• Les enfants perdus de Hollywood | Vanity Fair
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    Qu’ont pensé la famille et les amis quand, en 1966, Teri Shields a signé un contrat pour que son bébé apparaisse dans son premier spot de publicité ?

    Rien, à en croire Brooke – qui a relaté dans un livre son enfance très particulière (There was a litttle girl, Dutton, 2014, non traduit en français). « C’était elle et moi contre le monde entier, il n’y avait personne d’autre », se rappelle l’actrice à propos de son incontournable maman. Pas d’entourage affectif, un père fortuné qui souhaitait garder ses distances avec son ex-femme alcoolique et voyait leur ravissante petite fille comme un animal de foire. Très vite, Teri gagne sa vie en promenant la gamine de studio en studio.

    Avec son visage de porcelaine, Brooke Shields est, il est vrai, d’une « étonnante beauté ». C’est ce que songe aussitôt le cinéaste français Louis Malle quand il la remarque au cours des sélections pour le casting de son premier film américain, La Petite (1978). Le scénario décrit la relation trouble du photographe Ernest J. Bellocq, rendu fameux au début du XXe siècle par ses images des maisons closes de la Nouvelle Orléans, avec une prostituée de onze ou douze ans, Violet.

    « J’ai auditionné beaucoup de petites filles, mais j’avais vu Brooke Shields d’abord et j’en revenais toujours à elle, a confié le réalisateur (disparu en 1995) dans un livre d’entretiens. Depuis sa plus tendre enfance, elle était offerte aux regards, puisqu’elle était cover-girl.
    ...
    Je ne dis pas que c’est pareil, mais elle vendait son corps. Elle était psychologiquement assez forte pour dominer le rôle. Il y avait aussi, dans son étonnante beauté, quelque chose qui, dans le contexte de l’histoire, était à la fois perturbant et incroyablement touchant. Étant donné la complexité de son existence familiale, elle était très dure. À cause de cela, j’avais vite compris qu’il y avait, dans le personnage, une vulnérabilité qu’elle serait incapable d’exprimer, que je ne pourrais pas obtenir d’elle.
     »

    Chez Brooke Shields, la dureté ne découle pas seulement, en effet, de son apprentissage précoce : c’est aussi le résultat d’une situation familiale particulière. Il n’empêche, Louis Malle avait cerné sans le savoir la différence principale entre les enfants stars de jadis et ceux de l’ère contemporaine : des aspérités plus sensibles, des personnalités troublées.

    #cinéma #abus_de_mineurs #USA