Atteindre Mossoul est un peu comme une plongée dans les profondeurs, avec une succession de paliers. En pénétrant dans la ville je réalise qu’elle a les siens propres.
Le premier palier se compose de maisons de deux étages, chacune avec son petit jardin ou garage, séparé de la rue par un portail de fer aux couleurs vives. Les enfants épient notre voiture des portes bleu-canard ou lie de vin, et des vieillards nous saluent, accroupis en petits groupes devant des portes dorées.
On en oublierait presque que nous entrons dans une zone de guerre. Mais en s’enfonçant dans le quartier, après avoir échangé notre 4x4 pour le Humvee blindé des CTS, et avoir enfilé le gilet pare-balles et coiffé un casque lourd, le décor devient plus militaire, et plus dangereux.
Le deuxième palier résonne du bourdonnement sourd des avions de guerre qui survolent la zone, et des unités irakiennes indisciplinées qui ont pris leurs quartiers dans des maisons abandonnées. Les corps en décomposition de combattants supposés de l’EI gisent recroquevillés dans des tranchées pendant des jours.
Les rares civils présents balaient le pas de leur porte. Un geste que j’ai trouvé absurde dans ce contexte. Mais plus je les ai regardés et mieux j’ai compris. C’était autant une tentative de revenir à une vie normale qu’une nécessité.
Umm Ahmad est rentrée chez elle avec son beau-frère après que les forces du CTS aient commencé à utiliser sa maison comme base avancée dans le quartier de Samah. Dans le bruit des obus de mortiers qui tombe alentour, elle dit préférer survivre dans Mossoul partiellement libérée plutôt que de se « retrouver dans un camp de réfugiés où je ne saurai pas ce qui m’attend moi et ma famille ».
Le troisième palier de Mossoul, notre destination finale, est la ligne de front, qui se déplace chaque jour de cinq à dix rues vers l’intérieur de la ville. Certains jours sont inhabituellement silencieux, les forces des CTS fortifiant leurs positions en préparation d’une nouvelle avancée au lever du jour le lendemain.