• #Simon_Springer : « A un moment donné, il faut juste dire "#fuck !" au #néolibéralisme dont la fonction première est de créer des #inégalités »

    Pour cet activiste du quotidien, lire #Kropotkine et #Reclus, c’est revenir aux sources de la géographie comme de l’#anarchisme. La #géographie_radicale propose de penser toutes les histoires, en s’éloignant du seul point de vue anthropocentrique. Cela inclut l’histoire des animaux, des plantes… Et surtout la prise en compte des #interactions et des #coopérations.

    L’affiche ressemble à s’y méprendre à celle de la tournée d’un groupe de hard rock. Si Simon Springer est bien fan de ce genre musical, les 28 dates du tour d’Europe qu’il a honorées avant l’été ont invité le public non pas à des concerts, mais à des conférences autour de son dernier ouvrage, Pour une géographie anarchiste (Lux éditeur, 2018). Professeur depuis 2012 à l’université de Victoria, au Canada, il rejoindra en septembre l’université de Newcastle, en Australie. Géographe radical, spécialiste de la pensée anarchiste et du Cambodge, Simon Springer se présente comme athée, végan, pacifiste, « straight edge » (sous-culture punk qui bannit la consommation de psychotropes) et « super-papa ». Cet activiste du quotidien revient pour Libération sur la nécessité d’une lutte à petits pas afin d’enrayer toute forme de domination.

    Qu’est-ce qu’est une géographie anarchiste ?

    Les systèmes de hiérarchie et de domination qui structurent nos vies découlent d’un apprentissage. Devenir anarchiste, c’est les désapprendre. J’ai trois enfants, qui détiennent de manière inhérente beaucoup de valeurs anarchistes. Ce sont mes plus grands professeurs. La géographie est un champ très vaste qui va de la géographie physique à la géographie humaine. Si vous revenez à Pierre Kropotkine et Elisée Reclus, aux sources de la géographie comme de l’anarchisme, il n’y a pas de séparation claire. Doreen Massey, une géographe radicale britannique, considère que la géographie raconte l’histoire, les histoires. Il s’agit de penser toutes les histoires collectées, pas uniquement d’un point de vue anthropocentrique. Cela inclut l’histoire des animaux, des plantes, et toutes les interconnexions qui font de la Terre ce qu’elle est.

    On ne conçoit pas l’espace de manière générale, mais de manières particulières, au pluriel. Doreen Massey considère que les lieux forment des constellations, comme un squelette des interconnexions que nous expérimentons. Cet ensemble de relations sociales, politiques et économiques est en évolution permanente. Il y a la grande histoire, et il y a le canevas des petites histoires. Rien n’est figé, accompli.
    En quoi l’anarchisme et ses idées permettent-ils de repenser notre rapport à l’espace et aux histoires des uns et des autres ?

    L’anarchisme est une manière d’être au monde, une question de liberté, d’émancipation. Dès lors qu’il y a une forme de hiérarchie, il y a un positionnement critique à avoir, et pas uniquement au sujet des relations que les humains ont entre eux. La pensée des Lumières a longtemps positionné l’homme au sommet de l’évolution des espèces. Chez Kropotkine et Reclus, dès le XIXe siècle, il s’agit de lui redonner une juste place : non pas supérieur, mais simplement existant aux côtés des autres espèces vivantes. Kropotkine pensait la mutualisation, la collaboration et la réciprocité à l’échelle de l’évolution entière. Afin de s’opposer au darwinisme, interprété comme une nécessaire compétition et la suprématie d’une espèce sur une autre, il souligne qu’un autre pan de la pensée de Darwin met en avant l’interdépendance des êtres vivants. Le processus d’évolution est lié à cela : certaines espèces survivent uniquement en vertu des liens qu’elles ont avec d’autres. Cette perspective permet de réimaginer la notion de survie, en réorientant la lecture de Darwin de la seule compétition à la coopération. L’anarchisme est aussi une question d’association volontaire et d’action directe. La première relève du choix, du libre arbitre, la seconde en découle : nous n’avons pas besoin d’attendre que des leaders élus, qu’une avant-garde, que quelqu’un d’autre nous autorise à repenser nos vies si nous avons envie de le faire. Selon Doreen Massey, il s’agit d’influer sur l’histoire, sur les histoires, pour qu’elles correspondent plus à nos désirs, nos intérêts et nos besoins.
    En quoi cette pensée peut-elle être actuelle ?

    Oppression raciale, violence d’Etat, violence capitalistique : les formes de violence dues aux hiérarchies se multiplient et se perpétuent aujourd’hui. L’anarchisme est beaucoup plus large que le proudhonisme originel. Il ne s’agit pas seulement d’une remise en cause de l’Etat, de la propriété, mais de toutes les formes de domination, en terme de genres, de sexualités, de races, d’espèces. L’anarchisme doit contribuer à forger une autre forme d’imagination, plus large, à mettre en avant les connexions entre les êtres plutôt que de leur assigner des étiquettes.
    Vous avez écrit un pamphlet intitulé « Fuck neoliberalism » (1), littéralement, « emmerdons le néolibéralisme »…

    A un moment donné, il faut juste dire « fuck it ! » [« merde ! », ndlr]. Car on a beau étudier dans le détail le fait que le marché avantage certains et en désavantage d’autres, un grand nombre de gens continueront de ne pas se sentir concernés. Donc il faut dire stop et s’atteler à renverser la tendance. Le capitalisme est fondé sur la domination, sa fonction première est de produire des inégalités. Dans ce système, certains réussissent, les autres restent derrière. En tant qu’universitaires, combien d’articles devrons-nous encore écrire pour dénoncer ses méfaits à tel endroit ou sur telle population ?

    C’est une provocation pour attirer l’attention sur le problème plutôt que de continuer à tourner autour. C’est le texte le plus lu de ma carrière. Il porte un message profondément anarchiste. Or, la réponse à cet article a été massivement positive dans le monde universitaire. Peut-être car le terme d’« anarchisme » n’apparaît jamais. La plupart des gens qui ont intégré des principes anarchistes à leur vie quotidienne ne l’identifient pas nécessairement comme tel. La coopération, la réciprocité, l’aide mutuelle, tout le monde les pratique chaque jour avec ses amis, sa famille. Lancer un jardin partagé, rester critique face à ses professeurs, interroger l’individualisme qui va de pair avec le néolibéralisme, cela fait partie d’une forme d’éthique de la vie en communauté. Nous sommes tous coupables - moi compris - de perpétuer le système. L’un des piliers du néolibéralisme est cette volonté de se focaliser sur l’individu, qui entraîne une forme de darwinisme social, les « tous contre tous », « chacun pour soi ».
    Vous évoquez un activisme de la vie quotidienne. Quel est-il ?

    L’activisme ne se résume pas à être en tête de cortège, prêt à en découdre avec la police. Il passe par des gestes très quotidiens, ce peut être de proposer à vos voisins de s’occuper de leurs enfants un après-midi. A Victoria, il existe un groupe de « mamies radicales » qui tricotent des vêtements pour les sans-abri. Mieux connaître ses voisins, aider quelqu’un à traverser la route, lever les yeux de nos téléphones ou débrancher notre lecteur de musique et avoir une conversation avec les gens dans le bus ou dans la rue : ces choses très simples font peser la balance dans l’autre sens, permettent de court-circuiter l’individualisme exacerbé produit par le néolibéralisme. Si vous vous sentez de manifester contre le G20, très bien, mais il faut également agir au quotidien, de manière collective.

    Une des meilleures façons de faire changer les gens d’avis sur les migrants est de leur faire rencontrer une famille syrienne, d’engager un échange. Frôler leur situation peut être le moyen de réhumaniser les réfugiés. Cela implique d’avoir un espace pour enclencher cette conversation, un lieu inclusif, libre des discours haineux. En s’opposant au nationalisme, l’anarchisme encourage le fait de penser le « non-nationalisme », de regarder au-delà des réactions épidermiques, d’élargir le cercle de nos préoccupations et notre capacité à prendre soin de l’autre, à se préoccuper de l’humanité entière.
    Cet ethos permet-il de lutter contre la violence institutionnelle ?

    Je me considère pacifiste, mais ça ne veut pas dire que les gens ne devraient pas s’opposer, lutter, pratiquer l’autodéfense. Pour moi, l’anarchisme est fondamentalement non-violent - un certain nombre d’anarchistes ne sont pas d’accord avec cela. Un système de règles et de coercition est intrinsèquement violent. L’Etat revendique le monopole de cette violence. Quand des groupes d’activistes, d’anarchistes ou n’importe qui s’opposent à l’Etat, c’est un abus de langage d’appeler cela de la violence. C’est un moyen pour l’autorité de discréditer la dissidence. Si l’Etat revendique le monopole de la violence, acceptons-le en ces termes. La violence est répugnante, vous en voulez le monopole ? Vous pouvez l’avoir. Mais alors n’appelez pas « violence » notre réponse. Le but d’un anarchiste, d’un activiste, ce n’est pas la domination, la coercition, mais la préservation de son intégrité, la création d’une société meilleure, de plus de liberté. L’autodéfense n’est pas de la violence.
    D’une certaine façon, un Black Bloc ne serait pas violent, selon vous ?

    Chaque Black Bloc, dans un contexte donné, peut être motivé par de nombreuses raisons. Mais de manière générale, je ne crois pas que son objectif soit la violence. La première raison pour laquelle le Black Bloc dissimule son visage, c’est parce qu’il ne s’agit pas d’intérêts individuels, mais d’un mouvement collectif. La majorité des médias parle du Black Bloc uniquement en terme de « violence », or c’est d’abord une forme de résistance, d’autodéfense, non pas uniquement pour les individus qui forment à un moment le Black Bloc, mais une autodéfense de la communauté et de la planète sur laquelle nous vivons. Qu’est-ce que va changer, pour une banque, une vitrine brisée, très vite remplacée ? Condamner la violence des Black Blocs, ça permet d’occulter la violence de la police, vouée à la domination, la coercition, la suppression de la liberté de certains individus dans le seul but de préserver la propriété d’une minorité puissante.

    (1) « Fuck le néolibéralisme », revue Acme, 2016, en libre accès sous Creative Commons sur www.acme-journal.org

    https://www.liberation.fr/debats/2018/08/20/simon-springer-a-un-moment-donne-il-faut-juste-dire-fuck-au-neoliberalism

    #géographie_anarchiste #hiérarchie #domination #histoire #histoires #espace #liberté #émancipation #mutualisation #réciprocité #collaboration #darwinisme #compétition #interdépendance #survie #association_volontaire #action_directe #choix #libre_arbitre #violence #imagination #fuck #fuck_it #capitalisme #domination #aide_mutuelle #individualisme #darwinisme_social #chacun_pour_soi #tous_contre_tous #activisme #résistance #non-nationalisme #nationalisme #pacifisme #autodéfense #non-violence #dissidence #monopole_de_la_violence #coercition #Black_Bloc #violence_institutionnelle

    • Pour une géographie anarchiste

      Grâce aux ouvrages de David Harvey, Mike Davis ou même Henri Lefebvre, on connaît aujourd’hui la géographie radicale ou critique née dans le contexte des luttes politiques des années 1960 aux États-Unis et qui a, comme le disait Harvey, donné à Marx « la dimension spatiale qui lui manquait ». Dans ce livre, Simon Springer enjoint aux géographes critiques de se radicaliser davantage et appelle à la création d’une géographie insurrectionnelle qui reconnaisse l’aspect kaléidoscopique des espaces et son potentiel émancipateur, révélé à la fin du XIXe siècle par Élisée Reclus et Pierre Kropotkine, notamment.

      L’histoire de l’humanité est une longue suite d’expériences dans et avec l’espace ; or aujourd’hui, la stase qui est imposée à ces mouvements vitaux, principalement par les frontières, menace notre survie. Face au désastre climatique et humain qui nous guette, il est indispensable de revoir les relations que nous entretenons avec le monde et une géographie rebelle comme celle que défend Springer nous libérerait du carcan de l’attentisme. Il faut se défaire une bonne fois pour toutes des géographies hiérarchiques qui nous enchaînent à l’étatisme, au capitalisme, à la discrimination et à l’impérialisme. « La géographie doit devenir belle, se vouer entièrement à l’émancipation. »

      https://luxediteur.com/catalogue/pour-une-geographie-anarchiste

      #livre

  • Quelle #hospitalité est encore possible aujourd’hui ?

    À partir de quelques traits saillants de la définition de l’hospitalité, une analyse des pratiques d’hospitalité à l’épreuve du contexte politique actuel.

    Il existe plusieurs manières de définir l’hospitalité et l’une d’elles consiste à y voir un rapport positif à l’étranger. Autant dire un contre-courant radical des tendances du moment. L’action des gouvernements récents relèvent davantage d’une police des populations exilées, érigée en #politique mais qui précisément n’a rien de politique. Il s’agit d’une gestion, souvent violente et toujours anti-migratoire, des personnes, pour reprendre une idée empruntée à Étienne Tassin.

    Certes il existe une opposition à cette #gestion, mais elle ne forme pas un ensemble homogène. Elle est au contraire traversée de tensions et de conflits qui trouvent leurs racines dans des conceptions, moyens et temporalités différentes. Ce champ conflictuel met régulièrement en scène, pour les opposer, le milieu militant et les collectivités territoriales, pourtant rares à être volontaires pour entreprendre des #politiques_d’accueil*.

    L’#inconditionnalité de l’#accueil et la #réciprocité dans l’hospitalité sont deux piliers de ces pratiques. Elles nous aident à comprendre certaines tensions et certains écueils. Prenons-les pour guides dans une analyse des pratiques actuelles dites d’hospitalité, qu’elles soient privées ou institutionnelles.

    Inconditionnalité

    L’hospitalité se définit notamment par son inconditionnalité. Elle prévoit donc d’accueillir toute personne, quelle qu’elle soit, d’où qu’elle vienne et quelle que soit la raison de sa présence.

    Il est d’ailleurs intéressant de voir combien, dans la diversité des traditions d’hospitalité, cette question de l’origine de la personne accueillie est très différemment traitée. Certaines traditions interdisent simplement de questionner l’étranger·e accueilli·e sur qui ielle est et d’où ielle vient ; d’autres au contraire le prévoient, sans que cela conditionne ou détermine les modalités de l’hospitalité. Dans ce cas-là, il s’agit plutôt d’une pratique d’ordre protocolaire.

    Aujourd’hui, l’équivalent de cette question porte, outre le pays d’origine, sur le statut administratif de la personne accueillie, c’est-à-dire sur la légalité ou non de son séjour sur le territoire. Le pays d’origine nourrit un certain nombre de préjugés que peuvent refléter les offres d’hospitalité privée quand les volontaires à l’accueil expriment une préférence en matière de nationalité. Ces #préjugés sont très largement nourris par la médiatisation comme le révèlent les contextes de 2015 au plus fort de l’exil des Syrien·nes ou plus récemment à la fin de l’été 2021 après la prise de pouvoir par les Talibans à Kaboul. La médiatisation des crises façonne la perception des personnes en besoin d’hospitalité au point parfois de déterminer l’offre. Le #statut_administratif conditionne de façon plus significative l’accueil et il peut devenir un critère ; autant du côté des collectifs citoyens d’accueil que des institutions dont les moyens financiers sont généralement conditionnés par le profil du public bénéficiaire et la régularité du statut.

    Qui organise aujourd’hui un accueil inconditionnel ?

    Une enquête récente (dont quelques résultats sont publiés dans cet article : https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2021-3-page-65.htm) montre que les institutions et les collectivités territoriales rencontrent des contraintes qui entravent la mise en œuvre d’un accueil inconditionnel : la #catégorisation des publics destinataires distingués bien souvent par leur statut administratif et les territoires d’intervention en font partie. Les #collectifs_citoyens étudiés dans cette enquête réussissent à mettre ces contraintes à distance. Il faut préciser qu’à leur création, tous ne s’inscrivent pas dans un choix clair et conscient pour l’accueil inconditionnel mais c’est la pratique et ce qu’elle leur permet de comprendre du traitement administratif des populations exilées qui produit cet effet de mise à distance des contraintes. Le lien personnel créé par l’accueil explique également qu’il se poursuit au-delà des limites dans lesquelles le collectif s’est créé (statut administratif ; temporalité). Plusieurs collectifs montrent qu’un accueil inconditionnel a été effectivement mis en pratique, non sans débat, gestion de désaccords et disputes parfois, et grâce aux moyens à la disposition du collectif, à la capacité d’invention de ses membres et à l’indignation générée par le traitement administratif et politique des personnes et de la migration en général.

    Réciprocité

    « L’hospitalité, quoique asymétrique, rime avec réciprocité » (Anne Gotman)

    La réciprocité est un autre des éléments constitutifs fondamentaux de l’hospitalité. Comme le souligne #Anne_Gotman (Le sens de l’hospitalité), l’hospitalité pour s’exercer doit résoudre la contradiction entre la nécessaire réciprocité et l’#asymétrie évidente de la situation entre un besoin et une possibilité d’offre. Et c’est le décalage dans le temps qui permet cela : la réciprocité est mise en œuvre par la promesse d’accueil. On accueille inconditionnellement parce que tout le monde a besoin de savoir qu’ielle pourra être accueilli·e, sans faille, lorqu’ielle en aura besoin. Si l’on admet de considérer l’hospitalité comme une pratique de #don, la réciprocité est le #contre-don différé dans le temps.

    Cette interdépendance tient à un contexte où les circulations humaines et les voyages dépendaient de l’hospitalité sans laquelle il était impossible de trouver à se loger et se nourrir. Il s’agissait bien souvent d’un enjeu de survie dans des environnements hostiles. Si chacun·e a besoin de pouvoir compter sur l’hospitalité, chacun·e accueille. Aujourd’hui pourtant, la répartition des richesses et des pouvoirs au niveau global fait que ceux et celles qui voyagent n’ont plus besoin de l’hospitalité parce que cette fonction est devenue marchande et les voyageurs achètent l’« hospitalité » dont ielles ont besoin ; ce qui alors lui retire toute valeur d’hospitalité. Cette réalité crée une asymétrie, abyssale en réalité. Elle tire ses origines des fondations du capitalisme qui a construit l’Europe comme centre global et a posé les bases de la puissance et de la modernité occidentales.

    Aujourd’hui et dans le contexte français, cette asymétrie se retrouve dans une distribution de positions : celles et ceux qui sont les acteurs et actrices de l’hospitalité ne s’inscrivent plus dans ce système d’interdépendance dans lequel se situait l’hospitalité, ou se situe encore dans d’autres régions du monde. Ielles accueillent pour d’autres raisons. La #rencontre est souvent évoquée dans les enquêtes ethnographiques parmi les motivations principales des personnes engagées dans l’accueil des personnes venues chercher un refuge. Pourtant les personnes accueillies ne sont pas forcément dans cette démarche. Au contraire, parfois, elles se révèlent même fuyantes, renfermées par besoin de se protéger quand elles ont été abîmées par le voyage. Cette soif de rencontre qui anime les personnes offrant leur hospitalité n’est pas toujours partagée.

    Dans ce contexte, nous comprenons que l’hospitalité telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui autour de nous, et du fait de l’asymétrie des positions, pose une relation d’#aide. Or celle-ci est elle-même fortement asymétrique car elle peut se révéler prolonger et reproduire, dans une autre modalité, la relation de #domination. La #relation_d’aide est dominante quand elle ne conscientise pas l’asymétrie justement des positions et des moyens des personnes qu’elle met en jeu. Elle sortira de cet écueil de prolonger la domination en trouvant une place pour la réciprocité. C’est #Paulo_Freire qui nous a appris que l’#aide_authentique est celle qui permet à toutes les personnes impliquées de s’aider mutuellement. Cela permet que l’acte d’aider ne se transforme pas en domination de celle ou celui qui aide sur celle ou celui aidé·e.

    Pour éviter de rejouer une relation de domination, l’hospitalité qu’elle soit privée ou institutionnelle doit trouver ou créer un espace pour l’#aide_mutuelle. Dans les pratiques actuelles de l’hospitalité, les situations d’asymétrie sont nombreuses.

    Les deux parties réunies autour la pratique de l’accueil ne disposent pas d’une répartition égale de l’information sur chacune. En effet, les personnes accueillies disposent généralement de très peu, voire pas du tout, d’information sur les personnes qui les accueillent. Alors que les hébergeur·ses connaissent les nom, prénom, date de naissance et pays d’origine, et parfois des détails du parcours de la personne qu’ielles accueillent. Cette asymétrie de connaissance organise bien différemment la rencontre, en fonction du côté duquel on se trouve. Sans information, ce sont les représentations déjà construites qui s’imposent et plusieurs personnes accueillies témoignent de la peur qu’elles ont à l’arrivée, à la première rencontre, une peur du mauvais traitement qui peu à peu cède la place à l’étonnement face à la générosité, parfois à l’abnégation, des personnes accueillantes. On comprend qu’il contraste fortement avec les représentations premières.

    Une autre asymétrie, créant une forte dépendance, repose sur le fait de posséder un #espace_intime, un #foyer. Les personnes accueillies n’en ont plus ; elles l’ont perdu. Et aucun autre ne leur est offert dans cette configuration. En étant accueilli·es, ielles ne peuvent se projeter à long terme dans un espace intime où ielles peuvent déposer leur bagage en sécurité, inviter des ami·es, offrir l’hospitalité. L’#hébergement est généralement, au moins au début, pensé comme #temporaire. Ielles n’ont pas la maîtrise de leur habitat d’une manière générale et plus particulièrement quand des heures d’entrée et de sortie de l’habitation sont fixées, quand ielles ne disposent pas des clés, quand ielles ne sont pas autorisé·es à rester seul·es.

    Enfin cette relation dissymétrique s’exprime également dans les #attentes perçues par les personnes accueillies et qui sont ressenties comme pesantes. Le récit de soi fait partie de ces attentes implicites. Les personnes accueillies parlent de peur de décevoir leurs hôtes. Ielles perçoivent l’accueil qui leur est fait comme très fragile et craignent de retourner à la rue à tout moment. Cette #précarité rend par ailleurs impossible d’évoquer des choses mal comprises ou qui ne se passent pas bien, et ainsi d’éluder des malentendus, de s’ajuster mutuellement.

    Cette asymétrie finalement dessine les contours d’une relation unilatérale de l’accueil [peut-on encore parler d’hospitalité ?]. Les personnes et les entités (les institutions qu’elles soient publiques – collectivités territoriales – ou privées – associations) qui organisent une offre d’hospitalité, ne laissant pas de place à la réciprocité. Cela signifie que cette offre produit de la #dépendance et une grande incertitude : on peut en bénéficier quand l’offre existe mais on est dépendant de son existence. Par exemple, certains dispositifs publics ont des saisonnalité ; ils ouvrent, ils ferment. De même que l’hospitalité privée peut prendre fin : les collectifs citoyens peuvent se trouver à bout de ressources et ne plus pouvoir accueillir. Ou de manière moins absolue : les règles de l’accueil, dans le cas de l’hébergement en famille, sont fixées unilatéralement par les personnes qui accueillent : les heures d’arrivée et de retour ; les conditions de la présence dans le foyer etc. Cette asymétrie nous semble renforcée dans le cas de l’hospitalité institutionnelle où l’apparition du lien personnel qui peut produire de la réciprocité par le fait de se rendre mutuellement des services par exemple, a plus de mal à trouver une place.

    On le voit, il est nécessaire d’imaginer la forme et les modalités que pourraient prendre la réciprocité dans le cadre de l’hospitalité institutionnelle où elle ne peut surgir naturellement, mais également s’assurer qu’elle trouve un espace dans les initiatives citoyennes.

    Michel Agier voit dans le #récit_de_soi, livré par les personnes accueillies, une pratique de la réciprocité. L’accueil trouvé auprès d’une famille ou d’un foyer par une personne venue chercher un refuge en Europe ce serait le don. L’histoire de son exil racontée à ses hôtes serait le contre-don. Pourtant une analyse différente peut être faite : dans ces circonstances, le récit entendu par les hôtes relève d’une injonction supplémentaire adressée aux personnes venues chercher un refuge. Qu’elle soit implicite ou ouvertement exprimée, cette injonction structure la relation de domination qu’ielles trouvent à leur arrivée. C’est pourquoi le #récit ne peut représenter cette réciprocité nécessaire à l’instauration de l’égalité.

    La place de la réciprocité et l’égalité dans les relations qui se nouent autour des actes d’hospitalité se jouent à n’en pas douter autour des représentations de personnes auxquelles ces pratiques s’adressent : les discours dominants, qu’ils soient médiatiques ou politiques, construisent les personnes venues chercher un refuge comme des #victimes. S’il serait injuste de ne pas les voir comme telles, en revanche, ce serait une #instrumentalisation de ne les voir que par ce prisme-là. Ce sont avant tout des personnes autonomes et non des victimes à assister. L’#autonomie respective des protagonistes de l’acte d’hospitalité ouvre l’espace pour la réciprocité.

    #Politisation

    Le 21 décembre 1996, au Théâtre des Amandiers de Nanterre où avait été organisée une soirée de soutien à la lutte des « sans papiers », #Jacques_Derrida s’émeut de l’invention de l’expression « #délit_d’hospitalité » et appelle à la #désobéissance_civile. Suite à l’adoption d’une loi qui prévoit un tel délit et des sanctions jusqu’à l’emprisonnement, le philosophe invite à défier le gouvernement en jugeant librement de l’hospitalité que nous voulons apporter aux personnes irrégularisées. Avec cet appel, il transforme une opposition binaire qui mettait face à face dans ce conflit l’État et des immigré·es, en un triangle avec l’intervention des citoyens. Il appelle à la politisation de l’hospitalité.

    De son côté, Anne Gotman reconnaît le sens politique de la sphère privée quand elle devient refuge. Cette politisation s’exprime également par la mutation du geste d’hospitalité initial qui est action #humanitaire et d’#urgence à la fin de l’été 2015, quand les citoyen·nes ouvrent leur maison, offrent un lit et un repas chaud. En réalité, ielles créent les conditions d’un accueil que l’État se refusent à endosser dans l’objectif de dégrader les conditions de vie des personnes venues chercher un refuge pour les décourager. L’action citoyenne est de ce point de vue une #opposition ou une #résistance. Cette #dimension_politique devient consciente quand les citoyen·nes côtoient le quotidien des personnes en recherche de refuge et découvrent le traitement administratif qu’ils et elles reçoivent. Cette découverte crée une réaction d’#indignation et pose les bases d’actes de résistance conscients, de l’ordre de la #désobéissance.

    –-

    * Ceci dit, l’association des villes et territoires accueillants, l’ANVITA, a vu récemment le nombre de ses adhérents considérablement augmenter : en novembre 2021, elle compte 52 membres-villes et 46 membres élu·es.

    –-> Intervention présentée à la semaine de l’Hospitalité, organisée entre le 13 et le 23 octobre par la métropole du Grand Lyon

    Références :

    – « Philosophie /et/ politique de la migration », Étienne Tassin, éditions Raison publique, 2017/1 n°21, p197-215

    – Le sens de l’hospitalité. Essai sur les fondements sociaux de l’accueil à l’autre, Anne Gotman, PUF 2001

    – Lettres à la Guinée-Bissau sur l’alphabétisation : une expérience en cours de réalisation, Paulo Freire, Maspero, 1978

    – Hospitalité en France : Mobilités intimes et politiques, Bibliothèque des frontières, Babels, Le passager clandestin, 2019, coordonné par Michel Agier, Marjorie Gerbier-Aublanc et Evangéline Masson Diaz

    – « Quand j’ai entendu l’expression “délit d’hospitalité”… », Jacques Derrida, Intervention retranscrite, 21/12/1996 au Théâtre des Amandiers ; http://www.gisti.org/spip.php?article3736

    https://blogs.mediapart.fr/modop/blog/221121/quelle-hospitalite-est-encore-possible-aujourd-hui

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  • Organizing amidst Covid-19


    Organizing amidst Covid-19: sharing stories of struggles
    Overviews of movement struggles in specific places

    Miguel Martinez
    Mutating mobilisations during the pandemic crisis in Spain (movement report, pp. 15 – 21)

    Laurence Cox
    Forms of social movement in the crisis: a view from Ireland (movement report, pp. 22 – 33)

    Lesley Wood
    We’re not all in this together (movement report, pp. 34 – 38)

    Angela Chukunzira
    Organising under curfew: perspectives from Kenya (movement report, pp. 39 – 42)

    Federico Venturini
    Social movements’ powerlessness at the time of covid-19: a personal account (movement report, pp. 43 – 46)

    Sobhi Mohanty
    From communal violence to lockdown hunger: emergency responses by civil society networks in Delhi, India (movement report, pp. 47 – 52)
    Feminist and LGBTQ+ activism

    Hongwei Bao
    “Anti-domestic violence little vaccine”: a Wuhan-based feminist activist campaign during COVID-19 (movement report, pp. 53 – 63)

    Ayaz Ahmed Siddiqui
    Aurat march, a threat to mainstream tribalism in Pakistan (movement report, pp. 64 – 71)

    Lynn Ng Yu Ling
    What does the COVID-19 pandemic mean for PinkDot Singapore? (movement report, pp. 72 – 81)

    María José Ventura Alfaro
    Feminist solidarity networks have multiplied since the COVID-19 outbreak in Mexico (movement report, pp. 82 – 87)

    Ben Trott
    Queer Berlin and the Covid-19 crisis: a politics of contact and ethics of care (movement report, pp. 88 – 108)
    Reproductive struggles

    Non Una Di Meno Roma
    Life beyond the pandemic (movement report, pp. 109 – 114)
    Labour organising

    Ben Duke
    The effects of the COVID-19 crisis on the gig economy and zero hour contracts (movement report, pp. 115 – 120)

    Louisa Acciari
    Domestic workers’ struggles in times of pandemic crisis (movement report, pp. 121 – 127)

    Arianna Tassinari, Riccardo Emilia Chesta and Lorenzo Cini
    Labour conflicts over health and safety in the Italian Covid19 crisis (movement report, pp. 128 – 138)

    T Sharkawi and N Ali
    Acts of whistleblowing: the case of collective claim making by healthcare workers in Egypt (movement report, pp. 139 – 163)

    Mallige Sirimane and Nisha Thapliyal
    Migrant labourers, Covid19 and working-class struggle in the time of pandemic: a report from Karnataka, India (movement report, pp. 164 – 181)
    Migrant and refugee struggles

    Johanna May Black, Sutapa Chattopadhyay and Riley Chisholm
    Solidarity in times of social distancing: migrants, mutual aid, and COVID-19 (movement report, pp. 182 – 193)

    Anitta Kynsilehto
    Doing migrant solidarity at the time of Covid-19 (movement report, pp. 194 – 198)

    Susan Thieme and Eda Elif Tibet
    New political upheavals and women alliances in solidarity beyond “lock down” in Switzerland at times of a global pandemic (movement report, pp. 199 – 207)

    Chiara Milan
    Refugee solidarity along the Western Balkans route: new challenges and a change of strategy in times of COVID-19 (movement report, pp. 208 – 212)

    Marco Perolini
    Abolish all camps in times of corona: the struggle against shared accommodation for refugees* in Berlin (movement report, pp. 213 – 224)
    Ecological activism

    Clara Thompson
    #FightEveryCrisis: Re-framing the climate movement in times of a pandemic (movement report, pp. 225 – 231)

    Susan Paulson
    Degrowth and feminisms ally to forge care-full paths beyond pandemic (movement report, pp. 232 – 246)

    Peterson Derolus [FR]
    Coronavirus, mouvements sociaux populaires anti-exploitation minier en Haïti (movement report, pp. 247 – 249)

    Silpa Satheesh
    The pandemic does not stop the pollution in River Periyar (movement report, pp. 250 – 257)

    Ashish Kothari
    Corona can’t save the planet, but we can, if we listen to ordinary people (movement report, pp. 258 – 265)
    Food sovereignty organising

    Dagmar Diesner
    Self-governance food system before and during the Covid-crisis on the example of CampiAperti, Bologna (movement report, pp. 266 – 273)

    URGENCI
    Community Supported Agriculture is a safe and resilient alternative to industrial agriculture in the time of Covid-19 (movement report, pp. 274 – 279)

    Jenny Gkougki
    Corona-crisis affects small Greek farmers who counterstrike with a nationwide social media campaign to unite producers and consumers on local level! (movement report, pp. 280 – 283)

    John Foran
    Eco Vista in the quintuple crisis (movement report, pp. 284 – 291)
    Solidarity and mutual aid

    Michael Zeller
    Karlsruhe’s “giving fences”: mobilisation for the needy in times of COVID-19 (movement report, pp. 292 – 303)

    Sergio Ruiz Cayuela
    Organising a solidarity kitchen: reflections from Cooperation Birmingham (movement report, pp. 304 – 309)

    Clinton Nichols
    On lockdown and locked out of the prison classroom: the prospects of post-secondary education for incarcerated persons during pandemic (movement report, pp. 310 – 316)

    Micha Fiedlschuster and Leon Rosa Reichle
    Solidarity forever? Performing mutual aid in Leipzig, Germany (movement report, pp. 317 – 325)
    Artistic and digital resistance

    Kerman Calvo and Ester Bejarano
    Music, solidarities and balconies in Spain (movement report, pp. 326 – 332)

    Neto Holanda and Valesca Lima [PT]
    Movimentos e ações político-culturais do Brasil em tempos de pandemia do Covid-19 (movement report, pp. 333 – 338)

    Margherita Massarenti
    How Covid-19 led to a #Rentstrike and what it can teach us about online organizing (movement report, pp. 339 – 346)

    Dounya
    Knowledge is power: virtual forms of everyday resistance and grassroots broadcasting in Iran (movement report, pp. 347 – 354)
    Imagining a new world

    Donatella della Porta
    How progressive social movements can save democracy in pandemic times (movement report, pp. 355 – 358)

    Jackie Smith
    Responding to coronavirus pandemic: human rights movement-building to transform global capitalism (movement report, pp. 359 – 366)

    Yariv Mohar
    Human rights amid Covid-19: from struggle to orchestration of tradeoffs (movement report, pp. 367 – 370)

    Julien Landry, Ann Marie Smith, Patience Agwenjang, Patricia Blankson Akakpo, Jagat Basnet, Bhumiraj Chapagain, Aklilu Gebremichael, Barbara Maigari and Namadi Saka,
    Social justice snapshots: governance adaptations, innovations and practitioner learning in a time of COVID-19 (movement report, pp. 371 – 382)

    Roger Spear, Gulcin Erdi, Marla A. Parker and Maria Anastasia
    Innovations in citizen response to crises: volunteerism and social mobilization during COVID-19 (movement report, pp. 383 – 391)

    Breno Bringel
    Covid-19 and the new global chaos (movement report, pp. 392 – 399)

    https://www.interfacejournal.net/interface-volume-12-issue-1

    #mouvements_sociaux #résistance #covid-19 #confinement #revue #aide_mutuelle #Espagne #résistance #Irlande #Kenya #impuissance #sentiment_d'impuissance #faim #violence #Delhi #Inde #féminisme #Wuhan #Pakistan #PinkDot #LGBT #Singapour #solidarité_féministe #solidarité #Mexique #care #Berlin #Allemagne #queer #gig_economy #travail #travail_domestique #travailleurs_domestiques #Italie #Egypte #travailleurs_étrangers #Karnataka #distanciation_sociale #migrations #Suisse #route_des_Balkans #Balkans #réfugiés #camps_de_réfugiés #FightEveryCrisis #climat #changement_climatique #décroissance #Haïti #extractivisme #pollution #River_Periyar #Periyar #souveraineté_alimentaire #nourriture #alimentation #CampiAperti #Bologne #agriculture #Grèce #Karlsruhe #Cooperation_Birmingham #UK #Angleterre #Leipzig #musique #Brésil #Rentstrike #Iran #droits_humains #justice_sociale #innovation #innovation_sociale

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    • The #Banker_Ladies tells the stories of Ginelle, Aisha and Mabinty, three Black women in #Toronto creating diverse financial services for their communities through #Rotating_Saving_and_Credit_Associations (#ROSCA).

      Known by cultural names these self-managed money collectives function at the intersection of the social and business and are fundamentally anchored in reciprocity, trust and community development. Based on professor Caroline Shenaz Hossein’s research, the film posits that there is a Black Social Economy in which ROSCAs are at its very core. Though hidden in the social economy ROSCAs contribute to Canada’s legacy of mutual aid and economic cooperation.

      #finance #femmes #femmes_noires #réciprocité #film #film_documentaire #aide_mutuelle #coopération_économique #Black_Social_Economy #intersectionnalité

    • The Black Social Economy in the Americas. Exploring Diverse Community-Based Markets

      This pioneering book explores the meaning of the term “Black social economy,” a self-help sector that remains autonomous from the state and business sectors. With the Western Hemisphere’s ignoble history of enslavement and violence towards African peoples, and the strong anti-black racism that still pervades society, the African diaspora in the Americas has turned to alternative practices of socio-economic organization. Conscientious and collective organizing is thus a means of creating meaningful livelihoods. In this volume, fourteen scholars explore the concept of the “Black social economy,” bringing together innovative research on the lived experience of Afro-descendants in business and society in Argentina, Brazil, Canada, Colombia, Guyana, Haiti, Jamaica, and the United States. The case studies in this book feature horrific legacies of enslavement, colonization, and racism, and they recount the myriad ways that persons of African heritage have built humane alternatives to the dominant market economy that excludes them. Together, they shed necessary light on the ways in which the Black race has been overlooked in the social economy literature.

      https://www.palgrave.com/gp/book/9781137602787
      #livre