• Remboursement des consultations de psychologue : une volonté d’« effacer Freud et cette place qu’il avait acquise dans l’histoire de notre temps »
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    Remboursement des consultations de psychologue : une volonté d’« effacer Freud et cette place qu’il avait acquise dans l’histoire de notre temps »
    Tribune
    Michel Normand Psychologue clinicien, psychanalyste, docteur en psychopathologie, ex-enseignant à la Faculté de psychologie de Nantes
    Les mesures de soutien psychique prévues pour aider les plus fragiles à faire face aux conséquences de la pandémie réduisent le praticien au rôle de technicien paramédical, s’insurge, dans une tribune au « Monde », le psychologue clinicien Michel Normand.
    Lors des Assises de la santé mentale [organisées en septembre 2021], on avait souligné les effets psychiques de la pandémie. Depuis, nous savons que ces bouleversements ont induit une augmentation de sujets anxieux, angoissés et déprimés. Ils ont pour corollaire le besoin de soin psychique, trop souvent restreint aux traitements pharmacologiques.Avec la mise en œuvre du « chèque psy » pour les étudiants, les pouvoirs publics avaient commencé à répondre à cette demande qui va de l’aide psychologique à la psychothérapie, en favorisant l’accès aux psychologues. En clôture de ces journées, le chef de l’Etat avait voulu aller plus loin en annonçant le remboursement par l’Assurance-maladie des consultations de psychologue. Ce qui est désormais effectif pour tous les Français dès l’âge de 3 ans.
    S’il faut saluer cette mesure attendue depuis des décennies, tant par les usagers que par la profession, celle-ci suscite néanmoins la défiance voire l’opposition de la plupart des psychologues. Loin d’être « une forme de paradoxe », pour reprendre la formule prononcée alors par le président Macron, cette opposition a sa justification et sa cohérence.
    En effet, cette prise en charge est prévue sous conditions : les patients seront adressés par prescription médicale dans le cadre d’un forfait de consultations. La première séance étant facturée 40 euros et les suivantes 30 euros chacune, le tout renouvelable l’année suivante, si besoin.
    Cette mesure ne fait que reprendre et étendre celle qui était en expérimentation depuis 2018 dans certains départements et qui avait déjà suscité les critiques des psychologues, qui dénoncent non seulement les conditions financières qui leur sont faites, mais aussi les principes et la méthode d’un tel dispositif.Les psychologues concernés doivent se soumettre d’abord à un cahier des charges, prévu par le ministère de la santé avec la direction générale de la santé, et s’engager ensuite par une convention avec la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM). Ce cahier des charges prévoit l’obligation d’en passer par une formation spécifique – véritable habilitation – et de se conformer strictement à la prescription du médecin (la convention CPAM précise que le psychologue ne doit pas faire la promotion d’un « dispositif qui lui est propre »).Le dispositif prévu est constitué d’une série d’étapes, dont la première est le passage obligé par le médecin, qui, à l’aide de questionnaires, évalue l’état du patient et le classe à partir d’un score obtenu sur des échelles chiffrées : dépression légère, modérée ou sévère. C’est à partir de cette grille de classements que le médecin prescrit au patient une psychothérapie de soutien ou une psychothérapie dite « structurée » et lui indique le psychologue répondant à la forme de psychothérapie qu’il a choisie.La psychothérapie est réduite à un traitement médical comme un autre. Ce qui revient à assujettir le psychologue à la tutelle médicale et à nier la spécificité de sa discipline, qui appartient aux sciences humaines. Chaque psychothérapie est prévue pour un nombre limité de séances et donne lieu à une évaluation réalisée par le psychologue selon les grilles de questions susnommées et transmises au « médecin évaluateur ». Bien que ces données soient confidentielles, elles entrent dans un dossier médical.Ainsi, par ce protocole, le psychologue est assigné à un rôle déterminé : celui d’un technicien paramédical exerçant sous le contrôle d’un médecin (généraliste ou psychiatre) et exécutant sa prescription selon les modalités que la médecine scientifique applique aux maladies organiques, en conformité avec les recommandations de la Haute Autorité de santé, qui prennent la forme d’injonctions. Nous sommes là devant l’aboutissement d’une volonté délibérée qui se manifeste depuis une vingtaine d’années, au gré de la succession des rapports sur la santé mentale et la psychiatrie. Au nom du « parcours de soins coordonnés », la psychothérapie est réduite à un traitement médical comme un autre. Ce qui revient à assujettir le psychologue à la tutelle médicale et à nier la spécificité de sa discipline, qui appartient aux sciences humaines. Il ne s’agit pas ici de la simple défense d’une corporation, mais de saisir la dimension politique et éthique qui est en jeu. Déjà, le passage obligé par le médecin, sa lourdeur administrative et le coût supplémentaire qu’il engendre (ajoutés à la faible rémunération du psychologue) sont autant d’obstacles à l’application de ces mesures.De plus, appliquées dans le domaine de la vie psychique, ces pratiques standardisées non seulement sont controversées, mais elles contreviennent à ses propres méthodes d’intervention. De plus, elles portent gravement atteinte à sa liberté et à la responsabilité de son action, comme à celles de la personne en souffrance, qui ne peut plus s’adresser au psychologue de son choix.Une telle conjoncture, si elle devait persister, sera fatale pour la découverte freudienne qu’est la thérapie par la parole. Celle qui engage autant celui qui parle que celui qui écoute, dans une relation qui ne peut être que particulière, en dehors de tout schéma préétabli. Il aura donc fallu le temps d’une génération pour que les décideurs politiques, administratifs et médicaux en viennent à effacer Freud et cette place qu’il avait pourtant acquise dans l’histoire de notre temps. Ce refoulement ne sera pas sans conséquences pour la population. Dans l’après-coup de la pandémie, attendons-nous à un retour de ce désir refoulé parmi les sujets parlants que nous sommes. Ce qui rend nécessaire plus que jamais la rencontre, l’écoute singulière de leurs souffrances et les retrouvailles avec le lien social dont la psychanalyse a dévoilé les fondements : ceux du rapport à l’autre qui constitue le « parlêtre », selon le beau mot de Jacques Lacan.
    Michel Normand(Psychologue clinicien, psychanalyste, docteur en psychopathologie, ex-enseignant à la Faculté de psychologie de Nantes)

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    • à partir du moment où des prestations sont remboursées par la sécu, donc par les cotisations des gens, c’est totalement normal que les praticiens payées comme ça soient conventionnés selon tel ou tel norme précis (après définir quels critères c’est autre chose, mais le fait même qu’illes doivent être conventionnés c’est normal), sinon n’importe quel charlatan (certains diraient, comme beaucoup de psys) pourraient se faire payer à l’œil comme ça

      tout comme si yavait une sécu sociale de l’alimentation, les producteurices payables avec cette sécu devraient être conventionnés (que du bio, etc, normes à définir collectivement), et non pas n’importe quel aliment