Un article de Sauvons La Recherche alertait déjà sur la direction prise :
Qu’attendre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Rien, ou pire encore ?
►http://sauvonslarecherche.fr/spip.php?article3741
Le Bilan
Ce secteur a été l’objet durant ces cinq années d’une “attention” toute particulière du gouvernement et du législateur et en ressort profondément transformé, voire traumatisé. Il s’est vu imposé un nouveau mode d’organisation dont le maître mot est la concurrence, imposée de manière systématique entre universités, organismes de recherche, laboratoires et même individus. [...] la loi #LRU (Liberté et responsabilité des universités) votée en 2007 a contraint les universités à se plier aux méthodes de management jusque là réservées au secteur marchand, en privant ses structures démocratiques et collégiales de tout véritable rôle dans la stratégie et les décisions. [...] L’ensemble du secteur est désormais jaugé au regard de critères de performance quantitatifs par une agence unique d’évaluation ( #AERES) qui échappe à tout contrôle académique. Véritable monstre bureaucratique censé tout évaluer, contrôler, noter, cette agence est devenue la pierre angulaire de cette entreprise de normalisation, au sens du programme néo-libéral, du secteur universitaire et de recherche. Bien qu’épargnées jusque là par la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, les institutions de recherche et d’enseignement supérieur n’en sortent pas moins financièrement exsangues. Ayant vu échapper une large part de leurs financements publiques au profit de l’ #ANR, cette agence de financement sous contrôle direct du ministère, elles n’ont eu qu’à gérer la pénurie [...]
Le changement
La loi LRU, pourtant largement contestée en 2009, ne sera pas abrogée . La vague de non-renouvellement de CDD qui traduit la volonté de l’Etat d’échapper aux mesures de CDIsation prévues par la loi Sauvadet, se poursuivra. L’AERES ne sera pas supprimée , même si ces missions pourraient être redéfinies, et L’ANR verra ses moyens administratifs renforcés. Les conventions #IDEX, qui entérinent les rapprochements forcés entre université dans des conditions frôlant parfois l’absurde, ne seront pas remises en cause, quand bien même auraient-elles été signées dans l’urgence à la veille des élections du printemps.
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En matière de financement des organismes de recherche et des universités, l’aggravation de la situation est explicitement programmée. Alors que les budgets sont déjà au plus bas - près d’un quart des universités afficheront des comptes en déficit cette année - le ministère de l’enseignement et de la recherche sera soumis, comme les autres, à une baisse de 7% de son budget de fonctionnement en 2013, puis de 4% pour les deux années suivantes, soit une baisse cumulée de plus de 15% qu’il convient de comparer avec la stagnation de ces mêmes budgets durant le quinquennat précédent
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La réalité de l’emploi dans son ensemble devrait être bien plus noire, si l’on intègre à cette analyse la baisse brutale de crédits de fonctionnement que les institutions devront absorber dans les années à venir. Pour les universités, déjà financièrement étranglées et devant faire face à de nombreuses dépenses contraintes, il n’y aura pas d’autre solution que de se délester massivement de milliers de précaires, dont le nombre total est estimé selon une étude récente [2] à plus de 40000 pour l’ensemble du secteur. Autre solution à laquelle elles ne pourront sans doute échapper, la transformation de postes de titulaires en crédit de fonctionnement selon le principe de comptabilité publique portant le doux nom de “fongibilité asymétrique” (la conversion inverse étant elle interdite). Les 5000 postes prétendument créés pourraient donc bien se traduire au final pour les postulants par un effondrement sans précédent des possibilités de recrutement.
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l’occasion de mener plus loin encore l’agenda des réformes d’inspiration néo-libérale inscrit depuis une quinzaine d’années dans les traités de #Bologne et Lisbonne. Adoptés sous le gouvernement #Jospin, ces traités visent à mettre l’enseignement supérieur et de la recherche au service de la compétitivité et de la croissance économique européenne. N’ayant d’autre modèle que celui du #marché, les rédacteurs de ces traités en appellent à la mise en concurrence des systèmes nationaux,
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Ces traités, régulièrement approfondis depuis, ont trouvé leur déclinaison nationale avec la loi pour l’innovation de C. #Allègre (1999), la réforme #LMD (2002), la loi pour la recherche (2006) , la loi LRU (2007), ainsi que les initiatives d’excellence (2010).
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Cette forme résiduelle de démocratie universitaire, même très limitée par le mode de scrutin qui l’encadre, entrave la transformation radicale dans les formes de gestion universitaire qu’appellent de leur voeux les “modernisateurs”. Face à cette situation créée par la loi LRU, Mme #Fioraso, dans un habile retournement argumentaire, critique le manque de collégialité et de démocratie dans les prises de décision et l’excessif pouvoir donné au président d’université, pour proposer la création d’un “ #sénat_académique ” afin, dit-elle, “de mieux distinguer ce qui relève de la stratégie scientifique de ce qui relève de la #gestion ” [3].
Faute de remettre en cause les pré-supposés de la loi LRU, à savoir que la gestion d’une université, son “ #pilotage ”, ne peut être confiée qu’à des managers professionnels, la ministre ne peut que proposer son approfondissement. Le choix des mots, et de l’expression “sénat académique” en particulier, n’est pas anodin. Il renvoie explicitement au modèle anglo-saxon dans lequel l’essentiel des décisions stratégiques, administratives, financières ou juridiques sont entre les mains d’un conseil d’administration resserré, composé exclusivement des représentants des donneurs d’ordre externes que sont les pouvoirs publics et les financeurs privés. Quant aux universitaires, ils n’interviennent qu’au travers d’un pléthorique sénat académique dont la responsabilité se limite aux affaires d’ordre… académique. Ce mode d’organisation, qui tend à se généraliser, était explicitement préconisé par une large partie de la droite lors du débat parlementaire en 2007 [4]. Par peur d’un rejet de la part des universitaires, le législateur lui avait préféré la solution intermédiaire - certains diront batarde - consistant à donner plus de poids au CA tout en conservant son caractère partiellement démocratique. En 2008, Gilbert Béréziat, ancien président de Paris 6, avait dit de la loi LRU qu’elle était une “loi de transition, non aboutie”. Il est probable que ce soit à la gauche socialiste que l’on doive in fine son aboutissement.