Plus de 10 000 Afghans vivant aux Etats-Unis pourraient être expulsés après la révocation de leur statut de protection
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Plus de 10 000 Afghans vivant aux Etats-Unis pourraient être expulsés après la révocation de leur statut de protection
Par Jacques Follorou
Pour Donald Trump, l’Afghanistan des talibans, mis au ban de la communauté internationale, est devenu un pays comme les autres. « Nous avons passé en revue la situation avec l’ensemble de nos partenaires gouvernementaux, elle s’est améliorée sur le plan de la sécurité et son économie s’est stabilisée », a estimé, lundi 12 mai, la ministre américaine de la sécurité intérieure, Kristi Noem. Cela justifie, selon elle, la révocation du statut de protection temporaire (TPS) de plus de 10 000 réfugiés afghans, dont beaucoup ont travaillé avec les Etats-Unis pendant les vingt ans de présence américaine sur le sol afghan. Cette décision entraîne une expulsion automatique, effective dès le 12 juillet.
Cette mesure vient s’ajouter à d’autres annonces visant, notamment, 124 000 Afghans lors de la suspension décrétée, le 27 janvier, par le président Trump, du programme de réinstallation des réfugiés, le temps, a-t-il dit, de réévaluer « l’intérêt des Etats-Unis ». Parmi eux figurent des mineurs non accompagnés en attente de retrouver leurs proches, des membres de familles de militaires américains et des Afghans menacés de représailles pour l’aide apportée à Washington pendant la guerre. Seuls ceux titulaires d’un visa spécial d’immigrant restent, en théorie, libres d’aller aux Etats-Unis, mais le département d’Etat ayant coupé le financement de leur transport depuis un pays tiers, les vols de 1 660 personnes ont été annulés en janvier.
La ministre a précisé que « cette révocation sert l’intérêt national puisque les données montrent que certains bénéficiaires de ce statut ont fait l’objet d’enquêtes pour fraude et menaces à notre sûreté publique et à notre sécurité nationale ». Si la suspension du programme de réinstallation des réfugiés fait l’objet de recours juridique devant les tribunaux, l’annulation du TPS ne semble pas, dans l’immédiat, susceptible d’être frappée d’appel.
Les autorités talibanes n’ont cessé, depuis leur retour au pouvoir, en août 2021, d’inviter leurs ressortissants vivant à l’étranger à rentrer en Afghanistan et de renforcer les entraves aux sorties du pays. Cette décision vient satisfaire les attentes des mollahs afghans dont le régime de terreur est régulièrement dénoncé par la communauté occidentale. Les pays autoritaires, Russie, Chine ou Iran, entretiennent des relations cordiales avec Kaboul.
De leur côté, les pays occidentaux renouent, discrètement, des contacts diplomatiques avec les talibans. Des ambassadeurs européens ou scandinaves se rendent régulièrement dans leur capitale. S’ils condamnent les atteintes aux droits humains, notamment faites aux jeunes filles et aux femmes, ils privilégient désormais un rapprochement au nom de la sécurité régionale et de la crainte de mouvements migratoires.
Cette décision s’inscrit, par ailleurs, dans un large mouvement de désengagement des Etats-Unis depuis la publication, le 20 janvier, d’un décret de Donald Trump instituant une pause de quatre-vingt-dix jours dans l’aide à l’étranger afin d’évaluer « son efficacité et sa cohérence avec la politique des Etats-Unis ». En Afghanistan, l’aide alimentaire d’urgence (nourriture, nutrition et soins de santé maternelle et infantile), le dépistage de la tuberculose, les programmes d’éducation pour les filles et les formations en ingénierie, artisanat ou agriculture pour celles-ci ont été stoppés. Seules les bourses aux étudiants afghans suivant des cours en ligne et à ceux inscrits dans des universités à l’étranger ont été maintenues.
Alors que Washington justifie la révocation du statut de protection temporaire des réfugiés par la normalisation du pays, la porte-parole du département d’Etat, Tammy Bruce, déclarait, le 8 avril, que la suppression des aides avait pour but d’« atténuer l’ingérence des talibans ». Elle s’appuyait sur les travaux de l’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan (Sigar) – chargé par le Congrès américain de veiller sur l’emploi des fonds publics –, indiquant, en mai 2024, qu’au moins 10,9 millions de dollars d’aides (9,8 millions d’euros) avaient été détournés, par la force, par les islamistes afghans. Entre la mi-2021 et le 31 mars, les Etats-Unis ont été, de loin, le principal bailleur de fonds de l’Afghanistan avec, selon le Sigar, 3,83 milliards de dollars d’aide humanitaire et au développement. Au cours du seul trimestre 2025, 120 millions de dollars ont encore été déboursés. Une manne qui a permis, selon la Banque mondiale, de stabiliser la monnaie et l’économie du régime taliban.
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