruxelles.

    « Dans une ruche, vous avez plusieurs dizaines de milliers d’individus d’abeilles domestiques. A Bruxelles, les populations d’abeilles sauvages sont nettement minoritaires, on parle de quelques dizaines d’individus par espèce. Donc, forcément, celles qui sont surnuméraires ont un effet de dominance », explique Nicolas Vereecken.

    Qui dit vrai ? Bruxelles compte-t-elle trop d’abeilles ou trop peu ? Comment objectiver tout cela ? La Région voudrait réaliser un cadastre du nombre de ruches et de leur localisation par rapport aux espaces verts. Mais la tâche est titanesque.

    « Le milieu apicole est extrêmement opaque. Comme il n’est pas obligatoire de déclarer toutes les ruches installées sur le territoire à Bruxelles, il y a un flou artistique, en raison d’un manque de communication et de transparence », estime Nicolas Vereecken.

    Un premier pas a été franchi dans la bonne direction, mais il est insuffisant selon le scientifique : depuis septembre 2019, les apiculteurs ont l’obligation de se déclarer la commune à partir de trois ruches. Ceux qui en une ou deux, ce qui est fréquent, ont donc la possibilité de passer sous le radar.

    La nouvelle orientation prise par les autorités régionales déplaît à bon nombre d’apiculteurs. « Je suis inquiet pour l’abeille mellifère. Je suis inquiet pour l’apiculteur pédagogue et sensibilisateur », résume Yves Van Parys. L’abeille domestique, qui avait si bonne presse, doit aujourd’hui descendre de son piédestal.

    « Il y a eu un gros phénomène de mode depuis quinze ans, analyse Julien Ruelle, coordinateur de la stratégie pour les pollinisateurs au sein de Bruxelles Environnement. On a installé des ruches partout, y compris sur les toits d’entreprises et d’administrations, parce que c’était une solution facile qui donnait l’impression qu’on sauvait la planète très facilement. Aujourd’hui, on se rend compte que ce n’est pas aussi intuitif. Mettre des ruches ne favorise pas spécialement la biodiversité et peut même lui nuire. Alors, on revient un peu en arrière. Et c’est parfois difficile de revenir sur des certitudes qu’on avait il y a dix ans. »

    Certains apiculteurs abondent dans ce sens-là. "On s’est mis le doigt dans l’œil il y a 10 ans, reconnaît volontiers Marc Wollast. La direction prise est la bonne. Cela va plus loin que le simple principe de précaution", affirme l’apiculteur et coordinateur de l’association Apis Bruoc Sella.

    #abeilles #abeilles_domestiques #abeilles_mellifère #abeilles_sauvages #Ruches #apiculture #biodiversité #environnement #catastrophe #écologie #insectes #apiculture #miel

    • Mettre des ruches en ville ne favorise pas spécialement la biodiversité et peut même lui nuire
      L’abondance des abeilles domestiques diminuent la biodiversité.
      Ne pourrait on laisser ces petites bêtes en paix ?

  • Ce que les #abeilles murmurent à l’oreille des humains, par Raúl Guillén (Le Monde diplomatique, décembre 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/12/GUILLEN/58169
    #apiculture

    La plupart des apiculteurs des zones tempérées rencontrent de manière plus ou moins prononcée les mêmes difficultés. Mais ce n’est pour l’instant pas le cas partout, notamment en Australie, où la variété d’#abeilles_mellifères européenne a été introduite. Grâce à une stricte politique de contrôle douanier des espèces animales et végétales, le varroa n’a pas infesté les ruches du pays. En outre, les abeilles y conservent de grands espaces naturels. Résultat, les #apiculteurs n’enregistrent pas de pertes exceptionnelles, tandis que des essaims reviennent à l’état sauvage et colonisent certaines zones, au point que les abeilles sont même considérées maintenant comme une espèce invasive. Dans certains parcs protégés, des programmes d’éradication visent à lutter contre la concurrence qu’elles font, de par leurs choix de nidification, à des animaux autochtones.

    Dans le reste du monde, le nombre de #ruches a plus que doublé durant les cinquante dernières années, si bien que l’on compte aujourd’hui 83 millions de ruches sur l’ensemble du globe, contre 49 millions en 1961 (7). Même si le rythme de destruction des espaces sauvages ne faiblit pas, l’agriculture industrielle intensive ne s’est pas encore répandue aussi massivement, au détriment des habitats naturels, en Afrique subsaharienne et en Amérique tropicale que dans les zones tempérées. En outre, les variétés d’abeilles mellifères d’Afrique tropicale résistent mieux au varroa et sont capables de migrer quand le milieu devient défavorable. L’une de ces variétés (Apis mellifera scutelatta) fut ainsi introduite accidentellement en Amérique tropicale, où elle s’est aussi bien développée que dans sa région d’origine, remplaçant les variétés européennes introduites pendant la période coloniale.

    Dans ces régions foisonnent également les colonies sauvages. En Afrique du Sud par exemple, dans une zone moins propice que les forêts européennes pour les abeilles mellifères et dépourvue d’activité apicole, on a retrouvé des densités de 12,4 à 17,6 colonies par kilomètre carré. La même étude donnait pour l’Allemagne, où l’apiculture est bien répandue, des densités de 2,4 à 3,2 colonies par kilomètre carré, ce qui correspond à la densité de ruches tenues par des apiculteurs (8) et à la densité moyenne en Europe (9). À l’inverse, dans certaines régions des États-Unis, et notamment la Californie, on observe la quasi-disparition des colonies sauvages (10). Il apparaît presque certain que les seules abeilles mellifères qui y subsistent ont accompli un processus de domestication et dépendent entièrement des soins des êtres humains. Leur disparition comme espèce sauvage au moins dans une grande partie des régions tempérées et leur transformation en animaux d’élevage, incapables de survivre sans les humains, en dit long sur la perte de biodiversité provoquée par le développement et l’industrialisation de l’agriculture intensive. Tout autant que sur ce qui pourrait advenir dans les régions tropicales, où la destruction des espaces naturels continue à un rythme sans précédent.

    Raúl Guillén

    Journaliste et ouvrier apicole