• Le nom de mon violeur est…
    TRADFEM / Il y a 10 heures

    Plus tôt cette semaine, une jeune anglophone québécoise a publié sur Facebook un long compte rendu de son vécu auprès d’un agresseur, soi-disant progressiste.

    Vu le courage de cette femme et la pertinence plusieurs égards de son récit, nous l’avons traduit ci-dessous.

    Il s’inscrit dans une dynamique propre à l’Amérique du Nord, dans le prolongement du mouvement #MeToo. Par exemple, on trouve actuellement 1 217 noms d’agresseurs-euses présumé-e-s énumérés sur le site https://www.dissonnom.ca, dont voici la présentation :
    Liste officielle des abuseuses et abuseurs présumés du Québec
    Dis Son Nom est un mouvement contre les inconduites sexuelles qui publie une liste de potentiel·le·s agresseurs·euses.
    Les objectifs sont de libérer la parole des victimes et protéger la société des prédateurs·rices allégué·e·s. Diffusée sur internet, la liste catégorise les inconduites en trois types, selon la gravité des gestes.
    Les noms sont recueillis selon des témoignages livrés par des victimes dans la messagerie privée de Dis Son Nom, sur Facebook et Instagram. Un protocole est suivi par les bénévoles et les victimes restent anonymes.
    Dis Son Nom est une des diverses facettes du mouvement de dénonciations de l’été 2020 sur les réseaux sociaux, avec d’autres groupes comme les Victims Voices. Après la réception de multiples mises en demeure, des procédures devant la cour civile ont été entamées contre Dis Son Nom et ses administrateurs·rices.
    Nous considérons qu’il s’agit d’une question de société sur laquelle la population est prête à se pencher, après des mouvements comme #agressionnondenoncee et #metoo. Cet état des faits concernant la culture du viol dépasse les histoires individuelles et appelle à une réflexion sérieuse sur les crimes à caractère sexuel.
    Dis Son Nom est l’expression d’une nouvelle façon que les victimes ont choisie pour prendre du pouvoir sur leur vie, via les réseaux sociaux. Nous répondons à leurs demandes et les soutenons du début à la fin, en leur ouvrant la porte vers le chemin de la guérison.

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    Lyn Lee
    Avertissement de contenu : Viol

    "Le nom de mon violeur est Marc Surprenant Desjardins .
    Il fréquente les espaces gauchistes (surtout francophones).
    Il m’a violée sur une période de 4 ans et a abusé de moi sexuellement, physiquement, financièrement et émotionnellement, cette violence affective n’ayant jamais cessé à ce jour.
    Il me violait fréquemment, qu’il soit sobre ou ivre. Je ne peux pas compter combien de ses actes ont eu lieu sans mon consentement.
    Il m’a violée alors que sa sœur était dans la pièce d’à côté, alors que nous faisions du camping dans une caravane.
    Il me forçait à l’appeler Maître et il disait aux gens que je le faisais. C’était humiliant et il aimait ça.
    J’allais avoir 19 ans et il en avait 26.
    Mon souvenir le plus marquant et le plus traumatisant, c’est une fois où je suis rentrée du travail et qu’il regardait le DVD d’un poète francophone, un écrivain nationaliste québécois (dont j’ai oublié le nom). Il a commencé à me traiter de « tête carrée » et m’a projetée contre un mur. J’ai été blessée à la tête et il a été envoyé en prison.
    Il prenait mes cartes de crédit et de débit et partait pendant des jours, me trompait et dépensait mon argent. C’est pourquoi aujourd’hui mon crédit est si mauvais. Il a ruiné mon nom de toutes les manières possibles.
    Un jour, il a refusé de se lever parce qu’il avait trop la gueule de bois et j’ai perdu la tête. J’étais tellement fatiguée et écoeurée ; j’avais aussi une dépression post-partum non diagnostiquée.
    Il m’a étranglée et m’a mordue au visage. Les voisins ont appelé les flics et il leur a dit que je m’étais fait ça toute seule. Le policier lui a dit qu’il était impossible que j’aie laissé des traces de morsure sur mon propre visage.
    Lorsque j’étais enceinte de 9 mois, mon amie est venue me rendre visite et il s’est exhibé devant elle. Elle m’a suppliée de le quitter. Je ne l’ai pas fait.
    Il a essayé de me lancer à la tête une botte à embout d’acier, il m’a manquée, en laissant un grand trou dans le mur. Je suis restée quand même.
    Ce ne sont que quelques-unes des choses qui me restent en mémoire aujourd’hui, mais la liste de ses transgressions est sans fin. Je l’ai toujours laissé revenir parce que je n’avais pas de réseau de soutien personnel.
    Lorsque je finissais par perdre la tête et me défendre, il disait à tout le monde que j’étais folle. Je l’ai cru parce que je me sentais hystérique et hors de contrôle. C’est vrai que j’agissais différemment. J’agissais vraiment comme « une folle ». J’envoyais des SMS de colère, je criais, je pleurais et j’essayais de reprendre un peu de contrôle, de toutes les manières possibles pour quelqu’un de mon âge. Je me disais que c’était ma faute.
    Lorsque la relation a finalement pris fin, il a emménagé presque immédiatement avec une femme qu’il venait de rencontrer et qui était vraiment instable. Je ne voulais pas qu’il emmène ma fille chez elle, j’avais tellement peur pour sa sécurité. La femme a traité ma fille d’ "attardée". Elle a poussé sa grand-mère dans les escaliers. Elle avait des chiens très agressifs. Il a ignoré toutes mes requêtes de ne pas l’emmener là-bas. Il m’a ensuite accusée d’essayer d’aliéner mon enfant et dit que j’étais simplement jalouse. J’avais alors 22 ans et j’avais déjà subi tellement d’agressions et de traumatismes. Je n’avais aucun soutien, aucune famille sur laquelle m’appuyer, et j’ai craqué. Tout ce qu’il m’a fait demeure en moi à ce jour. On m’a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique sévère et j’ai dû suivre de nombreux traitements avant de pouvoir entendre des sons forts et soudains sans tomber en crise.
    Plus récemment, il a menacé de faire expulser mon mari qui est sans-papiers. J’ai dû attendre que le statut d’immigration de mon mari soit régularisé cinq ans plus tard avant de pouvoir envisager de raconter mon histoire. Il a refusé que nous emmenions les enfants rendre visite à leurs grands-parents dans un autre pays et m’a fait menacer de cela dans le passé. Il s’en est servi pour m’intimider et me contrôler.
    Aujourd’hui, en plus des milliers de dollars qu’il me doit pour avoir volé mes cartes de crédit et avoir mis toutes les factures à mon nom, il me doit 20 000 $ en pension alimentaire, y compris les années où j’ai payé moi-même la garderie. Il m’a traitée de menteuse même en présence de reçus. Il a accepté de payer pour un rendez-vous chez le dentiste, et l’amener à le faire a vraiment été comme lui arracher des dents. Il bénéficie de l’aide sociale et travaille au noir pour échapper à ses dettes. Il nie tout cela à ce jour et je n’ai pas le droit d’en parler. Il refuse de reconnaître les torts extrêmes qu’il m’a causés. Il continue à me menacer et à m’intimider lorsque je ne fais pas ce qu’il veut que je fasse. Il nie tout.
    Lorsque la grande liste des agresseurs (Dissonnom.ca) a été publiée l’année dernière, il a dénoncé son ami « Marquis ». Une partie de moi espérait qu’il parlerait de ses propres transgressions envers d’autres femmes, mais il ne l’a jamais fait, alors je l’ai confronté en privé. Cela m’a donné du pouvoir. C’était la première fois qu’il me laissait parler de ce qu’il m’avait fait, et je sais que c’était parce qu’il avait peur de figurer sur cette liste. Le minimum de responsabilité qui m’a été accordé n’a pas duré longtemps, et son enfumage ( gaslighting ) n’a jamais vraiment cessé.
    Je regarde mon jeune moi et j’ai envie de l’embrasser. La vérité est que je tenais tellement à ce qu’il reconnaisse ce qu’il m’avait fait que je ne pensais pas pouvoir guérir sans qu’il assume cette responsabilité.
    J’ai décidé aujourd’hui, après avoir reçu de nouvelles menaces et subi des pressions, que je ne pouvais plus cacher ma vérité. Les mères acceptent si souvent des fardeaux émotionnels et financiers afin de maintenir la paix. J’ai essayé pendant longtemps d’avoir une relation pour satisfaire les autres, mais je ne dois aucun pardon à cet homme. Je ne lui pardonne pas.
    Je m’attends à une diffamation totale après avoir affiché ceci et je suis terrifiée ; j’ai peur d’être jugée et mise en doute. J’ai peur que les défauts de ma jeunesse soient utilisés contre moi puisque j’ai vu cet homme mener de celles campagnes contre d’autres. Je n’ai pas toujours été une victime passive, et je suis sûre que cela lui fournira d’excellentes munitions.
    C’est un soi-disant « féministe » et un gauchiste. Quand j’étais jeune, il me traitait de stupide parce que je ne connaissais pas l’histoire et la politique, comme lui. Il me disait que j’étais « inculte » et je le croyais.
    J’ai choisi d’omettre certaines des choses les plus crues qu’il m’a faites parce que je pense que cela fait plus de mal que de bien de les revivre. Je ne sais pas ce que j’attends de cette publication, mais à toutes les femmes qui m’ont parlé de lui au fil des ans et qui m’ont raconté leur propre histoire, je vous serai toujours reconnaissante de m’avoir aidée à trouver mon courage.
    Je commence à me pardonner. Je me pardonne d’avoir été jeune et de ne pas avoir su comment m’en sortir. Je me pardonne de m’être vengée. Je me pardonne de m’être traitée de folle et d’avoir été cruelle à mon égard parce que je pensais le mériter. Je me pardonne d’avoir attendu de me sentir prête pour en parler. Je me pardonne. C’est la chose la plus difficile que j’aie jamais faite."
    https://tradfem.wordpress.com/2021/08/19/le-nom-de-mon-violeur-est

  • #DisSonNom

    https://www.tvanouvelles.ca/2021/05/22/dis-son-nom-la-liste-des-presumes-abuseurs-est-de-retour-1

    https://www.facebook.com/dissonnom

    Des Québécoises ont innové en dressant depuis quelques semaines une liste détaillée des auteurs d’inconduites sexuelles allant de la drague lourde au viol. Les quelque 1 500 hommes (et quelques femmes) ainsi signalées ont vu leur nom affiché par ordre alphabétique sur le site Web « Dis Son Nom » ainsi que le nombre et le type de signalements de leurs actes, leur profession (beaucoup de proxénètes et d’enseignants), leur lieu d’exercice, etc.

    Les objectifs, écrivent les organisatrices, sont de libérer la parole des victimes et protéger la société des prédateurs•rices allégué•e•s.
    Diffusée sur internet, la liste catégorise les inconduites en trois types, selon la gravité des gestes.
    Les noms sont recueillis selon des témoignages livrés par des victimes dans la messagerie privée de Dis Son Nom, sur Facebook et Instagram. Un protocole est suivi par les bénévoles et les victimes restent anonymes.
    Dis Son Nom est une des diverses facettes du mouvement de dénonciations de l’été 2020 sur les réseaux sociaux, avec d’autres groupes comme les Victims Voices.
    Après la réception de multiples mises en demeure, des procédures devant la cour civile ont été entamées contre Dis Son Nom et ses administrateurs•rices.
    Nous considérons qu’il s’agit d’une question de société sur laquelle la population est prête à se pencher, après des mouvements comme #agressionnondenoncee et #metoo.
    Cet état des faits concernant la culture du viol dépasse les histoires individuelles et appel à une réflexion sérieuse sur les crimes à caractères sexuels.
    Dis Son Nom est l’expression d’une nouvelle façon que les victimes ont choisie pour prendre du pouvoir sur leur vie, via les réseaux sociaux.
    Nous répondons à leurs demandes et les soutenons du début à la fin, en leur ouvrant la porte vers le chemin de la guérison.

    Une des organisatrices, Delphine Bergeron, a été interviewée dans un grand média qui a relayé l’URL de la liste, affichée sur un site dédié et sur quelques réseaux sociaux. Des hommes ont fait retirer leur nom, d’autres menacent d’intenter des poursuites, plusieurs chouinent énergiquement au nom de leur présomption d’être protégés par la justice... - mais beaucou de femmes ont écrit être heureuses de voir des voisins, collègues, patrons et vedettes du milieu artistique dénoncés de la sorte.

  • LE COURAGE DE DÉNONCER
    http://plus.lapresse.ca/screens/fb82298a-9b94-4301-a29e-04f1ab43cba3%7C_0

    En entamant une discussion sur ce sujet, Alexa Conradi aimerait qu’on reconnaisse que, contrairement à la croyance populaire, les agresseurs ne sont pas des « monstres ». Le plus souvent, ce sont des gens « ordinaires » que l’on connaît bien. Des pères, des chums, des amoureux, nourris aux stéréotypes sexistes.

    Elle aimerait aussi que l’on rappelle que la prévention de la violence ne repose pas uniquement sur les épaules des filles. Cela a beaucoup à voir avec la façon dont on élève nos garçons, dans le respect de valeurs égalitaires.

    *

    En observant les réactions suscitées par l’affaire Ghomeshi, je me suis demandé pourquoi les réactions avaient été plutôt timides du côté francophone, où la campagne #BeenRapedNeverReported n’a eu que très peu d’échos. Jusqu’à présent, les tentatives de donner un pendant francophone à cette initiative ont eu l’air de minuscules gouttes d’eau à côté du torrent anglophone. Cela pourrait changer cette semaine, car la Fédération des femmes du Québec, en collaboration avec Je suis indestructible, compte lancer officiellement aujourd’hui la campagne #AgressionNonDénoncée.

    On peut d’emblée expliquer cette différence dans les réactions par le fait que Jian Ghomeshi était très connu au Canada anglais et beaucoup moins chez les francophones. Mais la théorie des deux solitudes ne dit peut-être pas tout.

    Pour l’historienne Yolande Cohen, des raisons plus profondes expliquent ce silence. Comme si, malgré toutes les campagnes de prévention, la question des agressions sexuelles demeurait particulièrement taboue au Québec, même dans les cercles féministes.

    « Ce qui est curieux, c’est que le féminisme québécois a beaucoup insisté sur la victimisation des femmes, mais pas celle-là », note l’historienne.

    Ce qui domine le féminisme au Québec, c’est une vision matérialiste de l’émancipation des femmes, rappelle-t-elle. Cela a permis d’importantes avancées. Mais cela ne suffit pas. Tant que la question des agressions sexuelles sera un sujet privé, le problème restera entier. « Il n’y aura pas d’émancipation s’il n’y a pas de dénonciation. »